322 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES» semblée du conseil général de la commune, convoqué dans le délai de huit jours, où seront appelés, au besoin, les régisseurs ou fermiers pour y être consultés seulement. Art 6. Cette estimation sera visée, par les directoires de district et de département, dans l’arrondissement dans lequel seront situées les dîmes. Art. 7. Les biens nationaux , au payement desquels auront été admis, pour moitié, les baux, contrats d’acquisition ou estimation des dîmes inféodées, conformément aux articles ci-dessus, demeureront affectés par privilège spécial au payement du prix de l’adjudication jusqu’à la liquidation définitive, sans que cette hypothèque puisse être purgée par aucune espèce de formalité, ni laps de temps. Art. 8. Pour plus grande sûreté, ceux des propriétaires de dîmes inféodées, qui voudront donner en payement d’acquisition de biens nationaux la valeur de leurs dîmes, sur une estimation provisoire, suivant l’article 4, seront tenus de donner caution, qui sera reçue par le directoire du district, de fournir et faire valoir la somme pour laquelle la valeur desdites dîmes aura été comptée dans l’acquisition. Art. 9. Ceux qui auront fait liquider définitivement leurs dîmes pourront en donner la valeur entière en payement des domaines nationaux qu’ils acquerront, comme les autres créanciers de l’Etat, auxquels cette faculté a été accordée. Art. 10. Pour faciliter la liquidation définitive, ceux dont la dîme se percevrait sur un territoire circonscrit, qui ne rapporteraient pas des baux aux termes de l’article 5 de la loi du 5 novembre dernier, seront censés avoir satisfait à l’article 7 de la même loi, en donnant un état du territoire, contenant : 1° les limites ; 2° une désignation des terres en friche, et de celles qui ne produisent pas des fruits décimables dans le canton ; 3° un dénombrement des terres possédées par le propriétaire de la dîme qui en réclame l’indemnité. Art. 11. En donnant cet état, ou celui prescrit par l’article 5 de la loi susdite, les propriétaires de la dîme pourront, d’après l’évaluation qu’ils auront motivée, demander une somme fixe pour leur indemnité. Sur leur demande et ensuite des observations de la municipalité, le directoire de département, en prenant l’avis de celui du district, pourra leur faire une offre. En cas de contestation sur l’offre, il sera procédé à une estimation par experts, conformement à l’article 9 de la loi du 5 novembre dernier, aux frais de relui qui succombera, lesquels frais seront, en tout cas, alloués au directoire du district, dans la dépense de son compte. Art. 12. Dans le cas où les propriétaires, en donnant l’un des états dont il vient d’être parlé, ne formeraient pas une demande d’une somme fixe pour leur indemnité, il sera procédé à l’estimation prescrite par l’article 9 de la loi du 5 novembre dernier ; et les frais en seront supportés, par moitié, entre les propriétaires et le directoire du district qui portera la sienne dans la dépense de son compte. Art. 13. Les propriétaires des dîmes inféodées, qui, sur leurs autres propriétés, seraient grevés de renies ou redevances quelconques envers le domaine, ou autres biens nationaux, pourront s’en affranchir en compensant le capital avec la totalité ou partie du prix de l’indemnité qui leur sera due pour la valeur de leurs dîmes. La discussion est ouverte sur l’article premier. [18 janvier 1791.] Un membre demande que les précautions indi quées dans le projet de décret pour connaître les héritages ci-devant assujettis aux dîmes inféodées ne s’étendent pas aux dîmeries de cette nature, qui se trouvent tellement circonscrites, qu’il ne peut point y avoir d’erreur sur leur contenance. Un autre membre demande que les dispositions de ce décret, relatives à la facilité de donner, en payement des biens nationaux, la moitié de la valeur de l’évaluation de ces dîmes, s’appliquent à tous les autres droits supprimés avec indemnité. M. Chasset demande le renvoi du projet de décret, et des propositions auxquelles il a donné lieu, au comité des domaines. M. de Yismes observe qu’en renvoyaat à ce comité le projet de décret, il est un objet relatif au taux du remboursement des dîmes inféodées, possédées à titre