[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 517 campagnes ; l’on sait combien le sel est utile aux bestiaux et de combien de maladies il peut les préserver ou les guérir. Art. 8. Ils se plaignent de la multiplicité d’impôts; ils demandent donc qu’il y en ait moins, et que la somme qui en résulte soit moins considérable. Ils pensent que pour cela il est à propos d’en simplifier la perception par les moyens les plus con venables, par exemple, en supprimant les fermiers généraux, les receveurs généraux des finances, les intendants de province, qui, pour le fait, sont inutiles depuis l’établissement des municipalités. Pourquoi n’y ajouterait-on pas les gouverneurs de provinces. Toutes ces personnes coûtent considérablement à l’Etat ; par leur suppression les peuples pourraient être moins chargés et le Roi retirer autant et plus même qu’il ne reçoit. Art. 9. Ils demandent que les droits de cham-parts, banalités, péages, lods et ventes et tous autres droits aussi odieux soient abolis. Ceux qui en jouissent n’ont que possession pour eux, et ils ne le doivent qu’aux siècles barbares de la féodalité. Art. 10. Ils demandent qu’il ne soit pas question d’impôts, qu’au préalable toutes les demandes des Etats généraux soient consenties et enregistrées. Art. 11. Enfin ils demandent' le retour périodique des Etals généraux au moins tous les trois ans ; que les impôts ne soient consentis que jusqu’à la prochaine assemblée des Etats, c’est-à-dire pour trois ans ; que les Etats, avant de se séparer, nomment un certain nombre de personnes qui les représenteront pendant l’intervalle d’une tenue d’Etats généraux à la prochaine, et que ces députés ayant l’œil sur les ministres, leur feront rendre compte de l’argent à eux confié. Art. 12. Enfin, encore comme bons citoyens, ils offrent d’ouvrir leurs bourses, au prorata de leur fortune, afin de hâter le consolidement des dettes de l’Etat, espérant que tous les individus français quelconques, sans distinction d’ordre ni de classe, voudront bien faire de même, étant tous également sujets du Roi C’est ainsi qu’ils terminent leur cahier, et ont signé en ladite assemblée, les jour et an susdits. Signé F. Hallée; Cl. Lacroix; Ch. Houdard; Clervin père ; Castel ; Gaudard ; Lesènes ; Régnault ; Houdard ; Bernard, syndic et député. Nota. Vu la cherté des grains, ils demandent qu’on vienne au secours des malheureux. CAHIER Des doléances de la paroisse d'Epinay-les-Saint-Denis (l). Les députeront demanderont : Art. 1er. Que les aides soient supprimées à cause des horribles vexations auxquelles elles donnent lieu. Art. 2. Les députés requerront que les milices soient levées dans les campagnes autrement que dans la manière ordinaire, à cause des frais qu’elles coûtent aux parents, de la dissipation qu’elles occasionnent dans les familles et de la perte du temps. Art. 3. Les députés demanderont que les corvées soient supprimées. Art. 4. La suppression des péages. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Art. 5. La destruction du gibier et de la conservation des chasses. Art. 6. La réduction des colombiers. Art. 7. Tous les impôts réduits en un seul. Art. 8. La liberté de ne pas faire de jachères. Art. 9. L’exécution des lois sur le glanage. Art. 10. Indemnité pour les terrains pris par les grandes routes. Art. 1 1 . Police sur les domestiques et les ouvriers de la campagne. Art. 12. Police sur l’exploitation des grains. Art. 13. La suppression des privilèges exclusifs, et particulièrement celui des voitures des environs de Paris. Art. 14. La réduction de toutes mesures en une seule. Art. 15. Exécution entière des baux des ecclésiastiques et gens de mainmorte. Art. 16. La perfection des laines dans les campagnes. Art. 17. La suppression de la gabelle ou la réduction du prix immodéré du sel. Art. 18. Réduire les fermes à 300 arpents, afin que les familles se multiplient dans l’Etat. Art. 19. La réforme ou simplifier la justice, tant au civil qu’au criminel et que les plus longs procès ne durent pas plus d’un an, et que chacun soit jugé par ses pairs. Art. 20. La réforme des petites justices. Art. 21. Abolition du déshonneur des familles. Art. 22. La suppression des bureaux des finances. Signé Jacquin ; L. Pillieux ; Boüxin ; Baudouin syndic ; Hedelin ; Guyard ; Chameroy, Le-dolin fils ; Deschamps fils ; Gillet; Garnier ; Nicolas Legros ; Jean-Baptiste; Dosso ; Alinot ; Jacques-Antoine Lefèvre ; Pierre Pavard ; Guyard le jeune; Henry ; Thibout ; G. Morel ; J. Maisons; B. Legros; J. Aubry ; Louis Sinor ; Thomas Thibes ; H. Lefèvre. Le présent cahier de doléances de la paroisse d’Epinay-sur-Seine, au nombre de 22 articles, a été par nous J. -F. Rivière, notaire général du bailliage et duché-pairie d’Enghien, d’où dépend la paroisse d’Epinay et ce pour l’absence de M. le bailli d’Enghien, coté et paraphé par première et dernière, cejourd’hui, l’assemblée tenant, 13 avril 1789. Rivière. CAHIER Des doléances de la paroisse et communauté cCEr-, mont pour les Etats généraux (1). Art. 1er. Tous les fermiers généraux et leurs commis viennent tous les jours nous prendre nos marchandises, et nous faire payer des impôts injustes, et nous mettent à contribution, disant que nous faisons des fraudes et nous font payer des sommes exorbitantes qu’il nous est impossible de leur payer, et si nous n’y satisfaisons pas, ils viennent chez nous et nous mettent des gardiens chez nous, ils venden t nos meubles, jusqu’à la cendre du feu, et nous font emprisonner, et nous font aller aux galères. Nous prions que toutes ces vexations soient supprimées. Art. 2. Que toutes les chasses soient supprimées, tant pour les grandes bêtes que pour le gibier, attendu que nous nourrissons toutes ces bêtes fauves qui ravagent toutes nos campagnes, et si nous avons le malheur d’en tuer quelqu’une, nous sommes (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 518 [États gén. 1789. Cahiers.] vexés par les gardes des capitaineries et des seigneurs, qui nous mettent en prison et aux galères pour du gibier que nous nourrissons. Art. 3. Que nulle autorité n’ait le droit de faire arrêter ni emprisonner aucun citoyen, si ce n’est en vertu d’un jugement du juge compétent ou en vertu d’une ordonnance du juge de police, à la charge que le citoyen arrêté sera remis sur-le-champ à son juge compétent, interrogé dans les vingt-quatre heures et toujours remis en liberté sans délai s’il n’est pas fortement chargé d’un crime qui mérite une peine corporelle. Art. 4. Qu’aucune autorité n’ait le droit d’enlever à aucun citoyen sa propriété, même pour Futilité publique, si ce n’est en remboursant en deniers comptants. Art. 5. Qu’il n’y ait aucun impôt particulier aux roturiers et aux habitants de la campagne, mais que tous les impôts soient payés également par les trois ordres à proportion de leur bien môme, par les ecclésiastiques et par les grands seigneurs sans aucun privilège. Art. 6. Que la corvée soit supprimée et que les chemins soient faits avec le produit de la taille réelle. Art. 7. Qu’il en soit de même de la milice, et qu’elle soit supprimée. Art 8. Que les frais du logement des gens de guerre soient fournis également par tous les citoyens de quelque ordre qu’ils soient, sans aucune distinction. Art. 9. Que tous les fermiers généraux soientsup-primés ainsi que toutes les entrées de toutes les marchandises oui peuvent entrer dans tout l’intérieur de la France. Art. 10. Que le droit des aides soit supprimé. Art. 11. Que nous n’ayons pour tout impôt qu’une seule taille réelle et qu’elle soit portée sur tous les trois ordres sans aucun privilège, à proportion de leurs biens, et qu’elle soit perçue par toutes les communautés, et portée directement sans aucuns frais au trésor royal et aux coffres du Roi. Art. 12. Que la misère soit respectée; que celui qui n’a rien ne puisse être imposé, et que l’industrie soit soumise à une taxe proportionnée à son commerce. Art. 13. Qu’il ne puisse être établi aucune augmentation d’impôts sur les cultivateurs pendant la durée des baux courants, mais que toute augmentation, s’il était possible qu’on en mît quelqu’une, soit payée par le propriétaire , et que tous les péages, c’est-à-dire barrages des ponts et chaussées, soient supprimés. Art. 14. Qu’aucun impôt ne soit accordé et ne puisse être levé sur personne en France, passé le jour qui sera fixé pour l’ouverture des Etats généraux suivants. Art. 15. Qu’aucun impôt ne doit être établi ni prorogé dans toute la France, si ce n’est par le don et octroi des Etats généraux seuls. Art. 16. Que l’imposition de la taille réelle soit faite par les membres de l’assemblée municipale , en présence des