92 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791. J du décret du 21 décembre dernier, qui leur était applicable, le voulait ainsi. C’est le prix total de leurs contrats d’acquisition, à l’exception de ce qui pouvait être relatif aux recouvrements qu’ils avaient acquis. Il était donc juste de rechercher quelle pouvait être la quotité de ces recouvrements confondus dans le prix du contrat. Rien ne s’opposait à cette mesure. Le comité de judicature et l’Assemblée nationale ont jugé que les recouvrements n’avaient pu entrer que pour un huitième dans le prix de leurs contrats d’acquisition ; en conséquence, il a été décrété qu’il ne leur serait retenu qu’un huitième sur le prix de leurs contrats, pour représenter les recouvrements qu’ils pouvaient avoir acquis. Il n’en peut pas être rie même des procureurs au grand conseil, quelques considérations qu’ils invoquent. Par rapport à eux, le remboursement et l’indemnité sont distincts. Dès que la valeur de leur titre est certaine, on ne peut rien leur rembourser au delà de cette valeur; et une fois qu’il est établi, que le titre étant prélevé, le surplus du prix du contrat renferme nécessairement les accessoires du titre; une fois qu’il est établi, que ce surplus doit être divisé en deux parties égales, dont l’une représente la clientèle, et l’autre les recouvrements, lorsqu’il y a acquisition confuse de ces deux objets, on né peut plus sortir de cette règle, quelque sévère qu’elle puisse être; on doit, par conséquent, retrancher la moitié de l’indemnité à ceux qui ont acquis des recouvrements sans aucune spécification de prix. Si cette moitié devient d’autant pins considérable, que la valeur de leur titre est modique, il faut l’imputer au malheur de la position dans laquelle ils sont. Au surplus, quelque rigoureuse que cette mesure puisse paraître aux procureurs au grand conseil, ils savent qu’il en a été proposé une plus rigoureuse encore, qu’on pourrait peut-être reproduire aujourd’hui. Elle consistait à considérer la fixation de leur titre comme une évaluation légale , non susceptible de rectification, mais néanmoins susceptible d’ôtre comptée pour un tiers du prix total du contrat, d’après l’article 8 du décret du 21 décembre dernier, qui veut qu’il soit fait, sur chaque contrat, le prélèvement d’un tiers, lors même que l'évaluation ne monterait pas à une somme équivalente. Puis on divisait le* deux autres tiers, moitié pour la clientèle, moitié pour les recouvrements; et une de ces moitiés, c’est-à-dire un tiers du total, devait être payé à titre d’indemnité. De cette manière, à quelque somme qu’eût monté le prix de l'acquisition, il n’aurait été payé que 4,000 livres pour tenir lieu du premier tiers, et le second tiers eût été payé par forme d’indemnité. En tout, 24,000 livres à celui qui aurait acheté 60,000 livres, 34,000 livres à celui qui aurait acheté 90,000 livres. Cette extrême rigueur n’a pas été adoptée par votre comité, elle ne lui a pas même paru juste. Il faut remarquer, eu effet, que l 'évaluation dont il est parle dans l’article 8 du décret du 21 décembre est line évaluation rectifiée; que c’est eu considération de ce qu’elle est rectifie, de ce qu’elle est rehaussée, autant qu’il a été possible, qu’il a été décrété qu’elle tiendrait lieu du tiers du prix total du contrat, parce qu’il a été présumé, et l’on n’a cessé de le répéter, que, moyennant c< tte rectification, elle atteindrait presque toujours au tiers de ce prix et souvent au delà. Or, si les procureurs au grand conseil ne peuvent jouir du bénéfice de la rectification, on ne peut pas les soumettre à la condition imposée à cette rectification : la fixation de leur titre en détermine la valeur certaine; le prix en est parfaitement connu, il ne peut donc jamais être supposé former ni le tiers, ni le quart, ni le sixième d’un contrat d’acquisition ; il n’est nécessairement entré dans le prix total que pour sa valeur intrinsèque. Le prix certain de la finance des procureurs au grand conseil est de 4,000 livres; le titre n'est donc entré que pour 4,000 