498 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 aoilt 1790- L’Assemblée décrète que cette lettre sera renvoyée au comité des rapports. M. Chabrond, au nom du comité des rapports , expose que la ville de Loudun s’est partagée eu deux sections pour procéder à la nomination de son maire. Le premier scrutin n’a donné aucun résultat. Avant de passer au second, le peuple, par une acclamation tumulteuse, a proclamé le sieur Lemaître, et les anciens officiers municipaux ont dû dresser procès-verbal de cette opération. L’élection est irrégulière; d’ailleurs, le sieur Lemaître paraît être comptable de la commune et par conséquent inéligible. Le comité propose un projet de décret ainsi conçu : «'L’Assemblée nationale, après avoir ouï le compte que lui a fait rendre son comité des rapports, des procès-verbaux du 11 juillet dernier, relatifs à l’élection du maire de la ville de Lou-dun, et des acclamations tumultueuses par lesquelles le sieur Lemaître a été proclamé maire, sans avoir réuni la majorité absolue, a décrété et décrète : « 1° Que le sieur Lemaître n’a pu être proclamé maire de la ville de Loudun ensuite d’un premier scrutin qui n’a pas donné une majorité absolue, et que défenses sont faites audit sieur Lemaître d’en prendre le titre et d’en faire les fonctions ; « 2° Qu’il sera procédé, dans les formes prescrites par les articles 16, 18 et 19 du décret concernant la constitution des municipalités, à un second scrutin, et successivement, le cas échéant, à un troisième, pour la nomination du maire de ladite ville; « 3° Qu’il est fait défenses à foutes personnes d'apporter empêchement ni trouble à la confection et recensement desdits scrutins, à peine d’être poursuivies comme perturbateurs du repos public. # Il est ordonné, au surplus, que toutes les autres dispositions des décrets concernant lechoix des officiers municipaux seront exécutées suivant leur forme et teneur. » Quelques membres prétendent que cette difficulté doit être renvoyée au département pour être jügée. M. Chabrond répond que les pouvoirs des administrations du département ne s’étendent pas jusque-là et que, dans l’espèce, le renvoi n’est pas possible, puisque celle du département, dans le ressort duquel se trouve la ville de Loudun, n’est pas encore organisée. {Le projet de décret est adopté.) M. "Vernier, membre du comité des finances , fait un rapport sur le mémoire adressé à l'Assemblée par M. Necker, le 25 juillet dernier. Avant de passer à l’examen, dit le rapporteur, du mémoire de M. Necker, je crois devoir présenter au peuple, perpétuellement abusé sur la véritable situation de ses affaires, un aperçu de ce qu’il payait avant que la nation fût assemblée et de ce qu’il payera, d’après le nouvel ordre de choses. Avant la convocation des étais généraux, les imiiositions qui devaient rentrer dans leTrésor royal s’élevaient à 585 millions ; mais dans cette somme n’étaient pas comprises celle nécessaire pour le logement des gens de guerre et autres dépenses de nette nature, ûn n’y comptait pas l'impôt occasionnel de la contrebande. Je les évalue à 6 millions. On n’y comptait pas non plus les frais du recouvrement auquel on emploie plus de 200,000 hommes, qui coûtaient plus que l’armée de ligne entière. Ces impositions sont incalculables ; elles ne pesaient pas moins sur 1«* p*-u-n le, que celles qui rentraient dans leTrésor public. Nonobstant cette énorme charge, il se trouvait chaque année auTrésor public un déficit de plus de 50 mil ions. J’ai cru cette digression nécessaire, parce qu’on affecte de répandre que les ! euples sont plus que jamais accablés sous le faix des impôt'’. Il y aura une diminution de 200 millions, malgré la dette viagère contractée pour le clergé et le payement des honoraires des officiers de justice. Le peuple sera délivré des aides, de la gabelle, de la féodalité et de la servitude. Je passe à l’examen du mémoire du ministre ; il comptait recevoir 4 millions des receveurs généraux : mais il leur a été impossible de faire ce payement, parce que les receveurs particuliers sont en arrière. Les aides et le tabac, en mai et en juin, et dans