ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [H juillet 1791.] 130 [Assemblée nationale.] devant un tribunal, pour y appeler, s’ils le jugent à propos, des jugements qui les ont convaincus d’usure et de mauvaise foi. Le gouvernement français doit trouver dans l’Assemblée nationale un puissant protecteur contre les calomnies anglaises; ma conduite doit être applaudie, et les ministres d’Angleterre doivent être avertis que leur despotisme ne saurait s’étendre jusqu’en France. Les jugements rendus par la commission de Tabago sont au nombre de 159. Il s’en trouve 49 qui ont prononcé les confiscations et les réductions dont se plaignent les créanciers; les 110 autres ont confirmé des demandes légitimes, montant à 8,439,307 liv. 5 s. 2 d. tournois. Les poursuites des créanciers plaignants sont cause que le pouvoir exécutif n’a pu statuer encore sur les payements à faire, et que les eréan-ci rs de bonne foi soûl en souffrance, quoique le premier des jugements aient éié rendu le 7 mars 1788, et le dernier, le 8 août 1789. Il est donc de la justice et de la gloire de la nation, que cette alfaire soit promptement terminée. Afin de faciliter la discussion de ces objets qui, pour la plupart, sont étrangers en France, et qui tous sont abstraits et arides, j’ai pris soin de rapporter et de réfuter, article par article, les deux mémoires des créanciers anglais. Ils ont parlé et j’ai répondu deux fois, et la matière se trouve parfaitement discutée par eux et par moi. Je m’interdis de dire ici rien qui puisse favoriser la cause que je défends. Ce n’est que par l’examen des raisons pour et contre que l’Assemblée doit se décider ; le décret qu’ede portera sur cette affaire fera époque dans l’histoire des nations; et je serais criminel, si je pouvais désirer uuire chose qu’un résultat digne du corps cons;iiuant de la nation française. J’ajoute seulement que j’offre à l’Assemblée, à ses comités, et à chacun de ses membres, les preuves et les éclaircissements ultérieurs qui seraient jugés nécessaires. Signé : RoUME. Hôtel de Calais, rue de Richelieu, le 11 juillet 1791. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 11 JUILLET 1791. Premier MÉMOIRE de M. Roume, commissaire et ordonnateur de l’île de Tabago, chargé par le ministre de la marine de répondre aux réclamations des hypothécaires anglais, qui réfute un mémoire adressé à V Assemblée nationale pour les créanciers anglais des habitants de Vite de Tabago, par MM. Tod et Francklyn , députés de ces créanciers. A l’Assemblée nationale. Messieurs, Ce mémoire est digne de votre attention, puisqu’il contient des principes nécessaires pour pro-(1) Yoy. ci-dessus, même séance, page 129, la pétition adressée sur cet objet à T Assemblée nationale par M. Roume. noncer sur une importante question soumise à votre jugement. Il s’agit de décider si !e gouvernement français a été coupable d’injustices atroces envers certains sujets de l’Angleterre, ou si ceux-ci se sont oubliés jusqu’au point de vouloir vous tromper par de grossières calomnies et de faux exposés. J’ai l’ho meur d’être, avec le profond respect dû aux régénérateurs de l’Empire français, Messieurs, de la nation, de la loi et du roi le très fidèle sujet. Roume. Paris, le 25 septembre 1790. INTRODUCTION. MM. W. Tod et Gilbert Francklyn, se qualifiant du titre de députés des créanciers anglais de l’île de Tabago, viennent de présenter un mémoire à l’Assemblée nationale, et de le distribuer dans Paris. Ces députés voulaient être admis à la barre; mais, à la séance du 6 du mois dernier, l’Assemblée décida qu'ils n’y seraient point reçus, et qu’ils porteraient leur's réclamations devant les comités réunis du commerce et des colonies. Ce mémoire, qui traite de questions importantes dans la conjoncture actuelle de la France, est fait avec auta U d’art que peu de bonne foi; il paraît que les deux députés, ne doutant pas qu’il ne leur fût permis de le lire à la barre de l’Assemblée, ne doutaient pas non plus que leur ti iomphe ne fût complet, par l’effet que pro duirait une simple lecture. Les plus grands coups que portent mes adversaires sont dirigés contre M. le maréchal de Cas-tries, et principalement contre moi. Si le mémoire é ait vrai, nous aurions trompé le roi, nous aurions compromis 1 honneur de la nation, par des infractions les plus grossières du droit des gens, par des intrigues et par l’usage le plus eflréné du despotisme ministériel ; en outre, moi seul, coupable de délits énormes, à Tabago, je mériterais d’être exemplairement puni. Lorsque, accusé devant l’Assemblée nationale, j’ai pour juges les représentants de la France, la nation et l’univers entier, je dois employer la méthode la plus simple, la plus claire et la moins exposée aux contestations, tant pour me justifier que pour convaincre ceux qui m’attaquent, des torts dont ils se sont rendus coupables. Eu conséquence, je rapporterai fidèlement, et dans leur ordre naturel, tous les articles du mémoire, en y répondant selon qu’il y aura lieu; par ce moyen, dont le seul choix prouve la bonté de la cause que je défends, le lecteur aura sans cesse sous les yeux les accusations de mes adversaires et mes réfutations. Avant d’entrer en matière, il convient que je donne une idée de l’objet en contestation. Des créanciers anglais réclamèrent devant M. le maréchal de Gastries, alors ministre de la marine, des sommes considérables contre les colons de Tabago, île conquise par M. de BouLlé, le 2 juin 1781, et que l’Angleterre nous céda par le traité de paix de 1783. Le ministre instruit, par moi, qu’il éiait de sa justice de faire examiner des réclamations, parmi lesquelles il s’en trouvait de contraires aux lois anglaises, avant d’ordonner le remboursement des créanciers anglais, en rendit compte à Sa Majesté. Le roi, par un arrêt de son Conseil d’Etat, du 29 juillet 1786, établit une commission à Tabago, que Sa Majesté chargea de juger exclusivement [11 juillet 1791. j [Assemblée nationale. J lesdites réclamations en se conformant aux constitutions britanniques. J’observe que le même arrêt prononçait contre ceux des créanciers qui refuseraient ne déposer les titres de leurs réclamations, la confiscation des sommes qui leur seraient dues; que parmi les créanciers qui ont encouru, depuis, des confiscations, pour ne s’être pas conformés à la condition prescrite par le roi, il s’en trouve de deux 6SDèC6S. Les uns, outre leur désobéissance ou leur négligence, étaient coupables d’usure. Il ne peut rester aucun doute que les confiscations qui les concernent doivent être dévolues au Trésor royal. Quant aux confiscations prononcées contre des créanciers de bonne foi, pour n’avoir pas fait le dépôt de leurs titres, il est de la générosité de la nation d’en faire la remise, et de ne considérer ces délinquants que comme coupables de simple négligence. Le résultat du travail de la commission donne pour (1) : Totalité des réclamations ........... 22,032,108 1. 13 s. 2d. Sommes allouées par la commission aux réclamauts ..... 8,439,307 6 2 Diminution qui aurait lieu si toutes les confiscations étaient gardées ............ 13,592,801 1. 7s. »d. Si l’on remet la confiscation sans usure montaat à... 2,851,1011. 13 s. 8 2/3 d. La balance revenant aux créanciers sera de ............ 10,741,6991. 13 s. 8 1/3 d. Et les confiscations usurairts qui sont de plein dro t dévolues au Trésor royal, étant de ................. 2,420,533 9 10 4/9 La vraie diminution des dettes de l’ile sera de ........ 8,321,1661. 3 s. 4 8/9 d. Cette réduction finale provient des intérêts usuraires et des erreurs qui ont été soustraits de différentes demandes. Réfutation du mémoire présenté à l'Assemblée nationale pour les créanciers anglais de l'ïle de Tabago. I. « Les Anglais, créanciers des colons et habitants de Tabago, viennent réclamer les secours de votre justice contre les actes d’oppression que l’administration française a exercés contre eux. «Leurs propriétés, leur réputation, les droits les plus sac és, tout leur a été enlevé depuis que Î’île de Tabago a passé sous la domination française; et cependant on les avait flattés, dans des actes solennels, que le régime de l’îie ne serait 131 point changé, et que les lois anglaises, sous la garantie desquelles ils avaient contracté conserveraient une exécution entière, jusqu’à ce qu’elles aient été remplacées par des lois françaises » (1.) Ce préambule se trouvera réfuté à mesure qu’il se développera dans la suite du mémoire. II. « Les plaintes des exposants et leurs malheurs se justifient par des faits qu’il faut présenter avant toute discussion. « L’ile de Tabago fut conquise en 1781 par les armes de la France. « L’île obtint une capitulation honorable. « Par l’article 4 de cette capitulation, il fut dit que les habitants en général seraient maintenus dans la possession de leurs biens et dans la jouissance de tout ce qu’ils possédaient, de quelque nature qu’ils puissent être, ainsi que dans leurs privilèges, droits, honneurs et exemptions. » Gomme MM. Tod et Francklvn prétendent tirer un grand pirti des citations qu’ils font dans cette section et dans les quatre qui suivent, je suis obligé pour les réfuter d’en faire aussi de mou côté. Les articles 3 et 4 de la capitulation sont les seuls qui soient relatifs à l’affaire de ces messieurs; ils ont à peu près cité Je quatrième. Voici ce que contient le troisième : « Les habitants de l’ile conserveront leur gouvernement civil, leurs lois, coutumes et ordonnances; et les mêmes personnes qui administrent actuellement seront continuées dans leurs fonctions aussi longtemps qu’elles se conduiront d’une manière convenable. « La cour de la chancellerie sera tenue parles membres du conseil dans la forme établie par les lois, coutumes et ordonnances par lesquelles cette île est gouvernée, jusqu'à la paix; mais les appels de ladite cour seront portés au conseil de Sa Majesté Très Chrétienne. » Les réserves faites dans les troisième et quatrième articles de la capitulation n’étaient donc que provisoires et jusqu’à la paix, en ce qui concerne les lois et les tribunaux de Tabago. III. « Bientôt après, il fut question de céder pour toujours l’ile de Tabago à la France. « Les créanciers anglais sur hypothèque, aussitôt qu’ils eurent connaissance des articles préliminaires, envoyèrent à Versailles des commissaires députés, pour supplier Sa Majesté Très Chrétienne de leur dire à quel point la paix proposée pourrait influer sur le sort de leurs propriétés, et pour demander qu’on maintînt dans toute leur étendue leslois et les institutions sous lesquelles on avait prêté de l’argent ou passé des contrats d’hypothèque. « La réponse de Sa Majesté fut on ne peut pas plus consolante pour les créanciers. « La voici : « Les lois anglaises cesseront d’être observées à l’époque où, par un édit, le roi jugera à propos de leur substituer des lois françaises; mais les engagements de toute espèce, qui auront été contractés sous les lois anglaises, seront exécutés conformément auxdites lois, dont les nouveaux ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Les sommes sont en livres tournois. (1) Les passages entre guillemets sont tirés du mémoire de MM. Tod et Francklyn. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 132 tribunaux seront tenus de suivre les dispositions. » Il ne faut pas confondre les lois anglaises avec la manière de les exécuter. Sa Maje-té ne dit autre chose dans la citation ci-oessus, si ce n’est qu’elle n’abolira les lois anglaises que par un édit, et que les nouveaux tribunaux seront tenus d’ensuivre les dispositions. Par conséquent, avant de publier l’eriit, Sa Majesté pouvait, sans se contredire, d'après des motifs suffisants, créer un nouveau tribunal, en lui ordonnant de se conformer aux lois anglaises. L’on verra dans la suite que c’est positivement le cas de la commission de Tubago. L’article cité par mes adversaires est la qua-trièm" des réponses que fit Sa Majesté en juin 1783, à M. le général Melvill, chef des commissaires-députés anglais. Cette réponse se trouve éclaircie par la deuxième qui porte que « les clauses de la capitulation ne peuvent être considérée s que comme provisoirementétablies pendant la guerre; que le traité de paix, cédant et garantissant à la France la souveraineté de l’île de Tabago, assujettit nécessairement cette île à la forme d’administration et aux principes du gouvernement français; que, dans une colonie particulière, il n’e.'t pas possible d’admettre une Constitution particulière, contraire à la Constitution générale du gouvernement; et que, don autre côté, il n'e-t point encore question de faire aucune innovation sur les termes provisoires établis par la capitulation, et que les droits municipaux seront conservés. » La comparaison des deux réponses démontre évidemment nue Sa Majesté n’entendait nullement s’interdire la faculté, d/après des motifs suffisants , d’établir un nouveau tribunal à Tabago : et ce qui ne permet plus de conserver le moimire doute, c’est la lettre de M. le maréchal de Casiries, en envoyant les réponses du roi à M. le général Melvill. Le ministre avertit le général Me : vill « qu’il apercevra, par les réponses du roi, les principes d’aprè' lesquels Sa Majesté entend établir son gouvernement à Tabago. Mais M. le maréchal de Castnes lui observe que le roi ne se considère point comme entrant dans un engagement formel avec ses nouveaux sujets, et que les commissaires ne doivent considérer les réponses que comme un simple mémorandum. » Je ne dois pas laisser ignorer que je viens de faire ces deux citations d’après une simple ira-duction en anglais, que j’ai eue à Tabago. Je me suis adressé au ministre, et j’aurai une expédition en forme de cette pièce, ainsi que de plusieurs autres que je remettrai aux comités réunis du commerce et des colonies. Mais n’oublions pas qu’au lieu d'un engagement de nation à nation, il ne s’agit que d’un simple mémorandum donné par le roi à ses nouveaux sujets. IV. « Le traité de paix, conclu à Versailles le 3 septembre 1783, consacra ces dispositions bienfaisantes. « L’article 7 porte que les habitants de Tabago conserveront leurs propriétés aux mêmes litres et conditions auxquels ils les ont acquises. » Je prouverai, lorsqu’il en sera question, qu’il n’a point été fait d’infraction au traité de paix. En attendant, voici la partie qui concerne Tabago dans le traité de paix, tirée du 7e article : « Le habitants britanniques ou autres qui auraient été sujets du roi de la Grande-Bretagne dans lesdites lu juillet 1791.] îles, c’est-à-dire Sainte-Lucie et Tabago, conserveront leurs propriétés au même titre et conditions auxquels iis les ont acquises, ou bien ils pourront se retirer en toute sûreté et liberté où bon leur semblera, et auront la faculté de vendre leurs biens, pourvu que ce soit à des sujets de Sa Majesté Très Chrétienne, et de transformer leurs effets, ainsi que leur personne sans être gênés dans leur émigration, sous quelque prétexte que ce puisse être, hors celui de déliés ou de procès criminels. Le terme limité pour cette émigration est fixé à l’espace de 18 mois, à comp-terdu jour de l’échange des ratifications du présent traité; et pour d’autant mieux assurer les propriétés des habitants de la susdite île de Tabago, le roi Très Chrétien donnera des lettres patentes portant abolition du droit d’aubaine dans ladite île. » M. les créanciers anglais pourraient se plaindre avec raison du ministre plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, qui en fit si peu de cas, qu’il n’en mentionna pas même le nom, tandis qu’il prenait des sûretés pour les habitants de Tabago; mais, lorsqueMM.Tod etFrancklyn s’avisent de citer en leur faveur le traité de paix, ils s’imaginent pans doute parler à des gens qui n’entennent ni le français ni aucune langue. Si les droits des créanciers n’étaient Coudés que sur cet article, le roi, sans établir de commission, aurait pu leur répondre qu’ils n’avaient rien à demander; mais ce droit est indé endant de la négligence d’un ambassadeur, il est fondé sur une éternelle vérité, la raison naturelle. V. « Pour assurer, d’une manière plus solennelle encore, les droits des créanciers et des propriétaires, Sa Majesté abolitle droit d aubaine par des lettres patentes données en son conseil. » L’édit d’abolition du droit d’aubaine forme le n° 1 de mes preuves : je n’y vois rien de relatif auxcréanciers pourqui parlent MM. Tod et Franc-klyn. (Preuves, n° 1.) VI. « Le vicomte d’Arrot, envoyé après le traité de paix comme gouverneur à Tabago, fut chargé de la part du roi d’un mémoire d’instruction qui renfermait les mêmes principes de justice. « Il y était dit aussi que tous les actes passés sous l’autorité des lois anglaises setaient soumis à ces mêmes lois, et que, quant aux tribunaux existants dans l île, l’intention de Sa Majesté était qu’il ne fut Lit aucun changement dans la forme établie sous le gouvernement britannique. « Ces instructions officielles furent rendues publiques à Tabago, et enregistrées dans les tribunaux de la colonie. » Les instructions données par le roi à M. d’Arrot, portaient que l’intention de Sa Majesté n’élait point de changer les anciens tribunaux. Ct ile3 qui furent ensuite données à M. de Dillon et Roume de Saint-Laurent, portaient que le roi avait ordonné, par un arrêt de son conseil, la création d’une commis-ion. Tout le monde sait qu’il en est des instructions comme des testaments dont le dernier détruit le premier. D’ailleurs, que signifient les instr étions de M. d’Arrot? Sa Majesté y renonçait-elle au droit de créer un nouveau tribunal chargé de juger d’après les lois de l’Angleterre? La partie de nos instructions qui concerne lll juillet 1791.] 133 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. l’arrêt du conseil et la commission fut rendue publique, devant le conseil, l’assemblée et la plupart des h ibitants réunis au palais de la ville a Tabago, le 7 décembre 1786; elle doit être enregistrée au conseil. VII. « Ainsi la capitulation, la réponse de Sa Majesté aux commissaires de l’île, les condition-du traité de paix et les ordres donnés par St Majesté à son gouverneur à Tabago, garantissaient aux créanciers leurs propriétés entières, et leur offraient, pour moyen d’obtenir justice, les tribunaux établis par les lois anglaises, et gouvernés par ces lois. » Tous ces titres garantissaient seulement aux créanciers que les engagements contractés sous les lois anglaises seraient jugés d’après ces lois; mais les citaiions que j’ai faites aux cinq sections qui précèdent prouvent de la manière la lus évidente, que, d'après ses motifs suffisants, a Majesté pouvait établir un nouveau tribunal à Tabago, en lui ordonnant déjuger d’après les lois anglaises. Donc ce sera une calomnie punissable, en France et dans la Gran le-Bretagne, lorsque MM. Tod et Fr.mcklyn oseront accuser Sa Majesté d’avoir enfreint des engagements publics, contractés par elle au nom de la nation avec l’Angleterre, par l’établissement d’un nouveau tribunal à Tabago, chargé de juger d’après ks lois anglaises; lors surtout qu’il se trouvait, comme je le démontrerai, des raisons d’impossibilité ou d’incompétence dans les anciens tribunaux. VIII. « Mais cette confiance si naturelle fut bientôt une vaine illusion. « En 1786, il fut nommé de nouveaux admi-nisirateurs pour l’ile de Tabago. « Le comte deüillou y fut envoyé comme gouverneur, et le sieur Roume de Saint-Laurent comme ordonnateur. « Le smur de Saint-Laurent avait fait croire au ministre de la marine que les créanciers anglais, prêteurs de fonds aux habitants de Tabago, étaient de vils usuriers qui avaient ruiné l’ile et les colons, et qu’en inspectant toutes ces créances, on y trouverait une réduction très con-idé-rable à faire, d’après les dispositions (tes lois anglaises, qui prohibaient l’usure sous les peines les plus sévèies .» Je n’ai besoin de rien dire sur la nomination de M. de Dillon nu gouvernement de Tabago, puisque les services militaires et le mérite de cet officier général lui donnaient droit de prétendre à un meilleur gouvernement. Mais comme j’ai été changé de remplir les fonctions de commissaire général et d’ordonnateur dans une colonie français ', quoique je n’ensse jamais été employé dans le corps de l’administration, et que le public pourrait en inférer que je n’ai dû la conliance du ministre qu’au projet de la liquidation des dettes de Tabago, il convient que je rende comp'e des motifs de l’estime du ministre, et que j’explique l’origiue de mon projet. Je m’étais acquis une bonne réputation à l’île de la Grenade, où je suis né (Preuves, n° 2). Après la conquête de celte île par M. d’Estaing en 1779, les différents mémoires et les lettres que le département de la marine reçut de la Grenade, me tirent connaître d’une façon avantageuse au ministre. En outre, M. de Montm >rin, qui voulut bien me présenter à M. le maréchal de Gastries en 1784, l’instruisit de ma conduite chez les Espagnols, et des services que j’avais eu le bonheur de rendre à leur nation, notamment à la colonie de la Trinité, dont je puis me flatter d’être le fondateur (Preuves n° 3) (1). Voilà les causes qui déterminèrent le choix gue M. de Gastries fit de moi; et il ne m’en estima pas moins, lorsque j’obtins de lui 24 heures de délai, pour me consulter avant de prendre les places dont il me croyait digne, lesquelles j’acceptai lorsque M. le comte d’Arranda m’eut fait tranquilliser sur les reproches que je craignais d’encourir en Espagne. Quelques jours après ma nomination, le ministre me proposa de rédiger un plan, pour emprunter eu Hollande, sous la garantie du gouvernement, une somme d’environ 20 millions tournois que réclamaient les capitalistes anglais contre les habitants de Tabago. M. le maréchal me dit que ces capitalistes demandaient leur payeme it, et exigeaient l’exécution des lois anglaises contre les débiteurs; que ceux-ci payaient de très forts intérêts; que les Hollandais fourniraient de Large i là moitié prix ; que, par ce moyen, non seulement les capitalistes anglais seraient satisfaits, mais que les colons s'acquitteraient au moyen de leurs récoltes, sans que l’on fut dans la nécessité de les ruiner par la vente ou la séquestration de leurs habitations. Je savais que beaucoup de réclamations étaient affectées d’usures lesplus grossière-, qui montaient quelquefois à plus de 15 0/0 dès la première année, et qui, moyennant des comptes arrêtés tous les 6 mois, ou môme plus souvent, produisaient des progressions géométriques divergentes, et d’une très grande rapidité. Je savais que les lois anglaises prohibaient ces sortes de malversations de la manière la plus positive, et sous des peines rigoureuse?. Je savais que, s’il était juste de payer les créanciers de bonne foi, ce serait en même temps le comble de l’absurdité, si on leur payait des sommes auxquelles ils n’avaient aucun droit; et surtout si l’on endettait le gouvernement en le rendant responsable du payement des débiteurs de ces exiorsions. Je n’étais pas le maître de taire ces vérit s, puisque mon devoir, comme ordonnateur de Tabago, m’obligeait de les dévoiler au ministre. Je le fis; en cela je remplis mes obligations, comme homme public et comme bon citoyen. M. le maréchal de Gastries ayant approuvé le mémoire explicatif que je lui remis à cette occasion, je lui présentai un projet pour juger lesdites réclamations. (Preuves n° 4.) Mon projet avant été discuté, corrigé dans les endroits qui en étaient susceptibles, le roi, par un arrêt de sou Conseil d’Etat du 29 juillet 1786, o donna l'éta-blis-emeni d’une commissiou à Tabago, laquelle il chargea de juger les réclamations des capitalistes anglais, en se conformant aux Constitutions britanniques. (Preuves n° 5.) (1) L’établissement de cette colonie, qu’il n’aurait pas été possible de consolider sans la proteclion que lui donna M. le comte de Florida-Blanca, et sous le zèle infatigable de ce ministre, fit de si grands progrès sous le sage gouvernement de M. de Chacon, que la totalité des produits de l’ile, qui ne s’élevaient qu’à 12,000 livres tournois en 1779, passa 3 millions en 1787. 134 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]il juillet 1791.] IX. « Le motif du sieur de Saint-Lanrent, en dégageant les habitants de Tabago des obligations qu’ils avaient consenties sous la foi des traités, était de les amener sans murmurer à recevoir les impôts exorbitants dont il se proposait de les charger. » Si MM. Tod et Francklyn entendent parler des frais de procédure à la commission, j’expliquerai ce qui en est, lorsqu’il en sera question dans la suite de leur mémoire. En attendant je vais rapport/ r les torts que peuvent me reprocher les colons de Tabago, soit relativement aux impôts, ou sur les autres parties de mon administration. Les colons devaient au roi, en sa qualité de représentant deSa Majesté Britannique, pour arrérages dus sur l’achat primitif de leurs terres, la somme de 660,642 I. 6 s. tournois : d’après un mémoire que M. de Dillon se chargea de rédiger, et que nous envoyâmes en commun au ministre, Sa IVlajesté accordades diminutions et des remises qui, jointes à des preuves de payements retrouvées depuis le mémoire, réduisent la dette à 200,279 1. 10 s. 8 d. 2/3 tournois. Les colons devaient au-si au roi, en la même qualitéde représentant de Sa Majesté Britannique, des droits de cens sur leurs terres, et des amendes encourues pour non-payement desdits droits. D’après un aperçu calculé au plus bas, la totalité des droits montait à 165,396 livres tournois, et celle des amendes à 31,897,800 livres tournois : total des deux sommes, 32,063,196 livres tournois. A moins de vouloir expulser de l’île les nouveaux sujets, il eût été ridicule d’exiger le payement de dettes à peu près égales à la valeur des propriétés de la colonie; mais, il n’en est pas moins vrai qu’à toute rigueur elles étaient légitimement acquises au fisc royal, et qu’elles étaient tant par leur priorité, que par la nature des tenu-res féodales, privilégiées sur tous les autres engagements des colons. Et si Sa Majesté eût tenu quitte ces débiieurspourun ou deux millions (1), ils auraient dû se trouver généreusement traités. Néanmoinsj’employai des arguments si persuasifs en leur faveur dans le mémoire sur les cens et les amendes qui m’échut en partage, M. de Dillon s’étant, comme je l’ai dit, chargé de l’autre, que ces arguments, appuyés de la concurrence de M. de Dillon, ont obtenu de Sa Majesté la remise totale des cens et des amendes, ainsi que l’abolition de la perception de l’un et de l’autre à l’avenir. L’imposition royale qui se payait à Tabago, et qui montait à 133,333 1. 6 s. 8 d. tournois, avait été établie par nos prédécesseurs en vertu des instructions du roi; et les colons n’ayarit pas voulu payer l’imposition de l’année 1785, Sa Majesté, dans les instructions qu’elle nous donna, nous enjoignit d’obliger les colons de payer ladite imposition arriérée; en conséquence de quoi la législation qui subsistait alors passa un acte pour lever ladite imposition en cinq termes annuels, à commencer en 1787, chaque terme de 26,666 1. 