habitants, sans avoir recours aux commissaires, attendu que les commissaires ne connaissent pas les paroisses comme les habitants, ce qui ne sera pas dans le cas de faire des erreurs dans les rôles, comme il s’en fait souvent. Art. 17. Que les impôts soient accordés seulement jusqu’à concurrence de ce que les Etats généraux auront jugé nécessaire pour les dépenses de l’Etat. Art. 18. Que les contrôles et insinuations soient diminués [Paris hors les mars.] Art. 19. Que les Etats généraux s’assemblent tous les deux ans au plus tard. Art. 20. Que les représentants aux Etats généraux soient librement nommés par tous les députés de toutes les communes et paroisses du royaume, sans pouvoir écarter une seule communauté ou un seul des députés qu’ils auront choisis. Art. 21. Que les lois qui auront été faites par les Etats généraux avec le Roi soient observées, et que tous ceux qui les auront violées, quels que soient leur dignité, leur rang ou leurs fonctions, soient poursuivis, condamnés et punis. Art. 22. Qu’il y ait continuellement des travaux publics où l’on reçoive tous les pauvres qui pourront travailler, et qui recevront un salaire proportionné au prix de leurs travaux. Art. 23. Qu’il y ait des secours établis partout pour la subsistance des pauvres honnêtes qui ne peuvent pas travailler. Art. 24. Qu’il soit l'ait défense de faire aucune enlevée sur les grains hors des terres de France, et que les nobles n’aient aucun droit de faire des magasins de blé, avoine et vin. Art. 25. Que la justice soit rendue gratuitement et promptement, et qu’on n’attire pas les citoyens loin de chez eux pour plaider, et surtout les habitants des campagnes. Art. 26. Que personne ne puisse être puni arbitrairement, mais qu’il y ait des peines établies précisément pour chaque crime des trois ordres sans distinction. Art. 27. Que les accusés soient traités le plus doucement qu’il sera possible, et qu’ils aient tous les moyèns de faire connaître leur innocence. Art. 28. Que les capitaineries, qui ruinent les campagnes, soient abolies, et les pigeons, et que si les nobles et autres veulent avoir du gibier, ils le tiennent dans des garennes closes de murs et non ailleurs, et que s’il en échappe dans toute l’étendue des terres, qu’il soit libre à tout citoyen de les tuer sans qu’il leur soit fait acune peine. Art. 29. Que les droits de banalité soient supprimés, surtout des fours, des moulins et des pressoirs. Art. 30. Que tout abus d’autorité des seigneurs, et toute injustice qu’ils auront commise soient punis également comme le serait tout autre citoyen. Art. 31. Que toute communauté d’habitants soit libre de s’assembler cruand elle voudra et de donner soit au Roi, soit aux Etats généraux, soit aux assemblées provinciales, des mémoires, des requêtes et des plaintes du mal qu’on lui fait, sans courir aucun risque de la part de qui que ce soit. Art. 32. Qu’il y ait toujours des assemblées provinciales, des assemblées de département et des assemblées municipales qui soient composées de membres élus librement par tous les citoyens. Art. 33. Que ces assemblées soient seules chargées de. toutes les choses qui regardent les chemins, les pauvres et les biens publics, l’assiette et la levée de la taille, sans qu’aucuns autres que ceux qu’elles auront choisi pour cela puissent en être chargés. Art. 34. Qu’on établisse une forme de procéder simple et prompte pour tout ce qui concerne les bornages, les entreprises et anticipations sur les voisins, les dégâts dans les bois, sur les arbres, et les récoltes, les pâturages des troupeaux et sur toutes les autres contestations qui peuvent s’élever journellement. Art. 35. Qu’eu attendant qu’on remplace l’amortissement de la dîme, il soit fait des lois si claires, que d’un côté les curés, qui sont les pères des ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mors.] 5�9 habitants, aient une honnête subsistance pour tout salaire, et que l’on retire à ceux qui en ont trop pour remettre à ceux qui n’en ont pas assez, et qu’ils soient obligés d’administrer les sacrements gratis, aux grands comme aux petits, sans aucune distinction et sans rien exiger, comme baptêmes, mariages et sépultures, et que tous les archevêques et évêques délivreront, tant aux nobles, qu’aux citoyens, les dispenses de parenté, de bans gratis, et que tous les