les trois premiers mois de l’année, ont éprouvé une diminution considérable. Les40 millions pour le remplacement des droits de gabelle, et de ceux sur les cuirs et autres droits, n’étant pas répartis, ne peuvent être perçus. La contribution patriotique n’est point encore rentrée; le payement des anticipations a absorbé des sommés considérables. Le décret, qui acèorde 2 million? pour la mendicité, nécessite u te nouvelle émission de fonds... Il n’y a rien dans la demande du ministre qui puisse alarmer, puisqu’il ne s’agit quede suppléer, pardesavances, à un payement qui sera bientôt effectué. Je crois devoir rendre hautement justice aux vertus du mipistre; c’est un fort qu’on attaque de tout côté, et qui est imprenable. Le seul reproche qu’oq puisse lui faire, c’est d’avoir voulu substituer des impôts à d’autres impôts; c’est d’avoir présenté des idées conformes à une longue expérience, qui ne permet guère de s’élever à la hauteur des conceptions nouvelles. On sait que M-Colmar s’est engagé à prouver un déficit de 600 millions dans les comptes du ministre. Le comité, conformément à vos décrets, a nommé des commissaires pour examiner cotte dénonciation, et en instruire M. Colmar par une lettre. lia répondu qu’il ne yopiait avoir affaire qu’à une commission externe, quoique le comité ait consenti à examiner cette affaire en sa présence et en celle de telle autre personne qu’il lui plairait d’amener. ' ' Divers membres demandent l’impression dp rapport de M. Vernier. M. de Dîeuzîe. Comme il est possible qu’il y ait plus de 550 millipns d’impôts à asseoir, puisque M. Vernier ne comprend pas, dans cette somme, 20 millions nécessaires pour les corvées; comme le peuple pourrait croire également que les aides sont supprimées, quoiqu’il n’y ait rien de statué à cet égard et que notre collègue préjuge l’extinction totale d’une contribution dont l’Assemblée conservera peut-être quelque partie ; je demande, si le rapport est imprimé, que le rapporteur se borne à dire que l’impôt sera .diminué de 150 millions, M. Vernier. Ces observations sont fort justes et j’en tiendrai compte. M. Gaulljer de BianjtfJt. Je remarque, rela-tiyèjnênj auf anticipations, que, d les paye-r eppneés, ij d’eo esjlte pîp que pour [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.1 499 96 millions. Comment se fjjit-il qu’on ait dès [ors pour 10 à 15 millions d’jnterêts à payer? M. Camus. La raison en est fort simple. Il est d’usage de payer aux fournisseurs de fonds les intérêts une année à l’avance, attendu l’engagement qu’ils contractent de les délivrer à la première réquisition. Je crois qu’il n’y a aucun motif de faire mention des anticipations, si l’Assemblée ordonne l’impression du rapport. M. Vernier. Je dois déclarer que je ne tiens nullement à l’impression de mon rapport. M. le Président. Si personne n’insiste sur la demande d’impression, l’Assemblée va passer àson ordre du jour. (Cette proposition est adoptée.) M. d’Ambly. Vous avez chargé une députation d’aller à Saint-Cloud prendre des nouvelles de la santé du roi. Lorsque l’huissier nous a annoncé, le roi est sorti de son cabinet et nous a dit : « Vous voyez mon état. Vous direz à l’Assemblée nationale que je la remercie de son attention. » Le roi a la lèvre supérieure enflée jusqu’au nez, mais il n’a plus de lièvre : il nous a parlé très honnêtement. Nous n’avons pu voir M. le Dauphin. Mme de Tourzel nous a dit qu’il avait pris de la casse et qu’il venait de prendre un remède. Un de MM. les secrétaires annonce que le résultat du scrutin pour V adjonction de six membres au comité des pensions a donné le résultat suivant ; MM. de Jessé ................ 204 voix. Berthereau (de Paris) ..... 189 l’abbé Julien ............ 123 de Cr“cy ................ 107 Pilastre ................ . 101 Chaillon ................ 93 L'ordre du jour est la sMite de la discussion du projet de décret sur l1 organisation dé l'armée, article 4, M. de�îfiéty, qui ouvre la discussion, trouvede grands inconvénients dans le système dn doublement des régiments. Il rappelle qu’un des motifs qui avaient déterminé le maréchal De Muy à se déterminer pour les régiments à deux bataillons était la facilité de mieux connaître l’esprit des individus et de porter à un point d’unité qui rendait le commandement plus facile. 