237 [Étals gén. 1789. Cahiers.] . ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 20. Les vexations commises par ceux qui sont connus sous le nom de thierachiens, et leurs droits prétendus formeront un des objets de la réclamation des députés. 21 . Ils demanderont l’augmentation des maréchaussées. 22. Ils examineront s’il est possible d’établir, dans les marchés de la prévôté et vicomté, l’uniformité de poids et mesures. 23. Ils insisteront pour que les municipalités soient électives, et pour que les principes de l’édit de 1764, sur cette matière, soient établis et maintenus. 24. Ils proposeront incessamment aux Etats généraux de prendre des mesures pour que les colonies y soient représentées à la session qui va s’ouvrir. 25. Il traiteront des droits domaniaux et des droits de contrôle, pour qu’ils soient déterminés et perçus d’une manière invariable. 26. Ils rechercheront les abus qui résultent des arrêts de surséance, des sauf-conduits, des évocations et des droits de committimus et garde gardienne. 27. Leur attention se portera sur le commerce, les arts, les manufactures, et principalement sur l’agriculture, pour en favoriser l’accroissement; et sur les canaux navigables, pour en procurer la multiplication ; mais ils demanderont la suppression absolue du projet actuel de l’Yvette. 28. Us proposeront de fixer les principes sur le commerce des grains, et de restreindre les privilèges exclusifs aux inventeurs et pour un temps. 29. Ils emploieront avec persévérance tout leur zèle, pour que les prisons d’Etat et autres maisons de force soient visitées sans délai, à Paris et dans chaque province, par des commissaires nommés à cet effet, pour que les prisonniers qui demanderont leur liberté ou leur jugement soient délivrés ou jugés, et pour que la servitude personnelle soit abolie dans tout le royaume. 30. Enfin, les députés de la noblesse demanderont que l’éducation publique soit rendue nationale. Tels sont les pouvoirs que la noblesse de la prévôté et vicomté de Paris, hors les murs, confie à ses députés. 'Ils en suivront l’esprit dans les cas non prévus elle attend; de leur sagesse et de leur fermeté, l’accomplissement des espérances publiques; ils sauront justifier l’estime de la noblesse, et en maintenant les droits de la nation et les principes de leur ordre, ils prouveront à l’univers que la liberté est, tôt ou tard, le fruit de la modération et du courage. Commissaires . Signé le marquis de Boulainvillers, président de la noblesse; le comte de Clermont-Tonnerre; Montholon, procureur général; le président de Saint-Fargeau ; Despremesnil ; le marquis de Crillon ; le bailli de Crussol ; de Blaire ; Le P. P. Hocquard ; d’Aguesseau ; le vicomte de Noailles; le P. Gilbert; le duc d’Aiguillon; le çdîïrte-de Nicolaï ; Boucher d’Argis; le marquis de Goui d’Arsy ; le comte de Walshserrant ; le duc d’Uzès ; le duc de Gastries ; le président d’Ormesson, secrétaire de la noblesse. CAHIER Des demandes et instructions du tiers-état de la prévôté et vicomté de Paris hors les murs (1). Une glorieuse révolution se prépare. La plus puissante nation de l’Europe va se donner à elle-même une constitution politique, c’est-à-dire une existence inébranlable, dans laquelle les abus de l’autorité soient impossibles. Ce grand ouvrage ne sera pas difficile, si les volontés sont unies et les délibérations libres. Pour que la liberté et l’union président à l’assemblée nationale, il faut que leur règne commence dans les assemblées élémentaires. Nous protestons en conséquence, tant en notre nom qu’au nom de toute la nation, contre la forme dans laquelle ont été tenues les assemblées d’élection ; En ce qu’aprês avoir été convoquées et formées, .elles ont encore été présidées par des officiers publics, lorsque la liberté exigeait qu’elles choisissent elles-mêmes leurs présidents, aussitôt après leur formation ; En ce qu’elles ont été soumises aux décisions provisoires des baillis, quoique la liberté exigeât que la police y fût exercée par des présidents de leur choix, et que les questions y fussent résolues à la pluralité des voix; En ce que les assemblées ont été obligées de se réduire, quoique la liberté exigeât que les citoyens y fussent représentés par tous les députés qii’ils avaient choisis ; En ce que la représentation nationale a été formée d’une manière illégale, le clergé et les nobles ayant nommé immédiatement leurs représentants, tandis que ceux du tiers-état ont été nommés, pour les communautés comprises dans les petits bailliages, par l’intermède d’une assemblée d’électeurs; pour les communautés des grands bailliages, par le double intermède d’une première assemblée d’électeurs, et d’une seconde assemblée réduite ; pour les villes, par le triple intermède de députés choisis par corporations, ensuite d’une partie de ces députés choisis aux hôtels de ville, enfin d’une moindre partie de ces députés réduits encore au bailliage ; En ce que les députés des grandes villes, telles que Lyon et Bordeaux, ont été dispensés par des ordres particuliers de subir la dernière réduction dans l’assemblée des bailliages, tandis que les députés des petites villes et ceux des campagnes y ont été assujettis; En ce que les ecclésiastiques et les nobles ont joui du privilège de se faire représenter dans plusieurs bailliages, tandis que les membres du tiers-état n’ont pu exercer qu’un droit de représentation, et qu’en effet un seul homme ne peut jamais être compté pour deux; En ce que l’usage des procurations engendre un second abus, celui de donner à ceux qui en sont porteurs l’influence de plusieurs voix; Enfin, en ce qu’on a méconnu partout le principe fondamental, que la puissance exécutive, après sa formation complétée par le serment, ne doit jamais exercer par elle-même ni par ses officiers, dans les assemblées élisantes, un pouvoir dont les actes blessent toujours la liberté, et ont souvent sur les élections une influence d’autant plus dangereuse qu’elle peut n’être pas manifeste; Et néanmoins, attendu l’urgence des conjec-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit de# Archives de l'Empire. 