ecclésiastiques ne s’occupent qu’à leur ministère seul, qui est le spirituel et non le temporel. Art. 36. Que la police dans chaque village soit faite par une personne qui sera nommée par l’assemblée municipale. Art. 37. Que le parchemin et papier timbré soient diminué de prix. Art. 38. Que les grandes abbayes tant pçur les hommes que pour les femmes soient abolies, et que tous leurs biens et revenus soient au profit de Sa Majesté. Art. 39. Le principal abus delà bonne foi du public est que plusieurs membres des trois ordres, par une permission de Sa Majesté ou de ses ministres, obtiennent une lettre qui empêche leurs créanciers de leur faire aucune poursuite. Cet abus fait un gros tort aux finances de l’Etat. Coté et paraphé ne varietur par nous, P. -F. Camus, ci-dessus nommé et qualifié, au désir du procès-verbal par nous dressé ce jourd’hui 14 avril 1789, représentant M. Desforges, bailli du bailliage et duché-pairie d’Enghien. Signé Camus; J. Devau; L.-P. Levêque; J. Daniel; M. Derondel; L. Dubau; Denis Foy; Chaulieu; J. Derondelle; J. Mignau; J.-N. Beaulieu; Trudenne, P.-C. Voisin; J.-B. Blanchet; A Beaulieu ; J. Caron; J. Mauchin; J. Hune; J.-Jacques Derondel; Thevenot; J. -F. Derondel ; J.-L. Daniel; J. Daniel ; M.-J. Lefebvre-Foy, substitut du procureur fiscal général du bailliage d’Enghien ; L. Levêque ; Barthélemy Gosses; R. Aubin; J. Combas; Duchesne, syndic ; Jacquin. CAHIER De la paroisse d'Essonnes, près Corbeil , département de ladite ville (1). ADMINISTRATION PROVINCIALE De Vile de France pour les Etats généraux de 1789. IDÉES GÉNÉRALES SUR LES PERSONNES ET SUR LES BIENS EN FRANCE. Soyons justes envers les autres, afin qu’ils le soient envers nous. (Chap. V, S 8. Du clergé.) PLAN DE CE TRAITÉ. Il sert de base à cette requête. Les hommes sont égaux par la nature, ils doivent l’être aux yeux de la loi. Mais l’intérêt général a dû admettre des distinctions entre les personnes. Ainsi les hommes, quoique égaux entre eux par la nature et aux yeux de la loi, doivent tenir différents rangs dans l’ordre public. Quant aux fortunes, comme elles proviennent ainsi que leur inégalité de différentes circonstances, aussi ne doivent-elles pas être des moyens de distinction. Toutes les inégalités des rangs et des fortunes se trouvent compensées par la dépendance mu-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. tuelle où sont tous les hommes les uns envers les autres. Ainsi tout revient au premier système d’égalité naturelle; cette dépendance mutuelle est prise dans le système de la nature. Elle est l’origine des sociétés. Elle est la base de l’ordre public. Le but de cet ouvrage est d’établir la justice de la contribution aux charges publiques par tous les biens de quelque nature qu’ils soient, les distinctions ne devant être que pour les personnes. Ainsi tous les biens sont égaux entre eux par rapport aux charges publiques, parce qu’ils sont tous sous la protection de l’Etat. DIVISION DE GE TRAITÉ. CHAPITRE PREMIER. Des hommes en général et de leur réunion en société. CHAPITRE II. Du gouvernement en France. CHAPITRE III. Des personnes qui composent un Etat. Première division des personnes. CHAPITRE IV. De la formation de la loi ou des Etats généraux. CHAPITRE V. Seconde division des personnes. §1. Du clergé séculier. § 2. Des curés et vicaires de campagne. § 3. Des ordres religieux. CHAPITRE VI. Troisième division des personnes. De la noblesse en général. § 1er De la noblesse militaire. § 2. De la noblesse de magistrature. CHAPITRE VII. Quatrième division des personnes. Des privilégiés. CHAPITRE VIII. Du tiers-état. CHAPITRE IX. Des biens en général considérés par rapport aux charges publiques. CHAPITRE X. De l’administration de la justice. § 1er. Des parlements comme tribunaux de justice. § 2. Des tribunaux simples. CHAPITRE XI. De l’ordre public. Résumé générai des vœux énoncés à chacun des articles de ce traité pour la réforme générale et particulière et sur autres objets. Au Roi et à nos seigneurs des Etats assemblés. Sire, Nous apportons aux pieds de votre trône et nos hommages et nos vœux. Nous osons vous manifester nos vœux par cette très-humble supplique avec d’autant plus de confiance que votre bonté nous y a autorisés. Votre cœur appelle tous vos sujets fidèles pour concourir au bien de l’Etat, de manière (ce sont