13 s. 4 d. tournois. Total des impositions payées au roi, 160,000 livres tournois. Bien des fois je me suis trouvé dans le plus (1) J’ai su positivement à la Martinique, avant de arlir, par M. Désabaye, habitant, nouveau sujet de a Majesté Britannique à l'île de la Dominique, que l’on y obligeait les nouveaux sujets de payer exactement le droit de cens. grand embarras pour satisfaire aux dépenses du service, et jamais l’on ne m’a vu employer le moindre moyen de rigueur contre les colons; j’ai travaillé jour et nuit, et j’ai sacrifié mes yeux et ma santé pour m’occuper de leur bonheur : s’ils me rendaient la justice que j’ai méritée d’eux, mon nom serait gravé dans la salle de leur assemblée coloniale comme dans leurs cœurs. Plusieurs des lettres écrites par M. de Dillon et par moi, ou par moi seul, au ministre prouvent, que dès qu’il s’agissait du bien être des colons, c’étaient les pères, et non pas les administrateurs de la colonie, qui parlaient pour les habitants. X. « Ainsi le sieur de Saint-Laurent, pour faire en apparence le bien de la France, allait déshonorer sa nation aux yeux de tous les peuples de l’univers. » S’il était possible que le fait de quelques particuliers pût déshonorer leur nation, l’honneur de l’Angleterre se trouverait grandement compromis par MM. Tod et Francklyn. XI. « Il faut dire ici quelles étaient ces créances, et de quelle manière elles avaient été contractées. « L’île de Tabago avait été cédée à la Grande-Bretagne par le traité de paix de 1763. « Depuis plus d'un siècle, elle n’était pas habitée, et n’offrait dans la surface que l’aspect d’une vaste forêt. Le terrain fut divisé en lots qui furent vendus au prolit du gouvernement à veux qui jugèrent à propos d’en faire l’acquisition. Les premiers qui s’y transportèrent, étaient pour la plupart des hommes connus et alliés à de riches négociants et autres capitalistes anglais, qui contribuèrent par des avances à accélérer le défrichement et mettre les terres en valeur. » Cet historique n’est pas susceptible de réfutation. XII. « Ces nouveaux colons hypothéquèrent, au payement des sommes empruntées, les propriétés qu’ils venaient d’acquérir. « En Angleterre, les actes qui se passent à l’occasion de ces emprunts, se nomment contrats d’hypothèque ou contrats de mort-gage. « En général, l’hypothèque, d’après les lois anglaises, présente les mêmes idées que dans le droit français. « Cependant les effets de l’hypothèque et les contrats ont dans les colonies anglaises uueforme, un mode particulier. « Ces contrats d’hypothèque contiennent le transport même de l’immeuble, au profit du prêteur. « Parle mêmeacte d’hypothèque, on stipule aussi l’intérêt de la somme prêtée. « Puur cette stipulation de l’intérêt, les colonies anglaises ont un Corps législatif à part, et ce Coip' législatif a le pouvoir de régler l’intérêt de l’argent dans l’étendue de la colonie. » Puur comprendre la nature des différents mort-gages anglais, il faut des connaissances préliminaires si variées, si abstraites, si contradictoires entre elles, et si peu semblables à nos idées sur l’hypothèque, qu’il est impossible d’en donner 135 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I il juillet 1791.] une notion parfaite, sans une théorie presque complète des lois et des fictions angaises. On ne parvient à ces connaissances qu’avec les plus grandes diflieultés, lorsqu’il faut les chercher dans le labyrinthe de la jurisprudence anglaise. J’ai compo-é, il y a 2 ans, ma théorie du mort-gage; quoique ce traité soit beaucoup plus instructif et plus utile pour l’Angleterre qu’il ne puisse l’être ici, il ne laisserait pas néanmoins d’être curieux pour des Français qui voudraient, en peu de jours, avoir la clef de toute la jurisprudence actuelle de l’Angleterre : en outre, il servirait à comprendre le sophisme que M.Francklyn pourrait inventer contre plusieurs jugements rendus à Tabago, ainsi que les réfutations que je ferai de ces sophismes, (les motifs sont cause que ma théorie du mort-gage sera le second des mémoires que je compte faire imprimer dans le cours de la guerre que j’ai à soutenir contre mes adversaires, les usuriers. Celte théorie du mort-gage apprendra surtout à se tenir en garde contre les abus de la loi, que certains charlatans voudraient substituer au code d’une nation que l’Europe admire, parce qu’elle osa la première essayer de se conduire d’après les principes de la raison naturelle. Les législation' des îles anglaises ont effectivement le pouvoir, ainsi que le disent ces Messieurs, de régler le taux de l’intérêt dans la colonie : bien entendu toutefois que l’acte qui fixe le taux au-dessus du taux légal de l’Angleterre, ne soit pas vicié de nullité, et que les contrats passés en vertu de l’acte d’une colonie, depuis 1774, soient p issés dans la même colonie. Je ne fais qu’indiquer ici des principes que je développerai dans mon troisième mémoire, qui contiendra une théorie complète de l’usure en Angleterre, appnyéde la traduction des statutsdu parlement britannique, promulgué contre ce délit depuis le xive siècle jusqu’en 1774. Mes trois premiers mémoires fatigueront assez l’attention des personnes qui se donneront la peine de les lire, pour qu’elles en soient dédommagées, et j’essayerai d’y réussir dans un quatrième et dernier mémoire où, généralisant mes idées, je proposerai des vues sur l’intérêt de l’argent et sur de très grands objets nationaux qui en découlent soit directement ou indirectement. XIII. « A Tabago, un acte de l’Assemblée générale passé et publié le 6 septembre 1768, fixa le taux de l’intérêt à 8 0/0. « Ce même intérêt se paye encore aujourd’hui à Saint-Christophe, Nièves, Mont-Serrat et Saint-Vincent, colonies anglaises. « Ainsi dans les contrats qui se passaient entre les habitants de Tabago et les capitalistes anglais, létaux ordinaire de l’intérêt pouvait êtredeS 0/0. « Néanmoins le plus grand nombre des contrats ne porte l’intérêt que de 5 à 6 0/0. » L’acte publié à Tabago le 6 septembre 1768 était nul dans son origine par les raisons qui sont déduites dans l’arrêté de la commission du 12 novembre 1787. (Preuves n° 6.) Je prie le lecteur, de le lire en entier; non seulement il sera convaincu de la nullité de cet acte, mais il y trouvera un exemple qui, faisant le plus grand honneur à M. de Dillon, prouve le caractère d’équité qui règne dans tout le travail de la commission, travail que je présenterai aux deux comités nantis de la plainte portée contre moi. Il est vrai que, dans certains contrats, l’intérêt ne paraît être porté qu’à 5 et 6 0/0 ; mais on trouve de ces mêmes contrats, où des extorsions de tout genre portent l’usure jusqu’à 20 0/0, dès la première année, avec des accumulations d’intérêts sur intérêts, tous les ans, tous les 6 mois et même plusiems fois pendant ce dernier intervalle. La preuve s’en trouve dans les jugements de la commission. Il s’en faut néanmoins de beaucoup que tous ni même la majeure partie des créanciers anglais se soient rendus coupables d’usure. La commission n’a j imais manqué de donner des éloges à ceux qui les méritaient par leur bonne foi, ou par leur générosité. Elle a relevé des erreurs commises par des créanciers à leur propre préjudice. Les jugements sont motivés avec le plus grand soin, et la collection que les deux comités du commerce et des colonies auront sous les yeux, loin d’être iadigne de la nation, mérite, j’ose le dire, d’être publiée pour offrir des modèles en semblables circonstances. XIV. « Les colons se trouvaient souvent dans l’impossibilité de payer les intérês échus, par la nécessité où ils étaient de faire servir tontes leurs ressources à assurer la prospérité do leurs habitations: dans quelques-uns de ces cas, les créanciers, par pure bienveillance, consentaient à convertir les intérêts échus en principal soit ea prêtant l’intérêt aux débiteurs, soit en convenant que l’intérêt dû serait considéré comme principal, entre les mains de ces débiteurs. » Les mots : « pure bienveillance » étaient nécessaires pour masquer un peu des accumulations d’intérêts que les lois anglaises condamnent comme usuraires. Ce que je prouverai ci-après. XV. « Quelquefois ou passait un acte qui grevait l’immeuble d’une nouvelle hypothèque. « Mais ce nouvel acte n’était pas même nécessaire : toute manière de s’obliger au payement, soit par lettres missives, billets, obligations ou autrement est légalement suffisante pour former un acte distinct, séparé de l’acle d’hypothèque originaire, et pour porter intérêt de lui-même, indépendamment de celui du contrat primitif. » Les lettres, missives, billets, obligations ou autrement dont parlent MM. Tod et Fia ucklyn, font partie des abus auxquels veut remédier le parlement d'Angleterre, lorsqu’il insère dans tous les statuts contre l’usure, depuis le règne de Henri VIII, jusqu’à présent: « que personne dans aucun contrat ne prendra directement ou indirectement, pour prêt d’argent, au-dessus de ta valeur de 6 0/0 aux colonies, depuis 1774, pour l’intérêt d’une année et à proportion pour un temps plus ou moins considérable; que toutes obligations, contrats et assurances quelconques faits pour payement d’aucun principal ou argent à être prêté, par aucune usure, au moyen de quoi, il serait réservé ou pris au-dessus du taux de 6 0/0 aux colonies, seront entièrement nuis, et que toute personne qui, dans aucun contrat prendra, acceptera et recevra par voie ou moyeu d’aucun contrat vicieux , prêt, échange , marché frauduleux , subterfuge , ou intérêt d'aucune chose quelconque ou par aucune voie ou moyen trompeur, subtilité, artifice ou cession insidieuse , pour premium d’une année de crédit de son argent, au-dessus de la valeur de 6 0/0 aux colonies pour 136 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juillet 1791. | une année et dans la même proportion, pour un i temps plus ou moins consdérable, forfaitra et perdra pour chaque offense le triple de la somme prêtée, contractée, échangée , ou troquée, la moitié de la confiscation au roi, l’autre au dénonciateur. XVI. « Les intérêts d’intérêts considérés comme capitaux sont autorisés de la manière la plus formelle par les lois anglaises. « Ges loisdisent toutesque l’intérêt devient principal dès qu’un compte est arrêté, et que les comptes arrêtés portent intérêt surtout en fait de mort-gage. « Il est même dit que l’intérêt est dû pour la balance annuelle d’un compte qui se renouvelle. « C’est sous ces rapports, c’est de cette manière que la plupart des exposants ont contracté à Tabago. « Cette forme de contrat a toujours été, et est encore, comme nous venons de Je dire, celle des autn s colonies anglaises. » D’après des assertions aussi hardies que MM.Tod et Francklyn répètent, à la 53esertion,où ils renvoient à leurs pièces justificatives, u° 2, quel es! l’homme honnêie et peu ver.-é dans les lois anglaises, qui ne puisse pas bien croire sur leur parole, et sur des exemples qu’ils produisent à l’appui. Pas un mot de vrai néanmoins, Ces Messieurs, abusant de l’antique confiance que nous accordons aux Anglais, revêtus d’un caractère public, insultant le bon sens de no're nation, au lieu de produire des lois, osent nous présen'er des décisions de jug *s de la chancelé - rie, contraires aux lois anglaises. J’ai cité le résumé des sttuts britanniques centre l'usure, résumé qui renferme louie la jurisprudence anglaise sur cet objet; mais eux, chargés de défendre une mauvaise cause, ils n’ont pu citer que les abus de la loi. Per.-onne n’est plus pénétré que moi de la vénération que mérite l’ensemble des décrets prononcés par les chanceliers d’Angleterre; ces décrets ont rendu les plus grands services, ont éclairé les questions les plus abstraites; ils ont fourni des principes qui sont devenus les bases de plusieuis acies du parlement. Mais qu’est-il arrivé? Qu lq efois, comme dans le cas présent, certains chanceliers poriant l'enthousiasme au point de se croire infaillibles, au lieu de décréter sel m la loi, n’ont consulté que leur manière de voir, ou se sont laissé conduire par des principes admis dans leur société. Il en est rémlté que leuts successeurs les ont imités, par cet esprit de corps qui fait que l’on aime mieux juger contre la loi que de tneüre en contradiction les prononces du même tribunal. Il ne s’ensuit pas de là que ces décisions soient des los; au contraire, ce sont des taches qui obscurciraient la gloire des chanceliers anglais, si elle ne leur était garantie par leurs vertus et leurs lumières. Il suffit de recourir aux Commentaires des lois anglaises , par Blackstone (ouvrage que je me permets de citer, non pas comme l’opinion de Black-tone, mais comme celle de la nation anglaise qui approuve ce livre qu’elle regarde comme le code de ses loi;-), on verra dans ces Commentaires, introdi ction, § 3 : Que la loi anglaise se divise en deux espèces seulement : la loi commune ou loi nou écrite, et la loi écrite. La première est l’ancienne coutume du pays, qui, dans les premiers temps, se conservait par tradition. Cette coutume, depuis plusieurs siècles, se trouve consignée dans les jugements rendus par les jurés à la cour des plaids communs , laquelle cour, cou. me on le sait, est le tribunal naturel des Anglais. Tout s’y décide d’après la loi commune, et d’après le texte positif des statuts britanniques, tandis que la chancellerie, transplantée d’Italie en Angleterre, a eu différentes fois les plus vives altercations avec la cour des plaids communs. La deuxième espèce des lois anglaises consiste dans le recueil des actes du parlement d’Angleterre. Tout ce qui contredit l’une ou l’autre n’est par conséquent que l’abus de la loi. La loi commune condamnait indistinctement toute espèce de prêt portant intérêts, quel qu’en pût être létaux. Le parlement lit une distinction, permit de prendre un intérêt qui devint local, et ne le permit qu’avec les plus grandes précautions; voulant empêcher les abus, le parlement déclara usuraire tout profit sur l’argent plus considérable que le taux légal. Quelque fut la distance de l’époque du prêt à celui du remboursement de l’argent. Le taux de l’intérêt légal, fixé d’abord à lü 0/0, fut successivement réduit à 5 0/0 dans la Grande-Bretagne, et à 6 0/0 pour les sommes qui se prêteraient aux colonies. Doue, tout ce qui passe le taux légal ne saurait être permis par des chanceliers, et ne saurait être justiné par des sophismes ou de faux exposés. Toutes les questions relatives à l'usure se jugent à la cour des plaids communs d’Angleterre, ainsi qu’à la cour d’appel composée des pairs du royaume et éclairée des lumières du chancelier, d’après le texte précis de l’acte passé en 1713 sous la reine Anne, relativement à cet objet. (Preuves nos 7 et 8.) L’ensemble des jugements de la commission offre une autre preuve, que l’on pourrait appeler palpable, de ce que non seulement il n’est pas permis d’outrepasser les profits alloués sur l’argent, par les statuts britanniques, mais encore de ce que les maximes posées par MM. Tod et Francklyn ne font point partie de l’usage des commerçants angais. En effet, les jugements portent sur plus de 296 créanciers, soit comme particuliers, maisons de commerce ou rentiers viagers, tandis qu’il ne s’est trouvé que 61 particuliers ou maisons de commerce qui se fussent rendus coupables d’usure. Je cite avec plaisir cette circonstance, parce qu’e le justifie d’autant mieux les prêteurs anglais, en général, que c’est communément contre ceux qui prêtent aux colonies que se dirigent les reproches d’usure. C’est uonc moi qui suis le défenseur nés capitalistes anglais; et ce sont MM. Tod et Francklyn qui veulent tes déshonorer de la manière la plus authentique. Quant à ce que disent ces messieurs, que cette forme de contrat est celle des autres colonies anglaises, je sais aussi bien qu’eux qu’il s’y commet beaucoup d’usure, et que les lois y sont souvent remplacées par de mauvaises chicanes; mais ils n’ignorent pas plus que moi que l’on y condamne quelquefois les usuriers selon toute la sévérité du statut de la reine Anne. Ils n’ignorent pas davantage que beaucoup plus souvent encore les usurieis resiituent dans le silence de leur cabinet les profits illicites qu’ils avaient perçus ; et cela pour éviter d’être déshonorés par des procédures juridiques. Je puis citer des faits de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juillet 1791.] l’un et de l'autre genre. En outre, je développerai dans ma théorie de l’usure, ou dans mon quatrième mémoire, les causes morales et dangereuses qui rendent les poursuites contre l’usure plus rares qu'elles ne devraient être. Cette discussion sera d’autant plus plus utile, je dirais même nécessaire, que d’après l’essor que prendront indubitablement noire commerce maritime et nos possessions d’outre-mer, nos colons s< raient bientôt réduits à la mendicité, si l'usage d’employer les crédits s’y propageait avant qu’ils n’eussent des règles ceriaines pour ne pas confondre les emprunts utiles avec ceux qui ruinent nécessairement l’emprunteur ou ses enfants; car rien ne serait plus avantageux aux îles françaises qu’un crédit fixé sur des bases raisonnables, et tien n’y serait plus désastreux que des prêts usu-raires. XVII. « Lorsque l’ile a été cédée à la France, il n’existait aucune contestation entre les colons et leurs créanciers, pour raison de ces engagements. « S’il s’en fut élevée, les cours de justice établies dans la colonie avaient toutes un caractère inhérent à leur institution qui leur donnait le droit légal de les terminer. « Outre ces tribunaux, ceux d’Angleterre étaient ouverts à toutes réclamations contre un créancier injuste ou de mauvaise foi; on eût jugé, et le debiteur et le créancier, selon les lois d’après lesquelles ils avaient contracté. « C’est cette heureuse harmonie entre le créancier et le débiteur qui est venue déranger les injustes spéculations du sieur de Saint-Laurent. » Je vais d’abord répondre aux deuxième et troisième paragraphes, pour passer ensuite aux premier et quatrième. Les tribunaux anglais, qui devaient être com-étents pour juger ces sortes de procès à Ta-a go, étaient la cour des plaids communs et celle de la chancellerie. Au moyen des sophismes et des abus de M. de F'ancklyn, ainsi que d’autres avocats ont eu le talent de substituer en place de la loi, il eût été difficile de prouver un grand no < bre de faits d’usure à la cour des plaids communs de Tabago, où l’on s’est plus occupé de la culture des terres, que de l’étude de la jurisprudence. D’ailleurs les habitants, qui n’avaient pour la plupart commencé qu’avec peu ou point de capitaux qui leur fussent propres, et qui considéraient la perfection de leur établissement comme attachée au crédit de la colonie; et les négociants qui, pour la plupart au-si, ne travaillaient qu'avec les capitaux empruntés, n’auraient pas manqué de traiter celui qui aurait voulu recourir aux tribunaux, pour se libérer de dettes usuraires, comme l’ennemi de la colonie ; mais les nouveaux sujets, qui sont presque tous des personnes honnêtes, et qui se respectent, se trouvaient retenus par la crainte que leurs anciens compatriotes ne les accusassent de profiler d’un changement de domination, tant pour se faire rendre justice cont e des usuriers, que pour confondre avec ceux-ci les créanciers de bonne foi; et cela dans l’espérance que les cours d’appel en France n’entendraient pas les lois anglaises. Néanmoins, quoique ces colons n’attaquassent pas leurs créanciers usuraires, ils en avaient le 137 droit; et Sa Majesté ne pouvait leur ordonner de payer leurs créanciers qu’après avoir fait examiner si les réclamations étaient justes, ou contraires aux lois sous lesquelles ou les avait contractées. Quant à la cour de chancellerie, elle était incompétente pour tout ce qui concernait les demandes des créanciers contre les habitants; puisque les membres du conseil qui la comno-s aient avec le gouverneur, étai< nt tous débiteurs ou agents de ses créanciers. Le fait est si vrai que, depuis la conquête, les créanciers ont porté des plaintes au ministère français, lesquelles plaintes ils ont moiivées sur les lenteurs qu’apportait à ce tribunal la difficulté d’en rassembler les membres. La chancellerie était donc nulle relativement aux poursuites contre l’usure, et par la loi, et par le fait. Voyons l’application que nos adversaires disent que l’on pouvait faire aux tribunaux d’Angleterre. Il fallait que le colon lais âtson habitation; qu’il l’exposât pendant son absence aux manœuvres de M. Francklyn ou de quelque autre agent des usuriers; qu’il entreprit un voyage long et dispendieux, le plus souvent sans qu’il en eût les moyens ; ce n’est pas tout, il fallait qu’arrivant à Londres, il s’y livrât, dépourvu de connaissances et de conseils, aux entreprises combinées d’une confédération formidable de riches usuriers, appuyés par les plus rusés chicaneurs, et, munis d 'hypothèques, de lettres-missives, de billets, d'obligations, etc. Ce sont les causes qui empêchent en partie les procès contre les usures commises aux colonies. Je ferai connaître les autres empêchements dans la théorie que je publierai bientôt sur cet objet. Il est temps que j’en vienne aux premier et quatrième paragraphes de la section que je réfute. Qu’entendent MM. Tod et Francklyn par-cant tesiations? Si ce sont des procédu es juridiques, j’ai rendu compte des motifs qui les ont empêchées ; s’ils prétendent que tous les colons fussent bien contents des usures, des extorsions et de la mauvaise foi de plusieurs prêteurs, les deux consultations que je fournis (Preuves n° 9) prouvent que ces messieurs disent ce qui n’est pas vrai. La première de ces pièces est d’autant plus digne d’attention qu’elle concerne ce même M. Tod, adjoint de M. Francklyn . Cette consultation fut faite par l’un des habitants les plus respectables de Tabago (M. John Hamilton) qui s’adressa au plus célèbre avocat de la Grenade, M. Biam ; celui-ci déclara sans hésiter que Tod était coupable de quatre usures, d’espèces différentes, dans la seule affaire de M. Hamiltou; la déclaration est du 10 octobre 1783, deux ans et demi avant que je ne songeasse à donner des projets pour Tabago. La seconde consultation, faite pas M. Thomas Willison, relativement à des usures commises par son préteur, se trouve répan iue par un M. Mackenzie, avocat à la même île de la Grenade, le 29 juin 1784, deux ans avant mon projet. Je pourrais produire d’autres preuves semblables, si j’avais imagiué que je dusse en faire une collection. Ce sont les réclamaiions faites par des créanciers anglais contre les habiiams de Tabago, et adressées au mini-tère de France qui, comme je l’ai dit, section VIII, ont provoqué mon projet. S’il est prouvé d’un côté que les habitants 138 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] faisaient des consultations contre les prêteurs, de l'autre, que ceux-ci réclamaient l’autorité du gouvernement français contre les colons, il est démontré que les injustes spéculations du sieur de Saint-Laurent n’ont pas pu déranger l’heureuse harmonie qui subsistait entre le créancier et le débiteur. XVIII. k Pour faire tomber des créances légitimes, ue les tribunaux anglais auraient respectées, il t créer une commission (1) par un arrêt du conseil du 29 juillet 1786, et il fit ordonner que cette commission vérifierait et réduirait, s’il y avait lieu, les créances des étrangers à Tabago, pour fait d'usure. » MM. Tod et Francklyn se flattaient sans doute que j’étais homme à nier que j’eusse donné le projet de l’arrêt du 29 juillet 1786 ; et pour m’en convaincre ils l’ont prouvé par leur première pièce justificative. Je ne veux pas les borner à ce seul titre; je leur en offre un plus nouveau et plus authentique parmi mes pièces justificatives (Preuves n° 10). XIX. « L’arrêt ne fut pas revêtu de lettres patentes. » Je ferai connaître à la section LIV que cet arrêt n’en avait pas besoin. XX. « Il ordonna que dans les 8 mois (2), à compter du jour de sa publication, les créanciers et les débiteurs remettraient au greffe de la commission les originaux ou copies de leurs engage-(1) Voy. Pièces justificatives. (2) « Le terme fixé par la commission était évidemment trop court pour envoyer d’Angleterre à Tabago une foule de titres de créances. Quand ce délai a été prorogé, les habitants seuls de Tabago ont pu en profiter ; les créanciers ont bien aussi envoyé leurs titres, mais sous le prétexte qu’il en manquait quelqu’un, on regardait la production comme insuffisante : le délai se passait, et on prononçait la confiscation. « D’un autre côté, on exigeait la présentation des titres originaux que quelquefois on avait ou jetés au feu, ou déchirés, lorsqu’on s’etait trouvé dans la nécessité d'obtenir à la cour des plaids communs des sentences contre les débiteurs; ces sentences remplaçaient les actes primitifs, qui, d’après les lois d’Angleterre, devenaient dès lors inutiles. » (Voy. Pièces justificatives n° 3.) {Note de MM. Tod et Francklyn.) 11 est facile de remarquer que. dans le premier membre du premier paragraphe de la note, ces messieurs veulent critiquer l’arrêt, comme ils veulent critiquer la commission dans le deuxième; mais il paraît difficile de les concilier ensemble, puisque, s’il est vrai que les créanciers aient envoyé leurs titres dans le délai fixé, il ne saurait être vrai que ce terme fût évidemment trop court. Quoi qu’il en soit, voici la vérité : Le délai fixé à 8 mois par l’arrêt expira le 7 août 1787 ; M. de Dillon et moi la prolongeâmes successivement jusqu’au 1er janvier 1788; et la commission ne se refusa jamais de concéder ceux qui lui furent raisonnablement demandés ; les minutes des séances, que je présenterai aux comités du commerce et des colonies, en font foi. D’ailleurs, le ministre en avait donné l’assurance aux créanciers anglais, comme il nous l’écrivit par sa dépêche du 22 avril 1787. Je réfuterai le second paragraphe, lorsque j’en serai aux prétendues pièces justificatives de MM. Tod et Francklyn, citées sous leur n° 3. ments, ainsi que les comptes ou autres documents propres à constater le montant et la nature, à peine de 10,000 livres d’amende, et de confiscation de la somme prêtée contre les créanciers qui seraient en retard, de faire ladite remise dans le terme ci-dessus fixé. » Si certains philosophes se contentent de dire que l’habitude est une seconde nature, MM. Tod et Francklyn le prouvent, car il leur est impossible de faire une citation exacte, même dans les cas les plus indifférents. La confiscation de 10,000 livres dont ils parlent concerne le débiteur et non le créancier. XXI. « Un autre article de l’arrêt ordonna qu’il serait nommé des experts qui rédigeraient par écrit le rapport de ce qu’ils auraient reconnu d’illicite dans les stipulations ou payements (1). » Ces experts, choisis par les parties mêmes, ne peuvent que déplaire beaucoup à MM. les usuriers ; il leur serait moins fâcheux de n’avoir passé qu’au creuset des juges français. 1° Les jugos n’auraient peut-être pas reconnu toutes les usures que les experts ont dénoncées; 2° Les juges n’étant pas du choix des usuriers, ceux-ci auraient pu les accuser de partialité. Mais comment faire pour se débarrasser de ces incommodes experts? Le prob’è ne est trop transcendant pour MM. Tod et Francklyn. Aussi, sans oser entreprendre de le résoudre, font-ils semblant de n’en parler que par manière d’acquit; et nonchalamment dans la note précédente. (1) « Les experts, qui n’étaient que des commis de négociants, n’avaient nulle connaisance des lois anglaise : l’influence du sieur de Saint-Laurent faisait tout. » (Note de MM. Tod et Francklyn.) Les personnes qui ont agi en qualité d’experts sont au nombre de 6. Les séances de la commission le prouvaient et prouvent également que les parties ont presque toujours nommé celui qu’elles voulaient ; que nous n’y avons suppléé que pour des délinquants qui ne paraissaient, ni par eux-mêmes ni par fondés de pouvoirs, ou pour ceux qui s’eu étaient remis à notre choix; il n’y est pas moins prouvé que dans ces cas nous avons toujours nommé l’un ou l’autre des deux qui vont être mentionnés les premiers, par la raison qu’ils avaient réuni presque tous les suffrages en leur faveur. Les experts étaient MM. Nathaniel Steward, habitant, qui avait été chargé comme syndic à Londres, de plusieurs maisons de commerce. Sa réputation u’est pas moins établie en Angleterre qu’à Tabago. Spencer Mac-Kay, associé de la maison de Gordon et Cie, sujet de mérite en tous genres, et des plus instruits dans la coutume du commerce anglais. Crighton, négociant, qui réunit à la plus rare modestie les connaissances les plus étendues sur les matières de commerce. Hug Forbes, habitant, dont les talents sont connus pour tout ce qui concerne les comptes et calculs d’intérêts. William Smith, habitant, maître (ou rapporteur) en chancellerie, et prévôt-maréchal ; les deux places qu’il réunit prouveraient sou mérite, quand même il ne le serait point par la bonne réputation dont il jouit à juste titre. Robert Paterson, associé de la maison de Lindsay et Paterson, l’un des hommes les plus savants que je connaisse, très familier avec les lois et les usages" du commerce, et trop versé dans la haute géométrie pour ne pas être capable de calculer des intérêts et autres charges usuraires. Lorsque ces Messieurs liront le mémoire de nos adversaires, ils ne seront pas moins indignés qu’étonnés de se voir traiter de commis ignorants qui se laissaient conduire par moi. LA ssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] 139 XXII. « L’arrêt ordonna aussi que les contrats qui seraient reconnus usuraires n’auraient de valeur que pour Je3 sommes qui auraient été véritablement prêtées, sans que le créancier puisse exiger ni retenir aucune espèce d’intérêt, à compter de l’oiigine de ces contrats. » Le statut britannique, d’après lequel doivent se juger toutes les questions d’usure en Angleterre, forme le numéro 7 de nos preuves. L’arrêt du Conseil d’Eiat est sous le numéro 5. Le statut condamne l’usurier à la confiscation du triple de la somme prêtée pour chaque offense. L’arrêt se borne à la diminution des intérêts. Il ne faut donc pas se plaindre de la sévérité de l’arrêt. XXIII. * Le gouverneur et l’ordonnateur étaient les présidents de cette commission ; trois autres juges de leur choix la composaient avec eux. » Est-ce du petit nombre des juges, est-ce de l’influence des administrateurs que se plaignent MM. Tod et Francklyn? Dans les autres colonies anglaises, la cou* de chancellerie n’e-;t composée que d’un juge, et ce juge est le gouverneur. XXIV. « Ces nouveaux magistrats exécutèrent cet arrêt de mort avec une sévérité dont le pouvoir le plus arbitraire n’a jamais donné l'exemple. » Les séances et les jugements de la commission démentent le contenu de ce paragraphe. Mais je m’honore de ce qu’en ma qualité d’administrateur, j’ai eu la fermeté de meure un frein aux menées sourdes et publiques de M. Frane-cklyn, et des autres agents des usuriers qui voulaient empêcher l’exécution de l’arrêt. Je m’honore encore de l’avoir fait par des moyens puisés dans la loi et que dictaient les circonstances. XXV. « Au lieu de se conformer dans l’exécution de leurs mandats aux lois et aux usages anglais, ainsi que le prescrivait l’arrêt de la commission, qui était cependant lui-même un attentat à ces mêmes lois, ils sont créés arbitrairement des principes et des règles, et par des opérations, des calculs, des raisonnements aussi inconcevables qu’erronés, ils ont réduit ou confisqué les créances les mieux établies. » Malgré l’anathème prononcé ci-dessus, les 159 jugements de la commission prouvent directement le contraire ; comme cette accusation porte en général sur le travail de la commission, ce ne sera qu’en le justifiant en entier devant les deux comités, qu’il me sera possib'e de réfuter MM. Tod et Francklyn sur le présent paragraphe. Je prouverai, section LIV, que l’arrêt ne portait aucune atteinte aux lois anglaises. XXVI. « Partout les commissaires et les deux experts qu’ils ont nommés pour faire la vérification des créances ont vu l’usure et la fraude de la part des créanciers. » Les commissaires et les experts n’ont pas vu l’usure partout; la preuve s’en tire de ce qu’il n'a été trouvé que 61 usuriers, sur la totalité de 296 créanciers; et les jugements de la commission prouvent en outre que les cas douteux ont été décidés en faveur des créanciers. MM. Tod et Francklyn, toujours plus embarrassés des experts que des juges, voudraient persuader ici que les experts ne furent choisis que par les juges. M. Tod ignore-t-il que son procureur fondé, M. Thomas Wilson, choisit pour expert dudit M. Tod, à la. séance de la commission tenue le 16 janvier 1788, M. Nathaniel Steward? Et M. Francklyn a-t-il oublié qu’aux séances de* 9 et 30 janvier, il nomma pour experts, soit our lui o i ses constituants, MM. Mac-Kay et leward? XXVII. « Sans égard pour la loi observée à Tabago, relativement à la fixation de l'intérêt à 8 0/0, il leur a plu d’appeler cet intérêt usuraire. » L’arrêté de la commission du 12 novembre 1787, n° 6, prouve que l’acte, qui permettait de prendre 8 0/0, était nul; qu’en conséquence, les prêteurs pouvaient, à la rigueur, être traités comme usuriers; mais le même arrêté, ainsi que la collection des jugements, font foi que la commission ne les a jamais confondus avec les usuriers, et qu’elle s’est contentée de réduire ces intérêts au taux légal. XXVIII. « Sans égard pour l’usage < légal, observé en Angleterre, de constituer les intérêts comme un principal, également productif d’intérêts sur les comptes, ils ont déclaré ces intérêts d’intérêts usuraires. » J’ai prouvé, section XVI, que la loi et l’usage légal ne permettent pas en Angleterre, de constituer des intérêts productifs d'intérêts, MM. Tod et Francklyn doivent sans doute, répéter les mêmes faussetés; mais la vérité ue demande qu’une seule démonstration, et je ne dois pas abuser des moments du lecteur. XXIX. « Sans égard pour les comptes faits et réglés à la satisfaction commune des intéressés, ils ont porté dans ces comptes un œil indiscret. Ils ont cherché et suivi la trace des opérations qui les avaient précédés : iis en ont scruté les motifs, examiné les raisons et les calculs; ils ont également exigé la représentation des titres de ces créances qui avaient été laissés comme douaire, ou qui se trouvaient données par contrat de mariage; et usant d’une sévérité, qui non seulement excédait les bornes de leur pouvoir, mais que ne demandaient pas des débiteurs majeurs et de bonne foi, ils ont détruit et renversé une foule de conventions faites à l’abri des lois sous l’empire desquelles vivaient les parties. » L’expression d’œil indiscret convient, on ne peut pas mieux, à la cause que défendent mes adversaires ; mais si je leur donne en cela mon approbation, ils voudront bien aussi me permettre de traduire leur paragraphe dans l’idiome de la vérité. Des créanciers anglais demandèrent au roi de mettre en vigueur la sévérité de leurs lois contre leurs débiteurs à Tabago. Sa Majesté, instruite des abus commis par différents prêteurs, et vou- 140 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Il juillet 1791.] lar.t rendre une justice imp-trtiale aux deux parties, fit rédiger, dans un arrêt de son conseil, les mesures qu’elle prenait en conséquente. La commis-ion, chargée d’exé uter l’a rêt, porta, comme et e le devait, l’œil le plus aitentif sur les comptes réglés par les parties. 