330 [Etals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] CAHIER Des doléances de la communauté de la Galinière , sénéchaussée d' Aix (1). La communauté de la Galinière, donnant ses doléances conformément à la permission qui lui en a été donnée par Sa Majesté, par ses lettres données à Versailles, pour la convocation des Etats généraux, expose : Art. l8r. Que depuis plusieurs années elle se trouve réduite à une affreuse misère par les mauvaises récoltes consécutives et se trouve malheureusement portée à son extrémité par la perte des oliviers que son terroir vient d’essuyer cette présente année par la rigueur des froids ; la plus grande partie de ses terres est sujette aux ravages des eaux occasionnés par les orages et les ravins qui viennent de la colline au pied de laquelle cette communauté se trouve assise. Art. 2. Elle demande qu’il lui soit permis de se délivrer des animaux de chasse qui viennent annuellement dévaster ses récoltes à la veille de la moisson. Art. 3. Qu’il lui soit permis de tenir des pigeons dans son domaine, tout de même que le seigneur du lieu. Art. 4. Qu’on lui donne le moyen de s’affranchir du droit d’herbages qui lui est prodigieusement onéreux. Art. 5. Qu’il lui soit également permis de s’affranchir des cens annuels qui sont de leur nature perpétuels et inextinguibles, ainsi que des droits de lods, dus dans toutes les ventes et mutations de propriétés. Art. 6. Qu’il lui soit permis de faire faire un chemin roulier dans les terres du seigneur, pour aller au domaine dit de Tounnelle, ce chemin leur étant d une absolue nécessité. Art. 7. Qu’elle soit déchargée à l’avenir de payer la taille de la terre dite de Garigieu, et qu’elle soit supportée au moins par le possédant en titre de ladite terre. Art. 8. Qu’elle réitère de nouveau que Messieurs du chapitre Saint-Victor delà ville de Marseille, dé-cimateurs de leur terroir, soient obligés de leur faire dire une messe les fêtes et dimanches dans le lieu, parce que l’éloignement du lieu de Boussel où elle est obligée d’aller, la met souvent dans le cas d’en être privée et à faute de quoi elle demande d’être déchargée de la dîme. Art. 9. Enfin que la communauté ait et jouisse à l’avenir du droit d’entrer toutes ses denrées dans la ville dont elle n’est éloignée que de deux lieues. Telles sont les doléances que la communauté de la Galinière ose se permettre de faire, se reposant au surplus sur la justice du souverain, en foi de quoi tous les présents qui savent signer ontsigné aveenous, juge et greffier, le29mars 1789. Signé, î Jérôme Juzane, Burle, Long, Espariat, juge, et Silvy, greffier. CAHIER D'instructions, doléances et remontrances de la communauté des Pennes , Septèmes et Pierrefeu , contenant dix-neuf articles , savoir (2) : Hommages. Art. 1er. Le seigneur des Pennes a obligé la (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V, Empire. (2) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. communauté et le curé à lui prêter hommage, l’un par acte du 26 août 1779, l’autre par acte du 28 du même mois, tous deux rière maître Constant, notaire aux Pennes. On voit d’un côté le curé, de l’autre plus de trois cents possédant biens, ayant à leur tête les consuls qui représentent la personne du Roi, abaudonner leurs travaux pour prêter hommage-lige à genoux, tête nue, les mains jointes, serment de fidélité sur le livre des saints Evangiles. Cette manière de prêter l’hommage n’appartient qu’au Roi et intéresse moins la forme que la substance de l’hommage. Nous ne pouvons exprimer l’impression que fit sur notre esprit une pareille cérémonie. Nous ne connaissons en Provence que le seigneur des Pennes qui se soit porté à un pareil excès. Si tous les seigneurs revendiquaient un pareil droit, il n’y aurait plus rien à quoi l’on dût s’attendre de leur part, et le peuple sous le meilleur des rois deviendrait la victime de leur ambition. Nous n’avons qu’un roi en France à qui nous devons l’hommage-lige à genoux, tête nue , les mains jointes, serment de fidélité, et pour lequel nous sommes tous prêts de sacrifier nos biens, notre vie même. D’après cet exposé, la communauté demande qu’après avoir pris connaissance desdits actes d’hommages et des prétendus titres du seigneur, lesdits hommages, par ordre du Roi, seront biffés comme attentatoires à son autorité; inhibition et défenses à tous les seigneurs d’en faire passer à l’avenir de semblables. Lapins , perdrix et autre gibier. Art. 2. Qui pourrait estimer le dommage que causent les lapins et autre gibier dans tout le territoire de la communauté? Ils sont si multipliés