[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Nivernais.] 261 1° un certificat de publication au prône, pendant trois dimanches consécutifs, des curés du domicile des vendeurs et du lieu de la situation des biens vendus; 2° d’un autre certificat de la justice du lieu de la publication faite, l’audience tenante, du même contrat translatif de propriété, et qu’enfin les oppositions formées ès mains du conservateur des hypothèques conserveront leurs effets pendant six ans. Art. 13. Que le papier timbré soit rendu uniforme dans tout le royaume. Art. 14. Que les juridictions consulaires soient maintenues dans tous leurs droits; que la connaissance de toutes les faillites et banqueroutes leur soit attribuée, à l’exclusion de tous autres juges. Art. 15. Suppression de toutes lettres d’Etat, répit et surséances ; qu’il ne soit plus accordé de lettres de cession autrement que sur le certificat des pertes et revers donné à l’impétrant par quatre négociants, qui seront nommés annuellement à cet effet par les juges consuls, lesquels pourront confier les mêaies pouvoirs à des négociants résidant dans les villes et campagnes de leur ressort. Art. 16. Abolition des lieux privilégiés, tels que Saint-Jean de Latran, le Temple et autres, en telle sorte que les débiteurs en faillite ne puissent trouver aucune retraite préjudiciable à leurs créanciers. Art. 17. Les négociants, marchands et débiteurs, qui prendront la fuite lors du dérangement de leurs affaires, seront poursuivis comme banqueroutiers frauduleux, et comme tels punis suivant la rigueur des ordonnances, quand même ils se trouveraient avoir obtenu des lettres de cession. Art. 18. Qu’il n’y ait plus, à l’avenir, aucune différence dans les peines entre les nobles et les roturiers. Art. 19. Que la confiscation des biens des condamnés soit entièrement abolie, et que les enfants et héritiers puissent y succéder. Art. 20. Qu’il soit établi partout des prisons distinctes, saines et salubres, pour les accusés de crimes et les débiteurs. Art. 21. Que toutes les coutumes du royaume, dont le sens pour la plupart est devenu inintelligible, soient réformées, et que cette réformation s’opère par les trois ordres de la province, le tiers-état compris pour moitié. Les deux ordres du clergé et de la noblesse ayant pris la résolution de nommer un suppléant pour remplacer leurs députés dans le cas de maladie ou autres empêchements, et le tiers devant conserver son égalité de nombre avec les deux premiers ordres dans tout les cas, Il a été arrêté qu’il sera nommé au scrutin deux suppléants qui resteront dans leurs domiciles jusqu’à ce que leurs nominations aient été sanctionnées par les Etats généraux, dont ils seront avertis par les députés auxdits Etats généraux. Enfin le tiers-état du Nivernais et Donziais, pénétré d’amour, de reconnaissance et de respect pour l’auguste monarque qui nous gouverne moins en roi qu’en père, charge ses députés de tenter toutes les voies de faire assurer Sa Majesté des sentiments qui animent tous les individus de ce bailliage, pour son bonheur et la splendeur de son règne, de leur fidélité inviolable et du serment qu’ils font de demeurer à jamais unis à sa personne sacrée. Ils demeureront comptables de la conduite qu’ils tiendront aux Etats généraux, ils pourront être cités à cet effet aux Etats du royaume, et dans le cas où, contre toute attente, ils ne seraient pas rendus inaccessibles à tous les genres de séduction et auraient abandonné lâchement la défense de leurs commettants, ils seront déclarés et réputés traîtres à la patrie et indignes désormais de la confiance du leurs citoyens. Donne dans cette circontance, le tiers-état du Nivernais et Donziais, les pouvoirs les plus exprès aux députés qui seront par lui nommés de porter, appuyer et poursuivre aux Etats généraux toutes les demandes et remontrances énoncées au présent cahier ; leur donne aussi pouvoir de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner le bien de l'Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, ét le bien de