11 s’en fallait de beaucoup q e les débiteurs fussent satisfaits des ext'irsiuns qu’ils avaient endurées. Quand même ils auraient pu l’être, la loi ne défend pas moins aux piêteurs d’accepter et de recevoir, que d’exiger l’usure. La commission ■ h; rcha et suivit la trace des opérations dès leur origine, on scruta les im tifs, et en examina les raisons et les calculs afin de découvrir la vérité : elle exigea la repiésentation des titres originaux, ou de leurs copies en forme, parce que, sans cela, il eût été impossible de, savoir le vrai. Enfin, la commission, nVxcédant jamais les bornes de son pouvoir, se guidant toujours par les lois anglais et par l’arrêt du conseil qui adoucit en laveur des usuriers, la sévérité de ces lois dét uisit et renversa une foule de conventions contraires aux lois anglaises. Je ne puis réfuter que généralement cette proposition que MM. Ton et Francklyn n’ont établie que sur des généralités : mais je suis prêt à justifier les jugements en particulier. XXX. « L’arrêt d’établissement de la commission avait dit qu’il n’v aurait de frais que ceux d’expertage, lesquels seraient taxés modérément; et ces frais d’expertage, joints à ceux du greffe, d’interprètes et à d’autres dépenses exi-ées par l'envoi des comptes d’Augh terre et 'une foule d’autres preuV' s, se sont portés à plus d’un million tournois. » L’arrêt du conseil, il e-t vrai, ne fait mention que des frais de greffe et d’expertage; mais d s affaires anglaises, jugées par un tribunal français, exigèrent l'intervention d’un interprète. MM. Tod et Francklyn savent trop bien que toute peine vaut salaire pour qu’il leur soit permis de trouver mauvais que l’interprète n’ait pas travaillé gratis. Twus les frais furent taxés par les admini-tj ne plus espérer que leurs talents polémiques réussissent à en frustrer le Trésor roval. Elles s’élèvent, comme je l’ai dit, à 2,420,533 1. 9 s. 10 d. 4/9, et ne sauraient être mieux employées qu’au pay< ment des dépenses à faire pendant quelques années pour fortifier Tabago. J’ai eu soin de distinguer la deuxième espère de confiscation, montant à 2,851,101 1. 13 s. 8 d. 2/3, et de proposer, comme une chose digne de la générosité française, d’en faire la remise aux créanciers de bonne foi, qui ne les ont encourues que par négligence. La commission n’a jamais confondu ces deux espèces de confiscations dans ses jugements; je n’ai pas porté moins d’attention, dans les ta.- bleaux et les extraits que nous avons transmis au ministre, à les distinguer avec 1- plus gr.md soin. La réponse de M. de La Luzerne, du 7 octobre 1788, dit que : « Quant à ceux (les créanciers) qui n’ont encouru des confi-cutions que pour n’avoir pas présenté lenrs titres dans les délais prescrits, il semble qu’on ne doit regarder ces condamnations que comminatoires, et qu’elles tomberont d’elles-mêmes lorsque les titres seront présentés. » Donc il est facile de conclure que si les confiscations pour simple non-dépôt durent encore, c’est parce que les créanciers qui les ont encourues, séduits par les usuriers, se sont avisés de faire cause commune avec eux, jusqu’à piésent : j’espère que ma réfutation ouvrira les yeux de ces créanciers de bonne foi, sur leur propr e avantage et qu’ils réclameront, de la géuéro-ité française, la remise de leurs confiscations. Ce moyen est le seul qu’ils puissent employer, parce que rien ne peut être plus légal que les condamnations prononcées contre eux, comme je le prouverai danslesseciionssuivantes;et que s’ils persistaient à exiger comme justice ce qu’ils ne peuvent obtenir que comme faveur, ils se rendraient indignes d’aucune pitié. XXXII. « Un pouvoir aussi inhumainement exercé ne parut pas encore suffisant aux gouverneur et ordonnateur de l’île. « Pour donner une carrière plus ample à leur despotisme, et se livrer sans retenue à l’impulsion de leurs caprices, ils ont supprimé les tribunaux qui existaient dans file, et dont Sa Majesté avait ordonné la conservation. » Voilà des accusations capitales, soutenues par (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juillet 1791.) de vrais mots techniques ! Gomment supposer que MW. Tod et Franckyln se soient hasardés au point de ne dire ici, comme dans tout leur mémoire, que le contraire de la vérité? G’est néanmoins ce qu’ils ont fait, mon devoir est de le prouver. XXXIII. « Ainsi s’est trouvée abolie la cour des plaids communs, tribunal naturel de la colonie. » C’est donc, en combinant ce paragraphe avec les deux précédents, M\l. de Dillon et de Saint-Laurent qui ont aboli la cour des plaids communs, tribunal naturel à Tabago. M. Tod peut l’ignorer; mais M. Francklyn sait que cette cour devait être composée d’uo chef-juge et de trois juges assistants; que son ami, le chef-juge Robertson était mort d'une suite d’indigestions quotidiennes, quelque temps avant notre arrivée; que nous ne trouvâmes que deux juges assistants, le premier, M. William Stuart, retenu pour cause de maiadie incurable, sur soa habitation, au centre des montagnes; que l’autre eut la candeur de confesser qu’il n’entendait rien aux lois, et de faire publiquement cet aveu à la séance de la législation du 7 décembre 1786. M. Francklyn peut-il ne pas vouloir se rappeler qu’à la même .séance, où il figura plus qu'aucun autre, et où il se trouvait eu qualité de membre du conseil, les deux chambres de la législation, présidées par M. de Dillon et par moi, réglé. eut différentes diminutions sur l’état des dettes civiles de la colonie; et notamment que les salaires accordés aux juges de la cour de plaids communs furent bifés comme dépense inutile? La législation deTabago, comme celle desautres colonies anglaises, à l’imitation du parlement d’Angf terre, é ait composée d’une chambre haute ou cons il, d une chambre basse, ou assemblée, et du gouverneur. Depuis la conquête, l’ordouna-teur présidait avec le gouverneur comme représentant l’un et l’autre la personne du roi. Tout ce que décidait la législation faisait loi pour le pays; et ni le pouverneur, ni l’ordonnateur, eu commun ou seuls, ne pouvaient intervertir l’ordre établi par les deux chambres conjointement avec eux, qu’en violant les droits constitutionnels de la colonie. La vérité est dnic qu’il est faux que nous ayons aboli la cour des plaids communs : 1° parce que ses fonctions cessèrent complètement par la volonté du Corps législatif; 2° parce qu’il n’v a eu d’aboli que ses fonctions, et qu’elle fait toujours partie de la Goastitution, conservée provisoirement à Tabago nar les instructions du roi, données à MM. de Dillon et de Saint-Laurent. XXXIV. « On les a vus aussi se servir d’une cour qu’ils appelaient tribunal du gouvernement. « G’est dans ee tribunal qui s est élevé sans lettres patentas et sans aucune autorité légale, ainsi que le sieur de Saint-Lament a eu l’ind s-crétiondele reconnaître lui-même, que des juges, qui ignoraient jusqu’aux premières notions des lois anglaises, se sont permis de prononcer sur lesdroiiset la propriété des habitants et de leurs créanciers, et de confisquer leurs terres sans prendre seulement la précaution de donner connaissance de cette étrange procédure aux habitants absents de l’île (1). Ht « Us ont été plus loin; on les a vus rendre des jugements dans des affaires qui intéressaient la propriété, sur la demande d’une seule des parties, et sans que l’autre fût présente ni appelée. » J’ignorerais encore ce que MM. Tod et Francklyn veulent me reprocher, lorsqu’ils parlent de l’m-discretion du sieur de Saint-Laurent, si M. de Dillon ne m’avait dit qu’il s’agissait d’un article des instructio is que j’ai données à M. Masse, mon successeur par intérim; voici l’a ticle : « Tribunal du gouvernement. Quoique les instructions nu roi ne fassent aucune mention de ce tribunal, Lorsque MM. Tod et Franck' y u pourront citer un seul exemple, où M. de Dillon et moi avons jugé sur des matières dont la connaissance ne nous appartenait pas exclusivement, ils pourront me taxer alors d indiscrétion ; mais je les délie de produire cet exemple. Ne croirait-on pas, de la manière dont s’expriment ces Messieurs, que nous avons, de notre autorité privée, établi le tribunal du gouvernement à Tabago, et que, par caprice, ou par pur despotisme, nous y avons prononcé sur des droits de propriétés et des conliscations de terres? M. Francklyn manquera-t-il toujours de mémoire à chaque fois qu’il espérera tro iver la mienne en défaut? Avant que M. de Dillon et moi n’arrivassions à Tabago, M. Fran-kiyu y exerçait les fondions de procureur général ; eu cette qualité n’agissait-il pas devant MM. d’Arrot et Delorme, nos prédéers -eurs, et n’a-t-il pas poursuivi et obtenu la réunion au domaine de 13,270 acres de terre? Le sieur Lemant était leur greffier; et quelque nom qu’il lui plaise de donner à ce tribunal, c’t taii le même que nous avons tenu ensuite sous le n »m de tribunal du gouvernement. Les réunions de terres au domaine du roi, soit qu’elles aient été or.ionnées par nos prédécesseurs ouquenous les ayons prononcées, n’ont été faites qu’en vertu des instructions du roi qui rendaient le gouverneur et l’ordonnateur, d’après l’usage des îhs françaises, seuls juges dans cette partie. Je suis prêt à prouver, par l’examen de notre travail au tribunal du gouvernement, que nous n’avons jamais jugé que d’après les conditions contenues dans les litres de concessions, tant pour les titres anglais, que pour les titres qui avaient été donnés par nos prédécesseurs, selon les ordonnances françaises. De notre temps, M. de Chancel remplit la place de procureur général. M. Le Borgne exerça l’oflice de greffier, et nous de procuration des absents, de répondre pour eux dans huitaine, quoique ce fondé de procuration qui avait eu un mandat pour un seul objet, n’eût pas de caractère pour se présenter en justice et y stipuler des droits qu’il ne connaissait pas et qu’on ne lui avait pas donné pouvoir de défendre. » {Note de MM. Tod et Francklyn.) (1) « On se contentait de sommer un prétendu fondé 142 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juillet 1791-1 ne fîmes que continuer, relativement aux réunions, les opérations entamées par nos prédécesseurs. La totalité de nos réunions ne s’éleva qu’à 8,318 acres de terre; ce qui est au-dessous des réunions prononcées par les poursuites de M. Francklyn. L’accusation que je viens de réfuter n’étaut conçue qu’en termes généraux, il me serait impossible d’y répondre autrement que je ne l’ai fait, et que je ne le fais en répétant que je suis rêt de justifier toutes les opérations que M. de illon et moi avons faites au tribunal du gouvernement de Tabago. XXXV. « Les mêmes administrateurs sont parvenus à se procurer un prétendu acte de législation, passé contre toutes les formes de la législation coloniale anglaise, pour se faire nommer, avec un membre du conseil, juges de la cour de chancellerie, quoique Sa Majesté eût ordonné, par ses instructions à son gouverneur, que le nombre des conseillers de cette cour demeurerait conservé à sept, suivant l’ancien régime. » Quel est le lecteur de bonne foi qui, d’après cette assertion, ne resterait pas dans la persuasion, que, par audace ou par intrigues, sans aucun respect pour les ordres du roi, M. de Di lion et moi avons extorqué un acte informe de la législation, à l’ef!et d’envahir la cour de chancellerie? Puisque MM. Tod et Francklyn ne sauraient jamais dire la vérité, il faut que je l’explique encore pour eux, <-t que j’indique la preuve de celle-ci. Des ciéanciers anglais s’étaient plaints à M. le maréchal de Gastries de la difficulté qu’opposaient à Tabago les membres du conseil pour se réunir en nombre qui pût suffire à la composition de la cour de chancellerie; ce qui causait un grand préjudice à ces créanciers, disaient-ils, pour la rentrée de leurs fonds. Le roi en ayant été instruit, pour y remédier, ordonna par ses instructions, à MM. de üillon et de Saint-Laurent, de proposer aux habitants de passer un bill, à l’effet de composer la cour de chancellerie des deux administrateurs et d’un seul membre du conseil. En vertu des mêmes instructions, nous proposâmes la chose aux habitants, à la séance publique de la législation tenue le 7 décembre 1786. Les deux Chambres convinrent de la justice et de la convenance d’une pareille réforme. Quelques jours après, elles nous présentèrent le bill créateur de la nouvelle cour, nous le sanctionnâmes, et Sa Majesté lui donna bientôt après son approbation. S’il s’y était glissé quelque erreur de forme, M. Francklyn devrait en répondre; parce que, là comme ici, et partout où il se rencontre, il veut tout savoir et tout conduire. Néanmoins je crois pouvoir avancer que l’acte en question n’est pas moins à l’abri de reproches par la forme que par le fond. XXXVI. « Les exposants ont porté leurs plaintes contre tant de vexations devant les ministres du roi de France; une foule de mémoires leur ont été présentés : dans tous, les exposants ont réclamé contre la création de ces tribunaux factices qui, en faisant taire les lois que 1rs tribunaux ordinaires exécutaient, leur ont enlevé des propriétés précieuses, garanties par ces lois. « Jamais leurs tentatives n’ont obtenu de succès ; la commission a toujours paru aux ministres un tribunal régulier. On l’a dit, on l’a écrit aux ministres de Sa Majesté Briiannique et au député que les exposants ont eu longtemps en France, et qui y est encore aujourd’hui, pour réclamer auprès de vous, Messieurs, la justice qu’ils ont droit d’attendre des représentants d’une grande naiion. » Si la foule des mémoires présentés par des créanciers anglais contient à proportion autant de contre-vérités que celui-ci, leur recueil ne laissera pas (l’être édifiant. Je prouverai, section LIV, que la commission de Tabago était un tribunal régulier, et conséquemment que les ministres de France ont eu raison de le dire et de l’écrire à ceux de Sa Majesté Britannique et du sieur Francklyn. XXXVII. « Le ministre a écrit, et a dit que si la commission de Tabago avait mal jugé, il fallait attaquer les jugements que l’on croyait injustement rendus, et en porter l’appel au conseil des dépêches qui avait été institué pour casser Jes jugements qui se trouveraient dans le cas delà réformation, c’est-à-dire que le ministre attendait que l’on attaquât plus de 200 jugements, prononcés par cette commission et par le tribunal du gouvernement, puisque tous partent du même principe, contiennent les mêmes erreurs, les mêmes infractions aux lois anglaises que i’on avait cependant dit que l’on respecte ait, c’est-à-dire qu'il fallait que les exposants, à moitié ruinés par la perte de leurs créances et par les dépenses énormes que cette commission a entraînées, s’exposassent à une ruine entière, en venant individuellement soutenir à grands frais, autant de procès qu’il y avait eues de parties condamnées. » Si le ministre avait élé assez mal avisé pour casser non seulement l’arrêt du Conseil d’Etat, mais même le dernier des jugements d’un tribunal, tel peu légal qu’il pût être, ce serait alors que MM. Tod et Francklyn pourraient avec raison l’accuser de despotisme. M. Pitt, ou tout autre ministre anglais, en pareille circonstance, n’auraient pas pu répondre autrement que n’a répondu le ministre français. XXXVIII. « Dans cet état de choses, les espérances des exposants viennent se reposer dans la justice de l’Asse nblée nationale qui, seule compétente aujourd’hui pour juger leurs réclamations, peut seule aussi tarir la source de leurs maux. » 11 est sans doute de la justice de l'Assemblée nationale, qu’elle protège les plaintes légitimes portées par des étrangers ; il est aussi de la justice qu’elle ordonne les poursuites les plus rigoureuses contre les administrateurs des colonies, coupables de délits ou de vexations, afin d’en faire des exemples effrayants; mais il n’est pas moins de sa justice qu’elle ne permette pas à des charlatans d’insulter le bon sens de la nation (1) « Dans l’intervalle de six mois, trois mémoires ont été remis aux ministres : quatre lettres, renfermant toutes des détails très importants, leur ont été adressées : toujours les exposants ont réclamé contre la commission : toujours ils ont invoqué les lois de leur pays qui auraient dû en empêcher l’établissement, et qui en sollicitaient la destruction. a. On n’a jamais voulu accueillir cette demande, dont la justice était écrite dans le code de la raison. » (Note de MM. Tod et Francklyn .) [Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il juillet 1791.] £43 par des suppositions aussi injurieuses que dépourvues de vérité. XXXIX. « Les exposants ont développé, avec étendue, dans les différents mémoires qu’ils ont remis aux ministres français, les moyens multipliés qui doivent entraîner la destruction de ces tribunaux du despotisme. » « Ces mémoires seront remis à l’Assemblée nationale. » Si les trois mémoires et les quatre lettres que doivent remettre MM. Tod et Francklyn ne se trouvent pas suffisamment démenties d’avance par ma présente réfutation, je me réserve de les discuter lorsque j'en aurai connaissance. Je prouverai, section LIV, que les lois anglaises ne pouvaient pas empêcher l’établissement de la commission, ni en solliciter la destruction; et mes preuves ne seront pas moins fondées sur des lois écrites, que sur des faits notoirement connus, et sur le code de la raison, auquel mes adversaires voudraient substituer celui des usuriers. • XL. « Les exposants se contenteront d’en présenter l’analyse dans cette adresse, qui doit au moins offrir le tableau de leurs malheurs et des moyens qui devaient les en préserver. » Je supplie le lecteur de redoubler d’attention pour ce qui va suivre jusqu’à la 54me section; le reste sera très facile à comprendre. XLI. « L’établissement de la commission est contraire à tous les actes publics, d’après lesquels File de Tabago a été conservée à la France. » Les sections II, 111, IV, V et VI prouvent le contraire. XLII. « Les exposants l’ont déjà dit; la capitulation, signée après la prise de l’ile, contenait l’engagement de conserver aux habitants leurs propriétés et leurs lois. » Leurs propriétés ont été conservées selon leurs lois; ce que prouvera l’examen individuel des jugements de la commission. XLII1. « Le même engagement avait été pris par Sa Majesté au mois de juin 1783, lorsque les députés de File vinrent en France : il avait été renouvelé à la face des nations, dans le traité définitif de paix; et Sa Majesté y avait donné l’exécution la plus illimitée par les ordres dentelle avait chargé le vicomte d’Arrot, son premier gouverneur à Tabago. » J’ai expliqué, section II, ce qui concerne la capitulation ; s dion 111, ce qui concerne le prétendu engagement du mois de juin 1783; section IV, le traité de Paris; et section VI, ce qui concerne les instructions de M. d’Arrot; et je répète que Sa Majesté n’a manqué en aucune manière aux engagements par elle pris, lorsqu’elle ordonna par l’arrêt de son Conseil d’Etat, d’après des motifs suffisants, l’établissement d’une commission française à l’effet de juger à Tabago les réclamations étrangères d’après les lois anglaises. XLIV. « Partout il était dit que les habitants conserveraient leurs propriétés aux mêmes titres et conditions auxquels ils les avaient acquises, et qu’il ne serait fait aucun changement dans la forme des tribunaux établis sous le gouvernement anglais. » Si, comme mes adversaires, j’avais besoin de recourir à des faux-fuyants, je leur dirais que les mots techniques du traité de paix qui conservent aux habitanis leurs propriétés aux mêmes titres et conditions auxquels ils les avaient acquises, devaient faire revivre le droit d’intenter toute action qui, sans cela, se seraient trouvées surannées pour cause de prescription ; et je prétendrais le prouver en disant que ces mots techniques remettraient à jamais les parties au même état où elles étaient lorsque leurs propriétés furent acquises; mais je laisse entièrement cette science de supposer des choses qui ne sont pas, à mes adversaires, et je leur fournirai sur cet objet des preuves incontestables, lorsqu’il en faudra traiter à la soixantième section. Quant à ne faire aucun changement dans la forme des tribunaux anglais, le traité de paix n’en fait pas mention; et j'ai fait voir, sections III et VI, que Sa Majesté nes’était jamais interdite la faculté de créer de nouveaux tribunaux chargés de juger les affaires anglaises, d'après les lois de cette nation. XLV. « On a cependant enlevé aux exposants et leurs propriétés et leurs tribunaux. » Les répétitions de MM. Tod et Francklyn m’obligent de me répéter, ne voulant ri n passer sous silence. Je dis donc encore que j’offre de défendre les jugements rendus par M. de Dillon et moi, à la chancellerie, au gouvernement, et ceux rendus à la commission. L’on sera convaincu qu’aucune propriété n’a été enlevée, qu’autant qu’elle l’aurait été sous le gouvernement anglais. Pour ce que ces Messieurs disent des tribunaux, j’en ai prouvé la fausseté, sections XXXIII et XXXV. XL VI. « Leurs propriétés, en réduisant et en confisquant des créances légitimes, en séquestrant leurs terres, en les réunissant au domaine. » L’article des créances réduites ut confisquées se trouve expliqué par l’Introduction, et réfuté par la section XXV. XLVI1. « Leurs tribunaux, en détruisant ou changeant ceux qui existaient, et en élevant sur leurs ruines des commissions purement arbitraires, inconnues en Angleterre et dans tous le� pays qui sont soumis à des lois fixes et immuables. » Je me rendrais trop fastidieux, si je répétais encore ce que j’ai dit sur les tribunaux détruits ou changés pour d’autres. Je prouverai, section LIV, que les commissions établies par la seule volonté de Sa Majesté Britannique ne sont point inconnues aux colonies anglaises. J 44 | Assemblée nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. XLVIII. « On a donc surpris d’une manière indigne du nom français, Sa Majesté Très Chrétienne en lui faisant faire, en 1786, absolument le contraire de ce qu’elle avait promis à l’Europe entière et à l’Angleterre en particulier, dans les années 1781 et 1783. » Je ne me hasarderai point à prononcer sur cette indécente et atroce calomnie, faite devant les représentants de la nation contre le roi des Français, par des charlatans anglais, gagés par des usuiiers. Il me suflit d’en prouver la fausseté, comme je l’ai déjà fait, et comme je le ferai jusqu’à la lin de ma réfutation. XLIX. « Cette infraction à sa promesse royale mérite toute la viligance des représentants d - la nation, qui ne [jeu vent pas permettre que le chef suprême des Français ait donné une parole publique que l’intrigue et l’ambition ministérielles sont parvenues à lui faire oublier. » Je m’interdis toute observation sur cette effronterie de mes adversaires : heureusement pour eux qu’il n’est pas possible de distinguer, sous ce double galimatias, si c’est contre la personne sacrée de Sa Majesté, ou seulement contre les ministres, que MM. Tod et Francklyn veulent provoquer toute la vigilance des représentants de la nation. L. « Par là encore le ministère français a porté atteinte aux droits des nations. « La France avait promis à l’Angleterre que ses lois sera ent conservées, que les propriétés de ses habi ants seraient maintenues. « Et les lois anglaises ont été mises de côté. « Et les propriétés ont été foulées aux pieds. » La section LiV prouvera qu’il n’a point été fait d’infraction aux droits des nations par l’établissement de la commission de Tabago, ou par l’arrêt du Conseil d’Etat qui créa celte commission. Et les cent cinquante-neuf jugements de la commission prouvent que les lois anglaises ont été fidèlement observées, et que les propriétés ont été jugées d'après ces lois. LI. <« Les nations se doivent à elles-mêmes de ne jamais s’écarter des obligations qu’elles ont contractées comme corps publiées; elles doivent être plus sévères que les individus sur l’exécution de leurs engagements, puisque c’est leur obéissance aux lois qui fait naître l’ubéissance particulière, et que les rapports entre chaque citoyen de deux nations dépendent absolument du respect que les nations ont elles-mêmes pour les engagements qu'elles ont consenties. « C’est à une nation assemblée, et surtout à une nation libre, qu’il appartient de maintenir les conventions faites entre elles et une autre nation également libre. « C’est même à elle seule à connaître des at-[11 juillet 1791. J teintes qui ont été portées à un droit dont elle est dépositaire et conservatrice (1). » Je me lais gloire depuis plus de vingt-cinq ans de croire aux axiomes politiques que ces Messieurs viennent de raconter; mais qu’y a-t-il de commun entre ces principes et la mauvaise cause de mes adversaires? LU. « Ainsi donc, dès qu’il est constant que la nation anglaise, représentée par les exposants et soutenue par le ministre de Sa Majesié Britannique, a souffert de l’infraction aux lois que les deux nations s’étaient imposées, elle doit obtenir satisfaction de la part de la nation qui a ble-sé nos droits. » Après avoir supposé des faits, venant de poser des principes certains, MM. Tod et Francklyn vont redoubler d’activité pour attaquer l’arrêt du constil, la commission de Tabago, et l'admi-nisiration de MM. de Dillon et de Saint-Laurent. Le paragraphe que je réfute est surtout l’un des plus digne d’admiration. Ce sont MM. Tod et Francklyn qui représentent aujourd hui la nation anglaise au nom de leurs constituan s. L’Angleterre a-t-elle donc aboli son parlement, qui seul peut la représenter chez elle? Sa Majesté Britannique a-t-elle révoqué les pouvoirs de son ambassadeur, qui seul peut représenter 1’A.ngleterre en France? Qui sont enfin ceux de qui ces Messieurs tiennent leur mandat? E t-ce de la nation britannique ? Est-ce de sa majorité ? Est-ce du corps lespectable des commerçants anglais? Serait-ce des créanciers des habitants de Tabago? G tte dernière supposition < st même impossible, puisque ceux qui ont gagné leurs procès ne peuvent pas se plaindre. Il ne reste donc, de toute la nation anglaise, qu’une soixantaine, d’usuriers, et quelques créanciers de bonne foi assez peu clairvoyants sur leur propre intérêt pour faire cause commune avec des usuriers. Ce sont donc uniquement ces usuriers et ces créanciers honnêtes qui peuvent avoir revêtu de leurs pouvoirs MM. Tod et Francklyn? Il est même encore problémaiique que ces Messieurs soient munis de pouvoirs quelconques, puisqu’ils ne les ont pas joints à leur mémoire comme ils l’auraient dû. Voilà néanmoins deux êtres qui ont assez d’audace pour dire à la nation française qu’ils sont la nation anglaise. Aussi ne e on l-ils pas dupes du personnage qu’ils veulent contrefaire. On sait qu’une nation commande à ses ministres, et les protège lorsqu’ils le méritent; mais au contraire la prétendue nation que représentent MM. To i et Francklyn se fait soutenir par le mini tre de Sa Mr.jesté Britannique. Quoique ces Messieurs ne désignent point dans leur mémoire quel est le ministre dont ils veulent parler, j’ai su par un pamphlet iniitulé : « Point de guerre , » qu’il s’agissait de M. Pitt. (Preuves n° 2.) Je crois rendre service à ce ministre en le justifiant de l’inconséquence dont il serait coupable, si MM. Tod et Francklyn disaient la vériié. J’af-tirme, et M. Pitt doit m’en savoir gré, qu’il est (1) « C’est comme législateur que Sa Majesté Très-Clirctienne a élabli une commission à Tabago. « C’est au législateur à casser cette commission. « C’est donc à l’Àssemblce nationale à connaître do la demande des exposants, puisqu’elle a éminemment le pouvoir législatif. (Note de MM. Tod et Francklyn.) 145 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] faux qu’il soutienne ces deux charlatans : soutenir dans l’esnèce actuelle, signifie préjuger une cause, la rendre sienne, et vouloir la maintenir de tous ses moyens. Or, quelle absurde supposition! M. Pitt peut disposer de l’argent, des escadres, des armées de l’Angleterre, la chose est visible, mais plus ses pouvoirs se sont augmentés, plus il doit se tenir en état de justifier ses moindres actions chez des hommes qui rendent les ministres responsables de leur conduite. Une autre preuve que M. Pitt ne les soutient pas, c’est qu’il leur aurait enjoint de faire moins de bruit contre le pouvoir arbitraire des agents de l’autorité ; par la raison qu’il connaît trop bien l’histoire de son pays, pour ignorer que le despotisme ministériel y fait quelquefois plus de cho-es qu’en France. La menace que font MM. Tod et Francklyn, lorsqu’après avoir avancé que l’Angleterre a souffert par l’infraction aux lois que la France et elle s’étaient imposées, ils ajoutent que l’Angleterre doit obtenir satisfaction de la part de la France ; cette menace, dis-je, insulte à la fois les deux nations. Elle insulte la France, parce que ses représentants sont tenus de rendre justire aux étrangers qui y ont droit, et que cette obligation, garantie par l’honneur français, les rend incapables d’être conduits par la crainte : cette menace insulte encore davantage l’Angleterre, puisqu’elle donnerait à penser qu’une nation sage, éclairée, qui ne confie jamais ses pouvoirs qu’à son parlement, qui fut toujours l’ennemie des vices, et qui n’a cessé de prescrire l’usure, que cette nation, dis-je, changeant de principe selon l’occasion, voulût se déshonorer en combattant, pour quelques usuriers, sous les drapeaux de MM. Tod et Francklyn? LUI. « Cette grande considération de droit public ne sera pas affaiblie par l’observation qui a déjà été faite aux exposants, que l’on n’avait jugé que des questions d’usure, et que les lois anglaises interdisaient l’usure sous les peines les plus sévères. « Il n’y a pas d’usure dans les contrats des exposants. « Par les lois des colonies, ils avaient le droit d’exiger un intérêt de 8 0/0. « Ils n’ont jamais été au delà. « On voit, au contraire, que le taux de l’intérêt dans la plupart des contrats n’excède pas 6 0/0. « Par les lois de l’Angleterre, ils pouvaient demander l’intérêt de l’intérêt en réglant leurs comptes, parce que cet intérêt premier devenait alors un capital. « Et ils ont joui de ce droit accordé par la loi »» (1). Les sept paragraphes que je viens de rapporter, n’étant que des répétitions de faits que j’ai déjà démentis, je me contenterai de les contredire de suite. La commission n’a jugé que des procès d’usure, et les a jugés d’après les lois anglaises, si ce n’est pour la modification faite par Sa Majesté en faveur des usuriers. Les condamnations n’ont porté que sur les contrats et autres titres affectés d’usure. L’acte de Tabago, pour fixer à 8 0/0 le taux de l’intérêt, étant nul, personne ne pouvait s’en (1) Voy. Pièces justificatives (Note de MM. Tod et Francklyn). lre Série. T. XXVIII. prévaloir. Néanmoins, les prêteurs qui s’y étaient conformés de bonne foi, n’ont pas été confondus avec les usuriers ; et la commission s’est bornée à réduire l intérêt au taux légal. On voit, dans plusieurs jugements, des intérêts qui, à la vérité, ne paraissaient que de 6 0/0 : mais on y voit en outre des conventions usu-raires qui portaient les profits des prêteurs jusqu’à 10, 15, 20 0/0 et au de là, dès la première année, et qui les accumulaient plusieurs fois chaque année. Lorsque le roi promit que les affaires anglaises de Tabago s’y jugeraient d’après les lois anglaises, Sa Majesté entendait que ce serait d’après les lois fixes et connues, dont les chefs français pourraient acquérir sûrement la science ; elle n’imaginait pas que l’on dût y substituer les abus de la chicane; abus que M. Francklyn, malgré sa longue expérience, ne saurait se flatter de posséder parfaitement. Il n’est donc pas étonnant que nous nous soyons conformés plus exactement à la loi commune et aux statuts botaniques, qui sont les vraies et les seules lois de l’Angleterre, qu'on ne s’y conforme chez les Anglais eux-mêmes. En voici la raison : « Les Etats que l’on conquiert, ne sont pas ordinairement dans la force de leur institution. La corruption s’y est introduite. Les lois ont ces.