238 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.] tures et la grandeur de l’intérêt public qui nous entraîne tous vers l’assemblée nationale, en soumettant, pour l’avenir, le jugement de nos protestations aux Etats généraux, nous allons procéder à la rédaction de nos instructions. SECTION PREMIÈRE. Objets préliminaires dans les Etats généraux. Art. 1er. Les membres des Etats généraux seront déclarés personnes inviolables, du jour de leur nomination. Art. 2. Ils ne pourront, dans aucun cas ni aucun temps, être tenus de répondre à aucune sorte d’autorité judiciaire ou autre, de ce qu’ils auront fait, proposé ou dit dans les Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. Art. 3. Aucune troupe militaire ne pourra approcher plus près que dix lieues de l’endroit où seront assemblés les Etats généraux, sans le consentement ou la demande des Etats. Art. 4. La suppression de toutes les exemptions pécuniaires, à la jouissance desquelles le clergé ainsi que la noblesse de la prévôté et vicomté de Paris hors les murs se sont empressés de déclarer qu’ils renonçaient, sera convertie en loi nationale dans les Etats généraux. Art. 5. On y ajoutera l’uniformité des peines pour les citoyens de tous les ordres, leur admission égale aux charges, offices et dignités, la non-dérogeance du commerce et des arts mécaniques, et la suppression de toutes servitudes personnelles. Ces articles une fois accordés, notre vœu est que les Etats généraux délibèrent par tête : et si ce vœu éprouvait d’abord quelque difficulté, nous désirons que du moins, dans les cas où les ordres ne parviendraient pas à s’accorder par des délibérations prises séparément, ils se réunissent alors pour former une résolution définitive. Art. 6. Tous les impôts qui se perçoivent sur la nation seront déclarés illégaux, et cependant la fierceplion en sera autorisée provisoirement par es Etats généraux, mais seulement jusqu’au dernier jour de leur séance. Art. 7. Nous regarderons comme essentiel que les Etats généraux s’empressent d’établir dans leurs assemblées un ordre inaltérable, dont il nous paraît que les principes doivent être : Une grande puissance dans le président, en ce qui concerne la police ; L’élection du président tous les quinze jours au plus tard ; Le choix alternatif dans les trois ordres de celui qui présidera l’assemblée générale; L’adoption de règles précises et de formes lentes pour empêcher la précipitation des délibérations. Art. 8. Nous désirons que toutes les propositions, opinions et délibérations soient rendues publiques, chaque jour, par la voie de l’impression. Art. 9. Les Etats généraux exprimeront au Roi, dans leurs adresses et dans leurs discours, le plus profond respect pour sa personne sacrée, sans qu’aucun des membres puisse être assujetti à des formes qui dégraderaient la dignité de l’homme et blesseraient la majesté nationale. Le cérémonial sera le même pour tous les ordres. Art. 10. 11 nous paraît convenable que les Etats généraux s’empressent d’annoncer que la dette royale sera consolidée et convertie en dette nationale aussitôt après que la constitution sera formée. Art. 11. Les Etats généraux prendront en très grande considération la cherté actuelle des grains, et s’occuperont des moyens d’y remédier. Art. 12. Ils demanderont avec instance la liberté de tous citoyens détenus pour fait ou sous prétexte de fait de chasse. SECTION II. Déclaration des droits. Nous demandons qu’il soit passé en loi fondamentale et constitutionnelle : Art. 1er. Que tous les hommes sont nés libres, et ont un droit égal à la' sûreté et à la propriété de leur personne et de leurs biens. Liberté. Art. 2. Qu’en conséquence, nul citoyen ne peut être enlevé à ses juges naturels. Art. 3. Que nul ne peut être privé de sa liberté qu’en vertu d’ordonnance de son juge compétent, qui répondra des abus de l’autorité qui lui est confiée. Art. 4. Qu’il est défendu, sous peine de punition corporelle, à toutes personnes d’attenter à la liberté d’aucun citoyen, si ce n’est d’ordonnance de justice. Art. 5. Que toute personne qui aura sollicité ou signé ce qu’on appelle lettre de cachet, ordre ministériel, ou autre ordre semblable de détention ou d’exil, sous quelque dénomination que ce soit, sera poursuivie devant les juges ordinaires et punie de peine grave. Art. 6. Que si les Etats généraux jugeant les emprisonnements provisoires nécessaires dans quelques circonstances, il sera ordonné que le détenu soit remis dans' les vingt-quatre heures entre les mains de son juge naturel, et que l’élargissement provisoire sera toujours accordé, en fournissant caution, hors le cas de délit qui entraînerait peine corporelle. Art. 7. Qu’aucun décret de prise de corps ne sera prononcé que sur une accusation de crime emportant peine corporelle. Art. 8. Que nul citoyen ne sera condamné à aucune peine, sinon pour une violation grave du droit d’un autre homme, ou de celui de la société, et que cette violation sera déterminée par une loi précise et légalement promulguée. Art. 9. Qu’il est du droit naturel de tout citoyen de ne pouvoir être condamné en matière criminelle que sur la décision de ses pairs. Art. 10. Que nul ne peut être accusé, persécuté, ni puni pour ses opinions et paroles, lorsqu’elles n’auront été accompagnées d’aucun acte tendant directement à l’exécution d’un crime condamné par la loi. Art. 11. Que le libre usage des moyens naturels de défense sera toujours réservé à l’accusé. Art. 12. Que tout citoyen, de quelque ordre et classe qu’il soit, peut exercer librement telle profession, art, métier et commerce qu’il jugera à propos. Art. 13. Que toute violation du secret à la poste sera sévèrement proscrite et punie. Art. 14. Que tous les citoyens ont le droit de parler, d’écrire et d’imprimer, ou de faire imprimer, sans être soumis à aucune peine, si ce n’est en cas de violation des droits d’autrui, déclarée telle par la loi. Art. 15. Que la servitude de la glèbe sera abolie. Art. 16. Que l’esclavagç des noirs est contre le droit naturel. Art 17. Que la différence de-religion, même [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 239 entré les parties contractantes, ne peut être un obstacle à la liberté des mariages ni à l’état civil des citoyens. Art. 18. Que les milices et classes forcées des matelots doivent être supprimées. Propriété. Art. 19. Que toute propriété est inviolable, en sorte que nul citoyen ne peut en être privé, même pour raison d'intérêt public, qu’il n’en soit préalablement dédommagé, ce qui aura un effet rétroactif en faveur des propriétaires qui auraient été dépouillés de leurs biens sans en avoir été indemnisés. Art. 20. Que tous les droits qui n’ont jamais pu être une propriété, comme présentant une violation constante du droit naturel, seront supprimés, ainsi que ceux qui, étant une propriété dans le principe, ont dû cesser de l’étre par l’inexistence actuelle de la cause à laquelle ils étaient liés. Art. 21. Que les fonctions quelconques de la puissance publique, même les plus éminentes, n’étant confiées que pour l’intérêt de la nation, ne sont pas susceptibles de devenir une propriété, ni de créer au profit des officiers qui en sont dépositaires, aucune espèce de droit qui puisse être opposé aux changements et à l’amélioration de l’organisation publique jugés nécessaires par la nation. Art. 22. Qu’à l’égard des propriétés fondées en titre, celles qui nuisent à l’intérêt public sont susceptibles de rachat. Art. 23. Que l’existence des capitaineries est contraire au droit de propriété. Art. 24. Qu’il est libre à tout propriétaire et cultivateur de détruire sur ses terres toute espèce de gibier nuisible à ses propriétés. Art. 25. Que les corvées royales doivent