tous et un chacun des sujets de Sa Majesté. Fait, arrêté et clos’par nous, commissaires soussignés, en la chambre de l’auditoire de cette ville, - le 24 mars 1689. Signé Viau de la Garde; Robert; Marandat; Dolliveau ; Bouard du Gholot ; Gounot ; Morin ; Frebault l’aîné ; Gourleau ; Baracu ; Lanquinier ; Turgan l’aîné ; Balanguer ; Gaultier ; Chevannes ; Faulquier de Saint-Léger; Arnoux; Frebault; Tenaille ; Tenaille-Duluc ; Perier ; A. Place ; Parent; Desmolins; Billardon; Guillin; Desmolins; Barbier de Ghanterrey ; Decray : Moreau de Bessy ; Grenot du Pavillon ; Leverrier ; Mathieu ; Denozier; Frapier de Saint-Martin ; Cordonnier; Dameron ; Durendevilleneux ; de Ghegoin ; Des-lanne; Ghenon ; Jourdin ; Audel; Courant-Gortet ; Gullery de Monteuillon ; Bertrand de Rivière; Bertrand ; Lault de Lavernière ; Rebreget du Mousseau ; Guillier de Montchamoy ; Isambert ; Reul-lon le jeune; Guillier-Dufour ; Ferrant; de Robert Versifie; Ravisy; Michot de la Ronde; Cassard-Dupont; Provost ; Brotier ; Perrot ; Limanton de Jaugy; de La Venne-Desbordes ; Perreau; S. Gouat; Coquille ; [ Dubois ; Paignon ; Guillier de Mont, lieuteuant général ; Prpserque, greffier. CAHIER Des doléances de la paroisse d'Asnan, des bailliage et pairie de Nevers , de la généralité de Paris, de l'élection de Vezelay (1). Les députés à l’assemblée de Nevers ont fait, ou plutôt fait faire un cahier de doléances, sans avis préalable de la paroisse. Ils l’ont lu rapidement dans une assemblée de paroisse et l’ont fait signer. Ces doléances ne roulent que sur des objets généraux, sur les grands objets de l’administration, comme les annates, les aides, les gabelles, etc. On n’y parle d’aucun des abus qui régnent dans la paroisse, d’aucune des vexations qui s]y commettent impunément, de rien de ce qui Finté-resse elle-même, indépendamment de l’intérêt qu’elle peut prendre à une bonne administration générale. C’est dans ce mémoire-ci que la paroisse expose librement ses véritables doléances sur les objets particuliers qui l’intéressent, se reposant de la réforme des abus généraux que toute la nation connaît sur les grands personnages qui en sont chargés. Ce&quï intéresse le plus la paroisse, c’est que MM. les députés soient informés de la nia-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. 262 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Nivernais.] nière dont la justice est administrée, et la pqlice tenue, de ses facultés, charges et impôts, de l’état de sa cure qui a une liaison étroite avec le sort, surtout, des paroissiens malaisés. 1. — l’administration de la justice, et la POLICE. Les abus les plus criants dont la paroisse ait à se plaindre sont ceux qui procèdent de la mauvaise administration de la justice et de Ja négligence des officiers seigneuriaux dans la tenue de la police. S’il était possible de faire un relevé des frais, ou plutôt des exactions que font annuellement les gens de justice, il serait facile de démontrer qu’elles excèdent toutes les impositions royales ensemble. Ce relevé ne serait pas susceptible de preuves légales, parce que les gens de justice sont trop prudents pour donner des reçus motivés de leurs exactions. Cependant, la paroisse entre ici flans un détail abrégé ; elle y rappelle les actes les plus récents d’oppression, qui ont la notoriété de fait, s’ils n’ont pas celle de droit. Elle ne sollicite’ pas un procès criminel contre aucun des prévaricateurs; elle ne demande pas la réparation des maux passés ; elle se contente d?en désirer et d'en demander le remède pour l’avenir. En conséquence, sans vouloir désigner npip-mément aucun de ceux qui composent la justice dont elle dépend, elle va exposer librement ses doléances sur chacun d’eux, depuis le juge jusqu'à l’huissier. LE JUGE. Le juge du bailliage d’ffuhans, où est renfermé la paroisse d’Asnari, a, dans le ressort de cette justice, six paroisses de deux lieues de diamètre,. étant encore juge de M. le duc de Nevers ef d’autres seigneurs. 