691 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i*r juin 1791.] « J’atteste donc, sur toute ma responsabilité, sur ma tête, sur mon honneur, que le projet insensé qu’on ne rougit pas de prêter au roi dans cet article, n’a jamais existé. Ah! si l’on pouvait connaître dans tous les détails les soins et la vigilance de Sa Majesté, on verrait combien ils sont d’une nature différente. « Quant aux contre-lettres qui paraîtraient me regarder personnellement, si j’étais nommé dans le Moniteur (et il dépend de son auteur de me nommer), j’en traduirais sur-le-champ l’imprimeur devant les tribunaux : l’auteur de l’article serait forcé de se faire connaître; et je croirais donner une preuve de mon respect pour la liberté de la presse, en sollicitant contre lui les peines de la calomnie. Il est temps de regarder comme des ennemis publics ceux qui, ne cessant de tromper le peuple pour l'agiter, font naître au milieu de nous des périls réels, en en présentant sans cesse de chimériques. « J’ai l’honneur d’être avec respect, Monsieur le Président, votre, etc. « Signé : Montmorin. » « P.-S. — Je viens dans l’instant, Monsieur le Président, de mettre cette lettre sous les yeux de Sa Majesté ; et non seulement elle m’a permis, mais elle m’a ordonné d’avoir l’honneur de yous l’envoyer, et de vous prier d’en donner connaissance à l’Assemblée nationale. » (Applaudissements.) A droite : Le Moniteur a obtenu une tribune dans cette salle pour assister aux séances. Qu’on le chasse 1 Plusieurs membres demandent l’impression de la lettre de M. de Montmorin. M. Delavigne. J’en demande l’insertion au procès-verbal. (L’Assemblée décrète l’impression et l’insertion au procès-verbal de la lettre de M. de Montmorin.) M. Ijoys. Je demande qu’il soit ordonné à l’accusateur public de poursuivre l’imprimeur du Moniteur , sauf à lui à faire connaître l’auteur de l’article indiqué dans la lettre de M. de Montmorin. (Murmures et applaudissements .) A droite: La motion est appuyée I A gauche : L’ordre du jourl M. Kioys, J’ai fait une motion, elle est appuyée. Je demande qu’on la mette aux voix. (L’Assemblée, consu I tée, décrète qu’elle ne passe pas à l’ordre du jour sur la motion de M. Loys.) M. Delavigne. Puisque l’Assemblée a décidé qu’elle ne passerait pas à l’ordre du jour sur la proposition qui a été faite, il faut donc la discuter. La proposition consiste à décider que l’Assemblée nationale dénonce à l’accusateur public..... A droite : Non ! non l M. Delavigne. Que l’auteur de la motion la déduise alors! M. l,oys. Je demande que l’Assemblée nationale ordonne à l’accusateur public de rendre plainte contre l'imprimeur de la feuille du Moniteur •, sauf à l’imprimeur à nommer celui qui lui a remis l’article. A gauche : Cela ne nous regarde pas. M. Delavigne. Sur l’opinion que vous avez conçue de la proposition déduite par son auteur, convient-il que l’Assemblée nationale descende dans l’arène avec un journaliste? (Murmures et applaudissements.) Est-il de la dignité de l’Assem� biée à dénoncer ce journaliste à l’accusateur public, et de prendre fait et cause? Pourquoi? S’agit-il d’une chose d’intérêt général?... (A droite : Oui! ouil) S’agit-il d’une chose qui compromette la sûreté de l’Empire?... (A droite : Ouil oui!) Messieurs, j’ai trop bonne opinion delà manière de penser de ceux qui m’écoutent pour m’imaginer qu’ils puissent croire que le salut publie dépende de la liberté ou de l’insolence avec laquelle un folliculaire publie les nouvelles qu’il recueille. Puisqu’il n’y a dans l’article rien qui intéresse la sûreté générale, ni même qui compromette l’intérêt particulier, puisqu’il n’y a dans cet article que des déclamations vagues dix fois plus que détruites par la réclamation du ministre et par l’accueil que vous avez fait à sa lettre, je ne vois pas pourquoi l’Assemblée différerait de passer à i’ordre du