être supprimées à jamais, et converties en une prestation en argent, qui sera acquittée par tous les ordres de l’Etat. Art. 26. Que les rivières navigables et grands chemins publics appartiennent, quant à l’usage, à la nation, et quant à la propriété n’appartiennent à personne. Art. 27. Que c’est un droit essentiel de tous les citoyens de pouvoir s’assembler, de faire des représentations et pétitions, et de nommer des délégués Èour suivre l’effet de ces pétitions, tant auprès des tats généraux qu’auprès du pouvoir exécutif. SECTION III. De la constitution. Nous chargeons nos députés aux Etats généraux de concourir par tous les efforts de leur zèle à l’établissement d’une constitution , d’après les principes suivants : Art. 1er. La conservation du gouvernement monarchique et héréditaire de mâle en mâle par ordre de primogéniture et tempéré par les lois. Art. 2. Le pouvoir législatif appartient à la nation, et la loi ne peut se faire que par la volonté générale, sanctionnée par le Roi. Art. 3. Le Roi est seul dépositaire du pouvoir exécutif. Art. 4. La puissance judiciaire, essentiellement distincte du pouvoir législatif, ne peut être exercée au nom du Roi que par des magistrats ou par des juges approuvés par la nation. Art. 5. L’état des magistrats et officiers de justice ne pourra dépendre d’aucun acte du pouvoir exécutif, mais ils demeureront dans la dépendance absolue du pouvoir législatif de la nation. Art. 6. Aucun citoyen, même le militaire, ne pourra être privé de son état que par un jugement. Art. 7. Aucune loi ne sera promulguée sans une formule qui exprime le droit législatif de la nation. Art. 8. Les ministres et autres agents de l’administration seront responsables envers la nation de l’autorité qui leur sera confiée. Art. 9. Il sera établi pour les Etats généraux à venir une constitution et une organisation complète, régulière, de manière que les députés soient également, librement et universellement élus, et exclusivement dans leur ordre, sans que pour les élections aucun citoyen puisse se faire représenter par procuration, et sans qu’il y ait entre les citoyens et les représentants plus qu’un seul degré d’intermédiaire, celui des électeurs. Art. 10. Aucune partie de la nation ne peut être privée du droit de représentation ; et en consé-uence les colonies françaises y enverront des éputés, même, s’il est possible, pour la prochaine tenue. Art. 1 1 . Nous jugeons essentiel que les Etats s’assemblent périodiquement au plus tard tous les trois ans, la législation et les affaires publiques ne pouvant souffrir aucun retard ; et à chaque tenue d’Etats généraux il sera procédé à une élection nouvelle. Art. 12. Les Etats généraux indiqueront avant leur séparation le lieu de leur prochaine tenue. Art. 13. Les députés aux Etats généraux ne doivent pas être considérés comme porteurs de pouvoirs particuliers, mais comme représentants de la nation. Art. 14. Les provinces et les assemblées d’électeurs ne pourront prescrire aucune condition limitative aux députés qu’elles enverront à Rassemblée souveraine de la nation, mais elles pourront exprimer leurs vœux et donner leurs instructions. Art. 15. Il ne sera établi aucune chambre dont les membres ne seraient pas librement et régulièrement élus par la nation. Art. 16. Les Etats généraux ne pourront établir aucune commission intermédiaire pour les représenter, ni permettre à aucun corps de l’Etat d’exercer cette représentation. Art. 17. Dans l’intervalle des tenues des Etats généraux, il ne pourra être fait que des règlements provisoires, nécessaires pour l’exécution des lois déjà consenties par la nation ; mais ils ne pourront être élevés à la dignité de lois que par l’assemblée nationale. Art. 18. Il sera établi des assemblées provin-- ciales, dont les districts seront déterminés par les Etats généraux, et pareillement des assemblées secondaires et des assemblées municipales, lesquelles assemblées seront composées de membres librement élus par les citoyens. Art. 19. Les ventes, échanges et engagements des domaines de la couronne seront révisés pour être portés à leur juste valeur, ou rétablis dans la main de la nation, qui en disposera comme elle jugera à propos. Art, 20. L’aliénation des domaines est un droit incontestable de la nation représentée par les Etats fénêraux, et les deniers en provenant doivent tre employés au payement des charges publiques, de la dette et du remboursement des offices nuisibles ou inutiles gui seront supprimés. Art. 21. L’administration, la police et la, cou- 240 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Paris hors les murs.] servation des bois et forêts seront confiées aux administrations provinciales. Art. 22. La nation seule peut déterminer la concession des apanages. Art. 23. Le titre et la valeur numéraire des monnaies ne peuvent être changés que du consentement de la nation. Art. 24. 11 ne sera établi aucun impôt direct ou indirect, ouvert aucun emprunt, introduit aucun papier circulant, établi aucune banque publique, ni créé aucun office ou commission sans le consentement de la nation assemblée en Etats généraux. Art. 25. Aucun impôt ne sera consenti que pour un temps limité jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux ; tous impôts cesseront en conséquence au terme fixé, si les Etats généraux ne les rétablissent pas, à peine de concussion contre les percepteurs, et même à peine contre ceux qui paveront volontairement d’être poursuivis comme infracteurs des droits et franchises de la nation. Art. 26. Tout impôt consenti sera également supporté par les citoyens de tous les ordres sans exception, et sera soumis aux mêmes règles de perception, qui se fera sur un même rôle. Art. 27. La contribution de chaque province sera fixée par les Etats généraux, d’après les instructions qu’ils se procureront par la voie des administrations provinciales et par tous autres moyens. Art. 28. Tous les impôts seront versés dans la caisse provinciale, et les administrateurs en seront comptables aux Etats généraux, et aucun impôt ne pourra être réparti, levé ni perçu que par la nation elle-même, qui en chargera exclusivement les assemblées provinciales, secondaires et municipales. Art. 29. Tous dons, pensions et gratifications inutiles ou excessifs seront retranchés ou modérés. L’état en sera vérifié par les Etats généraux, et il sera rendu public par la voie de l’impression. Art. 30. Les dépenses de tous les départements sans exception seront fixées, et les fonds assignés parles Etats généraux avec économie, seulement pour le temps de la durée de l’impôt, et les ministres seront comptables aux Etats généraux de l’emploi des fonds. Art. 31. Il sera statué par les Etats généraux sur les dépenses imprévues. Art. 32. A tout changement de règne, les Etats généraux seront assemblés dans les deux mois pour examiner et réparer les abus qui se seraient glissés dans l’administration, et