que les blés encore en herbe en sont presque entièrement rongés. Plusieurs propriétaires sont même forcés de semer leur coin de terre en seigle, parce qu’étant acide le gibier y fait moins de dommage; les rejetons des vignes arrachés par la morsure du gibier dès l’instant qu’ils paraissent. Mais que sera-ce si des blés et vignes nous passons à l’olivier, arbre le plus précieux en Provence, dont la rigueur de l’hiver a fait périr le plus grand nombre : les rejetons de cet arbre qui pousseront dans la belle saison, font tout l’espoir de la race future ; dans quelles alarmes ne sommes-nous pas que le gibier par leur morsure aux rejetons encore tendres enlève dans un moment l’unique ressource qui nous reste! Ajoutez à cela lorsque, sans respect pour les lois, on voit dans tous les temps les chasseurs et leurs chiens aller dans tout le territoire, fouler les blés et les vignes des propriétaires, et leur enlever souvent dans un moment le fruit du travail de toute l’année. Le dommage du gibier est si considérable et urgent, quh la communauté supplie très-humblement Sa Majesté de donner au plutôt à chaque particulier la permission de les exterminer de leurs biens d’une manière quelconque, et en outre la communauté demande l’exécution des édits et déclarations du Roi, qui ordonnent aux propriétaires des pigeons de les enfermer aux époques énoncées dans lesdits édits et déclarations; toutes les rentes des seigneurs ne payeraient pas le dommage que causent le gibier et les pigeons pendant l’année. Cens. Art. 3. Tous les cens sont payés à la Panai de Marseille, plus grosse que celle d’Aix d’environ 7 livres pesant, taudis que la mesure des Pennes [Étals gén. 1789. Cahiers.] est la même que celle d’Aix, et pour justifier la légitimité de la plainte et l’injustice que l’on commet à l’égard des possédant biens, la communauté produira les actes passés rière notaire; la communauté désirait que les censitaires eussent la faculté de paver les cens en grains de la qualité qu’ils récolteront dans leurs biens, sans que les seigneurs puissent les forcer à donner une qualité de grains différente que celle produite par leur cru, et de pouvoir se libérer desdits cens en payant les fonds sur le taux que Sa Majesté ordonnera. La communauté attend avec confiance de Sa Majesté cette nouvelle marque de sa bienfaisance. Les droits de lods et prélation. Art. 4. Les droits de lods et prélation empêchent les achats et les ventes ; ces droits sont d’autant plus intéressants pour les seigneurs qu’ils sont affligeants pour les particuliers. Si c’est un vassal à qui on en veut, on lui refuse le droit de prélation. Si un autre a acheté à un prix raisonnable, on le retient pour le revendre quelques jours après à plus haut prix en y imposant un cens. Ces deux droits si nuisibles aux citoyens, la communauté supplie très-humblement Sa Majesté de les détruire, et elle trouvera par les mutations plus fréquentes des droits de contrôle et centième denier. Fontaine publique de Pierrefeu. Art. 5. Les habitants de Pierrefeu réclament la fontaine publique appelée communément la fontaine de Léoule, laquelle, contre le droit des gens, a été vendue par le seigneur de Pierrefeu, tandis que les habitants et possédant biens en avaient l’usage. La communauté supplie très-humblement Sa Majesté de leur en accorder la jouissance. Clos dans les terres gasles que les seigneurs des Pennes , Septèmes et Pierrefeu ont usurpés sur la communauté . Art. 6. Messire d’Augustine possède dans la communauté des Pennes un fief appelé Septèmes; la communauté s’était pourvue dans son temps contre lui et avait obtenu, par arrêt au parlement de Toulouse, la démolition des clos qu’il avait fait construire dans les terres gastes. Malgré ledit arrêt, messire d’Augustine a obtenu depuis peu d’années, à la suite d’une enquête ordonnée par le parlement de cette province, de faire défendre ses clos. La communauté demande très-humblement à Sa Majesté que l'arrêt surpris à la religion du parlement de Provence soit réformé ; les clos du seigneur de Septèmes et ceux dont les seigneurs des Pennes et Pierrefeu à son exemple s’approprient soient détruits et abolis entièrement. Péage. Art. 7. Le droit de péage est un droit si onéreux, si opposé au commerce, que la communauté supplie très-humblement Sa Majesté de vouloir bien la supprimer, et d’ordonner que les rouliers pourront atteler sur les chemins de Provence autant de chevaux à leurs voitures qu’ils en attellent dans le reste du royaume, conformément aux règlements de Sa Majesté. Entretien des chemins que le seigneur des Pennes , en