jour, (Applaudissements.) M. de Montlosier. Il n’est pas question de folliculaire, il n’est pas même question de M. de Montmorin, mais du roi. Le roi lui-même est accusé, et le Corps législatif ne peut pas voir avec indifférence le chef de la nation accusé dans une feuille par des faits vrais ou faux. Je demande donc que l’accusateur public poursuive l’imprimeur de cette feuille pour savoir de qui il tient cet article. M. Boussion. Je demande que l’on renvoie en même temps à l’accusateur public la lettre de M. l’abbé Raynal. M. Duport. On vous propose ici de violer vos propres décrets sur l’ordre judiciaire. En effet, examinons ce que nous avons à faire ici dans la question présente. Nous recevons une information de la part du ministre, à laquelle il a cru donner de l’authenticité, en en faisant part à l’ Assemblée nationale. Quand la lettre qui la contient a été lue, son objet est rempli. Qu’est-ce que nous pouvons faire ici? Sommes-nous faits pour dénoncera l’accusateur public ..... (A droite. Ouil oui!) Sommes-nous faits pour dénoncer à l’accusateur public les faits qui sont consignés dans la lettre de M. de Moutmoria ? Je ne le crois pas, car ce serait se méprendre bien étrangement sur la force des mots, que d’ordonner à l’accusateur public une poursuite criminelle, ou dénoncer uu fait : ce ne serait pas ia même chose; car l’ordre que vous donnez de poursuivre est le commencement de la procédure, et il ne peut s’établir que sur les faits que vous lui aurez dénoncés. Je demande s’il est possible à l’Assemblée, sans la plus violente injustice, de mettre dans la balance de la justice criminelle son opinion sur un seul individu, et d’ordouner aux tribunaux de poursuivre cet individu avec l’opinion déjà énoncée du gouvernement et de l’Assemblée nationale. Quand vous avez décrété les cas dans lesquels le Corps législatif pouvait se porter dénonciateur, je proposai que, dans les circonstances données, un individu pût être dénoncé par l’Assemblée nationale, et M, Loys lui-même a demandé l’ajournement. ..... ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l« juin 1791.] 692 [Assemblée nationale.] M. de Montlosier. Il s’agit ici d’un crime de haute trahison. M. Dnport. Vous avez toujours pensé qu’une poursuite criminelle ne peut avoir lieu que pour un crime méritant peine afflictive et infamante. Pouvez-vous ordonner une poursuite criminelle en ce moment, et le délit dont il est question est-il de nature à encourir peine afflictive et infamante? ( A droite: Oui I oui!) Je demande si ce n’est pas d’ailleurs faire une injustice que de mettre dans la balance l’opinion de l’Assemblée sur un simple individu, en ordonnant de poursuivre avec l’opinion connue du gouvernement. M. de Choiseul-Praslln. Je demande pour l’honneur de l’Assemblée que son Président soit chargé de se retirer par devers le roi pour lui porter l’arrêté par lequel l’Assemblée a consigné la lettre de M. de Montmorin dans son procès-verbal. M. Robespierre. Je demande la question préalable sur toutes les propositions. Si lorsqu’un ministre se plaint d’une injure qu’il a reçue d’un écrivain... (A droite: C’est le roi! c’est le roi!), soit que ce ministre parlât en son nom, soit qu’il se couvrît du nom plus respecté du roi, si dans ce moment, dis-je, il sortait du Corps législatif un décret qui chargeât le Corps législatif lui-même de la vengeance de ce ministre, par lequel l’Assemblée législative se. chargeât d’armer elle-même le pouvoir judiciaire contre l’individu qui serait accusé devant elle, le Corps législatif serait le plus terrible fléau de la liberté individuelle. Je réclame, moi, devant l’Assemblée nationale, les premiers principes de la justice, et je demande à l’Assemblée si, de quelque part que vienne une dénonciation, soit d’un ministre, soit d’un autre dénonciateur, elle peut adopter cette dénonciation, la dénoncer elle-même