[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 février 1790.] 687 plaids et assises, est abolie; et il est défendu à tous propriétaires de fiefs de continuer aucuns terriers, gages-pleiges, ou plaids et assises, commencés avant la publication du présent décret. » On passe à la discussion de l’article 6, dont voici la teneur : « Art. 6. La saisie féodale et la saisie censuelle sont abolies; mais les propriétaires des droits féodaux et censuels rachetâmes pourront exercer les actions, contraintes, exécutions, privilèges et préférences qui, par le droit commun, les différentes coutumes et statuts des lieux, appartiennent à tous premiers bailleurs de fonds. » M. Legrand , député du Berry. Les seigneurs pourraient prétendre, si cet article restait ainsi rédigé, que vous n’avez voulu parler que de la saisie des fruits, pour devoirs non faits et cen-sives non payées, tandis que les diverses coutumes admettent des saisies particulières pour des cas très différents. Je propose de rédiger ainsi ; « Toutes espèces de saisies résultant de contrats de bail à cens, établies par les coutumes, dans quelque cas que ce soit, et sous quelque dénomination qu’elles soient connues, sont abolies.» M. Target propose d’amender ainsi l’article : « et toutes autres saisies que les seigneurs exercent en vertu de leurs fiefs. » M. de Montlosier demande la question préalable sur la totalité de l’article, en établissant qu’il ne présente aucun sens. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements, et adopte l’article, rédigé d’une manière différente, par M. Merlin, rapporteur du comité de féodalité. — Voici cette rédaction : « Art. 6. Toute saisie féodale et censuelle, et droit de commise sont abolis ; mais les propriétaires des droits féodaux et censuels, non abolis sans indemnité, pourront exercer les actions, contraintes, exécutions, privilèges et préférences, qui, par le droit commun, les différentes coutumes et statuts des lieux, appartiennent à tous premidrs bailleurs de fonds. » L'article 7, modifié par le comité ainsi qu’il suit, est soumis à la discussion : «Art. 7. Tous les droits féodaux et censuels, ensemble toutes les rentes, redevances et autres droits qui sont rachetables par leur nature ou par l’effet des décre ts du 4 août 1789, seront, à l’avenir et jusqu’au rachat, soumis, pour le principal, à la prescription que les différentes lois et coutumes ont établie relativement aux immeubles réels, sans rien innover en ce qui concerne la prescription des arrérages. » (Pendant la lecture de cet article, MM. le baron de Juigné. le marquis de La Queuille, le comte de Foucault s’agitent avec,, violence à une des extrémités de la salle. M. le baron de Juigné parle avec plus de chaleur; mais il ne parvient à une partie de l’Assemblée que des sons inarticulés. On prie M. le baron de Juigné de monter à la ribune ; il y court.) M. le baron de Jaigné. Lorsque vous proposâtes à la noblesse de donner au peuple des preuves de son attachement, elle décréta qu’elle payerait les impôts, et que les droits qui asser-vissaient le peuple seraieut détruits. Le 4 août vous avez aboli ces droits. Les jours suivants, quand il ne s’agissait que de la rédaction des décrets, on voulut porter atteinte aux droits honorifiques ; cet objet fut écarté, et je ne vois pas pourquoi on dit aujourd’hui que les droits honorifiques sont abolis. Pourquoi abolir le régime féodal, qui ne fait pas de mal au peuple ? Mais vous faites le malheur des habitants des campagnes. J’ai l’honneur de vous avertir que pour rendre le peuple français heureux, il faut qu’il soit propriétaire; et comment les paysans seront-ils propriétaires, si vous ne permettez pas les baux à cens, si vous ôtez tous les agréments possibles à la noblesse, qui, depuis l’origine delà monarchie, n’a cessé de prodiguer son sang et sa fortune ? M. Defermon. 11 est permis d’interrompre un préopinant quand il n’est pas dans l’ordre du jour et de la délibération. Il s’agit de la prescription. M. le baron de Juigné. Tous les articles sont si obscurs et si mauvais, qu’il m’est impossible d’asseoir une opinion. M. le Président. Les six premiers articles sont décrétés. Sont-ce ceux-là que vous trouvez obscurs, ou bien est-ce le septième? M. le baron deJuigné.Oui,etle serment que m’a prescrit le corps auquel j’appartiens... ( Des applaudissements ne permettent pas d'entendre M. le baron de Juigné.) M. le baron de Juigné quitte la tribune ; M. le marquis de Foucault y paraît. M. le marquis de Foucault. Je vous apporte un article qu’il est toujours temps de placer; ce sont les engagements que vous avez pris avec moi, vous ne devez pas les oublier. Vous m’avez dit que je ne serais pas dépouillé de ma propriété si je n’avais rien envahi. J’ai donné les fonds pour les besoins de l’Etat, pour avoir telle jouissance, quand le Roi m’a investi de quelque chose, et ce quelque chose m’appartient: tout ce que je n’ai pas envahi est la première créance de l’Etat, puisqu’elle rend au propriétaire la vie plus douce et plus aisée, Je dois dire que si on ne rend pas justice, malgré tout, malgré toute loi, je dirai que c’est une violence et une atrocité commise par... ( M le marquis de Foucault n'achève pas sa phrase et se retire.) On reprend la délibération. M. Loys présente, au nom de ses commettants, l’amendement suivant : « Les arrérages ne pourront être demandés à l’avenir que de cinq ans avant l’interpellation judiciaire. » M. de Lachèze. Le comité féodal s’occupe en ce moment d’un travail qui a pour objet unique les arrérages. Il faut ajourner tous les amendements qui pourront y avoir quelques rapports. Plusieurs amendements de cette nature sont encore présentés. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer quant à présent. L’article 7, relu par M. le Président, est adopté en ces termes : Art. 7. « Tous les droits féodaux et censuels, ensemble toutes les rentes et redevances et autres droits qui sont rachetables par leur nature ou par l’effet des décrets du 4 août 1789, et jours suivants, seront, à l’avenir, et jusqu’à leur rachat, soumis, pour le principal, à la prescription que