sa qualité de péager�doit entretenir ou la province. Art. 8. Le seigneur des Pennes s’arrange avec [Sénéchaussée d’Aix.] 331 la province et on charge la communauté d’en" tretenir deux chemins publics et royaux depuis le mouiin de Pierrefeu jusqu’à la Gavotte, et depuis la Gavotte jusqu’au chemin d’Aiguilles. De deux choses l’uae : ou que le seigneur péager les entretienne, ou la province. Dans l’un et l’autre, cas la communauté doit être remboursée puisqu’elle contribue d’ailleurs à l’entretien des chemins de la province et de la viguerie. Un arrêt contradictoire du conseil d’Etat du 18 octobre 1729 avait jugé la question en faveur de la communauté et condamné comme de justice le seigneur péager. La communauté supplie très-humblement Sa Majesté d’en ordonner l’exécution et de la faire rembourser de son entretien au moins de vingt-neuf ans; elle est d’autant plus fondée dans sa demande que le seigneur des Pennes exige le péage sur lesdits deux chemins. Titres , documents et cadastres de la communauté, enlevés. Art. 9. La plupart des titres et documents de la communauté ont été enlevés ; deux cadastres ont disparu, cadastres d’autant plus nécessaires qu’ils forment souvent, attendu l’ignorance des habitants et possédant fiefs, le seul titre de leurs possessions. Les travailleurs et ménagers ne connaissent pas le prix des actes, ils les égarent et les dissipent, il ne leur reste alors plus de ressources que dans les livres cadastraux. Les habitants et possédant biens n’ont pas le plus petit intérêt à l’enlèvement desdits titres et cadastres, tout les engage à les conserver ; il n’existe actuellement qu’un nouveau cadastre dont on ne peut connaître l’inexactitude qu’en le confrontant avec les anciens. Le conseil général prie MM. Jean Clément, curé des Pennes, et Saint-Louis Sau van, de prendre tel moyen que leur sagesse suggérera pour ravoir lesdits titres, documents et cadastres Deux chemins publics usurpés. Art. 10. Le seigneur des Pennes s’est approprié à lui seul deux chemins publics depuis des siècles, dont l’un s’appelle le Pas, et l’autre le ruisseau appellé de Darmairolle. La communauté prie très-humblement Sa Majesté de vouloir bien ordonner que lesdits deux chemins continueront d’être publics. Terres gastes vendues sous cens et pensions. Art. 11. Quelques habitants et possédant biens, instruits de la déclaration du Roi du 12 avril 1767, s’adressèrent à la communauté pour leur indiquer les terres gastes. On les renvoya au seigneur, et après s’être pourvus dans les formes prescrites par la même déclaration à l’effet de jouir des privilèges y énoncés, ils furent obligés, pourpou-voir les défricher librement, de passer un acte au seigneur sous le payement d’une pension et cens. La communauté supplie très-humblement Sa Majesté de vouloir bien les faire jouir de tous les privilèges énoncés dans ladite déclaration. Terres gastes usurpées et compascuité générale empêchée. Art. 12. Le seigneur des Pennes s’est emparé de la plus grande partie des terres gastes ; il en vend tous les bois taillis et n’en laisse pas même en suffisance pour les habitants. Par cette usurpation, la compascuité générale dont jouissent les habitants depuis plusieurs siècles est troublée. La communauté supplie très-humblement Sa Majesté ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 332 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. d’ordonner la restitution de toutes les terres gas-tes, et qu’inhibition et défenses lui seront faites de troubler les habitant et possédants biens dans la jouissance des bois taillis de la terre gaste et dans leur compascuité générale. , Biens usurpés. Art. 13. Plusieurs possédant biens jouissent de temps immémorial de certains coins de terre dont ils payent la taille, qui ne produisent que des bois taillis. Le seigneur des Pennes s’en empare d’autorité sans forme de justice •, les seigneurs de Septèmes et Pierrefeu exigent le tiers des bois taillis des mêmes biens. La communauté supplie très-hublement Sa Majesté d’ordonner qu’inhibi-lion et défenses seront faites audits seigneurs de troubler les possédant biens dans la jouissance des bois taillis dont ils payent la taille. Sable refusé pour reconstruire les maisons et murailles. Art. 14. Le sable est absolument nécessaire pour réparer et construire les maisons et murailles. La communauté était en possession depuisplu-sieurs siècles d’en prendre dans un endroit destiné à cet objet; cependant, par un acte d’autorité, on a fait des menaces à tous les particuliers de ne plus oser enprendre sous peined’être dénoncés. La communauté