11 réside dans la ville de Tannav, chef-lieu de la justice ducale, éloignée de trois lieues de l’extrémité de la justice d’IJubans. La paroisse d’Àsnan, où son juge tient ses audiences, se plaint que son éloignement du chef-lieu, et la multiplicité de ses justices,' lui sont préjudiciables; que, dans son absence, il est tenu pour présent, suppléé par un de' ses subalternes, qui lni fait ensuite signer les procédures. Un pourrait découvrir des actes passés à la même heure, en différents lieux éloignés, signés du môme juge. Elle se plaint du grand nombre des extraordinaires, fort dispendieux, pour des objets qui devraient n’être que des affaires d’audience ou de police, s’il y avait de la police dans les campagnes, pour de très-légers dommages, pour des rixes non moins légères. Un procureur reçoit les plaintes; si les parties plaignantes ou accusées ont de quoi répondre, le juge tient un extraordinaire pour une première information, et sa première séance coûte aux plaideurs 20 écus, 3 louis, souvent davantage. Le juge, obligé de venir de loin, fait payer son voyage ; ses subalternes sont taxés à proportion : ainsi les exactions se multiplient. Elle se plaint que, quand le juge nomme des experts pour estimer des fonds, au lieu de pommer des paysans cultivateurs, plus intelligents en ce genre, et dont la taxe serait modérée, il nomme des officiers de justice qui n’ont pas la même connaissance que les cultivateurs, et dont la taxe répond à la dignité de leur état. Elle se plaint que le juge a augmenté les droits d’audience, de son autorité, Elle se plaint de la durée des procédures, de la multiplicité des audiences pour des objpts qui demandent peu de discussion, et de Ja facilité du juge à permettre au procureur un fatras de vaipes écritures, qui grossissent énormément les frais. Elle se plaint de la facilité dp juge à ordonner des enquêtes secrètes pour des affaires civiles, afin de traiter, dans une séance extraordinaire, ce qui pourrait se traiter à l’audience où les émoluments des gens de justice sont moins considérables. Elle se plaint que le juge appointe le plus grand nombre des affairés : ce qui rend la spp-tence plus cofiteuse, à raison des' épices. Elle se plaint de l’excès des épices, que les juges supérieurs modèrent quelquefois ; mais les plaideurs n’osent jamais en exiger }a restitution, dans la crainte de se faire un ennemi d’un juge. Elle se plaint de la facilité scandaleuse dp juge à recevoir des présents. Il est notoire qu’il en reçoit également des deux parties. C’est à qip en fera davantage dans l’espérance de gagner sou procès. Le vœu de la paroisse est que la justice se rende gratuitement, ou dp moins qu’il ne’ sqit établi que des juges assez aisés pour n’avoir pas besoin fies émoluments de là justice. Elle se plaint, et l’intendant dp seignepr s’pn plaint aussi, que dans le temps de la maturité des biens de la terre, le procureur fiscal est très-vigilant spr les moindres dommages qui peuvent être faits aux champs ou apx vignes; que ses qyis menaçants attirent chez lui line foule de pauvres paysans qui, pour échapper à la police, s’accommodent avec lui. Ainsi, Jes dommages vrais pu prétendus tournent toujours à son profit. Elle se plaint que le procureur fiscal met à contribution les habitants laboureurs et mar nœuvres; qu’j! en exjge des travaux sans rétribution, si ce ri’est quelquefois là nourfiture. li a contraint fin maçqn à garnir son puits d’une margelle] il voulait le contraindre' encore de lui faire 4 toises de pavé devant sa maison, en reconnaissance d’un apte de justice que pe maçon sollicitait. C’est delà bouchemèfne du maçon que l’on tient ces faits odieux. Dans l'automne dernier, un laboureur lui ayant refusé iin jour de labourage, je lendemain il le fit cri4eljèment exécuter par des huissiers. Les abus d’autorité depuis plus de vjngt ans ne peuvent se compter. La plupart né sqnjt pas susceptibles de preuves. Voici quelques faits constatés par des actes publics. La grande route, récemment construite d’Asnarj à Tannay, a coupé des champs dp plusieurs' particuliers. Le procureur fiscal s’est emparé, par