à son tour aux tribunaux, sans juger elle-même si cette dénonciation est vraie ou fausse. Dr, ici, quelles preuves avez-vous contre l’assertion de l’écrivain? L’asserûun de M. de Montmorin, et rien de plus. Est-ce ici qu’on peut accueillir un système qui tendrait à défendre aux citoyens de révéler des faits importants au salut public! (. Applaudissements .) Il serait dangereux de dire aux citoyens que celui qui attaquera un ministre se trouvera entre la poursuite ministérielle et celle de l’Assemblée nationale; il se présente ici une question d’un plus grand intérêt. Avez-vous fixé le degré des opinions à l’égard des hommes en place? Savez-vous si vous n’adopterez pas la différence à faire entre les hommes en place et les simples particuliers? Pouvez-vous oublier que l’opinion des hommes qui ont le plus d’idées sur la liberté de la presse est que cette liberté doit être illimitée quand il s’agit des hommes publics, et que l’action en calomnie soit interdite aux hommes en place? (Murmures.) Je demande donc la question préalable sur toutes les propositions avec d’autant plus de raison qu’il serait du plus dangereux exemple que l’on pût faire, avec quelque espérance de succès, des motions aussi serviles que celle sur laquelle vous avez à délibérer. (Applaudissements.) M. de ta Rochefoucauld-Liancourt. Le préopinanl s’est trompé sur un fait. 11 ne s’agit pas ici d’uüe réparation à faire au ministre, il est question d’une insulte grave faite au chef du pouvoir exécutif; et la probité du roi est absolument intéressée à ce que la fausseté de cette lettre soit absolument démontrée. Le roi serait le plus fourbe des hommes si, après tout ce qu’il a dit, il eût nourri un projet aussi coupable que celui qu’on vous a dénoncé. Plusieurs membres à droite : Aux voixl aux voix ! M. de La Rochefoucauld-Uancourt. Je n’appuie cependant pas pour cela la motion de M. Loys ; mais je dis que la dénonciation formelle qu'en a fait M. de Montmorin, est certainement une attaque, une inculpation suffisante pour que l’écrivain du Moniteur y réponde. Si le Moniteur, après le défi de M. de Montmorin, ne le nomme pas, si des preuves ne sont pas données, il passera aux yeux du public pour un calomniateur. (Applaudissements.) M. de Montlosier. Oui, mais le calomniateur ne sera pas puni. Plusieurs membres. Fermez la discussion! (L’Assemblée ferme la discussion et décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président lève la séance à 3 heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du mercredi 1 M juin 1791, au soir( 1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Ricard de Séalt, secrétaire, fait lecture des adresses suivantes : Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Neufbrisach, qui fait éclater ses sentiments de patriotisme, et supplie l’Assemblée de placer dans cette ville un des nouveaux corps administratifs. Adresse de la société des amis de la Constitution, établie à la Ciotat, qui présente à l’Assemblée nationale le tribut de son admiration et de son dévouement. Adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Charente-Inférieure, contenant deux exemplaires imprimés d’un projet lu dans le Conseil général d’administration, sur l’établissement d’un prix annuel d’agriculture dans chacun des districts du département. Ils supplient l’Assemblée de vouloir bien autoriser cet établissement. Adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Gironde, qui annoncent que l’embargo, qu’ils avaient mis momentanément sur les navires du Commerce, à été levé. Les négociants ont volé une adresse qu’ils envoient aux colons et aux négociants de nos îles. Plus de 800 jeunes gens se sont déjà fait inscrire pour se rendre dans les colonies. Adresse des officiers municipaux de Perpignan , contenant le procès-verbal de la réception hono-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.