126 avril 1791. j 345 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) raement des deux bâtiments qui doivent aller à la recherche de M. de La Peyrouse. Mon cœur va les suivre sur l’immensité des mers qu’ils vont parcourir. Il n’est aucun point sur le globe qui échappe à mes combinaisons et à mes espérances. Mais, si un jour j’ai le malheur d’en être tout à fait déchue, je mettrai avec confiance mon sort futur dans les mains des pères de la patrie, qui ont daigné s’occuper, avec une aussi tendre sollicitude, de mon sort actuel. « Je suis avec respect , votre très humble, « Signé: : Broudon de La Pérouse. « Ghamprosay, près Paris, ce 25 avril 1791. » M. Rabaud-Saint-Etienne. Le rapport (1) qui était à l’ordre du jour n’a pu être fait; la matière des finances se présente nécessairement à l’ordre du jour, et parce que vous n’avez pas u’oPjets constitutionnels à traiter en ce moment, et parce qu’elle offre un objet infiniment important à votre discussion. Vous avez décrété une émission déterminée de petite monnaie, émission évidemment insuffisante dans mon opinion. Il devient donc très instant de prendre des moyens pour suppléer soit à la disette du numéraire, soit à l’insuffisance de la petite monnaie. Je demande la parole sur cet objet. Un grand nombre de membres : Parlez ! parlez ! M. Rabaud-Saint-Etienne. Messieurs, une plainte générale se fait entendre sur la rareté du numéraire, sur son prix excessif, sur l’insuffisance des assignats, sur l’embarras des citoyens qui ne peuvent ni vendre ni acheter, faute de signes dont la circulation animée mette en activité le commerce réciproque des besoins. Le mal s’accroît à chaque instaut et, depuis quelques jours, ce n’est plus l’argent seulement que l'on achète, c’est la petite mounaie même que l’on est forcé d’acheter. Le patriotisme étonnant d’une foule de bons citoyens les porte, je l’avoue, à d’incroyables sacrifices et i’échange de leur fortune contre la liberté ne leur permet pas de se refuser à leur ruine ; mais cette ruine n’est pas nécessaire, et ce serait entendre mal la Révolution et la Constitution que de faire acheter par la misère un bienfait qui doit produire l’industrie, l’aisance, l’activité et tout ce qui peut faire fleurir un Empire. S’ils ne calculent pas leurs sacrifices, nous devons calculer pour eux, et l’on ne peut qu’être eft’rayéde l’amaigrissement où va tomber le corps politique, si nous n’y prenons garde. Due peuvent devenir des manufacturiers, des artisans, des entrepreneurs de toute espèce, quand ils sont obligés d’acheter l’argent à 6 et 7 0/0, et de répéter ce sacrifice au moins une fois par semaine? Il faut absolument qu’ils suspendent leurs travaux. Les manufactures doivent tomber ; les artisans, les ouvriers sans travail seront, par conséquent, sans pain ; les travaux de lacampagne resteront suspendus ; la balance du commerce nous sera toujuurs plus défavorable et notre numéraire continuant à s’écouler par ce vaste épan-choir, nous nous trouverons dans la misère. Inquiets alors, nous nous agiterons pour créer d: s ressources forcées, mais il ne sera plus temps et le corps séchera faute du sang qui ne circulera plus dans ses veines. ( Murmures à gauche.) Ce qu’il y a de remarquable en tout ceci, c’est que la fortune, qui n’a cessé de nous protéger, nous tend les mains encore pour nous sauver du péril. Partout le commerce se ranime, les villes de fabrication reçoivent des demandes de partout, l’ouvrage abonde et ce sont les ouvriers ui sont rares. Mais le fabricant paralysé, faute e petit numéraire, ou se croyant obligé de l’acheter fort cher, courant après les assignats de 50 livres qu’encore il est obligé d’acheter, perd le bénéfice qu’il a droit d’attendre de son industrie; en sorte que l’avantage de la concurrence reste toujours aux étrangers et que nous sommes toujours plus lents à reprendre notre avantage naturel dans la balance du commerce. Il est temps, Messieurs, de remédier à ce mal. Différer, c’est vouloir périr de gaieté de cœur et par pure inconsidération. Ce remède, c'est d’abord la petite monnaie que vous avez décrétée en trou petite quantité à mon avis et que pourtant nous n’avons pas encore. Un autre remède que tout le monde vous demande, ce sont de petits assignats. ( Murmures et applaudissements.) Je vous demande toute votre attention. Dès le commencement, ils vous furent demandés; et ce que tou-les citoyens désiraient, ce que le peuple souhaitait, ce n’étaient pas des assignats inutiles, mais des assignats dont il pût se servit ; ce n’étaient pas des masses de 2,000, de 1,000, de 500 livres qu’il n’a jamais possédées et qu’il ne voit jamais ; mais un numéraire qui remplaçât les écus, qui concourût autant qu’il serait possible avec eux et dont ils pussent être payés et se servir pour payer. Je ne fais pas le calcul effrayant de tout ce que le peuple a perdu par l’émission des forts assignats, de tout ce qu’il aurait gagné par l’émission des petits ; je n’ai pas besoin d’émouvoir votre sensibilité, et l’aspect du présent et le calcul de l’avenir inspirent assez d’effroi pour éveiller votre sollicitude. D’ailleurs, je n’ai point oublié tout ce que souffrit d’oppositions, tout ce qu’inspira de terreur la doctrine des assignats. D’abord, on n’y vit qu’un papier-monnaie, des billets de Law, de la charlatanerie , une banqueroute. Il fallut vaincre ce premier préjugé. Ensuile, on s’effraya sur la quantité ; il fallut transiger avec ce nouveau préjugé et se borner à une émission modérée; enfin l’on se récria sur la quantité de numéraire qui, disait-on, allait surpasser nos besoins; on s’alarma sur ce que les assignats feraient disparaître les écus, et ces deux préjugés subsistent encore (Murmures)... M. Féraud. Cet objet n’est pas à l’ordre du jour; l’Assemblée ne doit pas s’eu occuper. M. Raband-Saint-Etienne. L