370 [Assemblée nationale.] de se rendre à l’instant à l’Assemblée. Nous ayons cru qu’il était de notre devoir de leur rendre un compte sommaire des différentes mesures prises Ëar l’Assemblée pour la tranquillité publique. t nous leur avons indiqué en même temps, comme une disposition propre à calmer le peuple, d’afficher à la porte de l’Hôtel de Ville et sur le perron le décret portant qu’ils étaient mandés et d’annoncer également d’une façon sommaire les décrets que vous avez rendus jusqu’à ce moment pour rétablir le calme et prendre les mesures que les circonstances exigeaient. Nous avons remarqué d’une manière frappante, dans le peuple qui nous a accompagné dans notre aller et rhrns le retour; nous y avons remarqué très sensiblement, à travers le chagrin, à travers la douleur profonde qui paraît empreinte sur tous les visages, les dispositions très visibles de paix et d’union et des marques d’une entière et pleine confiance dans l’Assemblée nationale. Nous n’avons vu la tranquillité publique troublée par aucun cri, par aucun mot de division, nous avons recueilli personnellement, sur toute notre route, comme membres de l’Assemblée nationale, des témoignages évidents de respect et de confiance. Nous avons également invité M. de Gouvion, commandant en second de la garde nationale, qui pourra nous donner des détails par lui-même sur ce qui s’est passé depuis quelque temps et surtout sur ce qui s’est passé cette nuit. Nous l’avons invité, hlis-je, à nous accompagner et nous nous sommes rendus ici. Nous ne craignons pas de vous dire, Messieurs, au nom de tous les citoyens qui nous ont accompagné que vous pouvez en toute sûreté prendre toutes les précautions, toutes les mesures que votre prudence, votre patriotisme, votre courage vous suggéreront ; vous pouvez être assurés que tous les citoyens vous seconderont de leur zèle. 11 n’y a point de circonstances peut-être où ils aient marqué une soumission plus entière, un attachement plus complet à l’Assemblée nationale. M. le commandant va vous rendre compte de l’état des choses. M. le Président. M. le commandant général a la parole. M. de La Fayette se lève. Plusieurs membres : A la tribune 1 M. de La Fayette (à la tribune). L’Assemblée nationale a été instruite de l’attentat que les ennemis du bien public, dans la coupable espérance de compromettre la liberté française, ont commis la nuit dernière contre le roi et une partie de sa famille. M. le maire a pensé qu’il convenait que M. de Gouvion, à qui la garde des Tuileries était confiée, vous rendît compte des circonstances qui lui sont connues. Je vous propose de l’entendre; je dirai seulement, si l’Assemblée veut l’admettre à la barre, que je prends sur moi seul toute la responsabilité d’un officier dont le zèle et le patriotisme me sont tout aussi connus que le mien propre. ( Applaudissements .) M. le Président. L’Assemblée veut-elle que M. de Gouvion soit entendu? (Oui! oui!)... Huissiers, faites entrer M. de Gouvion. M. de Lia Fayette. M. Duport a rendu compte [21 juin «91.] à l’Assemblée des dispositions dans lesquelles il a trouvé le peuple de la capitale ; qu’il me soit permis d’ajouter que celles qu’a montrées la garde nationale, dans cette occasion, me sont la plus grande preuve que le peuple français est digne de la liberté et que rien ne pourra l’en priver. (. Applaudissements .) (M. de Gouvion est introduit à la barre.) M. le Président. Monsieur de Gouvion, l’Assemblée vous accorde la parole pour que vous lui donniez communication des détails qui sont à votre connaissance. (Un profond silence règne dans l’Assemblée.) ( M. de Gouvion. Messieurs, je demanderai à l’Assemblée nationale la permission de taire dans ce moment-ci le nom de quelques personnes sur la conduite desquelles je pourrai déposer dans un autre temps ( Mouvement à gauche) ; cependant si l’on croit que la connaissance de ces noms puisse être utile à la tranquillité publique, je suis disposé à les donner, quoique j’aie promis de garder le secret. Samedi, veille de la Pentecôte, un commandant de bataillon de la garde nationale vint me prévenir