[Assemblée nationale;} ARCHIVES PAftLÈMENTÀIRES. [lS juillet 1790.] @1 ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. C.-F. DE BONNAY. Séance du jeudi i5 juillet 1790, au soir (1). Là séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. Diijponi (de Nemours ), secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 13 juillet ati soir*. La rédaction en est adoptée. M. Robespierre, secrétaire , se dispose à donner lëctlire des adresses; M. Delley-d’Agier. Je réclame l’exécutioti du décret par lequel vous avez décidé que, dans cette séance, vous ne vous occuperiez due du commerce de l’Inde. M. Ràul Nairac, député de Bordeaux, remet à MM. les trésoriers des dons patriotiques quatre lettre� de change sur Paris, montant à la somme de 2,899 liv. 10 sols, qui ont été envoyées par la municipalité de Bordeaux pour l’acquittement d’un don patriotique fait par le régiment de la garde nationale de Saint-Remi. M. le Président. L’Assemblée passe à son ordre dü jour qui est la suite de la discussion sur là liberté du commerce de l'Inde. M. Malortet (2). Messieurs, trois séances consacrées à la discussion 4e la question que vous allez décider, en ont presque épuisé les détails ; et je me serais abstenu de Vous soumettre mon opinion, si elle ne différait de toutes celles qui vous ont été proposées. On vous a dit tout ce qui pouvait justifier et combattre l’avis de votre comité, sur la détermination exclusive du port de Lorient pour les retours de l’Inde. Les graîids principes du commerce, ses vrais intérêts, vousontété développés contraditoirement aux intérêts des armateurs ; et c’est un armateur, un négociant distingué, qui a rendu cet hommage à l’intérêt général. Cependant, Messieurs, eh adoptant les principes de M. Bégouen, je combattrai quelques-unes de ses observations. Convaincu comme lui de la nécessité de restreindre dans l’intérieur du royaume la consommation des marchandises de l’mde, celle d’en favoriser la réexportation ne m’est pas moins démontrée. Avant d’arriver au dernier terme de mon opinion, j’abrégerai peut-être la discussion, en résumant succinctement les raisons qui vous ont été présentées pour et contre l’établissement d’un seul entrepôt. Celui du retour libre dans tous les ports a été principalement appuyé sur les principes de la liberté indéfinie qu’on fait résulter de votre premier décret. Ainsi, les principes généraux nous égarent quelquefois dans l’application qu’on en fait, et leurs conséquences les plus naturelles en (1) Cette séance est incomplète au Moniteur ; (t) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. Maîouet. apparence peuvent nous conduire à dés résultats dangereux, parce qu’il ri’y a qu’un petit nombre de vérités absolues et immuables, parce que la multitude de faits, d’incidents, de circonstances, qui composent les relations de la société, de la politique et du commerce, commandent la modification des principes. Ainsi, l’homme doit être libre, c’est le vœu de la nature ; mais la loi vient ensuite déterminer l’usage de sa liberté, et la souveraineté des droits naturels fléchit sous le joug des lois. La liberté du commerce ne peut donc s’étendre d’une manière absolue, non seulement pour le commerce de l’Inde, mais même pour aucun autre; et lorsqu’on vous cite la grande et sage maxime: Laissez faire , laissez passer , comme la base de la prospérité commerciale, il faut l’entendre de tout ce qui augmente le travail, l’activité et l’industrie nationales, et elle se concilie alors avec l’autre maxime, non moins raisonnable : Empêchez, fermez la porte à tout ce qui peut diminuer la subsistance et le salaire de vos ouvriers nationaux, en diminuant leur travail ; car dix millions de Français n’ont pas d’autres ressources, et une journée perdue pour eux coûte 10 millions à l’Etat. Quelque séduisantes que puissent être les théories contraires à celle-là, gardons-nous de les adopter, tantqueles contributions publiquesenlèveront aux citoyens plus d’une portion de leur superflu; la nécessité d’une forte imposition dans les grands Etats de l’Europe a créé celle des lois prohibitives, et c’est de la sagesse de leurs combinaisons que dépendent les moyens de payer l’impôt, et les succès de l’industrie nationale. Qu’avez-vous donc enlendu, Messieurs, en établissant la liberté du commerce de l’Inde? Vous avez dit: « Il existe un genre de trafic préjudiciable à nos manufactures, mais que nous ne pouvons entièrement proscrire; ce commerce procure des bénéfices de revente, de frêt et de commission à ceux qui s’y livrent. Une compagnie en a le monopole ; détruisons le monopole, et que tous les armateurs puissent participer à ces profits. » Voilà l’esprit de votre décret. — Mais vous avez dû vous réserver toutes les dispositions nécessaires pour limiter la consomation des marchandises de l'Inde, qui sont en concurrence avec celles de vos fabriques. Ici l’on affecte de confondre les intérêts du fisc avec ceux dont iis représentent la garde, les intérêts des manufactures ; et l’on vous dit, avec une sorte de reproche : « Pourriez-vous bien sacrifier à la crainte de perdre une portion misérable de la recette du fisc, les avantages incalculables d’une libre industrie, qui forment seuls le Trésor national ? » J’ai répondu à cette objection, et je ne la reproduis sous une nouvelle forme que pour montrer qu’elle n’aurait pas même besoin de réponse. Mais il n’est pas inutile de vous rappeler qu’une des plus savantes opérations de Colbert, celle qui contribua le plus à la restauration du commerce, fut son tarif des droits de traite, et que, sous cette apparence fiscale qu’après lui l’avidité et l’ignorance du gouvernement ont quelquefois réalisée, on y retrouve des précautions importantes en faveur de toutes nos fabriques, et même pour la sauté publique, dans la combinaison des droits sur l’entrée des drogues médicinales. On vous a dit aussi, Messieurs, en revenant sur votre premier décret, et en le mettant en contradiction avec celui que vous propose le comité :