-é d’être exécutées ; le gouvernement est devenu oppresseur. Qui peut donc douter qu’un pareil état ne gagnât et ne tirât quelques avantages de la conquête même, etc... » (Montesquieu, Esprit des lois , liv. X, chap. 1Y.) C’est un abus, et non pas la loi, d’accumuler les intérêts en réglant les comptes. La loi commune interdisait toute espèce de profit sur les prêts d’argent ; les statuts ont permis de prendre un intérêt légal (fixé à 6 0/0 aux colonies), pour une année, et proportionnellement pour un temps plus ou moins considérable. Les jurisconsultes qui ont dit que les intérêts pouvaient s’accumuler en réglant des comptes ont opiné contre la loi ; puisqu’ils ont dit, en d’autres termes, que l’argent pouvait produire plus que l’intérêt légal après la première année. Mais il s’en faut de beaucoup que leur opinion soit généralement admise, même en chancellerie. Des usuriers pour jouir de profits illicites, à Tabago, ont violé la loi, et nous les avons jugés d’après la loi. Les prétendues pièces justificatives du n° 2 de MM. Tod et Francklyn ne sont, ainsi que je l’ai observé, section XVÎ, que des opinions de chanceliers contraires aux lois anglaises que Sa Majesté avait promis de faire observer. Il faut que je cite toujours la loi, et que mes adversaires en rapportent toujours les abus : c’est ainsi qu’une bonne cause doit être prouvée; c’est ainsi qu’une mauvaise cause peut être déguisée. D’ailleurs il convient que M. Francklyn ne mange pas inutilement 80 guinées par mois, que je viens d’apprendre que les usuriers lui payent. LIV. « Mais ce n’est pas en ce sens qu’il faut invoquer les lois anglaises. « Les exposants disent que la commission en elle-même est contraire à ces lois. « Si la commission, comme tribunal est prohibée par les lois de la Grande-Bretagne, nul doute qu’en la créant on ne soit contrevenu, et au traité de paix et à la capitulation, et à tous les actes 10 146 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il juillet 1791.] que nous avons rappelés, d’après lesquels Sa Majesté très chrétienne avait pris l’engagement formel de conserver les lois anglaises. « Or, il est bien constant que les lois a glaises ne permettent, dans aucun cas, l’établissi ment de tribunaux extraordinaires, à moins qu’ils ne soient créés par un acte du parlement. « C’est un point de droit tellement établi en Angleterre (1) que pour le contester, il faudrait n’avoir aucune connaissance des lois de la Grande-Bretagne, ni des usages judiciaires de ce peuple. « Chez cette nation, et dans toutes ses colonies, il existe des tribunaux par tous les délits et pour toutes les affaires civiles. « Comme ces tribunaux sont établis par la loi, on juge sans peine qu’on en suit religieusement la juridiction, dans un pays où la loi est le devoir de tous. « Aussi ne pourrait-on pas citer l’exemple d’un seul tribunal de commission établi en Angleterre et dans ses colonies, pour décider des affaires qui trouvaient des juges dans ceux que la loi avait institués. » MM. Tod et Francklyn sont trop adroifs pour n’avoir pas évité soigneusement de mettre de l’ordre dans leur mémoire : la méthode que je me suis prescrite m’a mis dans la nécessité de les réfuter de suite, à mesure que je pouvais classer à peu près, leurs prétendus griefs sous la même section. Il est nécessaire à préseut que je m’écarte un peu de ma route, atin de développer la proposition la plus importante de toutes celles que nos adversaires osent avancer dans leur mémoire. Si, comme ils le disent, sections 48 à 52, l’arrêt du conseil d’Etat était contraire aux droits des nations; si, comme ils le disent sous le présent numéro, l’arrêt était contraire aux lois anglaises; si, comme ils le disent à la 63e section, l’arrêt qui établissait une commission à Tabago se trouvait prescrite par toutes les lois de la France, nul doute que l’Assemblée des représentants de ia nation ne dut l’annuler et me faire poursuivre rigoureusement, pour avoir eu l’atrocité de me charger d’en sui veiller l’exécution, ainsi que pour avoir rempli cette tâche avec amant de persévérance que d’inflexibilité. Si, au conti aire, je prouve que l’arrêt est conforme aux droits des nations, aux lois anglaises, et qu’il n’était en aucune manière proscrit par les lois françaises, nul doute, eu ce cas, que l’Assemblée nationale ne doive le maintenir dans toute son intégrité, et renvoyer les parties, qui secroiraientindividuellement lésées, àse pourvoir devant un tribunal par appel desdits jugements. J’aurais même dû, dans une autre circonstance, me borner à fournir les preuves de la légitimité de l’arrêt, sous les trois rapports nationaux, anglais et français, sans m’embarrasser des absurdités ou des laussetésqui remplissent le mémoire de MM. Tod et Francklyn : je me serais certainement contenté de ce travail, et j’aurais évité au lecteur toute la fatigue que je dois lui avoir causée, s’il ne s’était agi que d’une affaire dont les principes fussent familiers en France; mais il fallait, non seulement que je naturalisasse des idées étrangères, que je les rendisse familières à mes lecteurs, que j’en accumulasse un nombre qui pût leur suffire de données, pour la solution du problème de. la légitimité ou de la nullité de l’arrêt, maisil fallait encore que je ne présentasse cesidéesétrangères qu’en en développant succces-(1) Yoy. Y Abrégé des lois, par Bacon, lettre C, titre Cours. )> (Note de MM. Tod et Francklyn.) sivement la nature; et cela, selon l’ordre le plus simple. Jusqu’ici, malgré la confusion qui caractérise lemémoiredenos adversaires, et qui prouve l’adresse de M. Francklin; malgré le mauvais état de ma santé, j’ai fait en sorte, dis-je, de remplir ma tâche, et de faire un ouvrage vrai, simple et clair. A présent, je croirais faire injure, même à celui de mes lecteurs, qui n’aurait pas la moindre notion des lois de l’Angleterre, si je différais davantage de lui présenter des raisons qui lui prouveront, péremptoirement, la légitimité de l’arrêt, et la compétence, comme tribunal légal, de la commission établie parle même arrêt. Cette théorie démontrée, j’en déduirai, comme autant de corollaires, la majeure partie du reste de ma réfutation. Il est inutile que j’observe, qu’afin d’apprécier la sagesse de l’arrêt dont se plaignent les usuriers, il faut se replacer, idéalement, à l’époque de sa rédaction, c’est-à-dire au 29 juillet 1786. L’arrêt était conforme aux droits des nations. C’était un principe universellement admis en Europe, que dans tout état monarchique, sans en excepter l’Angleterre, le roi seul représentait la nation, dans le cas où il s’agissait de faire des traités avec des étrangers, et que les traités, ainsi faits, n’avaient pour base que le droit des gens. La raison que l’on en donnait était que chaque nation se trouvant gouvernée par des lois municipales, connues seulement par les sujets qui y étaient soumis, il fallait que le monarque fût nécessairement revêtu d’un caractère sacré, capable de sanctionner les transactions avec les étrangers de lu même manière que si la nation rassemblée les avait elle-même ordonnées : les exemples de l’application de ce principe sont consignés dans tous les traités de paix, d’alliance, de cessions, etc. Le roi stipulait pour la nation, et le roi pouvait, lorsque les circonstances l’exigeaient, altérer les lois municipales dans un pays conquis, soit que ces lois fussent les anciennes du pays, ou qu’elles y eussent été portées par le vainqueur. L’unique règle, en ce cas, que prescrivait le droit des gens, c’était de ne donner aucun effet rétroactif aux nouvelles lois. Le roi pouvait, à plus forte raison, dans ces'pays conquis et peuplés d’étrangers, créer de nouveaux tribunaux, puisque les tribunaux ne sont que les véhicules de la loi. S’il pouvait être vrai que Sa Majesté eut violé b‘S engagements par elle contractés avec l’Angleterre, on avec ses nouveaux sujets de Tabago, ou avec les créanciers anglais, le roi se serait manqué à lui-même, aurait abusé du pouvoir dont il jouissait comme unique représentant de la France, et l’Assemblée nationale ainsi que Sa Majesté seraient tenues, comme dépositaires des pouvoirs législatif et exécutif de la nation, non seulement d’annuler des actes faits en violation des droits des nations, mais encore de pourvoir au dédommagement des étrangers qui eu auraient été les virtimpsi Il suffit de lire l’arrêt du 29 juillet 1786, qui forme le numéro 5 de nos pièces justificatives, pour se convaincre de la nécessité de vérifier et de régler fi s réclamations des capitalistes étrangers contre les habitants de Tabago. Ces motifs sont expliqués dans le préambule de l’arrêt. La même lecture ne prouve pas moins l’équité de Sa Majesté, et la générosité dont elle voulut bien user envers ceux des usuriers qui se soumettraient aux conditions dudit arrêt. Elle prouve encore (cette lecture) combien il fut pris de pré- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] cautions, pour conserver les engagements contractés sous les lois de l’Angleterre dans l’état de leur légalité ou de leur illégalité primitives ; afin de ne donner aucun effet rétroactif aux juge' rient-' que prononcerait la commission sur les mêmes engagements. Les sections II, III, IV, V et VI prouvent que Sa Majesté n’avait contracté d’engagements ni avec l’Angleterre ni avec des nouveaux sujets ni avec les créanciers anglais, qui pussent opposer la moindre difficulté, soit à l’arrêt, soit à la commission établie par le même arrêt et chargée de juger les réclamations étrangères d’après les lois anglaises. Donc l’arrêt, ainsi que la commission, ne portent aucune atteinte aux droits des nations. Prouvons qu’ils n’en portent pas non plus aux lois anglaises, ni à la Constitution britannique, ni à celle des colonies de l’Angleterre. Il est de droit et de fait chez les Anglais que les pays conquis ne tombent sous l’inspection du parlement qu’après lui avoir été soumis par une proclamation royale. C’estau roi d’Angleterre seul, qu’appartient, en vertu de ses prérogatives, le droit u’ordonner la nouvelle Constitution qui doit être observée dans de nouvelles possessions. Je dis plus : si même après les avoir soumises au parlement, aux lois et aux tribunaux anglais, il survenait des circonstances qui exigeassent la modification des tribunaux et des lois nouvellement établies, ou même la création de nouveaux tribunaux, et l’abolition des lois les plus constitutionnelles, le roi rentrant pour ces cas dans la plénitude de ses prérogatives, ordonnerait d’office l’anéantissement des obstacles, de quelque nature qu’ils fussent; et cela, quand même, je le répète, les principes répuiés fondamentaux dans la Grande-Bretagne, et dans les anciennes colonies anglaises, formeraient la base de ces obstacles. Entre autres exemples, je me borne à celui-ci, notoirement admiré, et trop peu ancien pour pouvoir être contredit. Lite de la Grenade, qui appartenaitaux Français, fut conquise par les armes de l’Angleterre, le 4 mars 1762, et cédée par la France, au traité de Paris du 10 février 1763 : l’année suivante, par une proclamation royale, Sa Majesté Britannique soumit la colonie au régime anglais. En conséquence, il s’y établit une législation, laquelle, par des actes constitutionnels, y créa des cours du banc-du-roi et des plaids communs. Pour que ces courspussentêtrelégalementcomposées, les juges devaient être de la religion anglicane, et pour le prouver, ces juges ne devaient prendre séance qu’après avoir pris et signé le serment du Test. Les mêmes conditions étaient requises pour les membres du Corps législatif. Ces conditions étaient fondées sur les principes fondamentaires de la Constitution actuelle de l’Angleterre, telle que cette Constitution fut réglée, le siècle dernier, par la nation. Quelques anciens sujets de l’Angleterre, établis dans File depuis la conquête, ne tardèrent point à vexer les nouveaux sujets, sous prétexte de leur religion ; ceux-ci souffrirent, environ deux au-, sans oser porter de plaintes; mais M. Cazaux (1) revint d’Europe, il ranima leur courage; et muni de leurs pouvoirs, il repartit pour aller réclamer la justice de iria Majesté Britannique. Il trouva qu’il s’était formé un parti considérable à Londres (1) C’est le même M. Cazaux qui vient d’acquérir tant de droits à la reconnaissance des Français par son ouvrage sur la simplicité de l’idée d’une Constitution. 147 qui demandait l’exécution des lois contre les catholiques romains de la Grenade. D’après un mûr examen, il fut reconnu que que la décision de l’affaire que poursuivait M. Cazaux appartenait exclusivement à la prérogative royale, et qu’elle devait se rendre d’après les principes du droit des gens, puisqu’elle concernait des étrangers, et qu’elle portait sur un pavs conquis. Le parlement ne s’en mêla nullement. Sa Majesté Britannique, par une nouvelle proclamation, ordonna l’entrée de deux nouveaux sujets catholiques romains dans le conseil ou Chambre-Haute de la législation de la Grenade, de trois dans f Assembléeou Chambre-Basse, d’un parmiles juges de la cour des plaids communs; et de sept parmi les juges de paix qui sont eu même temps juges de la cour du banc-du-roi. Le parti opposé cria beaucoup et voulait protester; sa mauvaise humeur fut inutile; et la volonté du juste et bienfaisant Georges III fut obéie à la Grenade, comme elle fut approuvée par la nation anglaise. J’ai, cité de préférence cet événement, parce qu’il est digne d’un grand roi et d’une nation éclairée. Je l’ai cité, en outre, par la raison qu’il fournit plus de preuves qu’il nem’en faut, pour démontrer la légitimité de l’arrêt du conseil, créateur de la commission de Tabago, d’après les principes de la Constitution et des lois d’Angleterre. En effet, que signifie l’arrêt du conseil d’Etat du roi? En considération des motifs de droit naturel et d’équité qui y sont expliqués, cet arrêt, en adoucissant la sévérité des lois anglaises contre l’usure, établit une commission, à l’effet de juger les réclamations des capitalistes étrangers, d’après les lois anglaises. En cela, le roi n’a fait aucun changement à la législation de Tabago, ni aux tribunaux de la même île : le roi enfla n’a porté aucune atteinte aux lois anglaises. La conduite du roi d’Angleterre excite, à juste titre, l’admiration comme la reconnaissance du genre humain; mais, pour en rendre le mérite encore plus saillant, qu’il me soit permis de l’analyser et de la juger d’après les lois et la Constitution du royaume de la Grande-Bretagne telle qu’elle existait avant que le roi Georges III y eut fait le changement que j’ai expliqué en laveur de ses nouveaux sujets de la Grenade. La Constitution anglaise excluait les catholiques romains de toutes les places et principalement du Corps législatif et des tribunaux. Pour empêcher que la loi ne fut éludée, les membres de la législatiou et les juges ne pouvaient agir qu’après avoir pris et souscrit le serment du Test. Cette Constitution avait été mise en force, à la Grenade, par la première proclamation de Sa Majesté Britannique, et en outre y avait été renoue loi locale par différents actes de la législation de i’île. Par la dernière proclamation, les incapacités constitutionnelles furent abolies en faveur des nouveaux sujets : l’organisation du Corps législatif, et celles des tribunaux furent dénaturées, furent créées de nouveau, et cela, de la manière la plus opposée aux principes de la Constitution et des lois de la Grande-Bretagne. Quelle est la nature de ce Corps législatif et de ces tribunaux que créa le roi d’Angleterre, par sa dernière proclamation? Examinons et jogeons-la d’après les lois constitutionnelles de l’Angleterre, nous aurons beau vouloir lui donner un autre nom, notre propre bon sens nous dira que cette nature est indeutiquement la même que celle des aggréga- 148 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [11 juillet 1791.J tions connues en France sous le nom de commissions établies chez nous par l’autorité royale, contre les lois du royaume. Ces exemples de la distribution du droit des gens ont été donnés depuis plus de vingt ans par le roi d’Angleterre et du consentement de ses sujets. Aujourd’hui, ils font partie du code des nations, et forment une des parties les plus respectables de la Constitution britannique. Donc l’arrêt et la commission ne portent pas plus d’atteinte aux lois d’Angleterre qu’aux droits des nations. Les preuves de la légitimité de l’arrêt, d’après les principes de la Constitution britannique et des droits des nations, sont si multipliées, que l’on ne pourrait être embarrassé que sur le choix. Par exemple : « Lorsqu’il survient quelque différend entre deux provinces en Amérique, ou ailleurs, comme relativement à l’étendue de leurs chartes, ou autres cas semblables, le roi dans son conseil, exerce sur ces possessions la juridiction originaire, en vertu des principes de la souveraineté féodale. » (. Blakstone , livre 7, chapitre F.) L’ile de Tabago ayant été possédée comme fief direct, et en souveraineté par Sa Majesté Britannique, le roi qui se trouvait en 1786, comme successeur de Sa Majesté Britannique, seigneur suzerain, en toute souveraineté de Tabago, pouvait, dans son conseil, exercer une juridiction originaire sur cette île et y créer une commission par un arrêt dudit conseil. Par le douzième chapitre du statut de la sixième année de Georges III, statut qui était alors, et qui est actuellement eu vigueur à Tabago, cette colonie n’était pas moins dépendante de la couronne que du parlement d’Angleterre qui ont, dit le même chapitre, plein pouvoir et autorité, pour faire des lois et des statuts d’une validité suffisante pour lier les colonies et les peuples de l’Amérique, sujets de la couronne d’Angleterre, dans tous les cas quelconques. » (Cette citation est faite d’après Blakstone, introduction, section IV.) En 1786, le roi de France pouvait non seulement faire tout ce que peut faire le roi d’Angleterre seul : mais se trouvant alors l’unique représentant de la nation, ses pouvoirs n’étaient pas moins illimités que ceux du parlement britannique : et le parlement pouvant établir des commissions particulières, rien ne pouvait empêcher Sa Majesté d’en établir une à Tabago, par un arrêt de son conseil. Donc, j’ai plus que prouvé la légitimité de l’arrêt et de la commission d’après la Constitution et les lois anglaises. Les lois françaises ne prescrivent en aucune manière l’arrêt et la commission dont il s’agit. Cette proposition n’est pas moins facile à prouver que les deux précédentes. Les lois que citent MM. Tod et Francklyn ne concernent que le royaume. La nation n’a pris connaissance de ses colonies, ne les a reconnues comme partie de l’Empire français, que par le décret de l’Assemblée nationale, du 8 mars dernier. Jusqu’à cette époque, nos colonies n’étaient gouvernées que par les ordres du roi. Sa Majesté, lorsque les circonstances le demandaient, y établissait des commissions. Il était indifférent que la volonté royale fut manifestée dans un arrêt du conseil d’Etat ou autrement : et il suffisait d’une simule lettre d’attache du ministre, pour donner l’authenticité que donnaient en France des lettres patentes. Cet usage, si utile sous les bons ministres, si nuisible sous les mauvais, tenait lieu de Constitution aux colonies françaises. Vouloir condamner ce qui se faisait alors, d’après les principes d’éternelle vérité qui nous guident aujourd'hui, ce serait vouloir anéantir avec tout le mal, tout le bien qu’a produit l’ancien régime aux colonies; ce serait violer le droit des gens en donnant un effet rétroactif aux lois nouvelles : ce serait enfin vouloir juger les peuples par les lois d’une nation étrangère. Donc, l’arrêt et la commission n’étaient proscrits en aucune manière par les lois françaises : et cet arrêt n’avait nul besoin rie lettres patentes. L’arrêt du 29 juillet 1786 n’était contraire ni aux droits des nations, ni aux Constitutions de la France et de l’Angleterre. La réunion de ces trois propositions en une seule sera encore plus facile à prouver. Lorsqu’il s’agit de traiter de nation à nation, il n’y a de forme prescrite par le droit des gens que la clarté, la vérité et la publicité : ce principe est au nombre des axiomes politiques, soit dans notre Constitution, soit par celle de l’Angleterre. Il ne se trouve pas une seule équivoque dans l’arrêt; la vérité l’a dicté ; rien ne fut plus pu-blicqu’il ne l’a été tant aux colonies qu’en Europe. Donc il est conforme aux droits des nations, etaux Constitutions de la France etde l’Angleterre. Il est temps que je rentre dans ma route ordinaire, et que reprenant, l’un après l’autre, les paragraphes de celte cinquante-quatrième section, je dise : Que l’invocation si souvent répétée des lois anglaises ne peut plus paraître qu’un pitoyable lieu commun : Que la commission n’était pas contraire aux lois anglaises; Qu’en la créant, Sa Majesté n’a pas porté d’atteinte au traité de paix, à la capitulation et autres actes cités par MM. Tod et Francklyn; Que la Constitution britannique admet, dans certain cas, l’anéantissement des tribunaux constitutionnels, et la création de pur�s commissions contraires aux principes fondamentaux de la constitution de la Grande-Bretagne et qu’alors Sa Majesté Britannique ordonne l’établissement de ces commissions, en vertu de ses prérogatives sans que le parlement y intervienne. Que s’il est nécessaire d’un statut du parlement pour établir un tribunal extraordinaire dans la Grande-Bretagne, il suffit, en certaines circonstances, d’une proclamation royale pour l’établir aux colonies anglaises. J’ai expliqué, section XVII, les inconvénients de la cour des plaids communs, et l’incompétence de la chancellerie de Tabago, relativement aux poursuites contre l’usure. La loi aurait dû être le devoir de tous à Tabago, comme partout ailleurs: mais la chicane y était le métier de M. Francklyn et de quelques "autres agents des usuriers. J’ai cité, dans la présente section, 3 commissions établies dans une seule île anglaise. LV. « Gela posé, si les débiteurs de Tabago avaient à réclamer contre quelques-uns des contrais passés avec eux, les lois leur indiquaient le tribunal qui se trouvait saisi par elles de la connaissance de leur réclamation. « Là, ils eussent été entendus et jugés d’après l’autorité des lois qu’ils auraient invoquées. » Quant au premier paragraphe, je me réfère à [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juillet 1791.] 149 ma réfutation comprise sous la dix-septième section. Les débiteurs s’étant adressés au tribunal que l’arrêt du conseil leur indiquait, y ont été jugés d’après la loi. LVI. « Là aussi les créanciers auraient fait valoir les moyens de défense que pouvaient leur offrir ces mêmes lois, contre les prétentions de leurs débiteurs. » N’est-il pas fâcheux que M. Franklyn se soit trouvé dans l’impossibilité d’employer son talent, pour les mauvaises chicanes, devant la commission, comme il le faisait dans les énormes bills dont il fatiguait les juges de la chancellerie. LVII. « En un mot, des tribunaux de la loi auraient j jugé d’anrés le texte de la loi, et il n’y eût eu rien d’aibilraire dans les jugements. » L’examen des cent cinquante-neuf jugements prouvera que la commission n’a prononcé que d’après le texte de la loi et qu’elle ne s’est rien permis d’arbitraire. LVI1I. « C’est ici qu’il faut dire que cette commission, dont le nom seul est un blasphème, dont l’institution choque tous les principes moraux, a sapé les lois anglaises jusque dans leurs fondements, par le mode d’exécution qu’elle a établi. » MM. Tod et Francklyn, pour se distraire un peu, vont nous établir, sans doute, les principes de leur morale : nous verrons s’ils sont plus solides que ceux de leur politique et de leur jurisprudence. Il faut être bien sévère pour trouver que tous les principes moraux sont choqués par l'institution d’une commission établie d’après les plaintes les plus vives de créanciers, contre des débiteurs qu’ils voulaient ruiner ; commission dont le but unique était de vérifier les créances, de les diminuer s’il y avait des usures, et de les maintenir dans leur intégrité si elles étaient légitimes. LIX. « En Angleterre, par exemple, aucun fait d’usure ne peut être déterminé que par devant des jurés, et c’est d’après leurs vrais dires que les tribunaux prononcent. « Cette formalité est de rigueur, comme toutes les formalités judiciaires établies par les lois britanniques. « Il ne peut pas y avoir de jugement sans jurés. « L’arrêt qui a établi la commission, n’a point parlé de jurés, et jamais leur intervention n’a eu lieu dans aucun des jugements que cette commission a rendus. « Cette omission qui compromet l’autorité d’une loi vivante, d’une loi constitutionnelle, annule seule l’établissement. » Il suffit de lire la 5e section du 27e chapitre du 3e livre de Blackstone, pour s’assurer de la fausseté de ce que disent mes adversaires dans la présente section. Le 27e chapitre, que je viens de citer, traite des procédures en la cour de la chancellerie; on y verra que, dans la plupart des affaires , la cour juge sans qu’il ait jamais été question de jurés; on verra que lorsqu’il s’agit de comptes à régler, le chancelier en charge un officier, qui s’appelle maître en chancellerie, et que c’est d’après le rapport du maître, examiné et corrigé, ou approuvé par le chancelier, que celui-ci prononce son décret. Il est vrai que lorsqu'on plaide des faits d’usure devant la cour des plaids communs, il ne saurait y avoir de jugements sans jurés. En cela, ces Messieurs disent ce qui est vrai; mais ils disent ce qui n’est pas vrai, lorsqu’ils concluent que l’omission des jurés annule l’établissement de la commission, puisque la chancellerie juge les cas d’usure, sur le simple rapport du maître, et que ce tribunal n’est pas nul, comme il le serait, si la proposition de mes adversaires ne choquait pas les principes moraux par sa fausseté. Comparons à présent l’organisation ordinaire des cours de chancellerie dans les îles anglaises avec celle de la commission de Tabago. Ces cours sont composées du gouverneur seul qui juge des questions d’usure, d’après le rapport d’un maître, qu’il examine, qu’il corrige ou qu’il approuve. La commission était composée du gouverneur, de l’ordonnateur et de trois commissaires; elle jugeait des questions d’usure, d’après le rapport de deux experts, qu’elle examinait, corrigeait ou adoptait; elle entendait en outre le procureur du roi dans ses conclusions. Quel est l’homme sensé, je le demande, qui ne préférât d’être jugé par cette commission, plutôt que par ces chancelleries? D’ailleurs, la validité de la commission, ainsi que sa compétence, ayant été prouvées, section L1V, MM. Tod et Francklyn ne nous débitent ici que des phrases vides de sens. J’observe, en outre, que les jurés auraient été obligés de condamner les usurriers à la confiscation du triple de la somme prêtée pour chaque offense, tandis qu’avec la commission, MM. les usuriers en ont été quittes pour la réduction totale des intérêts, lorsqu’ils avaient obéi à l’arrêt. LX. « D’un autre côté, les exposants auraient présenté devant leurs tribunaux des moyens pris dans leurs lois, qui tous auraient fait tomber les réclamations sur l’usure, s’il y en eut eu, et ils n’ont pu donner ces moyens à la commission. « En Angleterre, on ne peut exercer aucune poursuite judiciaire qui puisse entraîner une condamnation pécuniaire pénale, lorsque le fait qui donne lieu à la poursuite est passé depuis un an. Voyez le 31e statut d’Elisabeth, chapitre V. « Dans l’espèce, ce temps était bien plus qu’écoulé, les titres de tous les exposants étaient beaucoup plus anciens, et ils peuvent assurer qu’aucuns d’eux ne se trouvèrent renfermés dans ce laps d’une année que la justice a soumis à ses recherches, les débiteurs n’avaient donc plus d’action ; les tribunaux ne pouvaient plus intervenir dans les contrats pour réclamer contre l’usure. « Toute demande sur ce point était prescrite. « A la commission, les exposants n’ont pas pu faire valoir cette importante considération, puisque l’arrêt a exigé d’une manière impérieuse la production de leurs titres, sans leur permettre d’exception préalable, sans leur laisser le droit d’élever la voix, pour soutenir la validité de ces titres, sans qu’il leur ait été possible d’invoquer 150 [Assemblée nationale-] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juillet 1791,] les lois qui les dispensaient de cette production honteuse. » M. Francklvn n’a pas perdu l’habitude des prescriptions qu’il invoquait si souvent à Tabago. Voyons si son moyen, qu’il offre comme péremptoire, peut lui profiter dans l’espèce actuelle. Examinons d’abord si la citation qu’il fait ici serait plus exacte que celles qu’il a ci-devant rapportées. La section dudit chapitre V distingue trois sortes de délais pour les prescriptions : 1° toute action pénale dont la contiscation appartient au roi seul sera poursuivit; dans le délai de 2 ans après l’offense commise; 2° celles qui appartiennent au roi et au dénonciateur seront poursuivies dans l’année, et 3° s’il n’est pas présenté de dénonciateur, la poursuite pourra se faire au nom du roi pendant la seconde année. Par conséquent, M. Francklyn devait citer la troisième espèce de délai, et non la deuxième, s’il n’avait pas voulu gagner, chemin faisant, 12 mois sur le roi. Voyons quand les 2 ans doivent commencer à se compter : MM. Tod et Francklyn fixent ce commencement à la date des titres usuraires. Moi, j’en fais autant; néanmoins je suis bien éloigné de leur résultat; ce qui provient de ce que ces Messieurs n’ont pas voulu remarquer que les 2 années ne doivent commencer que du jour où les usuriers, parla réclamation du payement de leurs usures, en demandant la vente ou la mise eu possession des propriétés qui en étaient chargées, se sont rendus, de propos délibéré, coupables d’une nouvelle offense contre le statut de la reine Anne (Le statut est sous le n° 7 de mes pièces justificatives). Ce statut, qui condamne l’usurier à la conliscation du triple de la somme prêtée pour chaque offense, a donc nécessairement fait revivre en faveur de Sa Majesté les défais qui étaient expirés. L’argument offert par ces Messieurs, comme péremptoire, n’a conséquemment pour base qu’une méprise volontaire de date. Mes adversaires ignorent-ils que l’usure peut être aussi bieD poursuivie d’après la loi commune d'Angleterre, qu’en vertu des statuts britanniques? M. Francklyn ne peut pas l’ignorer ; c’est pourquoi j’ajouterai une preuve qu’il ne pourra pas contredire. La loi commune ne fixe aucune prescription contre l’usure, et elle condamne celui qui s’en est rendu coupable à l’emprisonnement et à l’amende. Le roi se trouvait donc avoir la double faculté de faire poursuivre les usuriers d’après le statut de la reine Anne, et d’après la loi commune d’Angleterre. Si l’on considère l’arrêt du 29 juillet 1786, sous son rapport avec la loi commune, oïl n’y trouvera pas moins le témoignage de la générosité du roi envers les prêteurs usuriers, puisque Sa Majesté leur a fait grâce de l’emprisonnement, de l’amende, et s’est contentée de ne les condamner qu’à la diminution des intérêts, moyennant, qu’ils se conformeraient aux conditions prescrites par l’arrêt, pour le dépôt de leurs pièces. LXI. « L’arrêt qui établit la commission est encore contraire aux lois anglaises, eu ce qu’il soumet aux recherches de ce tribunal factice l’examen des contrats sur lesquels les tribunaux anglais n’auraient jamais eu à prononcer, puisqu’aucune des parties ne se plaignait. « Dans les actions civiles, en Angleterre, il ne peut jamais exister de procès, que lorsque les parties intéressées ont elles-mêmes recours aux tribunaux. « Si elles gardent le silence, la loi pense qu’elles sont satisfaites des engagements qu’elles ont mutuellement contractés, et la loi reste muette. « Jamais, ni le roi, ni le ministère public ne peuvent scruter des engagements particuliers, ni se servir des armes de la loi pour les appliquer à ces contrats privés, à moins qu’il n’y ait une action judiciaire, formée par ceux que ces contrats intéressent. « On pense en Angleterre que l’intérêt particulier se suffit à lui-même peur se défeudre, et qu’il n’a pas besoin de surveillant public ». Ce raisonnement captieux ne prouve autre chose que l’insultante opinion que mes adversaires se sont formée des lumières et du bon sens de notre nation. Comment osent-ils imaginer que nous ne reconnaîtrons pas leur manque de candeur, lorsque, pour nous faire croire que l’usure ne peut être poursuivie que par la partie plaignante, ils noos présentent un enchaînement de choses qui ne sont relatives qu’aux actions civiles, et qui n’ont de rien de commun avec les cas d’usure? L’usure est un délit contre le commerce public, par les lois d’Angleterre. Ce délit donne lieu à l’action criminelle et populaire, que tout le monde peut poursuivre et surtout le ministère public. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur le chapitre XII du 4e livre de Blackstone, et sur les derniers mots du satut de la reine Anne, compris sous le n° 7 de mes pièces justificatives. LXII. « Cette maxime élémentaire a été repoussée par l’arrêt du 29 juillet 1786. « Aucun des habitants de Tabago ne se plaignait des contrats passés avec les créanciers; aucune demande judiciaire n’avait été portée de leur part devant les tribunaux. « C’est la volonté seule de Sa Majesté très chrétienne, ou plutôt c’est la volonté de son ministre qui a fait l’arrêt. « C’est ensuite le caprice des administrateurs de Tabago qui a déterminé les 200 procès que la commission et le tribunal du gouvernement ont jugés. « Pourrait-on douter, d après cela, du mépris que l’on a fait des lois anglaises, en créant cette commission, et en établissant le régime qu’elle devait suivre ? « Ne voit-on pas que l’on n’a réduit les exposants à l’impossibilité de se défendre, que pour ravager avec plus d’impunité des propriétés immenses que la loi ordonnait de respecter. » ? L’arrêt n’a repoussé aucune maxime élémentaire qui puisse être défendue par les armes de la raison. Il n’avait été fait aucune demande judiciaire par les habitants ; mais des habitants s’étaient consultés longtemps avant la publication de l’arrêt, et les avocats consultés avaient trouvé des usures dans les titres des créanciers de ces habitants consultants-, et les créanciers ne mettaient point de mystère dans les demandes qu’ils faisaient au ministère français pour se faire payer selon toute la rigueur des lois anglaises. Les autres paragraphes ne contiennent que des faits que j’ai déjà réfutés. [Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791-1 151 LXIII. « Mais cette démonstration ne suffit pas au développement de leurs droits. « 11 leur est bien doux de venir dire aux représentants de la France, que cette commission, si opposée à l’esprit des lois anglaises, était proscrite, lorsqu’elle a été formée, par toutes les lois qui existaient en France. « Ainsi cette commission n’est donc que le calcul de l’intérêt privé. « Ainsi elle n’a été qu’une arme du despotisme, avec laquelle on voulait immoler des victimes dociles et innocentes. « Continuons. « Dans tous les temps, à toutes les époques, les commissions extraordinaires ont été repoussées en France, comme un attentat à l’ordre public. « Voulons et ordonnons, dit l’ordonnance du roi Jean, en 1355, que toutes juridictions soient laissées aux juges ordinaires, sans que nos sujets soient dorénavant traits, adjournés, ni autrement travaillés par-devant nos maîtres d’hôtel, maîtres des requêtes, etc. « Nous quidésirous quechacun use de son droit et juridiction, disait le roi Charles VI, dans son ordonnance de 1408, ordonnons que toutes juridictions soient laissées aux juges ordinaires et à chacun singulièrement en sa juridiction. « Les réclamations des Etats se joignirent souvent aux ordonnances des rois. « C’est au sujet des commissions extraordinaires, que les Etats de Tours demandaient à Charles VIII qu’aucunes évocations ne fussent faites, et que les causes évoquées fussent renvoyées. « C’est encore relativement aux mêmes commissions extraordinaires que les Etats d’Orléans suppliaient Charles IX de casser, révoquer toutes les évocations, délégations et juges extraordinaires, comme contraires à l’ordre établi dans les justices, et de tout temps gardé, dont n’advient que foule et oppression du repos public. « Nous défendons au garde des sceaux, a dit François Ier, dans l’ordonnance de 1539, de ne bailler lettre pour ôter la connaissance des matières de leurs juridictions ordinaires et les évoquer et commettre à d’autres; et si lesdites lettres étaient autrement baillées, défendons a tous nos juges de n’y avoir point de regard. « Henri IV, en 1597, et Louis XIV en 1648, ont ordonné l’exécution de ces lois. « Les mêmes motifs qui les ont déterminés ont encore dicté le titre Ier de l’ordonnance du mois d’août 1667, et celle du mois d’août 1737 sur les évocations. « Les exposants savent que ces lois sont toujours les lois de la France, et que souvent les cours qui représentaient le peuple avant l’Assemblée nationale, ont porté leurs plaintes au monarque dont le ministre avait trompé la sagesse, en lui faisant signer des actes de son conseil, portant établissement de commissions volontaires et despotiques. » J’ai prouvé, section LIV, que les lois françaises n’avaient pas la plus légère relation avec l’arrêt du conseil d’Etat, portant établissement d’une commission à l’île de Tabago. LXIV. « Si les exposants, ;hW� nvoir démontré que les lois des deux peuples interdisaient, sous tous les points de vue possibles, l’institution de la commission de Tabago, si les exposants, disons-nous, descendent un moment dans le cercle des abus que les commissaires ont commis (1), combien n’y voient-ils pas de délits publics contraires aux droits de toutes les nations, et bien plus contraires encore à la loyauté et à la générosité françaises? » Ceux qui parlent au nom des créanciers anglais de File de Tabago n’out cessé de se plaindre, dans le présent mémoire, de l’arrêt qui établit une commission à ladite île; nous les avons vus accuser effrontément le roi des Français d’avoir, par cet arrêt, violé les engagements par lui contractés au nom de la nation, avec l’Angleterre, avec les insulaires de Tabago, et avec des créanciers anglais; nous les avons vu réclamer, à l’appui de leur accusation, les lois de la France, la Constitution britannique et les droits des nations. D’un autre côté j’ai prouvé l i fausseté, l’insolence et l’absurdité de leur accusation. J’ose croire qu’il ne se trouvera pas un seul de nos lecteurs qui ne partage l’indignation que doit avoir tout bon citoyen français ou anglais contre deux individus qui, pour faire valoir une mauvaise cause, viennent compromettre la confiance qui, pour le bonheur de l’Europe, devrait régner à jamais entre les représentants de la France et ceux des autres nations. Mais je n’ai fait connaître encore qu’imparfai-temerit l’astuce d’one conduite qu’il convient de mieux approfondir, et que mon devoir m’oblige de dévoiler devant l’Assemblée nationale. Malgré tous les exemples que fournit le mémoire de mes adversaires, croirait-on que ces adversaires, qui viennent de faire présenter un mémoire à l’Assemblée nationale, ne sont pas plus retenus par la honte de se démentir eux-mêmes, qu’ils ne le sont nar celle de publier leur turpitude et leur sordide avarice? Je m’arrête un instant, pour ne pas paraître calomniateur moi-même, et je supplie le lecteur de ne pas croire que mon intention soit de parler en général de tous les créanciers anglais de Tabago. J’ai prouvé à la cinquante-deuxième section, qu’il était impossible que MM. Tod et Francklyn eussent d’autres pouvoirs que, tout au plus, de la part d’une soixantaine d’usuriers, et de quelques créanciers de bonne foi séduits par eux. Je supplie le lecteur de ne pas confondre ces créanciers de bonne foi avec ces usuriers, et par conséquent de ne faire qu’à ceux-ci l’application du développement que je vais donner relativement aux plaintes portées par MM. Tod et Francklyn, contre l’arrêt du 29 juillet 1786 et la commission de Tabago. Croirait-on que ces usuriers, espérant, il y a trois ans, qu’il leur était facile de faire prendre le change au ministère français sur l’interprétation et sur l’application des lois anglaises, espérant en obtenir par ce moyen des ordres pour dicter aux commissaires de Tabago les jugements qui leur convenaient le plus, et ne pouvant se persuader que des commissaires (1) « Les exposants donnent dans les pièces justificatives, numéro 3, quelques exemples des persécutions dont la commission et les administrateurs se sont rendus coupables envers eux ; les pièces qui se trouvent dans les bureaux de la marine, renferment d’autres preuves. L’Assemblée nationale est suppliée de se faire remettra ses pièces. » (Noie de MM. Tod et Francklyn.) 152 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il juillet 1791. 1 français pussent être capables de faire des rédactions aussi bien suivies que savamment motivées et garanties par la loi ? (1) Croirait-on, dis-je, que ces usuriers, dans un mémoire où ils prétendaient donner des règles tant sur la manière d’entendre la loi, que sur celle d’en faire l’application, ont, de leur propre mouvement , rendu l’hommage que la force irrésistible de la vérité leur arrachait en faveur de l’arrêt du conseil et de la commission de Tabago? Alors ils ne prévoyaient pas que les jugements de cette commission seraient si fort à l’abri de tout reproche, qu’il leur serait impossible d’en faire casser aucun par appel ; alors ils ne pouvaient supposer qu’ils dussent se trouver n’avoir de ressources qu’en essayant de faire annuler l’arrêt; alors ils n’avaient aucun motif d’intérêt personnel qui pût leur inspirer la moindre partialité, ou la moindre prévention pour ou contre l’arrêt; alors, enfin, ils se trouvaient dans cet état où l’homme dit la vérité, parce qu’il n’a pas de motifs qui l’en empêchent. L’hommage dont je parle est consigné dans un mémoire envoyé par M. le maréchal de Castries, aux administrateurs de Tabago, avec sa dépêche du 1er juin 1787. Ledit mémoire avait été présenté au ministère des affaires étrangères, à Londres, par les créanciers anglais des habitants de Tabago, et le ministre de Sa Majesté Britannique l’avait fait parvenir au ministère français. Ce titre public est certainement d’une plus grande authenthicité que ne l’est la maison de MM. Tod et Francidyn ( Preuves n° 12.) Dans ledit mémoire, les créanciers anglais rapportent avec admiration les motifs du roi pour la promulgation de l’arrêt; sa généreuse bonté, en tempérant la rigueur des statuts britanniques contre l’usure ; son équité, en établissant une commission composée de juges désintéressés; son impartialité, en laissant aux parties la liberté de nommer elles-mêmes leurs experts ; sa justice, en permettant d’appeler au conseil des dépêches , contre les jugements de la commission; enfin, son respect pour les droits des nations, en prescrivant de ne juger que d’après les lois anglaises, son exactitude à ne pas s’écarter de ses réponses, faites aux créanciers anglais en juin 1783, et sa ponctuelle observation du traité de paix conclu en 1783. Toutes les choses que je viens de rapporter furent prises en considération, et furent authentiquement admirées par les créanciers anglais des habitants de Tabago. Peut-il exister un contraste plus frappant "que celui qui se trouve entre ce mémoire, et celui que MM. Tod et Francklyn viennent de présenter, en se qualifiant du titre de députés des mêmes créanciers? Le mémoire présenté en 1787 serait un moyen de non-recevoir qui me paraît péremptoire, dans l’espèce actuelle. Néanmoins, je ne crois pas devoir l’offrir par deux raisons : la première parce qu'il s’agit d’une question du droit des gens, et que ces sortes de matières, traité s par les représentants d’une grande et généreuse nation, ne doivent point être asservies à des rè-(1) Je m’empresserai toujours, comme je le dois, de rendre le témoignage le plus avantageux au zèle et au travail de MM. d’Anglebermes, Couturier etdeChancel, commissaires à la commission de Tabago, et je saisis cette occasion pour indiquer ici MM. Chanceî frères, l’ainé procureur général à Tabago, le cadet commissaire, l’un et l’autre actuellement à Paris, comme deux sujets qui, par leur mérite et leurs connaissances, sont dignes d’être employés et protégés par la nation. gles de localité; la deuxième parce que je me crois dans l’obligation de justifier ma conduite par des faits certains et par les principes les moins équivoques du droit de3 nations, des lois de l’Angleterre et des lois françaises, sans que je sois tenu de m’abaisser au point d’employer des arguments fondés uniquement sur la conduite de ceux que je réfute. QuaDt aux délits publics que MM. Tod et Francklyn nous accusent d’avoir commis à Tabago, l’examen que je désire et que je demande instamment, sur toutes les parties de mon administration commune et particulière, présentera, j’ose le dire, un modèle de conduite digne d’être offert à tous les chefs qui, comme M. Dil-lon et moi, n’auraient, en passant aux colonies, d’autre ambition que celle d’acquérir l’estime de la nation, et de mériter les bontés du roi, en contribuant de tout leur pouvoir au bonheur des colons. J’expliquerai, lorsque je serai parvenu àla pièce justificative du n° 3 de MM. Tod et Francklyn, les affaires dont il est question dans leur note. LXV. « Nous n’en citerons que quelques exemples. « Les débiteurs de Tabago, que cette commission semblait avoir pour objet de protéger, ne voulurent point de ces secours que Ton ne pouvait recevoir qu’en manquant de probité et de bonne foi. « Le sieur Bal four, l’un d’eux, avait présenté sa requête à la commission, pour lui annoncer que toutes ses dettes étant légitimes et sincères, il ne croyait pas devoir produire les titres de ses créanciers qui, au tribunal de sa conscience, étaient tous obligatoires pour lui. « Ou mande aussitôt le sieur Balfour; on l’interpelle durement sur les motifs de cette requête, on la fait déchirer devant lui par l’huissier de la commission et, en posture de suppliant, on lui fait des défenses sévères d’en présenter de semblables à l’avenir; on le menace, s’il récidive, d’une amende de 1,500 livres. » On conçoit qu’après une pareille, violence, on fit taire la bonne foi des autres débiteurs, qui presque tous se disposaient à rendre le même hommage à la sincérité des engagements qu’ils avaient contractés. Les séances et les jugements de la commission prouveront aux deux comités réunis du commerce et des colonies, par les diverses observations et les requêtes des débiteurs contre les créanciers, qu’il n’est pas vrai que les débiteurs ne voulussent pas des secours delà commission. Le simple bon sens dit que la chose n’est pas dans l’ordre naturel, et je puis assurer qu’on ne voit pas de miracles à Tabago. L’argument de M. Francklyn, selon les formes de la logique, se réduit à ceci : M. Balfour n’est pas content de la commission; M. Balfour est débiteur à Tabago. Donc les débiteurs à Tabago ne sont pas contents de la commission. Gomme M. Balfour a présenté un mémoire à l’Assemblée nationale contre moi, je me réserve d’expliquer, dans la réfutation de son mémoire, l’historique de sa conduite à la commission, d’en dévoiler les motifs, et de prouver qu’il aurait été plus sage, s’il ne m’avait pas mis dans l’obligation de lui répondre. Je ne connais que trois habitants de Tabago qui se soient récriés contre la commission, en y [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENT AIRES. [Il juillet 1791.] 153 comprenant MM. Francklyn et Balfour, l’un et l’autre agents des usuriers de Londres, le premier de ces trois déjà en grandes fonctions, le deuxième ayant l’espérance d’y parvenir. Je ne nommerai point le troisième par la raison qu’il ne m’a pas encore attaqué, et que je n’attaque jamais personne qu’autant .que j’y suis obligé. LXV1. « La confiscation qui ne pouvait jamais être qu’une peine comminatoire, fut exécutée avec la plus grande rigueur. « Ainsi on a vu plusieurs créanciers qui, après une réduction de leurs créances à la moitié du contrat primitif, ont été privés de l’autre moitié par cette confiscation si facile à encourir, et qu’il était si inhumain de prononcer. » Ayant prouvé la justice et la validité de l’arrêt, ayant prouvé que les créanciers anglais n’avaient pu refuser de rendre un témoignage authentique en sa faveur, il ne me reste plus qu’à répéter l’offre que j’ai si souvent faite, de prouver par l’examen individuel des jugements, qu’ils ont été rendus d’après les termes positifs de l’arrêt, et d’après les lois anglaises qui y sont rapportées. LXVII. « On avait annoncé que cette commission que l’on offrait comme un acte de bienfaisance, n’entraînerait aucun frais, et cependant pour obéir à ses décrets, pour compléter la production de tous les titres, pour le travail des vérifications, en un mot pour toutes les dépenses à faire, il en a coûté plus d’un million de livres. «< Ces frais d’expertage que les créanciers et les débiteurs voulaient eux-mêmes éviter, en ne nommant qu’un seul expert pourune affaire, ont été impitoyablement exigés; et les créanciers déjà ruinés, se sont vus forcés de payer de leurs deniers, l’acte même de la tyrannie avec lequel on les immolait. » J’ai fait voir, section XXX, ce qu’il fallait rabattre du million que MM. Tod et Francklyn prétendent qu’il a fallu payer pour les dépenses de la commission. J’ai prouvé, même section, que ces dépenses ne pouvaient pas s’élever dans Fîle à plus de 220,321 Jiv. 1 s. 8 d. 39 cinquantièmes; j’ajoute qu’environ la moitié de ces frais ont été payés par les débiteurs : de sorte qu’il n’en a coûté qu’à peu près 110,000 livres à la totalité des créanciers pour 159 jugements portant sur les matières les plus épineuses; jugements qu’ils avaient eux-mêmes provoqués, en demandant au roi de les faire payer d’après la sévérité des lois anglaises contre les débiteurs. Je m’arrête pour ne pas répéter tout ce que j'ai dit sur le même sujet, à la huitième section, et en d’autres endroits de ma réfutation. Lorsqu’il a plu au créancier et au débiteur de n’employer qu’un seul expert, ils auraient dû convenir avec lui du prix de son travail ; s’ils ne l’ont pas fait, l’expert a eu raison de prendre deux parts pour un travail double; s’ils sont convenus d’un moindre prix, et que l’expert leur ait manqué de parole, pourquoi n’ont-ils pas porté des plaintes à la commission qui avait en elle la juridiction de la police sur les officiers? Mes adversaires ne viennent donc débiter ici cette absurde plainte que pour nous supposer un délit imaginaire. LXVIII. « Des excès d’un autre genre ont été commis par les administrateurs comme chefs du tribunal du gouvernement et de la cour de chancellerie. « Partout la volonté de l’homme a été mise à la place de l’autorité de la loi. « Les formes ont été méprisées. « Sans délais, sans assignation préalable, on a prononcé sur les intérêts les plus précieux, sur les propriétés les plus importantes, et ces jugements du caprice ont été exécutés avec la ponctualité la plus rigide et malgré l’appel qu’on en interjetait. » A des accusations générales qui portent vaguement sur tous les jugements rendus par M. de Dillon et par moi, soit à la chancellerie, soit au gouvernement, je ne puis répondre qu’en offrant, comme je l’ai déjà fait plusieurs fois, de justifier individuellement chaque partie de notre administration commune, et de la mienne en particulier. La théorie du mort-gage, que je ferai incessamment publier, contient presque tous les principes nécessaires pour juger avec connaissance de cause du travail de MM. de Dillon et de Saint-Laurent. Il serait impossible de s’en former une juste notion sans les connaissances préliminaires que contient cette théorie. Nous avions à prononcer sur le droit des nations, sur la Constitution politique et civile de l’Angleterre, sur le droit public de la France; il nous fallait développer les principes les plus abstraits, comme les fictions les plus délicates des lois britanniques, et de la jurisprudence des cours de chancellerie; il nous fallait mettre à jour toutes les affaires de la colonie, et noos devions le faire d’une manière qui fût à la portée de nos successeurs et de juges français , afin que Sa Majesté pût, sans inconvénient pour ses nouveaux sujets, substituer le plus tôt possible le régime de ses autres colonies au régime anglais qu’elle avait provisoirement conservé dans l’île de Ta-bago. 11 fallait encore, pour surcroît de travail, que nous eussions sans cesse à prendre des mesures pour empêcher l’effet des ruses de M. Francklyn et de quelques autres agents des usuriers. Tel est le précis de la tâche que M. le maréchal de Castries nous crut capables de remplir; j’ose dire que noos l’avons bien et fidèlement remplie, et j’offre, avez zèle, d’en faire la preuve, devant les représentants de la nation. Si la justice, si le bonheur de la nation prescrivent d’être impitoyables envers les agents de l’autorité qui abusent des pouvoirs dont ils sont revêtus, les mêmes principes exigent que l’on rende justice à ceux qui ont bien fait. LXIX. « C’est ainsi qu’en enchaînant la bonne foi des habitants de Tabagn, on les a forcés de céder aux volontés despotiques des administrateurs de l’île. « C’est ainsi que ces tribunaux n’ont pas rougi d’ordonner, sous des amendes sévères, la violation des secrets respectés jusqu’alors chez toutes les nations policées et commerçantes. « C’est ainsi qu’ils ont nécessité la production de comptes clos et arrêtés entre majeurs de bonne foi, même entre proches parents. « C’est ainsi qu’ils ont livré à une inquisition, 154 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 111 juillet 1791.] aussi absurde que dangereuse, des engagements pris et consommés sous le sceau des lois. « C’est ainsi, enfin, qu’ils ont invité la mauvaise foi à se montrer, et qu’ils ont cherché à ébranler tous les liens politiques que le but des bonnes lois est d’entretenir. » Les injures et les faussetés contenues dans la présente section ont été tant de fois répétées, et tant de fois réfutées dans les précédentes sections, que je me contenterai de répondre, à l’égard du reproche d’avoir nécessité la production de comptes , même entre proches parents, que les séances de la commission font foi, notamment pour MM. Francklyn et Balfour, que la commission n’a pas voulu examiner les transactions qui s’étaient passées entre proches parents. Dans ces cas, elle s’est contentée de la déclaration verbale du débiteur qu’elle a Inscrite sur ses minutes, atin que Sa Majesté pût être informée du véritable état des dettes de la colonie envers les étrangers. LXX. « Et quels douloureux effets on a déjà vu résulter de cette tyrannie administrationnelle? Les habitants de la colonie, fatigués d’autant d’actes d’oppression, anéantis par la présence journalière de tant d’injustices, ont abandonné une île où l’on ne pouvait vivre qu’infortuné. Le dernier recensement prouve que le nombre des colons s’est diminué de plus de moitié, depuis la cession de l’île à la France, et que la récolte des cotons, qui montait en 1783 à 2,560,000 livres pesant a été réduite, en 1789, époque du départ de M. de Dillon, à 1,100,000 livres. » L’argument que viennent de poser MM. Tod et Francldyn , pour être concluant, exigerait les conditions suivantes : 1° que l’abandon de l’île par plus de la moitié de ses habitants fût vrai; 2° que cet abandon fût l’effet de nos actes d’injustices et d’oppression; 3° que la diminution des récoltes dépendît des mêmes causes, et 4° que nous eussions administré la colonie depuis la cession de l’îie, c’est-à-dire depuis 1783 jusqu’en 1789. Je vais satisfaire le lecteur sur ces quatre conditions. Premièrement, j’ignore si le nombre des colons a diminué de moitié depuis la cession de l’île : en tout cas, le fait ne peut èîre vrai qu’en désignant, sous le mot colons , qui dans son acception ordinaire aux colonies signifie propriétaires de terrains, toutes les personnes qui résidaient dans l’île sous le gouvernement anglais. Je sais que beaucoup de ces personnes profitèrent du délai fixé par le traité de paix, et firent leur émigration dans les dix-huit mois, mais il est facile de prouver, par le témoignage de particuliers actuellement à Paris, que le nombre des habitants propriétaires s’esl accru, au iieu d’avoir diminué sous notre administration. Deuxièmement, les procès-verbaux de l’assemblée coloniale et des requêtes présentées par la colonie, que je remettrai aux deux comités réunis du commerce et des colonies, en prouvant la douceur et la sagesse de notre administration, prouvent aussi nécessairement que le départ des émigrants, quand même il aurait eu lieu de notre temps, ne devrait être attribué ni à nos actes d’oppression, ni à notre injustice. D’ailleurs, je répète encore que j’ai la plus grande ambition de voir examiner publiquement, et dans le plus bref délai, mon administration commune et particulière. Troisièmement, il faudrait que nous eussions été munis de la faculté d’empêcher la multiplication des chenilles qui ont ravagé les cotonniers de l’île, pour que MM. Tod et Francklyn fussent autorisés à nous rendre responsables de la diminution des récoltes. Quatrièmement, nous n’avons pris les rênes de l’administration de Tabago que le 6 décembre 1786, plus de trois ans après la cession de l’île, et dix-huit mois après l’émigration, qu’il plaît à ces Messieurs d’appeler l’abandon des colons. Voici l’état des produits de l’île en coton, pendant l’administration de MM. de Dillon et de Saint-Laurent. En 1787, 1,250,000 livres ; en 1788, 1,212,000 livres; et en 1789, 1,100,000 livres. J’observeque l’année avant notre arrivée, la récolte des cotons avait été de 1,300,000 livres. J’observe relativement à la récolte de 1789, que plusieurs habitants avaient coupé beaucoup de leurs cotonniers pour planter des cannes. J’observe enfin que les nombres que je viens de rapporter sont ceux que les habitants ont eux-mêmes constatés aux dernières séances de leur assemblée coloniale, tenues en janvier 1790. MM. Tod et Francklyn n’ont donc été, ni plus véridiques ni moins absurdes dans cette accusation que dans tout le reste de leur mémoire. LXXI. <> Ainsi donc les exactions de ces agents de l’autorité, beaucoup plus despotes que cette autorité elle-même, ont fait disparaître avec eux la prospérité de l’île, et n’y ont fait rester que les chagrins et le désespoir; semblables à ces anciens Vandales, qui, traînant toujours à leur suite les calamités de la guerre, ne se montraient jamais dans un pays que pour y apporter la famine et y répandre le sang. » Exactions, agents de l’autorité, despotes, chagrins, désespoir, Vandales, calamités, guerres, famine et sang répandu. Je conseille en vérité à MM. Tod et Francklyn, de s’appliquer plutôt à la composition de grands opéras qu’à celle de mémoires en laveur d’usuriers. ;lxxii. « Qu’il soit permis aux exuosants avant de finir, de vous observer, Messieurs, qu’ils sont accoutumés à vivre sous des lois claires, précises, toujours uniformes et toujours exécutées. » C’est par la raison que les lois anglaises sont claires, précises, toujours uniformes, et que l’on devrait toujours les exécuter; c’est par celte raison que j’offre de prouver, par les travaux de la commission, par les décrets de la chancellerie, et par les prononcés du tribunal de gouvernement de Tabago, que jamais ces lois ne furent plus clairement, plus précisément, plus uniformément et plus constamment exécutées qu’à ces trois tribunaux, par MM. de Dillon et de Saint-Laurent. LXXIII. « A côté de cette législation fixe, ils sont forcés de placer aujourd’hui des lois du hasard, enfantées par l’ambition, contraires au droit des gens et opposées au système de l’équité naturelle. » Ces Messieurs ’n’entendent-ils parler que des prétendues lois qu’ils ont mises en avant dans leurs accusations? Si c’est là ce qu’ils veulent [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [U juillet 1791.] dire, je suis trop ami de la vérité pour ne pas applaudir au témoignage qu’ils lui rendent. LXXIV. « Vous devez sentir, Messieurs, quelle conséquence fâcheuse