[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1 79t>. J 4QJ les vicaires s’absenter du lieu de leurs fonctions, « au delà du terme qui vient d’être fixé, que pour des raisons graves ; et, même en ce cas, seront tenus les curés d’obtenir l’agrément tant de leur évêque que du directoire de leur district, les vicaires la permission de leur curé. « Art 4. Si un évêque ou un curé s’écartait de la loi de la résidence, lamunicipalitédu lieu en donnerait avis au procureur général syndic du département, qui l’avertirait par écrit de rentrer dans son devoir, et, après la seconde monition, le poursuivrait pour le faire déclarer déchu de son traitement pour tout le temps de son absence. M. l’abbé Papin. Je demande que les évêques et les curés soient obligés de remplir leurs fonctions par eux-mêmes ; pasce oves tuas, est-il dit dans l’Evangile. M. Beaumont, archevêque de Paris, voulait que je fisse mes fonctions à la quinzaine, c’est-à-dire tour à tour avec mon vicaire. M. l’abbé Bourdon. L’Assemblée nous regarde sans doute comme des fonctionnaires publics; je demande à quel fonctionnaire elle imposera un joug aussi pesant que celui auquel elle veut nous soumettre aujourd'hui? M. l’abbé Gouttes. Les lois canoniques l’ordonnent. Les articles 2, 3 et 4 sont mis aux voix et adoptés. Martineau, rapporteur, donne lecture de l’art. 5 en ces termes : « Art. 5. Ni les évêques, ni les curés ne pourront accepter des charges, emplois ou commissions qui les obligeraient à s’éloigner de leur diocèse ou de leur paroisse, et ceux qui en seraient actuellement pourvus seront tenus de faire leur option dans le délai de trois mois, à compter de la notification, qui leur en sera faite par le procureur général syndic de leur département, sinon et après l’expiration de ce délai, leur office sera réputé vacant ; il leur sera donné un successeur en la forme ci-dessus prescrite. Ne sont néanmoins comprises, dans les présentes dispositions, les fonctions publiques auxquelles ils pourront être appelés comme citoyens actifs, par le vœu de leurs concitoyens. » M. Fanjulnais. Le mot de fonctions publiques me paraît d’une signification trop étendue. Je demande qu’il soit dit, les fonctions d’administrateurs de districts et de départements, et celles de députés aux législatures. M. Populus. Les ecclésiastiques eux-mêmes ne demandent pas à être admis à toutes les fonctions publiques : on sent bien, par exemple, qu’ils n’iront pas proclamer la loi martiale, et commander de faire feu sur leurs paroissiens. Je demande donc qu’ils soient expressément exclus des fonctions de maire et d’officier municipal. M. l’abbé de l�a Salcette. La disposition proposée par M. Populus ne peut pas porter sur les titulaires de bénéfices supprimés. M. Caaalès. L’Assemblée a décrété que les ecclésiastiques étaient citoyens actifs; on ne peut pas déroger au principe. M. de Montlosier ( ci-devant comte). Si lie Série. T. XVI. l’Assemblée veut être conséquente, elle a décrété que la même personne ne pourrait exercer deux fonctions à la fois. Je demande donc que ceux des membres de l’Assemblée qui sont dans ce cas soient tenus d’opter sur-le-champ. M. Fréteau. Je demande, par sous amendement, que les élections faites soient valables ; on ne peut trop prendre de précautions pour conserver la paix ; et ce serait donner aux ennemis du bien public l’occasion de troubler l’ordre, que de convoquer de nouvelles assemblées primaires pour révoquer des choix faits par le peuple. Je demande que votre décret n’ait pas un effet rétroactif. M. Charles de Lameth. Nous discutons ici une question d’incompatibilité, et non d’exclusion; il faut donc prouver que les ecclésiastiques ne peuvent en même temps exercer les fonctions curiales et les fonctions administratives. Si nous n’avons pas tiré du clergé tout le parti que nous devions en attendre, c’est qu’il avait à soutenir des intérêts particuliers; mais comme aujourd’hui tous les intérêts sont confondus, il ne faut point exclure ceux qui se trouveraient dans le chef-lieu des districts. M. Barnave. La question qu’on traite est une grande question politique. On présente deux systèmes : l’un d’admettre