d’engagement, sur lequel il est instant que l’Assemblée veuille bien statuer ; il demande que ces dîmes ne puissent être remboursées que sur le pied de la finance d’engagement, et que toutes les demandes en liquidation d’indemnité, pour suppression de dîmes inféodées, soient communiquées par les corps administratifs à l’administration des domaines. M le Président. Je mets aux voix le renvoi du projet de decret, et des propositions auxquelles ii a donné lieu, au comité des domaines. (L'Assemblée, consultée, ordonne ce renvoi et charge son comité des domaines de lui faire son rapport d’ici au 15 février.) La discussion est ouverte sur la motion relative au taux du remboursement des dîmes inféodées. Un membre propose, par amendement, d’avoir égard, lors de ce remboursement, à la différence de la valeur intrinsèque des espèces d’or ou d’argent, à l’époque du payement de la finance d’engagement, d’avec celle qu’elles ont aujourd’hui. La question préalable est demandée sur cet amendement. L’Assemblée nationale décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer et adopte, comme suit, la motion de M. de Vismes : « Les possesseurs des dîmes inféodées, à titre d’engagement, ne pourront être indemnisés et remboursés que sur le pied de la finance d’engagement ; et à l’effet de distinguer si les possesseurs de dîmes inféodées sont propriétaires in-commutables ou engagistes, toutes les demandes en liquidation d’indemnité pour suppression de dîmes inféodées seront communiquées, par les corps administratifs, à l’administration des domaines, pour avoir sou avis. » Un membre propose un article additionnel tendant à fixer le délai dans lequel les administrateurs seront tenus de donner leur avis et à les autoriser à se faire représenter, par tous dépositaires publics, les titres et pièces qui peuvent être relatifs à la propriété de ces dîmes. Cet article additionnel est décrété comme suit : « L’Assemblée nationale décrète que les membres de l’administration des domaines seront tenus de s’expliquer, au plus tard, dans le délai de deux mois, sur ces demandes; que leur avis sera visé dans l’arrêté de liquidation des corps administratifs, et que les greffiers des chambres [18 janvier 1791-J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 323 des comptes et tous autres dépositaires publics seront lenus de leur communiquer, à toute réquisition, les pièces et renseignements relatifs à la propriété des dîmes inféodées qui seraient en leur pouvoir. (La séance est levée à neuf heures et demie.) veau, je me permettrai encore des observations de détail sur plusieurs articles qui me paraissent contraires à vos principes ou à l’utilité des justiciables. Sur la compétence du juge de paix. Erratum. — « M. Defcrmon. J’ajoute, « Messieurs, que cette pièce n’a pas été si ôt « connue des membres du département d’Ule-et-« Vilaine, qu’ils se sont empressés de la dénon-« cer au tribunal de district; et je suis convaincu « qu’il prendra toutes les mesures pour punir les « auteurs et la distribution de pareilles pièces. « Mais comme il est extrêmement intéressant « que le peuple ne soit pas trompé par de pareil-« les distributions et que le moyen défaire recon-« naître et d'annoncer à la France, etc... » ( Voir même séance page 316, 2e colonne, 6e alinéa.) ANNEXE A LA SÉANCE UE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 18 JANVIER 1791. Nota. — M. Pezous, député de Castres , fit imprimer et distribuer une Opinion sur le pouvoir judiciaire (1) ; celte pièce faisant partie des documents parlementaires de l’Assemblée nationale, nous l’annexons à la séance de ce jour. Messieurs (2), en applaudissant avec l’Assemblée aux principes d’humanité et de liberté, sur lesquels repose le plan qui nous a été soumis par le comité de Constitution du 23 décembre 1789, je crois néanmoins que, dans l’exécution, il y a des changements considérables à faire. Je ne saurais reconnaître l’utilité, ni des tribunaux de département, ni de la Cour suprême de révision ; et dès lors la compétence doit être différemment mesurée. Selon mon opinion, les causes devraient être partagées en trois classes , à raison de la valeur de l'objet : 1° Causes de 100 Jivres et au-dessous ; 2° causes de 2,000 livres et au-dessous; 