il eu résuherait pour la France commerçante et libre, si les autres nations de l’Europe pouvaient penser que l’Assemblée nationale française pût jamais approuver ou même livrer au silence des principes aussi inconstitutionnels, et des tribunaux si évidemment dérogatoires à la foi publique. » Les autres nations approuveront l’Assemblée nationale, de ce qu’elle confirmera un acte public du roi, fait en 1786, dont la validité, la justice et la bienfaisance lui auront été géométriquement prouvées. LXXV. « Déjà, malgré la modération des exposants, malgré les ménagements qu’ils ont pris pour faire arriver dans le secret leurs réclamations auprès des ministresfrançais, leur situation malheureuse a transpiré dans le public, et, en y répandant l’alarme, elle y a produit une défiance fâcheuse, que le caractère français et les sentiments énergiques que la nation a déployés, ne semble plus devoir permettre. » Si M. Francklyn n’avait pas eu la vanité de faire parade de ses talents devant l’Assemblée nationale, et s’il avait eu assez de prévoyance pour comprendre le tort énorme que la publicité qu’il vient de donner à la cause de quelques usuriers, fera, avant dix ans, aux autres usuriers d’Angleterre, il n’aurait pas manqué de conseiller à ses constituants de ne jamais faire sortir leurs plaintes du secret ministériel. Ce que je dis ici renferme un très grand sens. La chose serait déplacée si je l’expliquais dans ma réfutation; mais elle est trop importante pour ne pas faire partie du quatrième mémoire que je publierai, comme je l’ai annoncé à la douzième section. LXXVI. « Mais à côté de cette inquiétude, un espoir heureux tranquillise les exposants. L’Assemblée nationale donnant tout à la justice, consolidera les droits de deux nations faites pour s’aimer toujours; et en remettant aux exposants des propriétés qiFon leur a enlevées sous le masque des lois, elle apprendra à l’Europe entière qu’une nation vraiment libre est toujours une nation juste, et qu’on n’invoque jamais en vain les secours de sa puissance. » « Signé : W. Tod et Gilbert Francklyn, députés des créanciers anglais des habitants de l’île de Tabago. » La justice que fera l’Assemblée nationale de quelques usuriers et de deux charlatans n’empêchera nullement que les droits de deux nations faites pour s’aimer, s’estimer et se lier étroitement, ne se consolident. La France sera toujours libre , jamais injuste , et les secours de sa puissance ne s’invoqueront pas en vain, lorsqu’ils seront demandés avec raison. CONCLUSIONS. « D’après les faits et les principes développés dans ce mémoire, les exposants supplient l’Assemblée nationale, ISo « De déclarer : 1° que la commission établie à Tabago par arrêt du conseil du 29 juillet 1786, est nulle, est attentatoire aux droits des nations, contraire au traité de paix du 3 septembre 1783, ainsi qu’aux lois de la Grande-Bretagne et aux lois françaises, et que tous les jugements qu’elle a rendus sont nuis et de nul effet; « 2° De déclarer également nul et illégal le tribunal du gouvernement, et tous les jugements qu’il a rendus; « 3° D’autoriser les exposants à prendre à partie le sieur de Saint-Laurent, comme le principal auteur des vexations qu’ils ont éprouvées ainsi que tous ceux que l’on prouvera y avoir coopéré, ou avec lui, ou séparément. » J’ai prouvé que la commission établie à Tabago, par l’arrêt du conseil d’Etat du 29 juillet 1786, était légale et conforme aux droits des nations, au traité de paix du 3 septembre 1783, ainsi qu’aux lois de la Grande-Bretagne, et à l’usage qui tenait lieu de lois aux colonies françaises; j’ai conséquemment prouvé qu’elle ne devait pas être annulée. J’ai offert de prouver la justice de tous les jugements rendus à Tabago, sous le nom du tribunal du gouvernement, par M. de Dillon et moi, sur des matières dont la connaissance nous appartenait exclusivement par les instructions du roi qui nous furent données le 30 juillet 1786. Je conclus en suppliant l’Assemblée nationale de décréter : La validité dudit arrêt du conseil dans tout son contenu, Et le renvoi des demandeurs par-devant le conseil des dépêches, ainsi qu’il est dit au même arrêt, ou par-devant le nouveau tribunal de cassation, pour y appeler, s’ils le jugent à propos, des jugements rendus par la commission et par les administrateurs de Tabago. Réservant aux demandeurs leurs droits et actions contre qui de droit. Je déclare, enfin, que, n’ayant agi dans ces affaires qu’en qualité d’homme public, je remets la justice qui m’est due sous la sauvegarde de l’Assemblée nationale, dépositaire de l’honneur français. Hôtel de Calais, rue de Richelieu, à Paris, le 12 août 1790. Signé : RoüME. PIÈGES JUSTIFICATIVES DU MÉMOIRE DE MM. TOD ET FRANCKLYN. N° 1. Extrait d’un discours prononcé par M. de Saint-Laurent , le 18 mars 1789, enregistré au greffe de la commission. <> Si je pouvais ne me considérer qu’en qualité de juge de la commission, je me soumettrais sans réserve à la décision prononcée par deux de nos collègues contre la mienne; mais je suis Fauteur du projet de la commission de Tabago. Chargé directement par M. le maréchal de Cas-tries de veiller à l’exécution de mon projet, devant être vraisemblablement chargé par M. le comte de La Luzerne de réfuter les réclamations qui seront faites contre nos jugements, je suis dans l’obligation d’empêcher de tout mon pou- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] 156 [Assemblée nationale.] voir que l’on ne puisse porter des plaintes fondées contre nos décisions; et telles que puissent avoir été les opinions de chacun des membres de la cour, je serai toujours aux yeux de ma nation comme à ceux de l’Angleterre et peut-être de l’Europe entière, le seul qui répondra des jugements de la commission, soit comme auteur du projet, soit comme ayant été chargé d’en surveiller l’exécution, soit enfin comme un homme qui jouit chez plusieurs nations de la réputation d’un jurisconsulte ou plutôt de celle d’un législateur. « Les quatre premiers jugements que rendit la commission furent entièrement rédigés par moi, et servirent de modèles aux autres que rédigèrent MM. Couturier et de Chancel, commissaires. » MM. Tod et Francklyn, comme je l’ai dit section XVIII, s’étaient flattés que j’aurais la pusillanimité de me rétracter: et pour me convaincre d’avoir été l’auteur du projet de la commission de Tabago, ils ont donné en preuve l’extrait ci-dessus. Ces Messieurs trouveront sous la dixième de mes pièces justificatives une preuve plus récente et plus authentique : et si ces deux preuves, ainsi que celles contenues dans ma réfutation, ne leur paraissent pas suffisantes, j’espère qu’ils seront satisfaits, moyennant l’extrait que je vais leur offrir de mon discours prononcé à la même commission, le 4 mars 1789. Extrait : « Je serais peut-être coupable d’imprudence si je divulguais toutes les conséquences qu’entraîneront à leur suite les jugements de la commission; mais comme tout est lié dans le monde moral comme dans la physique, il est évidemment impossible qu’une cause de cette nature ne produise de grands effets. Quoiqu’il puisse en arriver, soyez certains, Messieurs, que si M. le comie de La Luzerne me donnait ordre de passer en France pour défendre les jugements de la commission, soyez certains, dis-je, que ces jugements seraient défendus avec ies armes qu’offre une grande et belle cause; et que les discussions dans lesquelles j’entrerais, approfondiraient des questions qu’il convient de résoudre à l’époque de la Révolution que tout nous annonce comme prochaine, qui doit assurer le bonheur du genre humain, et qui sera principalement due au roi juste, bienfaisant et éclairé, qui rend à la nation française des droits imprescriptibles qu’une longue usurpation faisait oublier. Depuis plus d’un siècle, les hommes n’habitent que le palais des chimères : il est temps que ceux qui en ont le courage réunissent leurs efforts, afin de démolir cet édifice magique, où l’on ne respire qu’un air empoisonné par le luxe et l’égoïsme, et pour ramener l’homme à la culture des terres, aux manufactures utiles et au commerce d’échange. » N° 2- Recueil de cas en équité, abrégés , tome //, page 524. « L’intérêt devient principal dès qu’un compte est arrêté, 28 février 1707, Kelley, v. Ld. Bell w, 14 vin. ab. 457, pl. 4. « Les comptes arrêtés portent d’eux-mêmes intérêt, surtout en fait de mort-gage : 25 juin 1715. Basil, v. Ârcheson, 14 vin. abr. 457, pl. 7. « On accorde l’intérêt pour la balance annuelle d’un compte qui se renouvelle, page 532, 1er mai 1726. Ashton, v. Smith, 14 vin. abr. 458, pl. 14. « Les dettes établies par des sentences portent l’intérêt : 28 avril 1726. Parker, v. Hutcheson, 14 vin. abr. 458, pl. 15. « Le demandeur était propriétaire d’un vaisseau : le maître, qui n’avait point d’autorité de le vendre, le vendit avec la cargaison dans les Indes à l’agent de la compagnie des Indes. Il y avait des preuves de supercherie de la part du "maître et de celle de l’agent; mais quoique l’achat en fût fait pour le service et l’avantage de la compagnie, elle ne paraissait pas avoir eu connaissance de la convention. Le demandeur intenta un procès à la cour de chancellerie, et demanda que la compagnie rendît compte du vaisseau et de la cargaison, lesquels dans le temps où ils étaient vendus, suivant le vrai dire d’un juré, à qui le chancelier ordonna l’examen, valaient 3,600 livres. La valeur ainsi établie, au moment où le chancelier allait prononcer, le demandeur insista sur ce qu’il avait le droit d’en exiger l’intérêt indien, environ 12 0/0. Le défendeur prétendit que le vaisseau et sa cargaison étaient d’une valeur incertaine, lorsqu’ils étaient vendus, et conséquemment que la cour ne devait accorder l’intérêt que du jour où la valeur avait été réglée par les jurés : que, le demandeur ayant laissé sa cause suspendue pendant 13 ans, ce serait une injustice de lui accorder l’intérêt indien, puisqu’il se trouverait être en bénéfice de de plus du double intérêt par son propre délai : le chancelier condamna la compagnie à payer l’intérêt indien, et ordonna au maître de l’informer ce qu’était l’intérêt dans les Indes pendant tout le temps, etquels pouvaient être les frais indispensables pour faire passer l’argent des Indes en Angleterre, etdonede passer en compte l’intérêt indien, se réservant seulement les frais de la remise, puisque la somme devait être payée en Angleterre, page 533. Hilaire, 1717, Ekins, v. compagnie des Indes, 1, Will. Rep. 393. « Les demandeurs, syndics des créanciers des sieurs Samuel et Jean Cotton, négociants en faillite, formèrent une demande pour n’être pas obligés de payer le montant de plusieurs bons ou obligations qui s’élevaient à la somme de 5,9901. 13 s. 4 d., lesquels avaient été passés en faveur du chevalier Daswood ; ils demandaient même qu’on leur remboursât 5,000 livres qu’ils prétendaient avoir été payées par le failli au delà de ce qu’il devait par le payement qui avait été fait au chevalier, de 10 0/0 par an, depuis 1710 jusqu’à 1724 ; et, comme il était évident dans les plaidoiries que les obligations étaient originairement passées à 6 0/0, et que les intérêts avaient été depuis augmentés jusqu’à 10, et payés à ce taux pour plusieurs années (1), le chevalier lckyl, maître des archives, décréta qu’on prenait compte de tout ce qui avait été payé pour intérêt, et que ce qui avait été payé plus que l’intérêt légal serait regardé comme payé en déduction du principal ; que, si les défendeurs avaient été payés plus que le principal et intérêts légaux, ils rendraient le surplus; et si, au contraire, ils n’avaient pas reçu tout ce qui leur était dû pour principal et intérêts, les défi) « Il faut observer que prendre 10 0/0 quand l’obligation ne porte que 6 après l’acle du parlement de 1713, c’était une usure, mais qu’il n’y avait point de. peine attachée ; on a seulement impute l’excédent de l’intérêt sur le principal.!) ( Note de MM. Tod et Francklyn.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [11 juillet 1791.] mandeurs étaient tenus de les payer, et qu’après le payement, les bons leur seraient rendus. Mich. 8, gev. 2, Bosanquer et autres Gont. ; les exécuteurs testamentaires du chevalier Daswood. M. S. Rep. 2, ec. ca. al. 534. » Lorsque MM. Tod et Francklyn produiront un statut du parlement d’Angleterre, qui autorise les juges et les officiers de la cour de chancellerie à rendre des décrets contraires à la loi commune et aux statuts contre l’usure, il leur sera permis de citer les décisions ci-dessus comme des lois anglaises ; en attendant, je répète que ces décisions ne sont que des abus de la loi ; comme je l’ai expliqué, section XVI; comme le prouve l’acte passé sous Ja reine Anne, qui forme le n° 7 de mes pièces justificatives; et comme vient de le prouver M. Francklyn dans sa note ci-dessus, où, forcé de convenir que, quoiqu’il y eût usure, le maître des archives de la chancellerie se contenta d’imputer sur le principal l’excédent de l’intérêt. M. Francklyn, par cet aveu, ne fait que dire, en d’autres mots, que cet officier de la chancellerie avait jugé contre la loi. Quoique j’aie suffisamment démontré que des abus ne devaient jamais être donnés, ni reçus pour des lois, il n’est pas inutile que j’observe en outre que, quand même les citations de mes adversaires seraient autant de statuts britanniques, ces statuts n’auraient rien de commun avec la question de la validité de l’arrêt du conseil d’Etat du 29 juillet 1786; ils ne trouveraient d’application qu’à quelques articles des jugementsde la commission ; et l’examen de ces jugements prouvera que l’accumulation des intérêts sur ies„comptes balancés ne marche pas ordinairement sans être accompagné d’une multitude d’autres usures; car les usuriers ont employé tous les moyens possibles pour multiplier leurs profits illicites ; et même, jusqu’à faire reconnaître par l’emprunteur qu’il avait reçu, en principal d’argent prêté, un dixième de plus que le prêteur ne lui avait véritablement avancé. N° 3. Exemple premier. « Le sieur Lascelles, autrefois membre de la Chambre des communes pour la province d’York et actuellement pair de la Grande-Bretagne, était créancier de Gedney Clarke. En 1772, les comptes des parties furent arrêtés et réglés à l’amiable : le sieur Clarke consentit que le sieur Lascelles obtînt des sentences; il lui passa même contrat d’hypothèque pour sûreté de sa créance. En 1787, cette créance montait, y compris l'intérêt de 5 0/0, à 3 millions et demi, argent des colonies. * On observe que les habitations de Clarke, à Tabago, ne valent pas la moitié de cette somme. « Dans le compte réglé en 1772, il se trouvait une somme de 39 livres sterlings d’intérêt. « Pour avoir confondu cet intérêt avec le capital, et l’avoir compris dans le contrat d’hypothèque, les juges de la commission ont déclaré la créance entière u sur rire; en conséquence, tous les intérêts, même ceux des capitaux originaires, ont été mis de côté, et la créance a été réduite à 41,517 1. 16 s. 2 d. sterlings, laquelle somme a été ensuite confisquée au profit du roi, faute de production des comptes, et le sieur Lascelles a été condamné aux dépens qui se sont 157 trouvés réglés à 29,162 1. 4 s., argent des colonies. « 29,162 livres, pour le travail des experts sur un compte qui n’était pas contesté, quel abus de l’autorité! « Quelle odieuse condamnation au�si, que celle qui prive un citoyen d’une propriété de 3 millions et demi pour un intérêt de 39 livres sterlings, qui avait été confondu avec le capital, et qui n’a jamais été payé ! Priver d’une propriété de 3 millions et demi pour une erreur de 39 livres sterlings, M. Lascelles, autrefois membre de la Chambre des communes, qui peut disposer de beaucoup de voix aux élections des membres de ladite Chambre , et qui vient d’être créé pair de la Grande-Bretagne, quelle odieuse condamnation ! Mais oser condamner un homme riche, puissant et soutenu par le ministère britannique, un homme connu de notoriété publique, non seulement à Tabago, mais dans toutes les îles anglaises, pour être aux droits de créanciers qui s’étaient rendus coupables de toutes sortes d’usures et d’extorsions contre leur débiteur, et qui s’étaient rendus les maîtres de biens immenses placés dans différentes colonies, au préjudice des autres créanciers ; oser, je le répète, condamner cet homme sur un simple fait d'usure incontestablement prouvé, malgré tout le soin qu’avait pu prendre ce créancier et son fondé de procuration, M. Gilbert Francklyn, pour cacher l’origine, la nature de l’état actuel des transactions qu’il fallait juger, quelle juste et glorieuse condamnation! MM. Tod et Francklyn, qui citent avec autant d’emphase et d’assurance le premier des jugements rendus contre les créanciers de M. Ciarke, se gardent bien de parler du second; il convient que, pour suppléer à leur omission, j’en fasse le précis. D’après les preuves acquises depuis le premier jugement, rendu le 25 juin 1788, la commission le révisa par un deuxième jugement qu’elle rendit le 7janvier 1789. A cette seconde époque, les créanciers furent convaincus d’une autre usure montant à 6,468 I. 15 s. sterlings, ainsi que de deux opérations contraires à la bonne foi: par l’une, ils s’étaient appropriés, sans en donner crédit au débiteur, une somme de 4,2591. 7 s. 2 d. et demi sterlings; par l’autre, ils avaient extorqué des récoltes du débiteur la somme de 2,300 livres sterlings pour en gratifier M. Francklyn. Ces trois sommes, jointes à l’usure trouvée par le premier jugement montant à 39 1. 12 s. 6 d. sterlings, s’élèvent en totalité à 13,057 1. 14 s. 8 d. et demi sterlings. Si tous les titres que M. Lascelles était tenu de déposer au greffe de la commission, y avaient été remis, cette affaire n’aurait présenté qu’une suite d’usures et d’extorsions delà part des créanciers du sieur Clarke. Exemple second. « Le sieur Pierre Francklyn avait obtenu en 1775, à la cour des plaids communs de Tabago une sentence qui condamnait un de ses débiteurs à lui payer la somme de 65,876 livres. « Le sieur Pierre Francklyn ne mit plus aucun intérêt aux titres primitifs qui devenaient inutiles, la sentence étant un titre plus authentique quel es premiers ; cette sentence obtenue, les papiers s’égarèrent. « Cependant la commission exigea que le sieur Gilbert Francklyn, fondé de pouvoirs du sieur 158 [Assemblée nationale.] Pierre Francklyn, son frère, produisît les titres originaux. «.'Faute par lui dele faire, on confisqua la créance entière au profit du roi, et le débiteur fut condamné aux détiens qu’on liquida à la somme de 1,400 livres ou environ. « Le débiteur etle créancierétaient absolument d’accord sur la légitimité de la dette: il n’y avait rien à juger. « Nous pourrions multiplier les citations. « On verrait partoutles mêmes erreurs, la même injustice. « C’est pour ne pas fatiguer leurs lecteurs que les exposants s’arrêtent là. « Ils sont prêts à donner tous les détails que l’on désirera. » M. Pierre Francklyn n’a encouru la confiscation de sa créance que par la faute de M. Gilbert son frère, qui n’a pas remis au greffe de la commission les pièces qu’il était tenu d’y déposer. Je répète qu’il est convenable au caractère généreux de la nation que ces sortes de confiscations soient remises aux créanciers honnêtes qui les ont encourues et je finis en répétant que celles qui portent sur des prêteurs coupables d’usures doivent être dévolues au Trésor public. Hôtel de Calais, rue de Richelieu, à Paris, le 12 août 1790. Signé : ROUME. PIÈCES JUSTIFICATIVES DE LA RÉFUTATION DE M. DE SAINT-LAURENT. N° 1. Copie de l'édit portant abolition du droit d'aubaine dans la Guyane française , les îles de Sainte-’ Lucie et de Tabago , du mois de juin 1783. Louis, etc. Animé du désir de réparer, autant qu’il est en nous, les maux occasionnés par la guerre, nous avons profité des premiers moments de la paix pour nous faire rendre compte de la situation de nos colonies en Amérique, et nous occuper du moyen de leur procurer un accroissement de culture dont la métropole partagera les avantages. Nous avons reconnu que si, dans presque toutes nos colonies, le nombre des colons n’est pas en proportion avec la quantité des terrains à cultiver, il en existe troissurtout, laGuyane française et les îles de Sainte-Lucie et de Tabago, où la disproportion est si considérable, que la culture ne pourrait qu’y languir pendant longtemps, si nous n’appelions pas des capitalistes étrangers par l'abolition du droit d’aubaine. Si cette suppression produit dans ces colonies les effets heureux que nous nous en promettons, ce sera un motif de plus pour en étendre paria suite aux autres le bienfait : A ces causes, etc. « Art. 1er. Nous avons aboli et abolissons le droit d’aubaine dans la Guyane française, ainsi que dans les îles de Sainte-Lucie et Tabago. Permettons en conséquence à tous étrangers, de quelque nation qu’ils soient, de s’y établir, et de disposer en faveur de qui bon leur semblera, même en faveur des étrangers, par donation entre vifs ou par testament, suivant les lois et les formes observées dans lesdites colonies, de tous les biens, de quelque nature qu’ils soienl, [Il juillet 1791.] mobiliers ou immobiliers, qu’ils y auront acquis, à quelque titre que ce soit. « Art. 2. Les successions desdits étrangers seront recueillies par leurs héritiers naturels, en quelque pays qu’ils halètent, et à quelque domination qu’ils soient soumis, quand même nous serions en guerre avec leur souverain, et leur seront délivrées, sans qu’elles puissent être assujetties à autres, ni plus grands droits que ceux qui se payent par nos propres sujets pour les successions de même nature. » Art. 3. En exécution des articles précédents, tous les étrangers et leurs ayants-cause pourront recueillir, dans les trois colonies ci-dessus désignées, tous leurs biens et effets, de quelque nature qu’ils soient, transporter où ils jugeront à propos les biens et effets mobiliers, à l’exception de ceux destinés à l’exploitation des habitations, et notamment des esclaves, qui ne pourront être exportés en nature, fussent-ils employés à d’autres travaux qu’à ceux de l’agriculture; faire valoir lesdites habitations, les vendre ainsi que les autres objets ci-dessus exceptés, et en retirer le prix pour le transporter où il leur plaira, en justifiant seulement de leurs titres de propriété. « Si donnons en mandement, etc. » N° 2. Lettre de MM. les propriétaires anglais de l'Ue de la Grenade , à M. de Saint-Laurent. Grenade, le 15 juin 1782. Monsieur. Apprenant que vous vous proposez de vous embarquer incessamment pour l'Europe, nous prenons la liberté, dans cette occasion, de vous témoigner la haute vénération et l’estime que nous avons pour quelqu’un, qui, durant une résidence de près de 17 ans dans ce pays, s’est éminemment distingué dans l’exercice de toutes les vertus morales et sociales. Sous quelque point de vue que nous ayons pu vous considérer, Monsieur, votre conduite a été uniformément la même : dans votre capacité publique, soit comme membre de la législation, ou comme magistrat, votre sagesse, votre prudence et votre impartialité sont reconnues. Si nous vous examinons dans votre caractère privé, la pratique infatigable et continuelle d« s différents devoirs de la vie civile, mérite justement notre approbation et notre éloge, tandis qu’elle exige notre admiration. Chacun des membres de la colonie est suffisamment convaincu de ces faits; mais comme vous paraîtrez probablement bientôt dans une partie du monde éloignée de celle-ci, où votre réputation pourrait ne pas être aussi bien connue, le témoignage non sollicité des habitants anglais de cette île pourrait être de quelque utilité : Permettcz-nous donc, Monsieur, comme un léger tribut dû à votre mérite de déclarer : Que depuis votre arrivée à cette île, enl’année 1765, jusqu’à votre départ pour la Trinité, au mois d’avril 1779, vous avez constamment soutenu la réputation d’un homme bon, d’un bon fils, d’un bon mari, d’un bon père, d’un bon voisin et d’un bon maître ; Que durant tout le temps de votre résidence parmi cous, nous n’avons jamais ouï dire que vous fussiez engagé dans aucun procès, ou que vous ayez eu des disputes ou des différends avec qui que ce soit ; ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il juillet 1791.] 159 Que vous avez toujours professé la religion catholique romaine, et que durant le gouvernement anglais, après qu’un certain nombre de personnes de cette communion eurent été admises dans la législation et la magistrature, vous fûtes nommé membre du conseil et juge de paix : dans la dernière capacité, votre justice et votre impartialité n’ont jamais été attaquées, tandis que dans la première, le bien de la colonie paraissait être l’ unique motif qui eut de l’influence sur votre conduite ; Que le parti actif que vous prîtes, en recherchant et soumettant à la justice des bandes d’esclaves rebelles, supprimant, par ce moyen, différentes révoltes dangereuses, depuis l’année 1766 jusqu’en 1777, pendant lequel temps vous avez, non seulement fait une dépense considérable, mais même hasardé votre vie, dans vos fréquentes excursions contre les rebelles. Ce parti actif fit une si grande impression sur l’esprit des habitants, qu’il vous procura le plus flatteur des témoignages, le remerciement public de la colonie transmis par la voix unanime de l’assemblée générale; Qu’il serait inutile de donner une plus forte preuve de la haute idée que la colonie forme de votre mérite comme magistrat, que l’extrême sollicitude avec laquelle, après sa conquête par M. le comte d’Estaing, les habitants firent leurs efforts pour vous engager de continuer dans l’office de sénéchal, auquel M. le comte d’Estaing avait bien voulu vous nommer; et pour vous porter davantage, ils vous] offrirent même d’augmenter considérablement les émoluments de cet office. Nous avons seulement à ajouter que nos vœux les plus ardents pour votre santé et votre prospérité vous accompagnent dans quelque pays que vous choisissiez pour votre demeure, et que nous serons dans toutes autres occasions comme en celle-ci, de témoigner avec combien de considération etd’estimenous avons l’honneur d’être, Monsieur, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Signé : M. Scott. . . Pat. Maxwell... Ni-NIAM HOMT... J AM. BAILLIE... ROBERT Harvey... Alex. Campbell... Wm. Smith... Robert Bogle... John Hay... James Taylor... James Campbell... Thos. Thounsend... Alex. Symson... Alex. Winniett... J. Stewart... Alex. Scott. . . W. Johnston.. . J. D.T.Gilpin. . . Francis Horsley... Alex. Frazer... John Pegus... David Clunie... Donald Campbell. . . Edouard Price. . . John Mun-ro... Geo. Campbell... Alex. Midle-ton... Ben. Webster. Je, soussigné, gouverneur-lieutenant général de l'île de la Grenade et dépendances, certifie que les signatures ci-dessus sont les signatures originales des plus notables habitants anglais de cette île, et que M. de Saint-Laurent mérite l’éloge que ces Messieurs en font ; en foi de quoi j’y ai joint mon approbation et ma signature. A la Grenade, le 26 juin 1782. Signé : DURAT. Je, soussigné, commissaire général des ports et arsenaux de la marine, ordonnateur et président du conseil souverain de ces îles, ai l’honneur de certifier que M. de Saint-Laureut emporte l’estime et les regrets de la colonie, et que je partage de tout mon cœur ces justes sentiments. Signé : BARRY. N. B. J’ai dit, section VIII, que j’étais créole de la Grenade ; on pourrait trouver de la contradiction entre mon dire et la lettre ci-dessus, si je n’expliquais que j’étais passé en France au commencement de 1763, et qu’à la fin de 1765, je retournai à la Grenade. C’est à dater de cette dernière époque qu’il faut entendre les 17 ans de ma résidence parmi les habitants anglais établis à la Grenade depuis la cession de cette île par la France. Paris, le 12 août 1790. Roüme. N° 3. Extrait de la Charte accordée par le roi d’Es-pagne en faveur de V établissement de la colonie de la Trinité. Ce titre fondamental est daté de Caracas le 7 janvier 1780. M. d’Abalos, intendant général des provinces de Venezuela, Cumana, Guayana, Maracaybo et des îles de la Marguerite et de la Trinité, qui la rédigea et la signa au nom du roi Charles III, après avoir expliqué la nature des pouvoirs que Sa Majesté chrétienne lui avait spécialement confiés pour l’établissement de la Trinité, après avoir sommairement rapporté les avantages qui résulteraient de cet établissement, tant en faveur de l’Espagne, qu’en faveur des étrangers qui voudraient passer à la Trinité, parle de moi dans les termes suivants : « Considérant également que, pour la même fin, il conviendrait de traiter préalablement avec quelques-uns des principaux étrangers, qui par leur caractère et leur réputation entre les autres, pussent leur ôter le doute qu’ils pourraient avoir sur l’utilité et la convenance de l’établissement de ladite île de la Trinité; je sollicitai, et j’obtins, que M. Philippe Rose Roume de Saint-Laurent, juge sénéchal, et l’un des principaux habitants de Pile de la Grenade, connu tant par sa naissance distinguée, que par sou mérite personnel, et qui jouit d’une grande réputaiion parmi les habitants qui ont intention de s’établir dans l’île de la Trinité, et qui résident dans les îles voisines, vînt pour traiter et conférer avec moi, ledit intendant sur les différents points de ladite population; et après plusieurs conférences sur cet important objet, il a été accordé pour tous les étrangers, etc... » N. B. Je n’ai qu’une copie de cetfe charte; mais s’il était nécessaire, j’en demanderais une expédition en forme à Madrid; d’ailleurs j’ai la correspondance originale de M. d’Abalos avec moi qui prouve non seulement le passage que je viens de rapporter, mais qui explique les services que j’ai rendus aux Espagnols en Amérique. Paris, le 12 août 1790. Signé : Roume. N° 4. Projet pour la liquidation des dettes hypothécaires de Tabago, par M. Roume de Saint-Laurent. Sa Maje-té ayant été informée que des capitalistes delà Grande-Bretagne et autres Etats d’Europe réclament à Tabago de très fortes sommes, en vertu de contrats et d’hypothèques portant intérêt sur les biens-fonds de ladite île, s’étant fait rendre compte de la nature de ces engage- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juillet 1791. J 160 ments d’après les lois anglaises, et de l’espèce de ceux qui ont été contractés par les habitants de ladite île, il résulte, en premier lieu, que la législation de Tabago passa un acte en 1768, qui fixa le taux de l’intérêt annuel à 8 0/0; quoique l’intérêt eût été réduit à 5 0/0 par un acte du parlement britannique en 1713; mais qu’en 1774, le parlement passa un nouvel acte qui légitima les engagements faits en vertu des lois coloniales, et qui fixa pour le futur à 6 0/0 l’intérêt annuel sur les sommes qu’on prêterait aux colonies anglaises. Ces différentes lois déclarent usuraires tous gains plus considérables sous quelque prétexte qu’on le déguisât : que