livres dans le prix total de l’acquisition de chacun d’eux; il serait par conséquent injuste, en leur remboursant cette somme, de la leur compter pour le tiers du prix total de leur contrat. Mais aussi, dès que le prix de leur titre est certain, il en résulte nécessairement que le surplus du prix de leur contrat forme le prix également certain des accessoires du titre. Et, comme les principes déjà établis veulent que le prix de ces accessoires soit pariagé en 2 parties égales, lorsque les recouvrements et la clientèle ont été acquis confusément, de manière que l’une soit imputée sur la clientèle, et l’autre sur les recouvrements, il est d’une conséquence nécessaire que l’officier qui se trouve en pareil cas ne reçoive pour indemnité que la moitié du surplus du prix total de son contrat, après le prélèvement de 4,000 livres. On ne peut donc s’écarter du projet de décret que le comité vous propose et que voici : « Art. 1er. Les procureurs au grand conseil seront remboursés de leur titre sur le pied de la finance fixée par la déclaration de 1775. « Art. 2. Le surplus du prix de leurs contrats, prélèvement fait de la somme déterminée par cetie déclaration, leur sera payé par forme d’indemnité, à l’exception du prix stipulé pour les recouvrements, et à la� déduction de la moitié, lorsque le prix des recouvrements ne sera pas spécifié. « Art. 3. Les intérêts leur seront payés à dater du 1er juillet 1790. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Despatys de Cour teilles. Je demande qu’au lieu de déduire la moitié sur les procureurs au grand conseil, comme le comité le propose dans l’article 2, on ne déduise que le quart. M. Tronchet. J’appuie cet amendement; il est de toute justice. M. Gossin, rapporteur. Je vous déclare, Messieurs, que c’était mon avis particulier. (L’amendement de M. Despatys de Gourteilles est mis aux voix et adopté.) En conséquence, le projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de judicature, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les procureurs au grand conseil seront remboursés de leur titre sur le pied de la finance fixée par la déclaration de 1775. Art. 2. » Le surplus du prix de leurs contrats, prélèvement fait de la somme déterminée par cetie déclaration, leur sera payé par forme d’indem- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.] 93 nité, à l’exception du prix stipulé pour les recouvrements, et à la déduction du quart, lorsque le prix des recouvrements ne sera pas spécifié. Art. 3. « Les intérêts leur seront payés à dater du 1er juillet 1790. » (Ce décret est adopté.) M. Gossin, au nom du comité de Constitution, propose un projet de décret relatif à la fixation des limites des paroisses et municipalités de Saint-Clou et de Boulogne. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée aationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète ce qui suit : « Le fil de l’eau de la rivière de Seine, formant limite entre le département de Paris et celui de Seine-et-Oise, formera aussi celle des deux paroisses et municipalités de Saint-Clou et de Boulogne ; en conséquence, tous les terrains et maison-situés en deçà de la Seine seront de la municipalité et paroisse de Boulogne, et ceux situés au delà de ladite rivière du côté de Saint-Clou, seront de la municipalité et paroisse de cette ville ; mais, attendu que la répartition des contributions pour 1791 est faite entre les deux départements, la municipalité de Boulogne versera pour cette année seulement, dans la caisse de S ùut-Cloud, la portion de contribution à laquelle les terrains et maisons réunis à Boulogne seront imposés sur les rôles dudit Boulogne. « La pétition de la municipalité de Saint-Clou tendant à être distraite du departement de Seine-et-Oise, pour être réunie à celle de Paris, est renvoyée aux législatures prochaines.» (Ce décret est adopté.) M. le Président fait donner lecture : 1° ü’une lettre de M. Héraut, docteur régent et professeur de la faculté de médecine en V université de Paris , dans laquelle il offre à l’Assemblée ses vues consignées dans un imprimé sur l’organisation civile des médecins et autres officiers de santé. (Cette lettre est renvoyée au comité de salubrité.) » 2° D’une lettre de M. Charles De jean, perruquier, Vun des vainqueurs de la Bastille, demeurant à Paris, rue de Rohan, n° 20, par laquelle il demande de participer aux récompenses que l’Assemblée a bien voulu accorder à ceux qui oat été blessés à cette expédition. (Cette pétition est renvoyée au comité des pensions.