3° causes excédant 2,000 livres ou dont l’objet est inestimable, comme celles qui tiennent à l’honneur, à la vie des citoyens, ou aux qualités d’époux, père et enfant. Je serais d’avis que les causes de 100 livres et au-dessous commençassent et finissent devant le juge de paix de chaque canton, assisté de ses prud’hommes : que les causes de 200 livres et au-dessous fussent portées en première instance devant le juge de paix, et en dernier ressort au tribunal du district ; et que les causes excédant 2,000 livres ou d’un objet illimité, portées d’abord devant le tribunal du district, ressortissent immédiatement à la Cour supérieure. Je serais d’avis enfin que les fonctions ae la cassation ou revi-vision des jugements fussent attribués à des cours supérieures, voisines de celles qui auraient jugé. Après vous avoir développé cet ensemble nou-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) A la mi-janvier, j’ai été inscrit pour parler sur le rapport fait par le comité de Constitution. Mais, comme la liste de ceux qui me précèdent est fort nombreuse, et que d’ailleurs j’ai l’organe très faible, je fais imprimer mon opinion. L’établissement d’un juge de paix dans chaque canton est un moyen heureux de remédier à la bizarrerie des anciennes divisions de juridiction. Un juge nommé par le peuple, résidant dans le canton, attaché à des fonctions assidues et honorées; devant qui la procédure sera très sommaire et très économique, remplacera plusieurs juges nommés par le roi ou par les seigneurs résidant rarement, sans cesse livrés à d’autres occupations, et distribuant la justice avec lenteur, avec des formalités tortueuses et une grande dépense. Mais il me paraît, Messieurs, que votre comité a trop borné les effets d’une institution aussi utile. Il a très bien discerné les matières sommaires par leur nature ; mais il y a d’autres demandes sommaires par ia valeur de l'objet contesté. Car, eD dernière analyse, la valeur de la chose est la règle la plus générale de son importance. L’ordonnance de 1667 appelle sommaires un grand nombre de matières, pourvu que l’objet n’excède pas 1 ,000 livres. Au Châtelet de Paris, le lieutenant civil est seul juge de ces sortes de causes. 11 me paraît qu’aujourd’hui les causes sommaires peuvent être appréciées plus haut, soit par l’augmentation du numéraire, soit principalement pour l’utilité des justiciables. Répu-te% causes sommaires toutes celles dont l'objet n excède pas 2,000 livres; assurément de pareilles causes doivent être traitées, non avec légèreté, car aucune ne doit l’être ainsi, mais avec brièveté et économie : ces causes intéressent la classe la moins aisée du peuple, pour laquelle les longueurs et les frais deviennent un déni de justice. Dans le plan du comité, ces causes doivent être portées successivement au district et au département, c’est-à-dire subir deux instances réglées avec toutes les formalités des plus grandes affaires. Ce ne serait point simplifier et rapprocher la justice, puisqu’aujourd’hui ces causes, jugées d’abord dans la ville ou le village qui les a vues naître, finissent devant le présidial. Votre comité substitue au juge local le tribunal du district : il substitue au présidial le tribunal de département. Or, ces deux changements éloignent les justiciables de leur domicile. La sentence du juge de paix, rendue de ia manière prescrite par votre comité, pourrait être réformée par le tribunal du district, après une instance d’appel régulièrement instruite. Les juges de paix feraient ainsi les fonctions d’avocats consultés et d 'arbitres, décidant sur les mémoires et sur les discours des parties. Il me paraît encore que le dernier ressort du juge de paix pourrait s’étendre jusqu'à 100 livres. Soyez persuadés, Messieurs, qu’il vaudrait mieux pour le laboureur qui demande 100 livres, les perdre devant le juge de paix, que les gagner après une instance suivie au district. Les faux frais, la perte de son temps, l’abandon de ses productions équivaudront à plus de 100 livres. Gomme nos esprits ne sont pas encore accoutumés à une distribution si simple de la justice, bien des personnes objecteront que la fixation de la compétence du juge de paix jusqu’à 2,000 livres est excessive. Mais je les prie de considérer