yoie de fait, de quelques portions (jes champs que la route a divisés. Il n’a usurpé que les portions des ' habitants de sa justice, qui u’oseut s’eu plaindre par la crainte d’un plus grand mal. Il y a six ou sept ans que le juge condamna quatre jeunes gens de la paroisse, pour avoir insulté le curé, à 3Q livres Gbacun, applicables à Ja fabrique. Le procureur fiscal s’est accommodé avpe les parents de ces jeunes gens, et s’est approprié ce qu’il a pu en tirer. Ni M. l’évêque, ni le seigneur, informés de cette injustice, n’pnt réussi à faire restituer cette aumône. Il y a environ trois ans que, sur une requête du procureur fabricien à M. l’évêque, ce fahricien fut autorisé à faire extirper, au profit de ia fabrique, deux gros arbres dont les racines occupent, danp le cimetière trop étroit pour la paroisse, UMPllSP gén. il 89. Gabier?.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage du Nivernais.] 265 nécessaire aux sépultures. L’adjudication de ces arbres étant faite, le procureur fiscal lit signifier une opposition par le syndic annuel. Sur le vu de la requête du fabricien, de l’ordonnance de M. l’évêque et de cette opposition, M. le procureur général fit ordonner, par arrêt, l’extirpation des arbres, après une nouvelle adjudication. Cette adjudication faite, le procureur fiscal fit encore signifier, sous le nom du syndic annuel, une nouvelle opposition et un appel par-devant M. l’intendant ou son subdélégué. M. le procureur générai, informé de nouveau, envoie au procureur fiscal un second arrêt avec des ordres précis. Cet arrêt est resté chez le procureur fiscal sans exécution ni signification. Le curé et le procureur fabricien ont pris le parti de la patience., La paroisse demande une réforme qui lui fasse trouver dans les officiers de justice, non pas des oppresseurs et des sangsues, mais des protecteurs et des hommes animés de zèle pour le bien public. LES PROCUREURS. La justice d’Hubans, composée de six paroisses, a douze procureurs. Il y en a six dans la seule paroisse d’Àsoan. Ces messieurs, avec peu de patrimoine, ne soutiennent leur état distingué et l’étalage de leur maison que par les profits que produisent leurs écritures. On ne dit rien ici des frais exorbitants des procédures, suivies jusqu’à la sentence; on ne se plaint que d’une énorme concussion que ces messieurs commettent journellement et impunément. Les huissiers étant des ignorants, il est d’usage qu’on s’adresse aux procureurs pour faire les exploits. 11 arrive souvent que, l’exploit étant seulement ordonné, les parties accourent pour l’arrêter, après s’ètre accommodées à l’amiable. Les procureurs sont dans l’usage d’exiger 9, 12, et 18 livres pour un travail qu’ils n’ont pas fait. C’est bien pis lorsqu’on a laissé aux procureurs le temps de faire des exploits, des requêtes et des plaintes. On peut juger de ce qui arrive communément par des faits récents, dont le plus souvent la police devrait seule connaître. • Daps le mois de septembre dernier, il arriva une querelle nocturne entre jeunes gens. Les plus maltraités, qui ne l’étaient pas beaucoup, s’adressèrent à un procureur pour porter plainte et informer. Avant que la plainte pût être présentée, on s’accommoda. M. lé procureur, tout ensemble notaire, exigea et reçut, pour les frais, 26 livres 2 sous 6 deniers, et 17 livres 17 sous 6 deniers, pour le coût de la transaction qu’il passa, et dohna un reçu dû tout. Le dimanche gras dérnier, deux jeunes gens s’étant battus, lé plus maltraité ordonna une plainte a uii procureur. Lé lendemain, l’affaire étant accommodée, le procureur, qui n’avait que préparé la plainte et fait quelques copies d'un exploit non signifié ni contrôlé, exigea 30 livres poür son travail." !Lê 'curé présent obtint avec peine une remise de 6 livres. • Dans l’été dernier, les passants, pour abréger leur route, passaient par le champ1 d’un procureur qui n’était pas encore ensemencé.' Le procureur fit assigner le yalet d’un meunier, à qui il en coûta 6 livres 12 sous. Sur l’indiçation de ce valet, il fît assigner