[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1791.] 937 « Que pour mettre l’assemblée coloniale à même d’user de cette faculté, il lui sera adressé, à titre d'instruction seulement, ua exemplaire des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi. » M. de Traey. Je demanderaisseulement qu’on décrétât, en outre, que les décrets rendus expressément pour les colonies doivent y avoir force de loi. Je demande cette addition afin que les décrets rendus expressément pour les colonies ne soient pas confondus avec les décrets rendus pour la royaume et qui ne sont que facultatifs. C’est là l’explication que j’ai donnée hier et que l’Assemblée a paru adopter. M. Gaultier-Bianzat. Au lieu de mettre < expressément », je demande qu’on mette « spécialement ». M. de Tracy. Voici comme je réduis ma proposition ; elle consiste à ajouter au décret la disposition suivante : < Décrète en outre que les décrets rendus spécialement pour les colonies y auront force de loi, et que rien ne peut s’opposer à leur entière exécution. » M. Defermon, rapporteur. J’adopte le sens de l’article additionnel proposé par le préopinant et je crois qu’au moyen d’un léger changement, notre rédaction remplira le vœu de l’Assemblée. Voici ce que nous proposons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des instructions proposées par les comités réunis, des colonies, de marine, de Constitution, d’agriculture et de commerce, p Décrète que son président se [retirera par-devers le roi pour le prier de les faire adresser, ainsi que le présent décret, au gouverneur de la colonie de Saint-Domingue pour servir de mémoire et d’instruction seulement; < Que l’assemblée coloniale pourra, en se conformant aux décrets rendus pour les colonies, desquels elle ne pourra arrêter ni suspendre l’exécution, mettre provisoirement à exécution, avec l’approbation préalable du gouverneur, les dispositions des différents décrets rendus pour le royaume, et même celles des instructions qu’ils croiront pouvoir convenir à la colonie, à la charge de raoporler le tout au Corps législatif, pour être soumis à sa délibération et à la sanction du roi; « Que, pour mettre l’assemblée coloniale à même d’user de cette faculté, il lui sera adressé, à titre d'instruction seulement, un exemplaire des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi. » (Cette rédaction est mise aux voix et adoptée.) M. Chapelier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, vous avez chargé votre comité de Constitution de vous rendre compte d’un projet de scrutin qui vous a été présenté par M. Guirault, citoyen de Bordeaux. On a été effrayé de la lenteur avec laquelle ont été faites les dernières élections, et du petit nombre d’électeurs qui y ont concouru. Le projet de M. Guirault tend à accélérer les élections; ne s’appliquant qu’aux scrutins individuels, il sera principalement utile dans les assemblées électorales. il consiste dans un tronc cubique, divisé dans son intérieur par uu plan oblique tracé sur l’une de ses diagonales. C’est dans ce tronc que se jettent les scrutins composés d’une tablette de bois, couverte d’une matière blanche sur laquelle on puisse effacer le crayon ; ces tablettes, en glissant snr le plan oblique, tombent par leur propre poids, lorsqu’elles sont au nombre d’u îe vingtaine, sur la table des scrutateurs. Ceux-ci rangent ces tablettes, dans l’ordre alphabétique des noms qu’elles contiennent, sur un tableau divisé en cases. Ce tableau est partagé en colonnes, et les colonnes coupées par des transversales parallèles formant des divisions de 20 tablettes chacune, et des subdivisions de 10 et 5 tablettes. Toutes les tablettes portant le même nom, étant rangées dans les cases d’une même co'onne, on voit d’un coup d’œil quel est le no n qui a le p us de fois 20, 10 ou 5 tablettes; c’est-à-dire que l’on aperçoit, à l’inspection seule du tableau, ouel est le nom qui réunit le plus de suffrages. Chaque électeur, pouvant faire une marque caractéristique à sa tablette, peut