qu’on lui avait annoncé qu’il y avait dans le château des Tuileries des projets de fuite de la part de la reine qui se proposait d’enlever M. le Dauphin et Mme Royale; ce commandant me donna quelques détails et me dit qu’il tenait ce fait d’une personne sûre. Je lui dis que l’affaire était trop sérieuse pour qu’on pût se fier à la parole d’un tiers ; que je désirais voir la personne qui lui avait donné les renseignements, que cela était absolument indispensable; que du reste la personne pouvait être sûre du secret et que je ne la compromettrais pas. Le lendemain, jour de la Pentecôte, nous fûmes voir cette personne : elle me dit qu’il y avait dans le château un corridor conduisant à l’appartement de M. de Yillequier ; que c’était par là que la reine voulait s’échapper et qu’on avait fait faire des doubles clefs des portes qu’il ferme. Je donnai ensuite rendez-vous au commandant de bataillon chez M. le commandant général ; nous nous y rendîmes ; je l’instruisis des faits qui étaient parvenus à ma connaissance et il me recommanda de redoubler de zèle et de vigilance. Sous différents prétextes, je retins chez moi 20 officiers de la garde nationale qui furent chargés de se promener toute la nuit dans les cours et dans le jardin. Le lundi, le mardi, le mercredi et le jeudi, on m’a confirmé ces premiers renseignements et on est toujours entré dans des détails plus précis. On ne m’a pas parlé du roi dans ces circonstances-là. On ne nra parié que de la reine et de Monsieur le Dauphin. On m’avait indiqué que la porte par où on devait sortir était celle de M. de Villequier, et conséquemment je puis prouver que tous les jours j’ai toujours eu 5 officiers delà garde nationale chargés de veiller cette porte-là particulièrement. Vendredi, le frère de la même personne qui m’avait donné les renseignements est venu chez moi et m’a tout confirmé. Je lui ai dit : « J’ai promis le secret à votre sœur ; priez-la de me délier de mon secret pour que je puisse aller en faire part à M. le maire et qu’il prenne les précautions nécessaires. » Je n’ai pas revu cette personne-là. Samedi soir, un grenadier volontaire de la garde nationale est venu chez moi et m’a dit : ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] 374 Je sors du comité des recherches où j’ai fait à M. de Sillery telle déclaration. C’était mot à mot ce qui m’avait été dit. Comme il était très tard, je suis allé le lendemain chez M. le maire et chez M. le commandant général pour faire part de la dénonciation qui avait été faite au comité des recherches, et d’après laquelle ce comité leur donnerait probablement des ordres. Hier matin, les inquiétudes augmentant de ma art, je me rendis chez M. le maire qui rassem-la les officiers du tribunal de police. Je priai M. le maire de m’envoyer deux de ces messieurs au comité des recherches, de leur dire que j’étais sûr que samedi dernier ils avaient reçu cette dénonciation et que je croyais qu’ils auraient dû en faire part à M. le maire et à M. le commandant général. Ces messieurs sont allés au comité des recherches à une heure et n’ont trouvé personne : Ils y sont retournés à 9 ou 10 heures du soir et n’ont trouvé cette fois que M. de Lapparent. Vers les onze heures du soir, je reçus un nouvel avis relativement à cette évasion ; je chargeai quelqu’un de confiance d’en donner communication à M. le maire. Celui-ci fit venir le commandant général, qui, sur ses ordres, se rendit aux Tuileries. J’ai donné, en présence de M. le commandant général, des ordres pour que toutes les portes et grilles du château fussent exactement fermées à l’exception de la porte de la cour des princes; deux commandants de bataillon, un capitaine, un aide-major de la garde nationale et un officier d’une compagnie du centre ont veillé toute la nuit dans la cour du château devant la porte par où l’évasion devait avoir lieu : ils n’ont vu sortir personne. Ce n'est que ce matin que j’ai reçu la nouvelle du départ du roi, par la même personne qui m’avuit instruit du projet, et elle m’indiqua que le roi était sorti précisément par la porte dont il est