une foule de particûliers; et le dommage, de 20 sous à peiné, produisit au procureur uix bénéfice de 12Œ livres. v Il faudrait un journal pour contenir toutes les vexations de cette espèce. La paroisse demande 1a. réduction des procureurs à un nombre qui serait moins onéreux et plus utile au public, et la réforme de leurs exactions pour un travail qui, n’étant qu’ordonné ou seulement commencé, ne peut être soumis à l’inspections du juge pour être taxé. LES HUISSIERS. La paroisse a deux huissiers royaux résidants, et deux du bailliage ducal de Nevers. Elle ne se plaint pas des derniers qqi sont gens aux gages des procureurs, qui font leurs exploits, et dont ils ne reçoivent qu’un modique salaire. On se plaint des exactions énormes des huissiers royaux, qui se font payer à vplonté leurs exploits/ On s’en plaint surtout quand ils ont des exécutions à faire, dont ils se font paver arbitrairement. On peut en juger par un fait arrivé il y a environ dix-huit mois. Un vol de pierre ayant été fait à un maçon, uq des huissiers fit une recherche par ordre pu jugé. Il y employa une matinée seulement avec deux témoins’. Cette mauvaise affaire s’étant accommodée secrètement par la médiation du curé, l’huissier exigea 3Q livres, que le curé fit, avec peine, réduire à 27. L’huissier, fils d’un paysan, sachant à peine écrire, donna au plus 30” sous à chacun dé ses témoins, et eut, pour une demi-journée, au moiqs 24 livres. LES notaires. Il y a six notaires dans la seule paroisse d’iVs-nan, trois rpyaux et trois au duché. C’est güafpe de plus qu’il n’en faudrait, les notaires étant assez multipliés dans les paroisses voisines. Chacun de ces notaires avant peu d’qûvrage, le prix de Ieqrs actes et expéditions n’ep est que plus considérable. La paroisse demande leur réduction à un moindre nombre. Elle demande aussi la réforme d’un abus qui q des conséquences funestes. ‘‘ La loi exige, pour la validité d’un acte, qu’il soit passé par un notaire, en présence d’un notaire en second, oq deux térnoins. Il est plus aisé qu’un seul homme soit surpris ou corrompu que deux ensemble. Cette loi n’est jamais observée par les notaires de cette paroisse. Les actes faits sont eip-voyés chez les notaires en second, qui ne refusent jamais de les signer eq aveugles. C’est un usage pour toutes sortes d’actes, contrats de iqariqge, testaments, ventes, etc. De là, une foule d’abus, des actes frpuduleqx, dont on a plus d’un exemple récent, dés contrats quittancés sans que la somme convenue ait été payée, ni qu’elle soit assurée par aucune contre-lettre; de là des contestations et des embarras, dont la mauvaise foi se prévaut à l’abri d’qn aeje faux, mais en apparence revêtu de ses formes.’ La paroisse se trouverait soulagée du plus grand nombre de ses maux, si la réforme, que la sagesse du ministère doit opérer daps radiqjnis-tration de la justice, devait s’étendre jusqq’à elle. Le poids des impôts lui est beaucoup moins pesant que celui doqt elle est surchargée pap lqs gens dé justice. le Procureur fiscal. Dans les paroisses de campagne, le procureur fiscal est le seul homme qui puisse, par sa vigilance et par l’autorité que la loi lui donne, main- 264 (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Nivernais.] tenir le bon ordre. La voix du pasteur n’est écoutée que des gens de bien ; les méchants ne sont contenus dans les bornes du devoir que par l’autorité coactive. Le plus grand malheur de la paroisse d’Asnan, c’est d’avoir un procureur fiscal qui joint à la négligence dans le maintien de la police des vexations odieuses. Deux seigneurs voisins lui ont déjà ôté la fiscalité de leurs justices. Le vœu général de la paroisse est de s’en voir enfin affranchie. Le procureur fiscal n’est pas seulement l’homme du seigneur ; il l’est, depuis bien des années, de l’intendant de la généralité et de sou subdôlégué. C’est lui qui, d’année en année, a le plus influé dans la répartition des impôts, dont l’inégalité est criante. Et cette influence, jointe à son autorité fiscale, l’a rendu redoutable à tous les