le parlement britannique passa en 1772 un acte pour inviter les étrangers à prêter aux colonies anglaises, moyennant un intérêt de 5 0/0; quel’actede 1713 et celui de 1768 permettant aux entremetteurs de marchés par contrat de prendre 1/4 0/0 par an sur les sommes prêtées par leur entremise, déclarent illicites tous protitsplusconsidérables de leur part; quela peine contre l’usure est une confiscation, aux dépens du prêteur, du triple de la somme prêtée pour chacune des offenses; et que la peine prononcée contre les entremetteurs de marchés par contrats, qui s’attribueront des profits illicites, est, pour chaque offense, une confiscation d’environ 440 livres tournois, suivant l’acte de 1713, et de 400 livres tournois selon l’acte de Tabago, en sus des frais, dépens, et de 6 mois d’emprisonnement que prononcent également les 2 actes; 11 résulte, en second lieu, que la précision de ces lois n’a pas empêché plusieurs prêteurs de les violer ouvertement ; qu’outre le contrat authentique qui leur garantissait par hypothèque, sur les biens-fonds à Tabago, le payement du capital, ils ont exigé des accords particuliers, en vertu desquels ils ont fourni depuis des comptes où, sous différents prétextes, leurs profits annuels se sont souvent élevés à plus de 10 0/0 ; que quelques prêteurs ont même poussé l’avidité jusqu’à régler ces comptes tous les six mois, pour former des progressions d’intérêts plus rapides; que plusieurs des entremetteurs de marchés par contrats, sous le titre officieux de cautions, ont exigé des rétributions de plus de 5 0/0 par an sur l’argent qu’ils procuraient, en Hollande ou ailleurs, aux colons de Tabago : Sa Majesté, qui pourrait ordonner aux tribunaux de ladite île de juger toutes les questions relatives aux dettes hypothécaires contractées sous les lois anglaises, conformément à la sage rigueur de ces lois, voulant traiter ces capitalistes, et même ceux qui sont coupables d’usure aussi favorablement que son amour pour la justice le lui permettra, a ordonné et ordonne ce qui suit : « Art. 1er. Dans le délai de dix-huit mois, tous les habitants de Tabago, qui doivent à l’Europe, seront tenus de remettre à la cour de chancellerie de ladite île les divers engagements publics et privés qu’ils ont formés avec leurs prêteurs et entremetteurs de marchés par contrats ou cautions, ainsi que tous les comptes et autres documents propres à constater la nature et la situation de leurs engagements avec l’Angleterre et autres pays étrangers, sous peine de confiscation, au profit de Sa Majesté, de la valeur des sommes qui leur auraient été originairement prêtées. Dans le même délai, tous les créanciers, relativement aux dettes de Tabago avec l’Europe, remettront personnellement, ou par leurs fondés de procuration, à ladite cour de chancellerie, leurs comptes avec les habitants de Tabago, ainsi que tous autres titres qui leur seraient convenables, à faute de quoi ladite cour leur nommerait d’office, des procureurs, et condamnerait ceux des délinquants qu’elle trouverait coupable d’usure, à la confiscation, au profit, de Sa Majesté, des sommes qu’ils pourraient réclamer à Tabago. « Art. 2. La cour de chancellerie connaîtra exclusivement de ces matières, et l’on pourra appeler de ses décrets ou jugements au conseil de Sa Majesté. « Art. 3. Cette cour nommera des experts, lesquels dûment assermentés, examineront et discuteront tous les comptes et prétentions entre les prêteurs et les colons, pour en faire leur rapport à ladite cour, qui procédera, avec le plus de célérité possible, à l’apurement de ces objets, pour en former un tableau général qui mette sous les yeux de Sa Majesté la nature et l’état actuel des engagements de la nouvelle colonie avec l’Europe. « Art. 4. Les prêteurs, ainsi que les entremetteurs d’Angleterre et autres pays étrangers, qui se seraient exactement conformés aux lois anglaises, seront, aussitôt après la vérification, sous la protection la plus formelle fies administrations de la colonie, qui, d’après l’état des choses, indiqueront au ministre de la marine les moyens les plus prompts de rembourser ces créanciers privilégiés, soit par les revenus de leurs débiteurs, par la vente des biens hypothéqués, pour un emprunt en Hollande, ou par ud emprunt sur la masse des produits de l’île. <■ Art. 5. Tous les engagements des colons qui se trouveraient usuraires par les lois anglaises, n’auront de valeur que pour les sommes réellement avancées, sans que le créancier usuraire puisse prétendre à aucune espèce quelconque d’intérêts, de salaire, de commission sous-entendue, etc., à compter de l’origine desdits engagements. Les preuves de l’usure s’établiront sans qu’on puisse alléguer contre elle des prescriptions, ni de chicanes équivalentes, la vérité étant une et éternelle. « Art. 6. Tous les payements faits jusqu’à ce jour aux créanciers usuraires se déduiront du capital purement et simplement : on allouera, en outre, auxdits créanciers usuraires, les commissions légales du commerce de Londres pour les ventes et autres affaires des habitants qu’ils auraient véritablement faites sans y ajouter d’inté-rêis : la balance due par les colons se payera, sans intérêts, des revenus annuels de leurs habitations le plus tôt possible; et à cet effet, les administrateurs de la colonie y tiendront la main aussi rigoureusement que faire se pourra, sans ruiner les propriétaires et sans préjudicier aux travaux des habilations. « Art. 7. Les prêteurs étrangers qui auraient agi de bonne foi parle moyen des entremetteurs ou cautions d’Angleterre,* ne seront nullement tenus des torts que ces entremetteurs ou cautions pourraient avoir eus. » N. B. La plus grande différence qui se trouve entre le projet ci-dessus et l’arrêt du conseil compris sous le n° 5 consiste dans le tribunal qui devait exécuter ledit arrêt; j’avais proposé d’en charger la cour de chancellerie, parce que j’ignorais les motifs qui la rendaient incompétente : ces motifs que j’ai expliqués, section XVII, déterminèrent M. le maréchal deCastries, malgré la dépense qui en résulterait pour le Trésor public, d’établir une commission composée déjugés qui ne fussent pas parties. En cela M. le maréchal fut guidé par les principes du droit naturel et [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] des Constitutions françaises et britanniques, qui ne sont que l’application du droit naturel à des cas particuliers. Paris, le 12 août 1790. Signé : roüME. N° 5. Arrêt du conseil d’Etat du roi concernant les réclamations de divers capitalistes de la Grande-Bretagne et autres Etats de l'Europe sur les habitants de l'Ue de Tabago. Du 29 juillet 1786. Extrait des registres du conseil d'Etat. Le roi s’étant fait rendre compte, en son conseil, delà situation deshabitants de son île de T.ibago, Sa Majesté a reconnu que des capitalistes de la Grande-Bretagne et [autres Etats de l'Europe réclament sur lesdits habitants de très fortes sommes, en vertu de contrais et d’hypothèques, portant intérêts sur les biens-fonds de ladite colonie. En examinant la nature de ces engagements, d’après les lois qui étaient en vigueur dans Pile, avant qu’elle fût sous la domination de Sa Majesté; elle a vu que, par d -s actes du parlement britannique, de 1713 et 1772, l’intérêt annuel a été établi à 5 0/0, sous peine de confiscation contre le prêteur du triple de la somme prêtée à un intérêt plus fort; que néanmoins la législation de Tabago a passé, en 1768, un acte ou bill qui a fixé l’intérêt des emprunts, par contrats faits par les habitants, à 8 0/0, et qu’eu-fin un dernier acte du parlement de la Grande-Bretagne, passé en 1774, en légitimant les engagements contractés jusqu’alors, en vertu des lois coloniales, a porté à 6 0/0 l’intérêt annuel sur les sommes qui seraient prêtées à l’avenir aux colonies anglaises. L’acte de Tabago de 1768, comme celui du parlement britannique de 1713, permettent encore aux entremetteurs de marchés par contrats de prendreseulemeutunl/40/0 paransur les sommes prêtées par leur entremise, et déclarent illicites tous profits plus considérables, sous peine, pour chaque offense ou contrave ntion, d’une confiscation d’environ 440 livres tournois suivant l’acte de 1713, et de 400 livres tournois suivant l’acte de Tabago, en sus des frais, dépens, et de 6 mois d’emprisonnement. Sa Majesté est informée que, malgré les dispositions p écises de ces lois, plusieurs prêteurs n’ont pas cramt de les violer, et d’exiger, outre le contrat amhentique qui leur garantissait, par hypothèque sur les biens-fonds à Tabago, le payement du capital, des soumissions particulières, en vertu desquelles ils ont fourni depuis des comptes, où, sous différents prétextes, leurs profits annuels se sont souvent élevés à plus de 10 0/0; que quelques prêteurs ont même poussé l’avidité jus ju’àrégler des comptes tous lesèmois, pour former des progressions d’intérêt plus rapides, et encore que plusieurs des entremetteurs démarchés par contrat, sous le ti re spécieux de cautions, ont exigé des distributions de plus de 5 0/0 par an sur l’argent qu’ils procuraient aux colons de Tabago. Dans ces cir onstances, Sa Majesté pourrait ordonner que toutes les questions relatives aux dettes hypotécaires, contractées sous les lois anglaises, fussent jugées conformément àia rigueur lrc Série. T. XXVJII. 461 de ces mêmes lois; mais, son intention étant de traiter les capitalistes aussi favorablement que son amour pour la justice peut le lui permettre, elle veut bien faire remise de la confiscation du triple qui aurait été encourue et n’urdonner qu’une simple réduction des créances usuraires, en établissant, à cet effet, une commission qui connaîtra et jugera de la légitimité d’icelles. Pour écarter en même temps tout soupçon de partialité dans lesdites vérifications etjugement, elle a cru devoir les attribuer à des commissaires gradués, autres que les habitants mêmes de Tabago, et accorder d'ailleurs aux créanciers de bonne foi tous les secours de l’autorité, pour l’exécution des engagements de leurs débiteurs envers eux. A quoi voulant pourvoir ; ouï le rapport le roi étant en son conseil, a ordonné et ordonna ce qui suit : « Art. 1er. Usera établi, à Tabago, une commission composée du gouverneur et de l’ordonnateur de la colonie, ou de leurs représentants, de 3 com-missair. s gradués et non habitants de l’île, d’un procureur pour Sa Majesté, et du greffier public à l’effet de vérifier et ne réduire, s’il y a lieu, les créances des étrangers à Tabago, pour fait d’usure et de contravention aux lois anglaises, ainsi qu’il sera dit ci-après; attribuant Sa Majesté à ladite commission toute cour et juridiction à ce regard; et icelle interdisant à toutes ses autres cours et juges, sauf l’appel en son conseil des dépêches, nonobstant lequel et sans préjudice d’ic lui, les jugements deladite commission seront exécutés par provision, et sans donner caution. « Art. 2. Lesd ts commissaires et procureurs de Sa Majesté seront nommés par les gouverneur et ordonnateur de Tabago, entre les mains desjuels ils prêteront serment ; et seront lesdits actes, tant de nomination, que de prestation de serment, enregi'trés au greffe. « Art. 3. Le procureur pour Sa Majesté fera toutes les réquisitions nécessaires, et les commissaires rendront, à la pluralité des voix, au nombre de 3 juges au moins, du nombre desquels seront toujours le gouverneur ou l’ordonnateur, tous jugements qu’il appartiendra sur les contestations qui pourront être relatives au vice d’usure, dont lesdites créances se trouveraient directement ou indirectement affectées, d’après les pmces qui seront remises audit greffe, sur les simples mémoires des parties intéressées, et conclusions du procureur de Sa Majesté, sans autre forme de procédure, et sans autres frais que ceux de greffe et d’expertage, lesquels seront modérément taxés par les administrateurs; se réservant Sa Majesté de pourvoir, ainsi qu’elle avisera, à l’indemnité des autres membres de la commission. « Art. 4. Dans le délai de 8 mois, à compter du jour de la publication de présent arrêt, les habitants de Tabago qui auraient contracté des dettes envers d-s créanciers établis en E irope seront tenus de remettre, sur récépissé et bref inventaire, au greffe de ladite commission, les originaux ou copies en forme des divers engagements publics et privés qu’ils auraient pris avec leurs prêteurs et eniremetleurs de marchés par contrats ou cautions, ainsi que les comptes ou autres documents propres à constater la nature et le montant desdits engagements. Dans le même délai, tous les créanciers étrangers desdits habitants deTabigo rem diront pareillement sur récépissé et bref inventaire, ou feront re mettre par leurs fondés de procuration, au greffe de ladite commission, les originaux ou les copies en forme de leurs titres, comptes et autres pièces concernant leurs, créances, sous peine de 10,000 livres 11 162 [Assemblée nationale.) d’amende, applicable aux hôpitaux de la colonie contre les débiteurs, et de confiscation de la somme prêtée contre les créanciers qui seraient en retard de faire ladite remise dans le terme ci-dessus fixé. « Art. 5. Pour l’examen des comptes et états de situation qui pourront servir à établir la preuve des stipulations ou payements usuraires, il sera nommé des experts par les parties, sinon d’office, par lesdits commissaires, lesquels prêteront le serment accoutumé, et rédigeront par écrit le rapport de ce qu’ils auront reconnu d’illic: te dans lesdi'es stipulations ou payements, et le déposeront au greffe de ladite commission, pour être ensuite pourvu par lesdits commissaires ainsi qu’il appartiendra. Art. 6. Les preuves de l’usure ne pourront être valablement combattues par aucuns moyens de prescription ou exception de quelque nature qu’ils soient. « Art. 7. Les prêts et contrats qui, d'après les Constitutions britanniques, seront reconnus usuraires n’auront de valeur que pour les sommes qui auront été véritablement prêtées, sans que le créancier puisse exiger ni retenir aucune espèce d’intérêt salaire, de commission sous-entendue, ou autre profit s mblable, à compter de l’origine desdits engagements, à l’exception seulement des commissions légales du commerce britannique, pour les ventes et autres affaires des habi ants, que les créanciers auront réellement gérées. Ordonne en conséquence, Sa Majesté, par grâce envers les prêteurs étrangers; et dérogeant quant à ce, pour le passé seulement, à la peine de la confiscation du triple de la créance, prononcée par les règlements de la Grande-Bretagne, que tous les payements qui auront été faits jusqu’au jour du jugement à intervenir seront imputés purement et simplement sur le capital , lequel ne subsistera plus que pour ce qui pourra en rester après lesdiies imputations et réduciions, et portera dorénavant iniérêt à 6 0/0, conformément au taux fixé par acte du parlement britannique passé en 1774. Défend Sa Majesté d’excéder à l’avenir ledit taux, soit directement ou indirectement, sous la peine mentionnée plus haut de la confiscation du triple du capital. « Art. 8. Il ne sera payé aux entremetteurs ou cautions étrangers, pour toute attribution, que ce qui leur est alloué par les lois de la Grande-Bretagne, et les prêteurs qui auront agi de bonne foi ne pourront être recherchés pour le fait desdits entremetteurs ou cautions. « Art. 9. Les jugements do réduction qui seront rendus par l dite commission vaudront titre nouvel et il en sera délivré expédition aux parties, en leur remettant, moyennant valable décharge, les titres, papier s, comptes et documents qu’elles auront fournis. « Art. 10. Enjoint Sa Majesté aux gouverneur et ordonnateur de Tabago d’adresser au secrétaire d’Eta1, ayant le département de la marine et des colonies, l’état sommaire des dettes et créances dont les litres auront été remis au greffe, en exécution et dans les délais de l’article 4, ainsi que les états successifs des fragments de réduction qui pourront en résulter; leur enjoint pareillement d’accorder les secours de l’autorité la plus efficace pour le payement de ce qui pourra être légitimement du à ceux des prêteurs ou entremetteurs étrangers qui se seront exactement conformés, dans leurs stipulations et négociations, à la teneur des Constitutions britanniques. « Mande et ordonne Sa Majesté aux gouverneur (il juillet 1791.) et ordonnateur de ladite île de tenir la main à l’exécution du présent arrêt, qu’elle veut être enregistré en la cour de chancellerie, au greffe de la commission, ef partout où besoin sera, lu, publié et affiché dans les lieux accoutumés. Fait au conseil d’Etat du roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le 29 juillet 1786. « Signé : le maréchal de Castries. » N° 6. Arrêté de la commission de Tabago, sur le prétendu acte passé en 1768 pour régler l'intérêt. Du 12 novembre 1787. Extrait d'une séance tenue à Vile de Tabago, le 12 novembre 1787, par la commission établie en vertu de l'arrêt du conseil d'Etat de Sa Majesté , du 29 juillet 1786, concernant les réclamations de divers capitalistes de la Grande-Bretagne et autres Etats de l'Europe, sur les habitants de Vite de Tabago. Présents : MM. le Général, président. I’Ordonnateur, commissaire. d’Anglebermes, id. Couturier, id. de Chancel, procureur du roi. Combes, greffier. M. le Président, ayant recommandé à la cour de porter la plus grande attention sur l’objet qu’il allait leur expliquer, observa que dans le préambule de l’arrêt du conseil d'Etat du 29 juillet 1786, qui établit la présente commission, il est parlé d’un acte passé par la législation de Tabago, en 1768, pour fixer à 8 0/0 le taux de l’intérêt légal en cette île; que, lors de la rédaction dudit arrêt, on n’avait pas le moindre doute à Versailles , que l’acte passé par la législation de Tabago, en 1768, ne fût légal et valide; mais que, parmi les recherches auxquelles il s’est livré depuis qu’il est chargé du gouvernement de cette île, il a découvert des motifs qui lui donnent lieu de croire que ledit acte est illégal et de toute nullité. Ces motifs, que M. le président expliqua, sont fondés sur les preuves authentiques suivantes, qu’il mit sous les yeux de la cour, pour être discutées et en former un arrêté ; Premièrement, la proclamation de Sa Majesté Britannique du 7 octobre 1763, pour régler les cessions faites à l 'Angleterre par le dernier traité de paix : « Cette proclamation donne pouvoir aux généraux établis dans les pays cédés, chacun pour les colonies dont il a le gouvernement, aussitôt que l’état et les circonstances de ces colonies le permettront, et en prenant l’avis des membres de Durs conseils, de former les assemblées dans lesdits gouvernements respectivement, d’après la manière et selon les formes qui sont d’usage et ordonner dans les colonies et provinces de l’Amérique qui sont soumises au gouvernement immédiat de Sa Majesté Britannique; elle donne aussi pouvoir auxdits généraux, avec le consentement desdits conseils et assemblées, formées de la manière précédente, de faire constituer et ordonner des lois, statuts et ordonnances pour la paix publique, le bien-être et bon gouvernement desdites colonies et des gens et habitants d’icelles, aussi ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 163 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES. [il juillet 1791.] approchantes et aussi conformes aux lois Angleterre, et sous des règlements et restrictions semblables à ce qui est d’usage dans les autres colonies; et en attendant que lesdites assemblée; puissent être formées de la manière ci-dessus expliquée, Sa Majesté Britannique assure à toutes les personnes, déjà résidantes, ou qui se transporteront auxdites colonies, qu’elles peuvent se confier en sa protection royale, pour la jouissance du bénéfice des lois du royaume d 'Angleterre. » Deuxièmement, une ordonnance (1) de M. le général de Melvill, capitaine général et gouverneur en chef des Iles de la Grenade, les Grenadines, la Dominique, Saint-Vincent et Tabago, publiée à cette dernière île le 29 jum 1768, sous le titre « d’ordonnance pour établir une assemblée à l’île de Tabago, et régler le mode des élections » en vertu de laquelle ordonnance il fut établi une assemblée en cette île. Troisièmement, un acte passé par ladite assemblée et par le conseil de Tabago, approuvé par M. le général de Melvill, et publié en cette île le 6 de septembre 1768, sous le titre de « acte pour fixer le taux de l’intérêt et pour régler les dommages sur les lettres de change légalement protestées ». C’est cet acte dont il est fait mention au préambule de l’arrêt du conseil d’Etat, qui lixe le taux de l’intérêt à 8 0/0 dans la colonie. Et quatrièmement, une seconde proclamation de Sa Majesté britannique, publiée eu cette île le 30 mars 1769, par l’ordre de M. Ulysses de Fitz-Maurice, alors commandant en chef des îles précédemment nommées. Dans cette proclamation, Sa Majesté britannique dit : « qu’elle a jugé convenable de signifier son désaveu royal, sur une certaine ordonnance faite à son île de la Grenade, par le gouverneur et conseil de ladite île, intitulée : ordonnance pour établir une assemblée à l’ile de Tabago, et régler le mode des élections, et de déclarer ladite ordonnance nulle et de nul effet. Sa Majesté britannique déclare aussi son désir d’établir à Tabago une législation entière et complète sur une fondation durable et permanente, et avec des règlements qui puissent contribuer au bonheur, à l’intérêt et à la satisfaction de ses sujets à Tabago; et règle, dans le reste de la proclamation, la forme de l’assemblée telle qu’elle veut que cette assemblée soit formée à l’île de Tabago. » M. le Président conclut que l’acte de la législation de Tabago, passé en 1768 par une assemblée formée en vertu de l’ordonnance de M. le général de Melvill, annulée l’année suivante par Sa Majesté britannique, étant l’effet d’une cause nulle et de nul effet, ne saurait avoir d’existence comme titre légal, d’autant plus que, depuis l’année 1768 que cet acte a été passé, le roi d’Angleterre n’y a point donné son approbation, quoi-qu’ill’aitdonnéeà plusieursactes passés longtemps depuis ; par conséquent, que Pacte du parlement britannique passé en 1774, qui légitime les engagements contractés jusqu’alors en vertu des lois coloniales, ne saurait être d’aucun secours aux prêteurs qui ont pris 8 0/0, sous le prétexte d’un acte colonial qui n’était qu’un être de raison. Cependant M. le Président observa qu’il était possible que la seconde proclamation du roi d’Angleterre fût ignorée par différents prêteurs, puisque même les habitants de Tabago n’y firent (1) Je produirai devant les deux comités réunis du commerce et de l’industrie, cette ordonnance de M. le général Melvill, ainsi que la proclamation dont il est parlé ci-après. attention qu’au moment où il la leur Fit lire dans l’un des registres publics de cette île; et que dans le cas d’une ignorance involontaire, il serait malheureux que des prêteurs qui auraient agi de bonne foi, en se conformant exactement aux clauses dudit acte, non seulement perdissent tous leurs intérêts, mais même fussent notés d’usure. La matière ayant été mise en délibération, la cour fut unanimement d’avis, ainsi que le procureur du roi dans sas conclusions, que l’acte passé par la législation de Tabago en 1768, pour fixer le taux de l’intérêt à 8 0/0, est nul et de toute nullité ; que les prêteurs qui ont pris ce taux d’intérêt n’ont aucun moyen légal qui puisse les disculper, par la raison que les lois contre l’usure doivent être prises dans toute leur étendue, l’usure étant un délit qui attaque le commerce public, et contre lequel le parlement britannique n’a, pour ainsi dire, cessé de promulguer des lois depuis le statut de Merton passé en 1235; par la raison que ceux qui prêtent de l’argent en Angleterre, n’ont pas le droit de recevoir aucun intérêt en vertu de la loi commune du pays, laquelle classe loute espèce d’intérêts parmi les usures, ils ne peuvent exiger ou recevoir des intérêts qu’en vertu des lois écrites ; ils le font à leurs risques et périls ; non seulement ils sont tenus de se conformer à ces lois, mais même d’examiner si elles sont revêtues de la légalité qu’exige la Constitution anglaise, soit dans la Grande-Bretagne ou dans les colonies; que la cour n’a point en elle-même la faculté de juger les affaires soumises à sa décision par d’autres principes que d’après les Constitutions britanniques ; par conséquent que, d’après les preuves fournies par M. le Président, la cour devrait trouver tous les marchés passés en vertu de Pacte de Tabago, usuraires ; que cependant l’esprit de bieuveillauce et de justice qui caractérise l’arrêt du conseil de Sa Majesté est un sûr garant que Sa Majesté ne désapprouvera point les membres de la commission, de s’écarter des principes de la loi anglaise, pour adopter ceux d’équité des cours de chancellerie, pour arrêter ce qui suit : Arrêté de la cour. « Les prêteurs qui se seront exactement conformés aux clauses d’un prétendu acte de la législation de Tabago passé en 1768, pour fixer le taux de l’intérêt, ne seront point notés d’usure ; ils seront supposés avoir stipulé d’après les lois anglaises établies à Tabago, par la proclamation de Sa Majesté britannique du 7 octobre 1763, et en vertu de ces lois, fa cour réglera les intérêts qui leur sont dus à raison de 5 0/0 par an jusqu’à l’époque de l’acte britannique, qui porte à 6 0/0 l’intérêt sur les sommes prêtées aux colonies, et à raison de 6 0/0 par an depuis ledit acte passé en 1774. » « Donné par nous président et commissaires susdits, à la séance tenue le 12 novembre 1787, an Port-Louis de File de Tabago. « Signé : le comte Dillon, Roume de Saint-Laurent, d’Anglebermes, Couturier du Haton, de Ciiancel et Combes. « Pour extrait, par ordre de la cour. « Signé : COMBES. » 164 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juillet 1791.] N° 7, Statut du Parlement britannique passé en 1713, dans la douzième année du règne de la reine Anne Statut 2, chapitre 16. An act to reduce the rate of interest without any préjudice to parliamentaries securities. 1° Whereas the reducing of interest to ten, and from thence to eight, aod thence to six in the hundred, lias, from time to time, by expérience been found very bénéficiai to the advan-cement of Lrade, and improvement of lands : and whereas the heavy burden of the late long and expensive war lias been chiefly horn by the owners of the lands of this kingdom, by reason whereof they hâve been necessitaled to contract very large debts, and thereby and by the abatement in the value of their lands, are become greatly impoverished : and whereas by reason of the great interest and profit which has been made of money at home, the fo-reign trade of this nation has of late years been much neglected.and at this time, there is a great abatement in the value of merchandises, wares and commodities of this kingdom, both at home and in foreign part, whither they are trauspor-ted : and whereas for the redress of these mis-chiefs and the preventing the increase of the sa-me it is abmlulely necessary to reduce the high rate of interest of six pounds in the hundred pounds for a year to nearer proportion wtth the interest allowed for money in foreign States; it is therefore enacted by the queen’s most excellent majesty, by and with the advice and eousent of the lords spiritual and temporal and commons, in this présent parliament assembled, and by the authority of the same, that no person or persons wliatsoever, from and after the twenty ninth september one ihousand seven hundred and four-teen, upon any contract, which shall be made from and after the said 29 september 1714, take directly or indirectly, for loan of any monies, wares, merchandises or other commodities whatseover above the value of five pounds, for the forbearence of one hundred pounds for a year, and so after that rate for a greater or lesser sum, or for a longer or shorter time; and that, ail bonds, contracls and assurances whatsoever, made after the time aforesaid, for payaient of any principal, or money to be lent, or covenanled to be performed upon or for any usurv, where-uponor whereby there shall he reservedortaken above the rate of five pounds in the hundred, as aforesaid, shall be utlerly void : and that ail and every person or persons whatsoever, which shall after the time aforesaid, upon any contract lo be made after the said 29 september, take, accept and reçoive, by way or means of any corrupt bargain, loan , exchange , chevisance, shifi , or in-* terest of any wares, merchandises, or other thing or tliiugs wliatsoever or by any deceitful way or means or by any cavin , engine , or deceitful con-veyance for the foi bearing or giving day of payaient for one whole year, of and fur tileir mo-mey or other thing, above the sum of five pounds for the fotebearing of one hundred pounds for a year, and so after that rate fur a greater or lesser sum, or for a longer or shorter term shall forfeit and lose for every such offence the trehlo value of the munies, wares, merchandises; and other things so lent hargained, exchanged, or shifted. Acte pour réduire le taux de l'intérêt sans aucun préjudice aux sûretés parlementaires. _ 1° D’autant que la réduction de l’intérêt à 10, de là à 8, et ensuite à 6 0/0, a successivement, par expérience, été trouvée très avantageuse aux progrès du commerceelà l’améliorationdes terres, et d’autant que le pesant fardeau de la longue et dispendieuse guerre dernière a été principale� ment supporté par les propriétaires de terres de ce royaume, en conséquence de quoi ils se sont trouvés dans la nécessité de contracter de très fortes dettes, et par cela, ainsi que par la diminution dans la valeur de leurs lerres, ils sont devenus très appauvris; et d’autant qu’à eau e du grand intérêt et profit quia été fait sur l’argent en Angleterre, le commerce étranger de cette nation a été fort négligé les années dernières, et qu’il existe actuellement une grande diminution dans la valeur des marchandise?, denrées et commodités de ce royaume, soit en Angleterre ou dans les pays auxquels elles sont transportées ; et d’autant que, pour réparer ces malheurs, et les empêcher de s’accroître, il est absolument nécessaire de réduire le taux élevé de l’intérêt de 6 livres par 100 livres pour une année, à une proportion plus rapprochée de l’intérêt allouée pour l’argent dans les Etats étrangers ; qu'il soit donc établi par la très excellente majesté de la reine, par et avec l’avis et le consentement des lords spirituels et temporels, et des Communes en ce présent parlement assemblés, et par l’autorité des mêmes ; que personne, à dater du 29 septembre 1714, dans aucun contrat qui se fera après ledit jour 29 septembre 1714, ne prendra, directement ou indirectement, pour prêt d’aucun argent, denrées, marchandises ou autres commodités quelconques, au-dessus de la valeur de 5 livres pour le premium de 100 livres pour une année, et proportionnellement pour une somme plus ou moins considérable ou pour un temps plus ou moins long; et que toutes obligations, contrats et assurances quelconques faits après ladite époque, pour payement d’aucun principal, ou argent à être prêté ou stipulé pour être exécutésur,ou par aucune usure, sur quoi et par quoi il sera réservé ou pris au-dessus du taux de 5 livres par 100 livres, comme ci-dessus seront entièrement nuis; et que toute personne qui après ladite époque, dans aucun contrat qui se fera après ledit jour 29 septembre prendra , acceptera et recevra par voie ou moyeu d’aucun contrat vicieux , prêt , échange, marché frauduleux, subterfuge ou intérêt d’aucune denrée, marchandi-es ou chose quelconque, ou par aucune voie ou moyen trompeur, ou par aucuue subtilité , artifice, uu cession insidieuse pour premium d une année decrédit, et pour leur argent ou autre chose au-dessus de la somme de 5 livres pour premium de celle de 100 livres pendant l’année, et dans la même proportion pour une somme plus ou moins forte, ou pour un temps plus au moins long, forfaitra et perdra, pour chacune de ces offenses, le triple de la valeur de l’argent ou des denrées, marchandises et autres choses ainsi prêtées, contractées, échangées ou troquées. 