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur la prochaine assemblée de révision (1). M. de Hoailles. Depuis longtemps, Messieurs, nous nous occupons d’une série d’uffaires qui retardent l’achèvement de la Constitution ; il est instaut que nous travaillions à cette Constitution de la façon la plus active, afin de pouvoir la présenter au roi dans le plus bref délai. Hier, sur la proposition de M. Camus, appuyée par M. d’André, vous avez pris un parti qui a abrégé beaucoup votre délibération ; je demande que, pour l’abréger encore, on se contente de présenter aujourd’hui à l’Assemblée deux projets très simples: l’un, sur la manière dont la nation française motive a son désir d’avoir une Convention nationale ; l’autre, quand la nation aura motivé ce désir, sur lu manière de rassembler cette Convention. Voilà, à mon sens, à quoi doit se restreindre notre délibération ; sans cela, nous serons encore ici dam 3 mois. ( Applaudissements .) Le comité e-t comme le tonneau des Danaïdes ; on y verse sans cesse; il en sort sans cesse et on ne finit jamais. Il est temps enfin de terminer notre travail. ( Applaudissements .) M. de Croix. C’est précisément là l’ordre du jour. M. d’André. La proposition du préopinant ne tend pas à autre chose qu’à passer à l’ordre du jour, car d’après le décret que vous avez rendu hier, il ne s’agit plus aujourd’hui que de savoir les moyens de connaître le vœu de la nation, pour avoir un corps constituant et de réunir ce corps constituant. Pour parvenir à ce but, je réitère la demande que j’ai faite hier pour que tous les membres qui ont des plans nouveaux à proposer soient successivement entendus. Je sais que M. Frochot en a un ; je sais que M. Salles en a un ; M. de Croix peut en avoir un aussi. Si ces plans sont bons, nous les adopterons ; mais quand même ils ne seraient pas bons, ils pourront faire naître des idées utiles. Je prie ensœte les opinants de se convaincre que depuis que l’Assemblée a rejeté la proposition que je lui avais faite de fixer un terme prohibitif avant lequel il ne pût pas y avoir de Convention, il est plus que jamais nécessaire de prendre des précautions pour que les Conventions nationales ne soient pas trop faciles à obtenir. M. de Croix. Avant d’entendre les plans, il faut savoir s’ils sont nécessaires ; je crois, pour ma part, que la nation n’a d’autre moyen de manifester son vœu que l’insurrection. (Murmures.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Je demande la priorité pour les plans contre l’insurrection. (L’Assemblée, consultée, décrète que les membres qui ont des plans d’exécution à proposer seront entendus.) M. de Croix. Moi, je demande à prouver que la nation a déjà indiqué le seul moyen possible de changer sa Constitution. M. le Président. Vous n’avez pas la parole. M. Cioupil-Préfeln. On peut dire, dans un autre sens, des Conventions nationales, ce que disait un poète comique d’un musicien : Une fugue en musique est un morceau bien cher. C’est en effet une grande maxime en gouvernement que de dire que le mieux est souvent l’ennemi du bien. Une Constitution est la capitulation du corps social ; il faut la considérer avec une sorte de religion et de respect; et pour qu’on se porte à la changer, il ne suffit pas qu’on y remarque des inconvénients quelconques; il faut que ces inconvénients soient évidemment intolérables. Cette vérité est évidente pour ceux qui, comme nous, ont été témoins des secousses d’une révolution. Il faut donc songer sérieusement à " rétablir la paix intérieure; ceux qui pensent au-(1) Voy. ci-dessus, séance du 30 août 1791, au matin.