11 a pensé que l'opinion de ce ministre devait être d’un grand poids dans celte délibération : il a dit que les incorporations feraient des mécontents de tous ceux qui perdraient inévitablement leurs grades, et qui, par cette opération, se verraient frustrés de l’espoir de leur prochain avancement, en appelant de nouveaux concurrents à ce roulement et a cité les difficultés qui avaient eu lieu dans le doublement de la cavalerie sous le ministère de M. de Ghoiseul. Il n’a pas approuvé la création de quatre lieutenants-colonels, proposée par le comité, non plus ue la suppression des majors dont il a soutenu a grande utilité. A l’égard des bataillons en garnison, il a pensé qu’en n’adoptant pas les doublements, il serait facile d’y pourvoir, en formant une compagnie de garnison, composée die 80 hommes, pris sur chaque compagnie du régiment, laquelle sprait cpmm�udee par un capitîùue, lieutenant, pt sous-lieutenant et un sergent-major. Le capitaine aurait 3,000 livres d’appointements; les lieutenant, sous-lieutenant et sergent-major, les mêmes que ceux des autres compagnies� L’opinant conclut contre le doublement des régiments qu’il propose de composer de deux bataillons ; de dix compagnies, chacun de 50 hommes; il ne veut qq’un seul lieutenant-colonel et réclame la conservation des majors. M. de Rogtaing. J’observe que, pour le moment, la seule question à décider est celle de savoir si, oui ou non, il y aura un doublement des régiments. ' M. de Reynand combat le système de l’incorporation à cause du défaut d’emplacement pour recevoir de grands corps, du sacrifice des habitudes prises et 4e l’inopportunité des circonstances. M. d’flpambHre. Je dois rappeler à l’Assemblée que le comité militaire a consulté des officiers de tout grade, et qu’il a été jugé que le doublement était nécessaire afin d’avoir une armée prête à entrer en campagne un mois après sa formation. Ce qui fait la force d’une armée ce n’est point la composition des régiments par tel ou M nombre de bataillons ou d’escadrons, mais c’est leur bonne organisation et leur exacte discipline. M. de Jessé (1). Je ne cherche point à atténuer les raisons que peut vous présenter votre comité, par le doublement des différents corps de troupes : Il est certain que les gros corps rendent un service plus efficace en temps de guerre; il est certain que, lorsque les gardes du camp, les soldats en détachement, ceux qui sont employés à convoyer les équipages, lorsque les malades se trouvent prélevés, souvent il ne reste oint, dans les régiments composés du nombre es nôtres, une assez grande agglomération d’hommes, pour se présenter isolément devant l’ennemi, et que l’on est souvent obligé d’en réunir deux, pour présenter uu front suffisant et une force respectable. Je sais que l’usage des gros corps de troupes est adopté dans toute l'Allemagne, dans ce pays qui, depuis Gustave-Adolphe jusqu’à Frédéric et'Laudon , n’a cessé d’être une immense école de guerre, où l’on a vu les premières armées manœuvrières et un de ces rois, inventeur d’une tactique qui eût fait l'étonnement et peut être l’admiration de la Grèce et de Rome. Certainement, si nous étions placés dans d’autres circonstances intérieures et extérieures, j’adopterais le doublement proposé; l’autorité de ces grands maîtres me déterminerait; mais, Messieurs, s’il est prouvé que tout ne convient pas également dans tous les temps et qu’il faut souvent se défendre de la dangereuse séduction du mieux possible, je crois que nous sommes précisément dans le cas défaire rapplica-tion de ce principe. Le doublement et l’incorporation des troupes a toujours été même, en temps de paix ét dans les circonstances les plus tranquilles, unje des opérations les plus délicates à faire sur elles. J’ai vu longtemps dans l’incorporation même des (1) Nous empruntons l’opinion de M. de Jessé au Journal le Point du Jour , tome XII, p. 398. Cette version est beaucoup plus complète que celle du Ma»t-