165 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.J 2° And be it further enacted by the authority aforesaid, that ail and every scriveners, or scriveners, broker and brokers, sollicitor and solli-citors, driver and drivers of bargains for con-tracts, who shall after the said 29 sepember take or receive, directly or indirectly, any sum or sums of money, or olher reward or thing, for brokage, solliciting, driving or procuring the loan, or forbearing of any surn or sums of money, over and above the rate or value of fi ve shillings for the loan, or forbearing ofone hun-dred pounds for a year, and so ratebly, or above twelve p*jnce over and above tbe stamp duties, for mailing or renewing of the bond or bill for loan, or forbearing there of, or for any counter-hond, or bill concerning the sa me, shall forfeit for every snch offense twenty pounds with cost of suit, and suffer imprisoriment for half a year; the one moiety of ail whioh forfeitures to be the queen’s moûexcnllentmajesty’s, herheirsandsuc-cessors, and theother moiety to him or them t hat Avili sue for the same in the same county where the several offenses are commited and riot else where, by action of debt, bill, plaint or information in which no wager of law, or protection shall be allowed. 2° Et qu’il soit en outre établi par ladite autorité que tout notaire, courtier, solliciteur, entremetteurs de marchés pour contrat qui, après ledit jour 29 septembre, prendra ou recevra directement ou indirectement aucune somme d’argent en sus et au delà du taux ou valeur de 5 sols pour le prêt ou premium de 100 livres pour une année, et ainsi au prorata, ou en sus de 12 rois sterlings en sus et au d* 1 1 des droits du timbre, pour faire ou renouvel r l’obligation ou bill pour le prêt ou pour premium d’ice-lui, ou pour aucune contre-obligation ou bill à ce relatif, forfaitra pour chacune de ces offenses 20 livres sterlings, avec les frais de procédure, et souffrira 6 mois d’emprisonnement, la moitié de toutes lesquelles confiscations appartiendra à la très excellente majesté de la reine, à ses héritiers et à ses succes-eurs, l'autre moitié à celui ou ceux qui voudront en faire la poursuite dans la même province où les différentes offenses auront été commises et non ailleurs, par action de dettes, bill, plainte ou information, dans lesquelles ne seront admis excuse, serment ni protection. N° 8. Jugement par appel rendu à la cour suprême des pairs spirituels et temporels de la Grande-Bretagne , le 15 du mois de mars 1790. Précis . Le sieur John Stirling, habitant de la Jamaïque, chargea de la gestion de son habitation, le sieur Robert Drummond et vint fixer sa résidence en Ecosse vers l’année 1776. Le sieur Drummond, ayantcessé d’être employé rn qualité de gëreur, convint, avec le procureur fondé du sieur Stirling, de soumettre à un arbitrage le règlement de ses comptes; ce qui ayant eu lieu, il passa en Angleterre en l’année 1783. Le sieur Stirling n’ayant pas jugé devoir payer au sieur Drummond les sommes que celui-ci lui demandait, d’après la décision des arbitres, il s’en suivit différentes procédures qui occasionnèrent plusieurs jugements interlocutoires, tant au tribunal du juge ordinaire qu’à la cour des sessions en Ecosse. Entre autres prononcés de ces jugements, il y en avait un qui accordait au sieur Drummond, d’après les termes de l’arbitrage, l’accumulation annuelle des intérêts depuis l'année 1783; et un autre qui, prenant en considération que la balance des comptes aurait dû être payée à la Jamaïque, où le taux est de 6 0/0, ordonnait que le même taux servirait de règle pour payer les intérêts en Angleterre. Le sieur Stirling ayant fait appel desdits jugements à la cour des pairs de la Grande-Bretagne, c dte cour ordonna la radiation de l’article qui accordait l’accumulation annuelle des intérêts; elle ordonna pareillement de biffer l’autre article qui accordait le payement de l’intérêt sur le taux de 5 0/0, et d’insérer en sa place que l'intérêt serait payé sur le taux de 5 0/0. OBSERVATIONS. Je remettrai une expédition authentique et la traduction de ce jugement aux comités réunis du commerce et des colonies. Je me contenterai d’observer ici que : 1° La cour des pairs est en Angleterre le tribunal de dernier ressort; elle est composée des pairs du royaume, et le chancelier y assiste pour donner son opinion sur les points de la loi et de l’équité; les jugements qui y sont prononcés sont à la fois fondés sur les principes de la l>i commune, des statuts britanniques et de la chancellerie. 2° Ce jugement prouve qu’à l’époque du 15 mars dernier, la jurisprudence anglaise, sur l’intérêt de l’argent, n’avait pas varié depuis le statut de la reine Anne, compris sous la preuve, n° 7. 3° Il prouve qu’il n’est pas permis d’accumuler annuellement les intérêts. Dans l’espèce actuelle, ii n’y avait point d’usure de la part du créancier; ruais quoique cette accumulation d’intérêts eût été accordée par des arbitres à la Jamaïque, et confirmée par le juge ordinaire en Ecosse, la-cour des pairs ordonna de biffer l’article du jugement interlocutoire qui en faisait mention. 4° Il prouve que, dans tous les cas, il ne faut pas s’écarter du texte de l’acte de la reine Anne, puisque, malgré que la dette aurait dû être payée à la Jamaïque, où le taux légal de l'intérêt est fixé à 6 0/0; malgré que, par un statut britannique passé en 1774, il soit permis de stipuler à 6 0/0 le taux de l’intérêt pour des sommes prêtées en Angleterre sur des sûretés aux colonies; malgré que le créancier eût souffert de longs délais, et beaucoup de chicanes; et malgré que la cour des sessions en Brosse lui eût alloué l’intérêt à 5 0/0 selon le taux légal de la Jamaïque; néanmoins, comme la dette se trouvait alors payable en Angleterre, la cour des pairs décida qu’il ne pouvait pas être permis de prendre un taux plus considérable que celui qui était sanctionné par les lois du pays. Et 5», ce jugement prouve presque tout ce que j’ai dit dans ma réfutation sur l’intérêt légal de 166 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791. [ l’argent chez les Anglais, ainsi que sur les prétendues autorités citées par MM. Todet Francklyn, comme des lois, sous leur deuxième pièce justificative. J'ai dit que ces autorités n’étaient que l’abus de la loi, et je l’ai prouvé par les principes de la loi commune et des statuts britanniques, qui sont les vraies et les seules lois de l’Angleterre; au cas que, malgré ces preuves, quelques lecteurs eussent conservé des doutes par le respect et la confiance qui sont dus aux chanceliers d’Angleterre, le présent jugement dissiperait entièrement leurs doutes, puisqu’il faut voir que les pairs de la Grande-Bretagne n’ont pas été plus retenus que moi par b s décisions erronées de quelques juges de la chancellerie. Paris, le 28 août 1790. Signé : Roume. N° 9. Consultation faite par M. Hamilton de Tabago , contre MM. Tod et compagnie de Londres. — Réponses faites par M. Byam, procureur général de Vile de la Grenade , datées du 10 octobre 1783. Le mort-gage donné par M. Hamilton à MM. Tod et compagnie de Louches, e-t daté du 9 janvier 1775 , et par conséquent, il est postérieur à l’acte passé en 1774, dans la quatorzième année de Georges III, chapitre 79. Ce statut rend valides tous les morts-gages et autres sûretés données précédemment, et qui stipulaient l’intérêt au taux légal de la colonie où se trouvait l’objet mort-gage ; mais dans la deuxième clause qui concerne les morts-gages à faire après la passation de l’acte, les mots génériques par lesquels ces morts-gages sont rendus aussi valides que s’ils étaient exécutés dans les colonies, sont restreints comme suit: « pourvu que l’intérêt à être reçu ou pris, n’excède pas le taux de 6 livres pour les 100 livres par an ». Mon opinion est en conséquence que ce mort-gage, ou tous autres exécutés en Angleterre depuis la passation du même acte, et par lesquels on stipule 8 0/0, quoique sur des sûretés situées dans une île où ce taux est permis, ne sauraient être réputés comme légalisés par ce statut; mais qu’ils sont exposés au reproche d’usure, de la même manière qu’ils le seraient si ce statut n’existait pas. Mais quand même cette objection n’aurait pas lieu, l’agrément subséquent du 9 mars, qui fait une certaine provision de 300 livres sterlings par an, à tout événement sous le nom de commission, est, selon moi, clairement usuraire, nul en lui-même, et expose Ja partie qui l’a reçue aux peines prononcées dans le statut de la douzième année du règne de la reine Anne. D’après le même principe, je conçois que la chargej.de 5 0/0 de commission sur le compte courant en sus de 5 0/0 d’intérêt sur l’avance, est une charge usuraire. Si Ja commission ordinaire de 2 1/2 0/0 est déjà portée au bas des factures, alors tous les 5 0/0 de commission additionnelle pour l’avance d’après une estimation moyenne, comme elle est appelée, sont, en mon opinion, contraires à la loi. Mais si lesdits 2 1/2 0/0 n’y sont pas chargés, ainsi qu’il est de coutume parmi les marchands, en ce cas il se trouverait seulement une surehage de 2 1/2 0/0. La charge de la commission morte tous les 6 mois, affectant nécessairement le compte d’intérêt, est aussi, selon moi, usuraire. Grenade, le 10 octobre 1783. Signé : Ashton Warner Byam. Extrait d'une opinion donnée par M. Mackimie , solliciteur général en Vile de la Grenade , à M. Thomas Willison de Tabago , contre il/. Mac-kay , négociant à Londres. Dans le compte de M. Mackay, il y a deux charges très injustes. L’une, l’extrâ-commission sur le pied de 5 0/0 pour le montant de telles marchandises qui ne seraient pas repayées dans 12 mois, en outre de l’intérêt légal après 6 mois, et de 5 0/0 de commission pour embarquer les marchandises. L’autre, les dommages de Bile montaient à 10 0/0, sur toutes les lettres de change remises par MM. Willison et Macsween, qui retourneraient protestées, quoique M. Mackay ne les eût jamais considérées comme payement, et que le recouvrement de ces traites fût aux risques de MM. Willison et Macsween. La première de ces charges est clairement usuraire, quoiqu’elle ait été rédigée dans le sous-seing privé entre M. Mackay et MM. Willison et Macsween, du 24 octobre 1776, de manière à se soustraire à l’acte de la douzième année de la reine Anne, connu sous le nom de statut contre l’usure. Non seulement, la charge en elle-même est illégale, doit être effacée et ne doit pas être allouée, mais l’accord par lequel elle est établie, est entièrement nul, et s’il peut être prouvé que M. Mackay ait reçu quelque chose de cette commission illégale, en sus de l’intérêt légal, il sera exposé à Ja confiscation du triple de la somme sur laquelle cette commission usuraire aurait été prise. Quant à la deuxième charge (les 10 0/0 de dommages aussi convenus audit accord), M. Mackay aurait pu y être autorisé, si le montant des lettres de change avait été porté au crédit de MM. Willison et Macsween : car, en ce cas, son procureur fondé aux colonies aurait pu recouvrer sur les propres traites, quoique une telle conduite envers des correspondants qui remettent pour leur compte personnel, serait à peine compatible avec la générosité et la bonne foi qui régnent ordinairement entre marchands; mais en refusant de les porter au crédit de son compte, avec MM. Willison et Macsween, il a évidemment renoncé aux lettres de change pour préférer d’asseoir sa dette sur le compte. Néanmoins, dans une cour de plaids communs, malgré ces observations, M. Mackay aurait vraisemblablement pu îecouvrer, en vertu de l’article, dans l’accord qui pourvoit aux dommages à recevoir, si ce n’était que, dans l’espèce actuelle, l’avarice a détruit son propre dessein, car la convention usuraire ci-dessus mentionnée, est non seulement nulle en elle-même, mais elle annule la totalité de l’accord dans lequel elle est contenue. N. B. Je produirai devant les comités réunis du commerce et des colonies, l’original de la premièie consultation; je n’ai qu’une copie de la deuxième que je remettrai également. Paris, le 12 août 1790. Signé : ROUME. [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] 167 Lettre à il/, le Président de V Assemblée nationale , par M. Roume de Saint-Laurent. À Monsieur le Président de l’Assemblée nationale. Paris, le 5 juillet 1790. Monsieur, Je viens d’être averti par M. de Dillon, qu’il sera question, demain, après-midi, devant l’Assemblée nationale, d’une plainte de la part des hypothécaires anglais intéressés à File de Tabago, dirigée contre un arrêt du conseil d’Etat du roi du 29 juillet 1786, ainsi que contre des jugements rendus par une commission établie par le même arrêt. J’ai l’honneur, Monsieur, de vous informer que le ministre de la marine m’a fait venir de Tabago à Paris, où je viens d’arriver, pour répondre à ces hypothécaires; que c’est moi qui ai donné le projet d’après lequel, à quelques modifications près, l’arrêt fut rendu; que c’est moi qui fus chargé par M. le maréchal de Gastries d’en surveiller l’exécution, et conséquemment que c’est moi qui dois en répondre devant la naiion. J’ai i’honn ur d’ajouter, Monsieur, que cette affaire qui ne présente, au premier aperçu, qu’une simple révision de comptes circonscrite dans la petite île de Tabago, n’en est pas moins l’une des questions les plus dignes de fixer l’attention de la nation, soit par le développement de l’usure d’après son origine, soit par celui des différents abus politiques, économiques, civils et moraux, qui, depuis longtemps font le malheur des peuples de l’Europe. Un enchaînement de circonstances m’a mis à même d’approfondir ces matières sous toutes leurs faces depuis vingt-cinq ans. Les discussions dans lesquelles j’entrerai, seront, j’ose le dire, utiles à la France dans une époque où l’Assemblée nationale , détruisant d’une main hardie le palais des chimères, élève avec sagesse celui de la vérité. J’ai donc, Monsieur, l’honneur de vous requérir, lorsque ces plaintes paraîtront devant l’Assemblée, de me dénoncer comme celui qui doit y répondre. J’ai l’honneur d’être avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissaut serviteur. Signé : RoüME. Réponse de M. le Président. Paris, le 6 juillet 1790. L’Assemblée nationale, Monsieur, a décidé que les réclamations faites par les hypothécaires anglais, seraient portées aux comités réunis du commerce et des colonies, et que les créanciers anglais ne seraient pas admis à la barre. Vous pouvez faire parvenir aux comités indiqués par l’Assemblée les pièces et les renseignements que vous pouvez avoir sur cette affaire, ou leur demander même à y être entendu. Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : F. de Bonnay, Président. M. de Roume, ordonnateur à Tabago. Pour copie : Paris le 12 août 1790. Roume. 11. Extrait d'un pamphlet intitulé : « Point de guerre. » Fait authentique et qui peint l'esprit actuel du ministère anglais. Des Anglais, qui ont des créances considérables sur les habitants de Tabago, île cédée à la France par le traité de paix de 1783, ont été dépouillés de leurs droits par les jugements arbitraires d’une commission érigée en 1786 par le ministère français, au mépris d’une clause du traité de paix. Ges Anglais viennent de s’adresser, pour avoir justice, à M. Pitt. Il leur a ré( ondu qu’il était impossible que l’As -emblée nationale ne leur rendît pas justice, et qu’ils devaient lui présenter une adresse. Ges Anglais insistèrent, et demandèrent au moins à être appuyés par le gouvernement anglais. « Si la France était dans tout autre circonstance, je ne balancerais pas à vous donner cet appui; mais maintenant qu’elle est occupée à former sa Gonstitution, l’intervention du gouvernement anglais paraîtrait un prétexte pour tracasser l’Assemblée nationale. Encore une fois, présentez-lui votre requête ; comptez sur sa justice, et si vous ne l’obtenez pas, alors l’Angleterre vous appuyera. » Ces Anglais ne doivent pas tarder à réclamer contre les vexations de M. Roume, de Saint-Laurent, ordonnateur à Tabago. N° 12. Commencement du Mémoire des créanciers anglais sur hypothèques et autres sûretés dans Vile de Tabago , envoyé par M. le maréchal de Cas tries aux administrateurs de Tabago , avec sa dépêche du Ier juin 1787. Au très noble marquis de Carmarthen, Vun des principaux secrétaires d'Etat de Sa Majesté , etc. Représentent humblement les créanciers anglais sur hypothèques et autres sûretés dans l’île de Tabago. Di-an t que, conformément à leurs intentions exprimées dans le Mémoire qu’ils ont eu dernièrement l’honneur d’adresser à votre seigneurie, au sujet de l’acte du gouvernement de France du 29 juillet 1787, publié à Tabago le 7 décembre dernier, intitulé : « Arrêt du conseil d’Etat du r >i, concernant les réclamations de divers capitalistes de la Grande-Bretagne et autres Etats de l’Europe, sur les habitants de l’île de Tabago », auquel Mémoire ils supplient votre seigneurie de se référer, ils ont pris dans la plus sérieuse et la plus respectueuse considération le but et la tendance dudit arrêt, relativement aux intérêts justes et importants de tous les créanciers de ladite île, et demandent permission à votre seigneurie de lui soumettre le résultat de 1 mrs observations, qu’ils désirent offrir à la cour de France, sous les auspices et avec l’approbation de votre seigneurie, et de la manière qu’elle jugera la plus propre à les faire recevoir favorablement. Les représentants sont convaincus, d’après la connaissance qu’ils ont de la magnanimité, de la sagesse et de l’équité de Sa Majesté très chrétienne et de ses ministres, qu’il n’y a point d’in- j[08 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] justice à craindre pour les créanciers, et qu’il n’en pourrait naître que faute de bien entendre les lois de la Constitution britannique. Ils remarquent avec la plus grande satisfaction que Sa Majesté très chrétienne a déclaré, d’une manière explicite, ses gracieuses intentions que les lois anglaises qui éiaient en force à Tabago, à l’époque de la conquête de l’île, formeront la base et seront la règle des mesures à adopter pour régler et assurer les droits et prétentions des créanciers. Sa dite Majesté a daigné justifier son intention royale d’accorder à tous les créanciers légitimes le secours de l’autorité la plus efficace pour mettre en force l’exécution des engagements de leur débiteurs, et a en conséquence mandé au gouverneur et à l’ordonnateur de ladite île de veiller et tenir la main au recouvrement des sommes qui se trouveront être légitimement dues aux prêteurs étrangers et aux agents qui, dans leurs stipulations etnégociations, sè seront conformés à la Constitution britannique. Votre seigneurie ne peut donc manquer de sentir de quelle importance il est non seulement pour les fortunes particulières, mais pour la réputation de just ce du gouvernement français et pour la prospérité future de l’île de Tabago, que les lois d’Angleterre soient bien saisies et entendues. Les représentants observent, avec autant de reconnaissance que d’admiration, que dans cet arrête qui paraît n’avoir que le bot louable de protéger et soulager les planteurs habitants, non contre h s justes demandes de leurs créanciers, mais contre les exactions illégales et oppressives, Sa Majesté très chrétienne a montré la plus grande bonté en remettant b s condamnations pour usure dans les cas où elles sont supposées avoir été encourues, et obligeant en même temps ces débiteurs au payement de ce qui se trouvera dû, à la seule déduction de ce qui aura été usurairement extorqué, si quelque chose l’a été, tempêtant ainsi par l’équité la rigueur de la loi, et rendant à tous la plus impartiale justice. Sa Majesté très chrétienne, pour empêcher plus efficacement la partialité dans les vérifications et les jugements, relativement aux obligations et comptes entre les créanciers et leurs débiteurs résidant à Tabago , ordonna que les planteurs ne pourraient être membres de la commission qui y sera établie, et a réuni l’administration de la justice au gouverneur et à l’ordonnateur de la colonie avec d’autres personnes respectables à nommer par eux, laissant en même temps aux parties elles-mêmes la liberté de nommer des experts qui seront obligés de prêter serment, et le croit d’appeler en dernier ressort au conseil des dépêches de Sa Majesté, en cas de besoin : les représentants sont animés de la plus entière confiance que l’administration sera toujours formée de personnes qui auront les qualités requises pour être exemptes de toute partialité, et le choix de Sa Majesté leur en est garant. Des règlements si conformes aux réponses dont Sa Majesté a honoré les représentations faites en 1783 par les députés des représentants, et nommément l’article 4 d’icelle, et aux stipulations du tiaité de paix conclu entre les deux souverains, règlements si dignes de la sagesse et de la justice de l’administration de Sa Majesté très chrétienne, donnent aux représentants l’espoir le mieux fondé que leurs droits et titres seront conservés inviolablcment selon l’esprit et la teneur de la Constitution britannique relativement aux engagements qui ont été contractés sons fis fiis anglaises. Pour extrait conforme à la copie dont l’original doit se trouver au département de la marine. Paris, le 12 août 1790. Signé : Roume. N. B. — Comme j’ai différentes fois parlé des réclamations faites par les créanciers anglais antérieurement à l’arrêt du conseil du 29 juillet 1786, il convient que j’en fournisse la preuve. Extrait d'un Mémoire présenté par les principaux hypothécaires anglais de Vile de Tabago, au marquis de Carmarthen , ministre des affaires étrangères à Londres , et trasmis par lui au ministère français , avant la promulgation de l’arrêt. _ « Ils se jettent (les créanciers anglais) donc au pied du trône pour implorer sa protection, et ils 03' nt espérer que votre seigneurie (milord Carmarthen) deviendra leur médiateur auprès de Sa Maje-té (Le roi d’Angleterre), afin qu’elle ait la bonté d’ordonner à son ambassadeur auprès de la cour de France, de prendre leurs intérêts, et de faire tous ses effoits pour obtenir de Sa Majesté très chrétienne un édit qui sera enregistré à Tabago, comme une loi de cette île, par lequel les suppliants auront la liberté à l’avenir de poursuivre en loi, ou en équité, tout procès qu’ils s* raient autorisés de suivre par la loi d’Angleterre, à l’effet de recouvrer des sommes d’argent, avancées sous l’hypothèque de terres quelconques dans cette île, et que, dans les cas où ils jugeraient à propos de ne point employer des voies coercitives pour recouvrer les biens hypothéqués, il leur soit permis de choisir et nommer eux-mêmes des commissaires ou receveurs pour leurs rentes, dépen es et profits desdits biens, lesquels commissaires resteront en possession jusqu’au parfait payement. » La signature de M. Tod est une de celles qui se trouvent au bas du Mémoire. Ce Mémoire n’est pas daté; mais la réponse que fit M. le maréchal de Castries à M. de Vert/ennes, pour lui en accuser réception, est du 16 juillet 1786, et l’arrêt du conseil est du 29 du même mois. Il suffit de comparer les deux pièces dont on voit l’extrait sous le présent numéro, avec l’arrêt 'lu conseil compris sous le n° 5, (mur être convaincu de l’effi oaterie de ceux qui demandent aujourd’hui la cassation d'un acte qu’ils ont eux-mêmes sollicité et approuvé en 1786 et en 1787. Paris, le 25 septembre 1790. Signé : RoüME. Supplément. Depuis que ma réfutation est sous presse, les usuriers anglais n’ont pas manqué, pour surprendre la bonne foi du public, de faire répandre dos calomnies et des injures contre moi, dans différentes gazettes, notamment dans le Journal de Paris , et dans celui du Patriote français. Ma réfutation répond aux calomnies dont iMM. Tod et Francklyn paraissent être les autours; et je me propose incessamment, ainsi que je l’ai annoncé section LXV, de réfuter le mémoire présenté à l’Assemblée nationale par M. Balfour. J’aurai [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juillet 1791.] soin de répondre en même temps à ses diatribes insérées dans le Patriote français. Ces Messieurs prétendent que la cassation de l’arrêt-créateur de la commission de Tabago, a été demandée par rassemblée générale ne la colonie, au mois de mai dernier. Je n’ai point connaissance du titre sur lequel est fondé leur asseriion; mais je prouverai, devant les comités réunis du commerce et des colonies, par des moyens péremptoires, que si le fait est vrai, ce ne peut être que l’effet des ruses qu’auraient employées les agents des usuriers. Ces agents auront profité de l’apparence u’une guerre prochaine, pour offrir plus de bénéfices à leurs débiteurs que ceux-ci ne croient en trouver dans la confirmation des jugements de la commission. Je prouverai, dis-je, aux deux comités, que depuis le 6 décembre 1786, jour de la publication de l’arrêt à Tabago, jusqu’au 15 février dernier, jour de mon départ, trois habitants seulement se sont plaints de la commission ou de l’arrêt ; je prouverai même que M. Balfour, l’un des trois, ne s’en plaignait que lorsqu’il s’imaginait qu’il lui était plus avantageux d’en dire du mal que d’en profiter. J’ai pruuvé dans ma réfutation, et par mes pièces justificatives : 1° Que l’arrêt avait été sollicité et admiré par les créanciers anglais; 2° Qu’il émit conforme aux droits des nations, aux Constitutions britanniques, à l’usage desco-lonh s françaises, et qu’il n’était pas contraire aux lois de la France. Par conséquent, l’anathème prononcé par la commission de Tabago, en mai dernier, si ce n’est point un fait supposé, ne prouve autre chose, sinon que tous les habitants de Tabago se sont accordés pour déraisonner à la fois, ou pour s’entend! e avec les usuriers anglais, aux dépens de l’honneur et de l’intérêt de la France ; mais cette déraison ou cette coalition n’est nullement un moyen de cassation conire l’arrêt, par la raison qu’il n’est point au pouvoir des habitants de Tabago de changer la nature des choses, et que l’Assemblée nationale ne peut pas annuler un acte fondé en justice, et qui n’est vicié d’aucun défaut. En dernière analyse la question se réduit donc à décider s’il convient ou non, malgré la validité de l’arrêt, que des usuriers anglais se fassent payer par une colonie anglaise 10,741,699 1. 13 s. 3 d. et 1/3 tournois de plus qu’ils n’ont droit de prétendre, et cela en faisant perdre au Trésor public 2,420,533 1. 9 s. 10 d. 4/9 tournois, valeur des confiscations usuraires. Hô el de Calais, rue de Richelieu, à Paris, le 25 septembre 1790. Signé : RûUME. Addition. Je viens d’avoir communication de deux imprimés ayant peur titres : Mémoire à V Assemblée nationale de France, pour MM. Ten Cate et Vollen Hoven, représentant le public de Hollande contre la commission de Tabago; et Mémoire à consulter et consultation, pour Me Edme Roussin, avocat en parlement et au conseil souverain de la Guadeloupe, ci-devant conseiller en la commission de Tabago. Le premier de ces Mémoires conclut à la révocation de la commis-ion créée à Tabago par arrêt du conseil du 29 juillet 1786, ainsi qu’à la 169 révocation d’un jugement rendu par ladite commission, le 7 mai 1788. Le prétendu public de Hollande, c’est-à-dire les proprietaires de 132 actions usuraires, garanties par une habitation de Tabago, fondent leur demande en révocation de la commission, sur les mêmes moyens dont j’ai démontré la fausseté dans ma réfutation ; conséquemment, je n’ajouterai rien à ce que j’ai dit sur cet objet. Quant à la dernière partie de leurs conclusions, je m’oblige de prouver devant l’Assemblée nationale, ou le tribunal qu’elle en chargerait, lorsqu’il y aura lieu, que la réclamation de ces quidams, désignés par le titre imposant du public de Hollande , est aussi mal fondée que le jugement, dont ils se plaignent est légalement rendu. Je m’oblige en outre de réfuter devant tel (ribunal compétent que voudra choisir M. Rous-•sin, les prétendus griefs de cet avocat contre moi. Hôtel de Calais, rue de Richelieu, à Paris, le 4 octobre 179U. Signé : ROUME. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 11 JUILLET 1791. Deuxième mémoire de M. Bonne, commissaire et ordonnateur de l’Ue de Tabago, chargé par le ministre de la marine de répondre aux réclamations des hypothécaires anglais, qui réfute des représentations faites par les créanciers anglais des colons de Tabago, aux comités réunis du commerce et des colonies (I). Avertissement. — Ce mémoire est la suite de celui que l’auteur fit remettre au mois d’octobre dernier aux représentants de la nation, et les mémoires ne forment qu’un même ouvrage (2). Réfutation d'un mémoire adressé aux comités réunis du commerce et des colonies par les créanciers anglais des colons de Tabago. Une réclamation qui porte sur une somme d’environ treize millions et demi, qui inculpe des ministres et des agents du pouvoir exécutif sous l’ancien régime, qui est faite par une agrégation des créanciers anglais, que justifient six jurisconsultes célèbres en Angleterre, que protège le ministère britannique, et qui s’adresse aux régénérateurs de l’Empire français, malgré l’immensité des objets majeurs dont la nature s’occupe, n’est point une affaire indigne d’être sérieusement examinée. Les créanciers dont il s’agit se plaignent d’un arrêté du conseil d’Etat du roi, rendu le 29 juillet 1786 pour créer une commission à Plie de Tabago, uniquement à l’effet de joger les réclamations de divers capitalistes de l’Europe sur les habitants de la même île ; ils se plaignent également des jugements prononcés par la corn-(1) Yoy. ci-dessus, même séauce, page 129, la pétition adressée sur cet objet à l’Assemblée par M. Roume. (2) Yoy. ci-dessus, même séauce, page 130, le pre-mier mémoire de M. Roume.