chaque nouveau roi jugera solennellement, en présence des Etats généraux, d’observer et de conserver la charte de la déclaration des droits et les lois constitutionnelles, dont la copie sera insérée dans le procès-verbal du sacre. Art. 33. Si le nouveau roi est mineur, celui à qui le régence sera déférée prêtera pour lui le serment national, mais ce serment sera renouvelé par le roi au moment de sa majorité. Art. 34. Les Etats généraux pourront seuls pourvoir à l’établissement de la régence dans tous les cas où elle sera nécessaire. Art. 35. En cas de guerre défensive, invasion ou attaqueshostiles, lerci, comme dépositaire du pouvoir exécutif, prendra les mesures lespluspromptes pour veiller à la défense publique ; et dans ce cas, comme dans celui de la guerre offensive déclarée par le Roi, les Etats généraux se rassembleront dans deux mois. Art. 36. Les Etats généraux prendront les mesures qu’ils jugeront les plus convenables pour garantir les citoyens des effets de l’obéissance militaire, en conciliant néanmoins -les droits de la sûreté nationale avec ceux de la liberté publique. Art. 37. Chaque militaire sera, dans les cas ordinaires, soumis au pouvoir civil et à la loi commune, de même que tous les autres citoyens. Telles sont les basés fondamentales de la déclaration des droits et de la constitution, que nous chargeons les représentants nationaux, nommés par nous, de faire ériger en charte nationale, et nous entendons que lesdits représentants obtiennent sur cette charte la sanction royale, son insertion pure et simple dans les registres de tous les tribunaux supérieurs et inférieurs, de toutes les administrations provinciales, secondaires et municipales, et la publication et affiches dans tous les lieux duroyaume, avant de pouvoir prendre part à aucune délibération, et nommément avant de pouvoir voter sur aucun impôt et sur aucun emprunt public. Ils auront cependant le pouvoir d’accorder un emprunt provisoire qui n’excédera pas 50 millions, s’ils le jugent absolument nécessaire, à condition qu’il sera préalablement passé en loi, sanctionnée par le Roi, que les prochains Etats généraux ne pourront être dissous avant que la constitution soit achevée. Art. 38. Et attendu que la constitution une fois formée devra régner sur toutes les parties de l’empire, et même sur les Etats généraux, la nation, qui est le pouvoir constituant, pourra seule exercer ou transmettre expressément à des représentants ad hoc le droit de réformer, améliorer ou changer la constitution qui sera faite dans les prochains Etats généraux, et à cet effet il sera convoqué une assemblée nationale extraordinaire, qui se réunira à l’époque qui sera indiquée par le vœu bien connu des deux tiers des administrations provinciales. SECTION IV. Législation. Les Etats généraux s’occuperont de la réforme des lois civiles et criminelles, et de l’administration de la justice dont les bases fondamentales sont: Quant aux lois civiles. La rédaction d’un code unique, clair et précis, qui supprime, autant qu’il sera possible, toute occasion de décisions arbitraires, La prescription trentenaire contre toutes personnes indistinctement, même contre les gens de mainmorte et l’ordre de Malte ; laquelle ne pourra être éludée sous prétexte de défaut de formalités ou autrement, et aura un effet rétroactif pour les possesseurs actuels. L’abolition de toute substitution, à la réserve d’un seul degré, et seulement pour les immeubles réels. L’abolition des retraits féodaux et lignagers. L’inviolabilité des dépôts publics des actes, et Rétablissement des moyens propres à assurer, aux moindres frais possibles, leur authenticité, leur date et leur conservation. La fàculté de stipuler l’intérêt de l’argent de tous actes, billets et obligation. Quant aux lois criminelles . Un code pénal plus doux et plus humain, qui proportionne la peine aux délits, et ne laisse subsister la peine de mort que pour les crimes les plus graves. 241 [Elats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Paris hors les murs.}] L’égalité des peines pour les citoyens de tous les ordres. La distinction des juges du fait et des juges qui appliquent la loi. L’abolition de la question, de la sellette et des cachots. L’instruction publique, et la faculté aux juges d’interpeller les témoins sur les circonstances de la plainte et de leurs dépositions.] La faculté à l’accusé de se choisir tel défenseur qu’il jugera à propos, meme de s’en faire assister dans les procédures de l’instruction. L’établissement de défenseurs gratuits pour ceux qui ne pourraient s’en procurer. \ Nous désirons que toute sentence ou arrêt contienne. le motif de la condamnation et la copie littérale du texte de la loi en vertu de laquelle l’accusé sera condamné, sans que jamais il puisse l’être pour les cas résultant du. procès. L’abolition de la confiscation des biens des condamnés. L’inhumation des suppliciés comme celle des autres citoyens, sans faire mention du genre de mort dans l’acte mortuaire. L’admission des parents des condamnés à tous emplois civils, militaires et ecclésiastiques. Quant à V administration de la justice. La simplification de la procédure. La suppression de la vénalité des charges. La justice, dette du gouvernement, purement gratuite ; en conséquence, l’extinction de tous les droits du fisc qui y sont relatifs, et les honoraires des juges payés par la nation. Pourvoir aux moyens d’empêcher que ce régime ne nuise à l’expédition, et établir des peines pécuniaires contre la témérité des plaideurs. Le remboursement effectif des charges sur le pied de leur valeur actuelle, eu égard aux évaluations qui en ont été faites. La suppression des justices seigneuriales. Que les justices consulaires, dont on pourra même augmenter la compétence, soient conservées. La suppression des tribunaux d’exception, notamment des maîtrises des eaux et forêts, en ce que leur régime abusif et coûteux emporte au moins les deux cinquièmes de la propriété des gens de mainmorte, et celle des tribunaux des chasses. L’établissement des justices royales, avec des arrondissements déterminés, qui les placeront le plus près possible des justiciables, et qui connaîtront de toutes matières, même de celles de commerce. Toutes justices seront composées au moins de trois juges. 