vérifier la fidélité des scrutateurs. Trois tableaux, ayant chacun deux scrutateurs pour lis servir, suffisent pour une assemblée de 600 personnes, et un tour de scrutin se fait en moins de trois quarts d’heure. Les avantages du projet de M. Guirault cousissent donc ; 1° à rendre les opérations des assemblées électorales plus promptes ; 2° à éviter l’inconvénient de laisser les scrutateurs seuls juges du scrutin, en mettant chaque membre de l’assemblée à portée d’en faire le recensement et la vérification ; 3° à empêcher qu’on ne trompe les électeurs qui ne savent ni lire ni écrire, en leur donnant la faculté de tracer sur des tablettes des signes qu’ils peuvent ensuite vérifier et reconnaître. Nous vous proposons en conséquence de décréter qu’il sera fait usage dans les assemblées d’électeurs du tableau scrutateur inventé par le sieur Guirault, et de charger votre comité de Constitution de rédiger une instruction propre à indiquer le mode d’emploi de ce système. M. Ganltier-Biauzat. Quand il serait vrai que nous admettrions le système de scrutin, il sera absolument inutile pour la prochaine élection : tout le monde en doit convenir. Cela posé, il faut examiner actuellement si tous les membres de cette Assemblée ont bien entendu ce développement. J’ai lu dans le temps le mémoire qui a été donné, je viens d’en lire encore un ce matin, et je déclare qu’il s’y trouve des difficultés. J’en trouve une inconstitutionnelle. II semble qu’il y aura lieu et même nécessité de faire distribuer successivement à différentes sections des tablettes au nombre de 50. Or, n’y a-t-il pas une évidence de danger de distribuer dans un temps très prochain d’élection des tablettes à des particuliers? Par exemple un intrigant qui se chargerait de distribuer les tablettes aux électeurs, à mesure qu’ils entreraient dans l’enceinte où seront placées les machines, pourrait souffler des choix à des hommes simples qui croiraient trouver l’opinion publique dans les choix successivement dictés de la même manière à leurs voisins. Quel est Davantage du système actuel? La célérité, dit-on. Messieurs c’est une erreur; car la vérification qui lui sert de base ne peut être effectuée qu’autant que chaque membre de l’Assemblée aura droit successivement d’aller jeter les yeux sur le tableau. Or, je vous demande si dans une assemblée, où il existe des partis différents pour les élections, chaque membre veut aller faire la vérification, quelle longueur vous [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. occasionnerez dans les opérations, clans le placement des tablettes. Voilà donc une procession de l’assemblée, un mouvement perpétuel. Vous chargez d’ailleurs du placement des tablettes les plus jeunes de la compagnie. Or, certes, Messieurs, dans ces matières-là il est nécessaire que vous changiez l’ordre des choses, c’est les plus anciens d’âge qu’il faut en charger. M. Le Chapelier, rapporteur. J’en conviens ; on peut mettre les plus anciens, ceci est-il à votre goût ? M. Gaultter-Biauzat. Fort bien ; mais vous convenez que 3 bons vieillards, même 6, n’auront pas la légèreté nécessaire pour placer dans un instant les tablettes, lorsque l’on mettra les noms sur papier comme à présent. Toutes ces considérations me persuadent que ce projet peut avoir de très grandes longueurs. Avant de mettre en usage le système proposé, je crois donc qu’il serait important d’en faire l’essai et de se bien convaincre de ses avantages, ainsi que des moyens de le faire exécuter en grand. Je conclus donc à l’ajournement pur et simple du projet de décret. (L’ajournement est décrété.) M. Le Chapelier, rapporteur . Cet ajournement indéterminé et sans motif pourrait laisser de l’incertitude sur la volonté de l’Assemblée, relativement au nouveau scrutin. Je demande donc que l’ajournement soit motivé ainsi : jusqu’à ce que l’essai en ait été fait et l’expérience fugée bonne. M. Gaultier-Biauzat. J’adopte. M. Merlin. Je propose que l’Assemblée procède elle-même, pour faire l’essai de ce système, à l’élection prochaine de son nouveau président, si la machine se trouve prête. U n’y aurait même pas d’inconvénient, au cas où la machine serait prête plus tôt, à avancer d’un ou 2 jours cette nomination; cela n’empêcherait pas que M. le Président ne continue ses fonctions jusqu’au jour où il doit effectivement les cesser. (La proposition de M. Merlin est adoptée.