question. Je répondis que cela était impossible ; que j’étais absolument sûr du contraire parce que toute la garde certifiera que toute la nuit il y a eu cinq officiers devant cette porte et que moi-même j’y suis allé. Voilà, Messieurs, tout ce que j’ai à vous dire. M. Fréteau-Saint-Just, au nom des trois commissaires chargés de recevoir les députations. Il s’est présenté jusqu’ici deux députations; l’une de la part d’une section de Paris qui envoyait vérifier un fait important : nous avons rendu compte aux députés de la fausseté du fait, du moins tel qu’il a été présenté dans cette section ; l’autre députation est composée de deux membres du département de Paris, envoyés par lui pour vous communiquer un arrêté qu’il a pris ce matin relativement à la sûreté des Tuileries et du Luxembourg, et aux mesures qui peuvent être utiles dans les circonstances actuelles; leurs députés sont dans la salle de la députation; si l’Assemblée ordonne qu’ils soient entendus, M. le président voudra bien en donner l’ordre. M. le Président. Si personne ne s’y oppose, je vais donner des ordres pour qu’on introduise la députation. ( Oui ! oui ! ) (La députation du département de Paris est introduite à la barre.) M. Garnier, membre du département . Monsieur le Président, Messieurs, le conseil du département s’est hâté de se rassembler et a pris sur-le-champ l’arrêté suivant qu’il nous a chargé d’apporter à l’Assemblée nationale. DÉPARTEMENT DE PARIS. Extrait du registre des délibérations du département de Paris. (Du 21 juin 1791.) « Sur la proposition d’un de ses membres, le département, attendu le départ du roi et de toute la famille royale, a arrêté que la municipalité de Paris fera apposer sur-le-champ les scellés sur les appartements du château des Tuileries et du Luxembourg, qu’elle fera faire les perquisitions nécessaires pour connaître par quelles issues la famille royale a été enlevée; qu’elle tiendra aux arrêts, jusqu’à nouvel ordre, tous ceux qui demeurent dans l’intérieur du château des Tuileries, et qu’elle les fera interroger ; que la municipalité donnera des ordres nécessaires pour fermer toutes les issues de Paris, et veiller à ce que personne n’en sorte aujourd’hui. « Arrête, en outre, qu’un de ses membres se transportera, sur-le-champ, à l’Assemblée nationale, pour l’informer de ces mesures. « Pour copie conforme à l’original . <> Signé : Blondel, secrétaire. » Le conseil du département a cru devoir étendre sa surveillance sur un objet très important : c’est sur le moulin à poudre d’Essonne; mais cet établissement étant hors de son arrondissement, il a cru devoir avertir le ministre de donner des ordres pour y mettre une garde suffisante. Au surplus, Messieurs, nous sommes rassemblés pour attendre les ordres de l’Assemblée. M. le Président répond : L’Assemblée nationale, satisfaite de votre zèle et persuadée que vous partagez ses regrets, se repose avec sécurité sur les mesures que vous inspirera votre patriotisme dans ces circonstances, et vous engage à retourner à votre poste. M. d’André. 11 faut que l’Assemblée approuve cet arrêté qui est très bon. ( Oui ! oui ! ) (L’Assemblée décrète unanimement qu’elle approuve l’arrêté du directoire du département de Paris.) M. l’abbé Sieyès. La maison où se tient l’assemblée du département est très éloignée. Ne trouveriez-vous pas convenable que le département fût autorisé à tenir ses séances dans un des bureaux contigus à la salle de l’Assemblée. L’exécution de nos décrets serait beaucoup plus prompte et la correspondance du directoire avec vous plus immédiate et plus facile. (La motion de M. l’abbé Sieyès est adoptée.) M. Bailly, maire de Paris, monte à la tribune et dit : Messieurs, je n’ai rien à ajouter aux détails qui vous ont été donnés par M. de Gouvion. Je ne puis qu’en confirmer une partie qui est à ma connaissance. Il y a eu entre lui et moi une relation de différents avis, que nous recevions et que nous vous communiquions ce matin encore. A une heure du matin, nous ne nous sommes retirés qu’après avoir pris les précautions, dont M. de Gouvion vous a parlé, après nous être