11 n’y aura ni committimus, ni garde-gardienne, ni évocation de grâce, ni droit de suite, ni attribution du scel, ni aucun privilège qui dispense le justiciable de plaider devant son juge naturel. La nomination des juges appartiendra au Roi, et néanmoins les membres des cours supérieures ne seront nommés par le Roi que sur la présentation de trois sujets pour chaque office, qui lui sera faite par les Etats généraux. Les juges ne pourront être destituées par les tribunaux, que dans les cas déterminés par la loi, et préalablement jugés. La suppression des jurés-priseurs, et de tous offices onéreux aux citoyens. Un tarif des droits des officiers ministériels, tant de première instance que de cours souveraines. Culte. Art. 1er. La religion catholique, apostolique et romaine sera la seule dominante dans le royaume. Art. 2. La célébration de toutes les fêtes de petit solennel sera remise au dimanche. Art. 3. Il serait à désirer que les offices et prières publiques se fissent en langue française. Discipline. Art. 1er. La déclaration faite par le clergé, en 1682, touchant les libertés de l’Eglise gallicane, sera sanctionnée par la nation, et rendue loi constitutionnelle. Art. 2. Le Concordat sera aboli; en conséquence, les prélatures seront électives, et on ne pourra y être promu sans avoir exercé les fonctions curiales au moins pendant quatre années. Art. 3. Les paroisses se choisiront leurs curés parmi les vicaires ou autres prêtres habitués, qui auront au moins cinq années de ministère ; et les droits de patronage et de collation seront réduits à l’honneur de confirmer les élections des paroisses. Art. 4. Les vicaires et les autres prêtres habitués seront au choix des curés. Art. 5. Les privilèges des gradués, les résignations et permutations, et le droit de prévention, seront abolis. Art. 6. Les évêques seront tenus de résider dans leur diocèse; et les Etats généraux, en cherchant les moyens les plus propres à assurer l’exécution de cette loi, prendront en considération l’idée de réunir les biens de l’évêché à la mense du chapitre qui en payera le produit à l’évêque, sous les diminutions proportionnelles au temps de la non-résidence. Art. 7. Le Roi sera supplié de ne plus accorder aux évêques des places d’aumônier ou de précepteur à la cour, et de ne leur confier aucune ambassade qui les empêche de remplir le premier de leurs devoirs. Art. 8. Tous les titres et bénéfices sans charge d’âmes seront supprimés à mesure qu’ils deviendront vacants, excepté les chapitres des cathédrales. Art. 9. Les canonicats des cathédrales serviront de retraite aux prêtres infirmes qui auront exercé le ministère dans les paroisses au moins pendant quinze années. Art. 10. Les canons qui défendent aux ecclésiastiques de réunir plusieurs bénéfices auront force de loi dans le royaume, et la prise de possession d’un second ou subséquent les rendra sous-vacants. Art. 11. On pourvoira aux moyens de rendre les religieux plus utiles qu’ils ne le sont à la société. Art. 12. L’édit du mois de mars 1766, qui ordonne la suppression des monastères qui ne sont pas composés du nombre de religieux déterminé par cette loi, sera exécuté. Art. 13. Les maladreries et léproseries, tant de l’ordre de Malte que de celui de Saint-Lazare, seront supprimées après la mort des titulaires. Art. 14. Nous désirons que les vœux monastiques soient supprimés, ou du moins si cette intention ne peut être remplie, que nulle personne de l’un ou de l’autre sexe ne puisse entrer au noviciat avant l’âge de vingt-cinq ans, ni faire profession qu’elle n’ait trente années accomplies. Art. 15. Toutes sépultures dans les églises prohibées ; et les cimetières qui sont dans l’intérieur 46 lre Série, T. Y. 242 [Élats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] des villes ou des villages seront transportés au dehors. Biens ecclésiastiques. Art. 1er. On procédera à la réformation de l’ordonnance de 1695, notamment en ce qui concerne les droits dans lesquels les ecclésiastiques se sont fait confirmer sans titres. Art. 2. Conformément à l’ordonnance d’Orléans, il ne sera plus porté aucune somme à Rome pour annates, provisions ni dispenses, mais l’élection des évêques sera conlirmée par le Roi, et les dispenses accordées par l’ordinaire, au refus duquel les cours y pourvoiront. Art. 3. La régie des économats sera confiée aux Etais provinciaux. Art. 4. Les biens des bénéfices ou monastères éteints ou supprimés seront vendus, et leur produit, ainsi que celui des annates, provisions, dispenses, et droit de régale, seront versés dans une caisse ecclésiastique, établie dans chaque diocèse. Art. 5. Les fonds de cette caisse seront employés à faire aux curés et vicaires un revenu proportionné aux charges de leur paroisse, d’après l’avis des municipalités; et lorsque ce revenu sera suffisamment établi, toute espèce de casuel sera supprimé. Art. 6. Les constructions et réparations des églises, presbytères, cimetières, maisons de charité et d’éducation, seront payées par la caisse ecclésiastique, et les communautés en seront déchargées. Art. 7. Tous les fonds de charité seront réunis dans une seule caisse, et les revenus en seront administrés par les municipalités. Éducation et mœurs. Art. 1er. Il sera fait un plan d’éducation nationale dont le principal but sera de donner aux élèves une constitution robuste, des sentiments patriotiques et la connaissance des principes nécessaires à l’homme social, au chrétien et au Français : à ce sujet, les Etats généraux seront invités à examiner s’il ne serait pas nécessaire de séparer les différents âges, et de reléguer hors des villes les maisons d’éducation. Art. 2. On étendra les moyens d’instruction dans les campagnes. Art. 3. On réformera les universités et notamment les écoles de droit. Art. 4. On pourvoira à l’établissement de tribunaux de famille, pour assurer la juste autorité des pères, la tranquillité domestique, le maintien des mœurs, et pour prévenir par d’amiables compositions le malheur des contestations et des haines entre proches. Art. 5. Les Etats généraux s’occuperont des moyens d’abolir, ou du moins de diminuer le scandale de la prostitution, et nos députés réclameront, au nom des mœurs outragées et de la nation, contre tout ce qui pourrait favoriser ce désordre. Art. 6. Les loteries et les jeux de hasard seront supprimés. Art. 7. Seront pareillement supprimées les survivances de toutes places et offices. Agriculture. Les Etats généraux, convaincus que l’agriculture est la principale source de la prospérité nationale, s’occuperont de l’affranchir des entraves qui s’opposent à ses progrès, et de tous les moyens qui pourront tendre à !la perfectionner. Art. 1er. Le fléau le plus redoutable pour l’agriculture est l’excès de gibier, excès résultant du privilège exclusif de la chasse : de là les campagnes dépouillées, les forêts dévastées, les vignes rongées jusqu’à la racine ; de là les vexations des agents de l’autorité, les amendes arbitraires et excessives, les emprisonnements illégaux, les violences, les assassinats commis impunément par les gardes; de là la loi imposée par le seigneur de distribuer les terres ensemencées, de manière que le gibier trouve partout sa pâture; la défense d’arracher le chaume pour lui conserver un abri ; la défense de recueillir les productions au point de leur maturité ; de là enfîu un dommage public et inappréciable, et l’une des principales causes du renchérissement des denrées. Nous dénonçons les obstacles apportés aux réclamations par les divers règlements qui