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. Gérard, député de Saint-Domingue, qui, après avoir exposé la nécessité où il croit avoir été réduit, pour l’intérêt public, de cesser, ainsi qtieses collègues députés descolonies, d’assister pendant quelque temps aux séances de l’Assemblée nationale, demande un congé pour aller prendre les eaux de Forges, nécessaires au rétablissement de sa santé. Plusieurs voix : C’est un honnête homme, il faut accorder le congé. (L’Assemblée accorde le congé.) M. Merlin, au nom du comité féodal. Messieurs, vous avez ajourné samedi dernier notre projet d’instruction sur les dîmes, champarts et autres droits ci-devant seigneuriaux, déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790 (1). Nous avons reçu des renseignements qui nous ont mis à même de la rédiger de la manière que je, crois la meilleure possible. (M. Merlin fait lecture de ce document.) f 15 juin 1191.] M; Lanjuinais. La prestation d’une seule année de rente prétendue ci-devant seigneuriale ne suffit pas dans certains pays pour forcer le détenteur d’un fonds au payement provisoire. Je voudrais donc qu’il fût tenu compte dans l’instruction de ces usages locaux. M. Merlin, rapporteur. J’adopte cette observation et je propose de reconnaître l’exception des coutumes et usages locaux à la règle de la possession annale présumée par un seul payement. M. Lanjuinais. J’observe également que les servitudes personnelles supprimées par les décrets sont définies d’une manière trop stricte, droits que la personne est obligée de payer, par cela seul qu'elle existe , ou qu'elle demeure en un certain lieu. Il y a des servitudes personnelles supprimées, qui n’ont aucun de ces 2 caractères, comme la collecte des rentes ci-devant seigneuriales, etc. M. Merlin, rapporteur. Je donnerai à ma définition une plus grande latitude. Un membre demande qu’au lieu de reconnaissance , porté au singulier dans la sixième ligne de la page 10 du décret, on mette les reconnaissances au pluriel. (Ce changement est décrété.) M. Millon de Montherlan. A quels caractères pourra-t-on distinguer les dîmes et les champarts qui, dans plusieurs pays, sont confondus, étant de la même nature? M. Tronehet. Cette observation n’a pas actuellement d’objet, parce qu’elle a déjà été renvoyée aux comités féodal et ecclésiastique chargés de proposer une loi pour le cas où le champart et la dîme se trouveraient confondus. Cette loi pourra, d’ailleurs, être présentée la semaine prochaine. M. Boussion. Il n’est fait dans le projet d’instruction aucune mention de ce qui s’est passé dans le Quercy, à l’occasion des dîmes et champarts, question dont le comité a dû s’occuper. M. Merlin, rapporteur . Le comité a préparé sur cet objet un travail qui sera présenté incessamment à l’Assemblée. (L’Assemblée, consultée, adopte les diverses modifications proposées par M. Merlin, rapporteur, dans la rédaction de l’Instruction sur les droits de champart et autres). En conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale approuve l’instruction ci-après, et décrète qu’elle sera incessamment présentée à la sanction du roi, pour être exécutée comme loi du royaume : INSTRUCTION de l’assemblée nationale Sur les droits de champart, terrage, agrier, arrage , tierce , soété , comptant , cens , rentes seigneuriales, lods et ventes, reliefs et autres droits ci-devant seigneuriaux , déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790, sanctionné par le roi le 28 du même mois. (1) Yoy. ci-dessus, séance du 11 juin 1791, p. 140. * L’Assemblée nationale a rempli, par l’abolition du régime féodal, prononcée dans sa séance