les ecclésiastiques à toutes les fonctions civiles et politiques ; l’autre, de les exclure des fonctions politiques, comme moyen d’éluder l’influence qu’ont nécessairement sur les peuples ceux qui dirigent les consciences. Le parti moyen renferme tous les avantages ; il faut les exclure des fonctions permanentes, et les admettre à celles qui sont bornées dans un espace de temps connu. M. Martineau propose ainsi la rédaction de la dernière partie de l’article 5 : « Ne sont point néanmoins comprises dans la présente disposition les fonctions auxquelles ils auraient été ou pourraient être appelés par leurs concitoyens, non plus que celles de membres du conseil de district et de département et de députés aux législatures, auxquelles ils pouraient être appelés par la suite. » M. le Président consulte l’Assemblée qui adopte l’article 5 et le renvoie au comité ecclésiastique pour la rédaction. M. Martineau. Le comité avait proposé un article 6 et dernier. Il croit devoir le retirer comme inutile. M. Gobel, évêque de Lydda. La comité vous a proposé un sixième article ainsi conçu : « Le roi sera supplié de prendre toutes les mesures qui seront jugées nécessaires pour assurer la pleine et entière exécution du présent décret. » J’insiste sur cet article, afin qu’on y ajoute ces mots: par les voies canoniques, en même temps que par les voies civiles, \oici mes raisons. Il serait heureux, pour que la Constitution se terminât sans que la paix si désirable fût altérée, que rien ne portât atteinte à la consistance si nécessaire à une Constitution. L’article 4 du titre Ier est d’une exécution très embarrassante ; il porte qu’aucun citoyen, pour quelque cause que ce soit, ne pourra recourir à un évêque ou métropolitain, dont le siège serait établi sous la domination d’une puis-26 402 [Assemblée nationale.] sance étrangère... Songez que les parties du royaume qui se trouvent d’un diocèse étranger ne peuvent être dans un chômage de juridiction spirituelle ; c’est sur ce motif que, par une intention vraiment pure, et qui ne se dirige qu’à la complète exécution de vos décrets, je demande un article 6, dans lequel il serait dit : que le roi sera supplié de prendre toutes les mesures qui seront jugées nécessaires par les voies canoniques, pour l’exécution du présent décret, et que jusque-là l’article 4 du litre Ier restera en suspens. M. Treilhard. Je demande la question préalable contre cette proposition. Il est facile de faire sentir qu’elle n’est point admissible. Quand un décret est rendu, qu’il est sanciionné, le roi est obligé de le faire exécuter. Il est donc inutile de dire qu’il prendra toutes les mesures nécessaires pour l’exécution. Cette proposition est dangereuse, parce qu’elle tendrait à faire croire qu’il y a des difficultés dans l’exécution d’un décret aussi facile à exécuter que tout autre. (On demande que la discussion soit fermée.) M. de Vlrieu. Il faut que cette affaire soit profondément discutée. (On réclame l’ordre du jour.) M. de ’Virien. Puisqu’on n’est pas libre, puisqu’on veut éteindre la confiance, je remets tout le mal qui peut en arriver sur la tète de ceux qui veulent que ce mal arrive. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article 6.) M. Perreney ( ci-devant de Gros -Bois) envoie une protestation contre le décret rendu dans la séance de samedi. L’Assemblée, par des murmures presque unanimes, montre qu’elle n’en veut pas entendre la lecture. M. Vonlland. La députation de Nîmes m’a chargé de vous lire l’extrait de diverses lettres arrivées de cette ville. Le 4 de ce mois, il se passa quelques désordres devant les portes du palais, où le corps électoral était assemblé. La municipalité demanda à ce corps quel secours il voulait ; ce corps s’en rapporta à la municipalité et aux commissaires du roi. Des patrouilles furent ordonnées et faites par les dragons et parle régiment de Guienne. Le lendemain, les compagnies qui portaient ci-devant des cocardes blanches, et qui depuis ont arboré des houpes rouges, voulurent faire ces patrouilles. La municipalité s’adressa aux commissaires du roi, dont l’opinion fut contraire à la volonté de ces compagnies ; cependant la municipalité défendit au régiment de Guienne et aux dragons de continuer les patrouilles. Le 13, les compagnies de Froment, Melchion et des Combes, officiers municipaux ou notables, attaquèrent des dragons démontés, dont l’un fut tué et volé. Les citoyens se réunirent aux dragons ; les agresseurs voulurent attaquer les citoyens : le désordre fut très considérable. Les commissaires du roi demandèrent que la loi martiale fut publiée, et que le régiment de Guienne marchât. Ce ne fut que deux heures après que les publications furent faites. Le régiment de Guienne ne fut pas commandé, et les patriotes furent repoussés. Le 14, les assaillants recommencèrent le désordre ; ils se cachèrent dans leurs maisons, desquelles ils tiraient sur les citoyens ; enfin, ils se réfugièrent [21 juin 1790.] dans une tour attenant à la maison de M. Froment : ils s’y fortifièrent et placèrent des pierriers qui paraissaient préparés de longue main. Le 15, le régiment de Guienne vint au bas de cette tour ; on se disposait à des conciliations, on n’attaquait point; mais, soit trahison, soit imprudence, les agresseurs firent feu sur les patriotes. Le régiment de Guienne ne put alors être arrêté : la tour fut forcée et beaucoup de personnes tuées. Le lendemain, les agresseurs, retirés dans un couvent, tirèrent sur les patriotes ; ils furent encore forcés, et le combat recommença ; les patriotes restèrent maîtres du couvent. Le nombre des personnes tuées dans ces différentes affaires s’élève à quatre-vingts. Parmi les morts se trouvent plusieurs capucins. — Des courriers ont été envoyés pour arrêter les gardes nationales des villes voisines qui venaient au secours de Nîmes,— M. Vidal, procureur syndic de la commune, etM. Laurent, officier municipal, ont été ar rêtés. — On a désarmé les agresseurs; on a trouvé chez quelques-uns des munitions, et chez d’autres plus d’armes qu’ils ne pouvaient en avoir besoin. — La ville de Nîmes désirerait que le roi témoignât sa satisfaction aux commissaires pour la formation du département du Gard, et qu’il leur conservât leurs pouvoirs jusqu’au rétablissement du calme. C’est aussi le vœu de la députation. Nous n’avons pas d’autres projets de décret à vous présenter. M. de Marguerittes, maire de Nîmes. J’avais entendu dire qu’il était arrivé de malheureux événements à Nîmes; je n’ai reçu aucune lettre de messieurs les officiers municipaux; j’en ai reçu seulement d’un endroit qui n’est pas Nîmes, mais qui est peu éloigné de cette ville. On m’annonce que plusieurs personnes sont mortes. N’ayant pas de lettres officielles, je suis allé chez M. de Saint-Priest ; il m’a fait voir une lettre d’une ville voisine. Je prie l’Assemblée d’attendre que le comité des recherches aie fait un rapport, ou que j’aie reçu des nouvelles. {Il s’élève beaucoup de murmures.) J’appuie la demande faite, de supplier le roi de continuer les pouvoirs des commissaires. C’est le vœu de tous bons citoyens. M. Voulland. Monsieur le maire de Nîmes n’a pas reçu de lettre de messieurs les officiers municipaux, ses collègues : cela n’est pas extraordinaire; ils ont tous pris la fuite. M. Barnave. Les malheureux événements de Nîmes ne prouvent que trop la nécessité des mesures que l’Assemblée nationale avait déjà été engagée à prendre, et qu’elle aurait adoptées, si elle avait eu moins d’indulgence. En ce moment, on vous propose seulement de donner des pouvoirs plus étendus aux commissaires du roi. La municipalité, par une conduite au moins équivoque, a peu mérité la confiance des citoyens et la vôtre. Je demande que la disposition des forces militaires, tant des troupes de ligne que des gardes nationales, pour la tranquillité publique, ci-devant aux mains des officiers muncipaux, soit confiée aux commissaires du roi par un acte de l’Assemblée nationale. M. de ’i'irleu. Adopter cette disposition, ce serait dire que l’Assemblée nationale nomme les commandants des forces militaires : ce serait faire une insulte au roi. Je demande qu’il ne soit pas du tout question de cela, ni que le nom de la municipalité soit prononcé dans le décret. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.