en prescrivent les formes, et notamment par l’arrêt du parlement de Paris du 15 mai 1779, lequel rejette et condamne comme une insurrection l’invocation des lois, la demande en indemnité formé par les habitants réunis d’une municipalité. Et nous demandons, conformément à ce qui est dit dans la Déclaration des droits, que le droit naturel de détruire les animaux qui lui nuisent, sans néanmoins employer à cet effet d’armes à feu ni de poison, soit rendu à chaque cultivateur sur son terrain, et que l’on supprime les capitaineries et les remises. Art. 2. La multitude des droits, sous différentes dénominations, connues sous le nom de droits d’aides, expose le vigneron à des contraventions involontaires, et plus encore aux fixations arbitraires de la part des hommes préposés au recouvrement de ces droits; nous demandons qu’ils soient convertis en une imposition simple, uniforme et également répartie. Art. 3. Pour obvier aux fausses déclarations, nous demandons que chaque municipalité ait un exemplaire de son terrier, et qu’un autre soit déposé au greffe des administrations provinciales. Art. 4. Nous demandons que toute propriété territoriale ne soit assujettie qu’à un impôt unique, également réparti, relativement à sa valeur, et que les parcs, avenues et jardins d’agrément soient évaluées au prix des meilleures terres; et les bois et étangs, selon leur valeur. Art. 5. Nous demandons que toutes les dîmes insolites, dont la perception est une source de contestations interminables, 'soient supprimées, et que les dîmes solites, ôtant à la terre les moyens de reproduction, soient converties en prestations pécuniaires. Art. 6. Que tout propriétaire soit autorisé à affranchir ses héritages de la servitude des cham-parts, surcens, rentes et autres droits féodaux, tant en argent qu’en nature, au denier qui sera fixé par les Etats généraux. Art. 7. Que tous les droits de péages, hallage, minage, etc., soient supprimés. Art. 8. Qu’il en soit de même des droits d’échange, sauf les lods pour la soulte , et des droits de franc-fief, qui seront totalement supprimés. Art. 9. Que tous les arbres qui bordent les grandes routes et les chemins soient rendus aux propriétaires des terres riveraines, à la charge du remboursement des frais de plantation, à dire d’experts. Art. 10 Le cultivateur ne se déterminant à faire les avancés nécessaire à la fertilisation, qu’autant qu’il est certain d’une longue jotfis- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mnrs.J 243 sance, nous demandons que les baux des bénéficiers ne puissent être résiliés par la mort du titulaire; et que, pour éviter la fraude à ce sujet, ils soient adjugés publiquement et à l’enclièrê. Art. 11. Aucun bail à ferme ne pourra être résilié par les nouveaux acquéreurs. Art. 12. Les pigeons causent dans les campagnes un dommage manifeste; nous demandons que les colombiers soient fermés tout le temps des semences, un mois avant et pendant les récoltes. Art. 13. Qu’on soit tenu d’écarter des terres cultivées les arbres , tel que l’épine-vinette et autres, dont le voisinage endommage les productions. Art. 14. Que tout cultivateur ne puisse exploiter qu’un seul corps de ferme, de tel nombre d’arpents qu’elle soit composée, sauf que dans le cas où elle contiendrait moins de 400 arpents, le fermier pourra y ajouter jusqu’à cette concurrence. Art. 15. On avisera aux moyens de détruire la mendicité dans les campagnes, et le régime inhumain des dépôts fera place à des établissements plus utiles. Art. 16. Les haras seront détruits, et il sera établi dans chaque arrondissement un ou plusieurs étalons chez les laboureurs choisis par les assemblées provinciales. Commerce. Art. 1er. L’exportation des grains sera promptement et sévèrement défendue, et leur circulation de province à province, ainsi que leur importation de l’étranger à la France, toujours permise. Art. 2. Dans le cas d’une trop grande abondance, il sera à la prudence des Etats généraux de permettre une exportation, mais toujours d’une quantité déterminée. Art. 3. Les Etats généraux prendront les mesures nécessaires pour empêcher les monopoles et accaparements. Art. 4. On supprimera le droit de gare, et on remboursera, aux frais des provinces, s’ils sont fondés en titres, les droits de péages, pontonages, foires, marchés et autres de cette espèce, qui gênent le commerce. Art. 5. Les privilèges exclusifs des messageries et des roulages seront révoqués. Art. 6. Toutes les foires seront franches. Art. 7. L’exportation des matières premières, nécessaires à nos manufactures, sera défendue, sinon après qu’elles ont été mises en œuvre. Art. 8. Les traités de commerce avec les puis-� sances étrangères seront examinés par les Etats généraux, et l’on renoncera à ceux qui pourraient nous être onéreux. Art. 9. Toutes les barrières et douanes seront reculées aux frontières du royaume, et la circulation rendue libre dans l’intérieur. Art. 10. Il n’y aura qu’un poids, qu’une mesure et qu’un aunage. Art 11. Les bois à brûler et les autres marchandises de toute espèce, passant debout et par transit, à Paris, pour l'approvisionnement des environs, ne seront assujettis à aucuns droits. Art. 12. Il n’y aura plus pour les débiteurs, ni lieux d’asile, ni lettres d’Etat, ni arrêts de surséance. Art. 13. Les caisses de Poissy et de Sceaux seront supprimées. Art. 14. Tous les chemins vicinaux seront rendus libres, et les bois et arbres qui se trouvent dans les alignements de ces chemins, seront détruits. Art. 15. Afin de supprimer l’agiotage ou d’en diminuer les effets si funestes à l’agriculture, aux manufactures et au commerce, il sera statué que, du moment où la dette royale aura été vérifiée et reconnue par les Etats généraux, et qu’elle aura été déclarée dette nationale, elle sera consolidée et convertie en contrats sur le pied actuel, tant à l’égard des rentes perpétuelles qu’à l’égard des rentes viagères; mais que les unes et les autres seront susceptibles d’être assujetties à une imposition, si les Etats généraux le jugent convenable, tous les citoyens, sans exception, propriétaires ou rentiers devant contribuer dans une proportion juste aux dépenses publiques. Police des campagnes. Art. 1er. Les officiers municipaux exerceront la police dans leur municipalité et seront tenus d’amender ceux qui se trouveront dans les cabarets pendant le temps des offices. Art. 2. Il sera permis, hors l’heure de la messe paroissiale, de vaquer, les dimanches et fêtes, aux travaux de récoltes, et défendu en tout autre . temps. Art. 3. Chaque municipalité se pourvoira au moins d’une pompe, de seaux et de crochets pour le secours dans les incendies, et de boîtes fumigatoires pour les personnes noyées. Art. 4. Les marchands d’orviétan” bateleurs et empiriques seront absolument interdits dans les campagnes. Art. 5. Tous les jeux de hasard, petites loteries et jeux de quilles au bâton, seront supprimés et