paroissiens. C’est la crainte qui l’a fait choisir syndic de la municipalité. C’est la crainte qui l’a député à l’assemblée de Nevers pour la nomination des députés aux Etats généraux, et lui a fait donner pour adjoint un de ses confrères. La même crainte fermerait encore la bouche à tous les habitants, s’ils n’étaient pas assurés que leurs plaintes sont déposées dans le secret de la confiance, et qu’ils n’ont pas à en craindre la publicité. La paroisse se plaint de ce que le procureur fiscal ne surveille pas les cabarets et ne s’oppose pas aux désordres qui s’y commettent et le jour et la nuit. Cette paroisse, composée de cent trente-cinq feux, et qui n’est pas un lieu de passage, a jusqu’à huit cabarets, sans compter ce qu’on appelle guinguettes. C’est une source de ruine pour les paysans mauvais ménagers, et de libertinage pour la jeunesse. Elle se plaint que le procureur fiscal laisse impunies les fraudes des boulangers qui sont dans la paroisse. Un d’eux est dans l’usage de tromper de près d’une demi-livre sur quatre. On s’en est plaint sans effet au procureur fiscal. Bien plus, on assure qu'il a conseillé lui-même à ce boulanger, à qui il vendait son grain, d’employer ce moyen pour se dédommager. Ce fait a été dénoncé au seigneur, qui, sans doute, n’a pu rendre son procureur fiscal plus exact. L’autre boulanger dit à qui veut l’entendre que le procureur fiscal lui a donné le même conseil sur la demande qu’il lui faisait d’augmenter le prix du pain ; mais qu’il est trop honnête homme pour le suivre, Elle se plaint de la négligence du procureur fiscal à citer à la police les perturbateurs du repos public, les coureurs de nuit , et à faire une recherche exacte des voleurs nocturnes, qu’il ne serait pas difficile de découvrir. La justice trouve plus d’intérêt à procéder sur la plainte d’un particulier, qu’à poursuivre les délits par la voie du ministère public et d’une police infructueuse. II. — LES FACULTÉS, CHARGES ET IMPOTS DE LA PAROISSE . La paroisse d’Asnan n’a aucun fonds de communauté. Si, avec la charge des impôts et la charge encore plus grande delà justice, elle n’est pas une des plus misérables du royaume, c’est que le peuple y est laborieux, économe, vivant de peu. C’est ainsi que les propriétés sont divisées entre les habitants, et qu’il n’y a dans la paroisse aucun grand propriétaire, pas même le seigneur qui n’y jouit que de droits honorifiques. Les Habitants de cette paroisse, qui n’a pas de biens communaux, sont obligés de payer personnellement pour l’acquit des charges publiques. Pour l’année dernière et celle-ci, ils contribuent d’environ 1,500 livres pour les réparations à la charge de la paroisse; c’est un nouvel impôt qu’ils ont peine à supporter avec les impositions royales. D’ailleurs, presque tous les fonds de terre sont chargés de directes en cens et bordelages, qui diminuent le revenu des propriétaires. La paroisse demande que ces observations entrent en considération dans la part d’impôts qu’elle doit supporter. Ayant moins d’avantages, l’équité demande quelle soit moins imposée. Le finage de la paroisse est très-étroit. La plus grande partie des fonds dont elle jouit sont situés dans le finage de paroisses circonvoisines. Jusqu’à cette époque, la paroisse était imposée aux tailles, relativement aux fonds qu’elle avait dans son finage et dans celui de ses voisins ; ceux-ci ne l’imposaient pas sur leurs rôles. Cette année a amené une révolution qui peut devenir ruineuse pour la paroisse d’Àsnan. Les paroisses voisines l’ont imposée sur leurs rôles, relativement aux fonds situés dans leurs finages. Et cependant, la paroisse d’Asnan est chargée de la même imposition que ci-devant. La paroisse demande que justice lui soit rendue, ou qu’elle ne soit pas imposée sur les rôles des paroisses voisines, ou que les impositions qu’elle a portées jusqu’ici soient diminuées d’autant. Elle demande que, si elle est imposée par ses voisins, ceux-ci ne l’imposent pas arbitrairement, comme ils ont fait cette année, mais que, dans le temps où chaque