supplie très-humblement Sa Majesté d’ordonner que les habitants possédant biens continueront d’en prendre dans le même endroit et dans toutes les terres gastes où il s’en trouvera. Conseil de la communauté à augmenter. Art. 15. Le conseil ordinaire delà communauté est composé de quatorze paysans, dont le plus grand nombre ne sait ni lire ni écrire, pensionnaires ou censitaires du seigneur, qui n’osent dire leur sentiment crainte d’être écrasés en frais, les exemples n’en sont pas rares ; ajoutez à cela que lorsque quelque affaire intéresse le seigneur, il envoie un homme d’affaires avec la qualité de préposé, qui les force à faire ce qu’ils ne voudraient pas et qui porte l’audace jusqu’à dire que bon gré ou mal gré ce qu’il propose sera ; alors tout tremblants ils acquiescent à tout ce. qu’on leur demande . La communauté supplie très-humblement Sa Majesté de vouloir bien permettre que le curé de la paroisse et autres notables possédant biens puissent assister à tous les conseils de la communauté en qualité de simples consei-lers surnuméraires pour ranimer le courage et éclairer les démarches des pauvres paysans qui forment un corps de citoyens si intéressant et si utile à l’Etat. La justice. Art. 16. La communauté supplie très-humblement Sa Majesté d’ordonner que les habitants des Pennes, Septèmes et Pierrefeu pourront, soit en attaquant ou défendant, se pourvoir en première instance par-devant les juges royaux pour raisons que la sagesse de Sa Majesté a déjà prévues depuis longtemps. Les chèvres. Art. 7. La mortalité des oliviers a entraîné avec elle la ruine de la communauté. Les chèvres in-dem n i seraien t en partie les habitan ts par le produit du laitage et l’engrais des terres qu’elles favoriseraient. La demande de la communauté est appuyée sur deux raisons : la première que le pays est sec, aride et montagneux ; la seconde quhl n’v a dans le territoire de la communauté aucun arbre marqué pour servir à la construction, et enfin que les communautés voisines jouissent depuis longtemps de ce privilège. La communauté supplie très-humblement Sa Majesté de vouloir bien déférer à la demande du conseil général et de nommer des commissaires, si le cas y échoit, pour constater la vérité de cet exposé. Impôt territorial. Art. 18. L’impôt territorial est d’autant plus juste que tous les individus y sont soumis à proportion des biens qu’ils possèdent, et comme le clergé et la noblesse possèdent les meilleurs biens qu’on appelle communément ferrage, il est juste qu’ils contribuent par égalité aux charges de l’Etat sans distinction des biens nobles, roturiers et des charges négociables. Liberté du conseil. Art. 19. La présence du juge ou lieutenant de juge, hommes des seigneurs, gêne les suffrages des délibérants. La communauté supplie très-humblement Sa Majesté de vouloir bien ordonner que tous les conseils de communauté seront autorisés par les maires et consuls seulement. Sur toutes les instructions, doléances et remontrances ci-dessus mentionnés, la communauté donnera tous les éclaircissements nécessaires pour en justifier la légitimité. Ledit cahier n’a été dressé qu’après avoir entendu tous ceux qui composent le conseil général, au nombre de deux cent cinquante-trois, et après avoir fait lecture de chaque article en français et provençal, ouï unanimement, approuvé par acclamations à cris redoublés à chaque article le contenu dudit cahier et ont signé ceux qui l’ont su. Signé Arnoux, consul; Savournin; Maximin Poullet; Constant; Plaret; J. -C. Michel; J. Bouze; Lambert; J. Pousset; P. Aulonnée: Jacques Negré; J. -Baptiste Albraud ; Lazare Arnoux; Pierre Laurent Aulonnc; J.-J. Parisson ; G. Pousset; Pecquier; Jean Martin; P. Cayel; Louis Aulonne; F. Carel; Gaspard Cadent; D. Carie; J. Pesrès; J. -B. Qua-tresol; Etienne Josseraut; Figou; Guillaume Frèze; Roux Pieul ; N. Turc ; Michel ; Beiron ; A. Cordieux; M. Badinel; Pousset; Michel; N. Barbazou; Solle ; Lange Fémy; Jean-Pierre Raphaël; L. Raphaël; Pol;Domini Cadenel; François Calvin; Frémy; Bunard; Solle; Bouze; Antoine Roux; Pleudoux ; J.-J. Sarier; L. Sacournin; A. Constant, et An-tibou. CAHIER Des doléances et plaintes de la communauté de Plandhaups, sénéchaussée d'Aix (1). L’assemblée de cette communauté, touchée de ce que le Roi daigne s’intéresser à son sort et l’autoriser à faire un tableau de ses doléances et de ses plaintes pour concourir aux vues bienfaisante qui les dirigent pour régénérer son royaume, charge expressément ses représentants du tiers-état aux Etats généraux du royaume de (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.