interdits. Art. 6. Il sera établi, pour un arrondissement déterminé, un chirurgien approuvé par examen de l’académie de chirurgie, et non sur la simple autorisation du premier chirurgien du Roi, ni par charge. Art. 7. Il sera pareillement établi pour chaque arrondissement des sages-femmes ayant fait des cours publics d’accouchement, dont elles justifieront ainsi que de leur réception. Art. 8. Il sera établi pour chaque arrondissement un élève de l’Ecole vétérinaire, pour la guérison des animaux. Art. 9. Les halles, dans les lieux ou elles sont établies, seront couvertes aux dépens de la province, pour la conservation des grains. Art. 10. Les droits de hallage, minage et plaçage seront supprimés et remboursés aux propriétaires qui seront fondés en titre. Art. 11. Les assemblées provinciales prendront les mesures nécessaires pour s’assurer des productions de leur arrondissement, et pourvoir à ce que les halles soient suffisamment garnies de grains. Art. 12. Les meuniers recevront et rendront les grains au poids, avec la déduction de deux livres par quintal, et ils seront tenus d’avoir, à cet effet, des plateaux et des poids chez eux. Art. 13. Les propriétaires de moulins seront tenus de représenter à l’assemblée provinciale le nivelage des eaux. Art. 14. Il sera pourvu par les assemblées provinciales, et aux dépens de chaque province, aux accidents des ravines et inondations occasionnées par les orages. Art. 15. lœs droits de voirie seront remboursés aux propriétaires qui en ont titre, et supprimés dans les campagnes, et la police pour les alignements exercée par les officiers municipaux. Art. 16. Les voituriers et les conducteurs de bestiaux, et spécialement les étrangers appeiés 244 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] Tirachiens , ne pourront mettre leurs chevaux et bestiaux en pâtures sur les terres, ni dans les prés et les bois, à peine de forte amende. Ils n'entreprendront aucuns travaux, sans s’être préalablement établi un domicile fixe. Art. 17. Il sera établi dans chaque arrondissement des consuls ruraux à l’instar des consuls du commerce, qui jugeront en dernier ressort toutes les contestations relatives à l’agriculture, jusqu’à concurrence de la somme fixée par l’édit des consuls, et pour les sommes au-dessus, sauf l’appel à la cour souveraine. Art. 18. La pâture sera défendue en tout temps dans les trèfles, luzernes et sainfoins. Elle ne sera permise dans les bas prés que pour les bêtes à cornes. Cette pâture ne pourra commencer qu’a-près la récolte des regains, que chaque propriétaire sera autorisé à faire nonobstant tous usages contraires, et n’aura lieu que jusqu’au 15 mars. Art. 19. Il paraît utile que dans chaque assemblée secondaire ou de département, il soit établi des prix d’encouragement pour un certain nombre de cultivateurs et de personnes employées à la culture, qui se seront distinguées par leur talent et leur loyauté. Art. 20. On établira la police qui paraîtra la plus propre à retenir les moissonneurs et les domestiques dans les engagements qu’ils auront pris pour les travaux essentiels des campagnes. Art. 21. Les maréchaussées seront augmentées, et une portion de chaque brigade sera employée au service intérieur, sous les ordres des municipalités. Art. 22. Nous demandons que les communautés des paroisses soient déchargées des logements des maréchaussées, et qu’il soit défendu aux entrepreneurs des convois militaires d’exiger, sous quelque prétexte que ce soit, les chevaux des campagnes pour leur service, et aux municipalités d’y prêter les mains. Impôts. Art. 1er. Nous invitons les Etats généraux à s’occuper de la révision de tous les impôts, à opérer la réduction et préparer la suppression de ceux qui sont le plus désastreux. Art. 2. Les principes d’après lesquels cette opération peut se faire, doivent être de considérer les impôts sous le point de vue du préjudice qu’ils causent à la population, à l’agriculture, à ia liberté et aux mœurs. Art. 3. Ainsi ils porteront leur principale attention sur les impôts suivants : Les gabelles, qui mettent dans la main du gouvernement le monopole d’une denrée de première nécessité, et portent à un prix excessif l’un despré-sentslesplusutilesetîes plus gratuits de la nature. Les aides, qui par l’excès de leur tarif, la multiplicité de leur forme et de leur perception, leur application à une multitude d’objets, soumettent le citoyen à une foule de visites, d’examens, de vérifications, d’amendes et de vexations de tous genres, et ajoutent infiniment aux prix de la denrée. Les droits sur les cuirs et sur les fers, papiers et cartons. Les droits de contrôle et de centième denier, qui gênent la liberté des conventions, et qui, forçant les parties aies déguiser, sont une source de procès ruineux, non-seulement avec les agents de l’administration, mais encore entre les citoyens. Ce qui restera de ces droits doit être payé également dans tous les endroits du royaume, même dans sa capitale. I Les traites, qui gênent la circulation du commerce, et qui, si elles ne peuvent être supprimées, doivent être reculées aux frontières. Les tailles, dont le nom même doit être aboli, et qui, par leur imposition et leur répartition arbitraire, sont le plus grand fléau de la culture. Art. 4. Les Etats généraux rechercheront les moyens de remplacer ceux de ces impôts qui seraient absolument nécessaires, par un genre de contribution réel ou personnel, dont la perception soit la plus fixe, la plus douce, en observant surtout de rendre l’industrie franche de toutees-pèce de droits. Art. 5. En procèdent à ces remplacements, il paraîtrait convenable de faire peser l’impôt sur les objets de luxe, et singulièrement sur les domestiques mâles, dont la multitude enlève, pour le service de la vanité, des bras utiles aux campagnes. Art. 6. Ils s’occuperont d’établir une forme régulière et générale, pour constater et pour connaître la valeur des propriétés, et pour proportionner les contributions à leur produit, sans aucune distinction ni privilèges, qui seront supprimés, et notamment ceux des bourgeois de Paris et des maîtres de poste. Art. 7. Ils supprimeront toutes les charges, baux et compagnies qui confient à des particuliers ou à des corporations privées l’administration et la perception des impôts. Ces fonctions appartiendront à l’avenir aux assemblées provinciales et secondaires. Art. 8. Ils convertiront les corvées en une prestation d’argent uniforme, et une partie de cette contribution restera dans la caisse des paroisses, pour les travaux particuliers qui seront jugés nécessaires à chacune d’elles. Art. 9. Enfin ils affranchiront de tout impôt personnel les journaliers et les pères de dix enfants. Nous invitons les Etats généraux à conduire avec prudence à sa perfection la réforme de différents abus que nous leur dénonçons. Nous les invitons aussi, lorsqu’ils termineront leur assemblée, à présenter au Hoi l’hommage de l’amour, de la fidélité, du respect et de la reconnaissance de la nation française; A instituer un fête annuelle et nationale, à la date du jour où le Roi aura sanctionné la Déclaration des droits et les voies constitutionnelles A ordonner qu’il sera érigé à Louis, restaurateur de la liberté, le plus magnifique des monuments que la France ait consacrés à la gloire de ses rois; A ordonner enfin que dans toutes les villes qui contiendront une population de trois mille hommes, il sera posé, à l’endroit le plus apparent de la place publique, une table de bronze, sur laquelle seront inscrits l’histoire de la restauration et les articles fondamentaux des droits et de la constitution de la France. COMMISSAIRES RÉDACTEURS Suivant l’ordre alphabétique. MM. Afforty. MM. De Crayille. Bejot. Delage. Bénard l’aîné. De Plaine. Bernard. Desgranges. Boislandry. Divry. Bouchard. Du Cellier-Boudin. Durville. Bouju. Duvivier. Bûche. Filassier. Cardet. Flament. Dastis de Marcillac. Gillet. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 245 MM. Gosselin. Guillaume. Jaulnio. Le Baigue. Lenoir de la Roche. Lucy. Mariette. MM. Nicolle. Picault. Pillion. Rouveau. Target. Trousset-Desgroues. Valencier. OBSERVATIONS De MM. les députés du tiers-état de la prévôté et vicomté de Paris hors les murs, sur le cahier de leurs instructions , lu dans leur assemblée du 29 avril 1789. Suppression expresse et nominative des intendants et commissaires départis. Serment en matière criminelle abrogé. Moines supprimés, si l’on ne peut les rendre utiles. Baux à longues années exempts de centième denier, lods et ventes et autres droits. Logement des gens de guerre, supporté également par tous les citoyens. Dans le cas de vacance d’un office de premier président ou de procureur général d’une cour supérieure, lorsque les Etats ne seront pas assemblés, il y sera pourvu provisoirement par le Roi. Procédé de l’abbé de L’Epée pour l’éducation des sourds et muets propagé. Les routes ne seront arrêtées que par les Etats provinciaux. Les soldats, en temps de paix, employés aux 'travaux publics, et leur solde augmentée. Suppression des droits attribués aux exécuteurs de la haute justice dans les marchés. Point de dot aux religieux ni religieuses.� Point de prison dans les monastères. Visite des prisons d’Etat, civiles et monastiques. Gros manquant et trop bu supprimés. Arrêlé en l’assemblée des députés du tiers-état de la prévôté et vicomté de Paris hors les murs, ce 1er mai 1789. Signé Guillaume; Target; Friault; Gaullans; Le Noir de la Roche; Desgranges; Gardet; de Plane; Dartis de Mareillac; Seraigne, Bernard; Durville; Delage; Duval; Gavarry; Briard; Meus-nier; Thomas de Dancourt; Bouillart d’Orgeval; Nicolle fils; Siot de Saint-Paul; Laroche; Louis de Boislandry; Vaillant de Bissy; Challan; Feru-dron de Romainville; Jabineau de Marolles; Noël; Quetter; Germain le jeune; Guignard; Dulsoy; Le Sigue; N. David; Lenain, Ramard; La Goste; Venteclef; Sauvegran; Patrix; Boucot; Nalier; Golay; Auda; Dumesnil; Pacou; Pottier; Laurent Mena; Forfraut; Larché; Fauchard de Grand-menil; Coupin; Rumeau; Dorlhac; Meuge; Veron; Meurget; Dubaut; Du Rais; Renoult; Moret; Nolia; Rouveau; Lepicouché; Aubery des Fontaines; Ghuaineau; Lecouslet; J. -H. Rousseau; Tiercelin; Bebert; Prévost; Pigeon; Le Comte; Petit Robin; M. Martin; Dobelin; Besot; P. Caste; Vinard; Fer-sausom; Tissiet ; Bruseau; Rollet; Ferrau; Léonard; Alexandre; Soyer; Boquet; Bizault; Bouvot; de Fresne; Poulet; Desprès-Jebert ; de Precy-Saint-Marne; Régnault; Besot; Bertin; Peyrou; Rousseau; Guichaut; Afforty; Boisseau; Greaux; Benoist; Le Gry; Taveau; G. Ghappe; Gravas; Boudinot; Hennequin; Gritnpré; Lamarre; Giton de Fontenilles; Bon Deschamps; Divry; Gliaba-neaux; Halligon; Mathieu Glinet; Ferré; A. Brard ; Sauvier; Benoist; Guinard ; Manchain ; Lavaux; Gaultry; Suzanne; Grelly; Nion; Le Sigue ; J. Hébert; Mignon; Denis; Bénard; Dubus ; Servien ; Blondeau; Loyal; Lucy; Trousset des Groues; Charlemagne; Philippon; de Gra ville; Megret; Brisset; Vergon; de Cauvilie delà Martinière ; Muriette; de La Chaussée; Frometin; baron Des Fontaines; Le Bourlier; Gautier; Bled; Hardy; Ducellier; Le Père; Moison; Pillion; Desmgly; Nouette ; Delaunay ; Jacques Le Tellier ; Riangaut ; Milon; Lucas; Le Fèvre; J. Roche; Boudin; Ma-zeley; Rouvre; Bonnevie; Gauchin; Thibaut; Ra-bourdin; Mareil; Flamand; de Jyeuval; Ligé ; Beaugeand; Lépagnol; Busclie; Gillet. CAHIER Des vœux particuliers des habitants de la prévôté et vicomté de Paris hors les murs , concernant leurs demandes locales (1). Les habitants de la prévôté et vicomté de Paris hors les murs, après avoir exprimé leurs vœux généraux sur tous les objets d’administration publique dans le cahier commun, n’entreront point ici dans le détail des motifs de leurs demandes particulières; il faudrait des volumes entiers pour les présenter. Leur maux sont portés à l’excès. Il faudrait, pour les rendre plus sensibles, employer ce langage naïf qui leur est propre, parce qu’il tient à la vérité ! Gomment, en effet, exprimer leurs douleurs sur l’augmentation de leurs contributions, connues sous le nom de tailles et autres impositions accessoires, depuis même l’année 1780, au préjudice de la sage déclaration du mois de février de cette même année ; Sur l’excès des abus des capitaineries et des droits de chasse en général, puisque leurs cahiers particuliers attestent que la plupart des officiers des capitaineries et quelques seigneurs osent compter le produit annuel du gibier comme un revenu, et celui des amendes comme un objet de lucre et de récompense, qu’ils abandonnent aux officiers et aux gardes; Sur l’injustice du régime des fermes, des régies générales et des administrations des domaines, pour la perception des droits royaux, en ce que leurs employés étant admis au bénéfice des amendes sont intéressés à trouver des fraudes et des coupables; Sur la facilité qu’ont les actionnaires de ces compagnies d’étendre à leur gré ces droits par des interprétations ministérielles. Enfin sur l’excès de leurs maux actuels occasionnés par la cherté du pain? La plupart d’entre eux, après avoir essuyé les cruels effets de l’orage du 13 juillet dernier, celui du plus long et du plus rigoureux des hivers, sont aujourd’hui les tristes victimes des fausses prévoyances et des spéculations de quelques compagnies qui, ne calculant que leurs intérêts, ne savent pas apprécier la vie des hommes. Mais ces habitants, en exprimant ici leur juste confiance pour le soulagement de ces maux particuliers, dans les bontés et dans la justice du meilleur des rois, se borneront simplement à présenter le résumé de leurs demandes locales. Tel est le plan de ce cahier, extrait, à leur sollicitation, de leur cahier particulier, par les commissaires qu’ils ont notamés pour la rédaction de leurs instructions. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.