paroisse fera la répartition des tailles de son finage, il soit appelé au moins un des membres de sa municipalité pour défendre ses intérêts légitimes et s’opposer à une imposition arbitraire sur ses habitants. La paroisse se plaint que la répartition de ses impôts est très-inégale, et que sa municipalité, dominée par son syndic, n’a pas réformé, cette année, cet abus criant. Ce syndic, qui était ci-devant l’homme de l’intendance, a toujours réglé arbitrairement depuis plusieurs années cette répartition. Il s’est toujours conservé lui-même dans un taux fort au-dessous de ses propriétés et d’une juste proportion avec les autres habitants. Il est imposé sur le rôle de cette année à 25 livres 16 sous, pour toutes tailles, taux ordinaire des manœuvres même plus aisés que ceux de leur état ; les vingtièmes ne montent qu’à 8 livres 10 sous 6 deniers. Cependant il est dans la première classe des propriétaires de la paroisse. Lorsque le gouvernement accorde des remises sur les tailles ou vingtièmes, dans la vue qu’elles soient accordées aux plus indigents des contribuables, le syndic en a toujours la meilleure part. Dans celte année, sur une remise modique, il s’est fait gratifier de 4 livres. Il y a une année où, sur une remise imputable aux vingtièmes, il obtint une gratification qui excédait le taux même des vingtièmes. La paroisse, pour remédier à un si grand désordre, demande que la déclaration de chaque habitant se fasse exactement, d’année en année, à rassemblée municipale, à qui aucun propriétaire ne peut en imposer ; que l’acte de ses déclarations soit déposé au greffe de la municipalité ; qu’une copie reste chez le syndic ; qu’une autre copie soit publiquement affichée ; et que tous les objets imposés soient détaillés sur le rôle, avec l’imposition proportionnelle de chaque objet. III. — CURE. Le bénéfice de la cure d’Asnan, dont la charge est d’environ quatre cent cinquante communiants, consistait, avant l’augmentation des portions con- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Nivernais.] 265 [États gén.1789. Cahiers.] grues, dans la moitié de la dîme, estimée enviroo 400 livres. 11 y a plus de trois cents ans que la paroisse assura un supplément à son curé, consistant en une mesure de froment et 13 sous, par chacun des feux , le tout de valeur d’environ 300 livres, à cause des pauvres insolvables. Ce supplément tient lieu au curé de casuel pour les mariages et inhumations. Le curé actuel s’est réduit à la portion congrue et a cédé la moitié de la dîme aux religieux bénédictins de l’abbaye royale de Curbigny, qui sont possesseurs de tout le bénéfice de la cure d’Asnan. Ces religieux, au nombre de quatre, riches au moins de 25,000 livres de rentes, jouissent d’un bénéfice originairement fondé, non pas pour eux, mais pour la cure de la paroisse et pour celui qui en aurait la charge. Le vœu de la paroisse est que ce bénéfice soit rendu à sa destination, et que celui quia la peine ait l’avantage, la paroisse y trouvera le sien. Le curé, recueillant la dîme, sera en état d’avancer du grain à ses paroissiens malheureux. D’ailleurs, les pailles de la dîme se consumeront dans la paroisse et procureront un engrais nécessaire, tandis qu’elles se consument dans une paroisse voisine, où sont les fermiers des religieux bénédictins. Si les pauvres ont des secours à espérer, c’est dans leur curé. 11 est inouï que les religieux bénédictins en aient jamais accordé. La fabrique n’avant pas de fonds, les dépenses nécessaires à la dépense du culte divin sont la plupart à la charge d’un curé qui a de l’honneur et du zèle. Les religieux bénédictins n’y ont jamais contribué. Le curé, rentrant dans la totalité du bénéfice de la paroisse, n’aura qu’une subsistance honnête, la valeur de 12 à 1,300 livres. Tant que le bénéfice sera aussi modique qu’il l’est, avec une charge aussi grande, ce ne sera que par accident que la paroisse aura pour pasteur un homme dont les talents lui seront utiles, et qui soit assez aisé par son patrimoine, pour assister les pauvres de son superflu.