359 (Assamblée nationale.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juin 1791.1 tre de l’intérieur expédiera à l’instant des courriers dans tous les départements avec ordre à tous les fonctionnaires publics, gardes nationales et troupes de ligne, d’arrêter ou faire arrêter toute personne quelconque sortant du royaume, comme aussi d’empêcher toute sortie d’effets, armes, munitions, espèces d’or ou d’argent, chevaux et voitures. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angêly). Sur ma rédaction que je viens d’avoir l’honneur de vous lire, une réflexion se présente que je crois devoir vous communiquer, parce qu’elle est très importante. Nous disions : « arrêter ou faire arrêter toute personne sortant du royaume » ; or, ces courriers peuvent joindre sur leur route ceux que vous avez le plus grand intérêt à ne pas laisser sortir du royaume et alors la rédaction du décret paraîtrait peut-être présenter une équivoque, et nous n'en devons point laisser. Je crois qu’il faudrait ajouter une disposition particulière pour arrêter en quelques lieux qu’ils soient tous les individus attachés à la famille royale. M. Canins. Je suis de votre avis; il n’y a que le mot arrêter qui me fait peine. Je crois que dans la position où nous sommes, nous devons agir avec autant de sang-froid que de courage. (Murmures.) M. le Président. Nous ne devons pas regretter un instant donné à la rédaction, lorsqu’il peut ajouter une disposition nécessaire; mais nous devons regretter tout moment de tumulte qui nous fait perdre un temps précieux. Je supplie l’Assemblée de se tenir à l’ordre. M. Camus. Il n’y aura pas de tumulte dans l’Assemblée; nous nous rappellerons tout le sang-froid que nous avons eu le 23 juin 1789 : la patrie fut sauvée alors; elle le sera encore aujourd’hui. Toutes les craintes extérieures, tous les mouvements ne nous atteindront pas : tout cela est infiniment au-dessous de nous. Je reviens à mon observation et je désirerais que l’on employât un autre mot que celui d’arrêter. Il ne faut pas que des malveillants puissent dire que l’Assemblée nationale a donné ordre d’arrêter le roi. Je demande donc qu’il soit dit que les fonctionnaires publics, gardes nationales et troupes de ligne, soient tenus de prendre les mesures les plus promptes pour empêcher le roi et les membres de la famille royale de continuer leur route et pour les faire revenir dans leur séjour ordinaire. (Marques d'assentiment.) M. le Président. Voici la rédaction proposée : « L’Assemblée nationale décrète : « Que le ministre de l’intérieur expédiera à l’instant des courriers dans tous les départements, avec ordre à tous les fonctionnaires publics, gardes nationales et troupes de ligne, d’arrêter ou faire arrêter toutes personnes quelconques sortant du royaume, comme aussi d’empêcher toute sortie "d’effets, armes, munitions, espèces d’or ou d’argent, chevaux et voitures; et que dans le cas où lesdits courriers joindraient quelques individus de la famille royales, et ceux qui auraient pu concourir à leur enlèvement, lesdits fonctionnaires publics ou gardes nationales et troupes de ligne seront tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour arrêter les suites dudit enlèvement , en empê chant que la route soit continuée, et de rendre compte du tout à l’Assemblée nationale. » (Ce décret est mis aux voix et adopté à l’unanimité.) M. Vernier. La ressource de la nation repose actuellement dans le courage de l’Assemblée nationale, dans la fermeté et l’héroïsme de la nation ; mais il faut que cette nation, que ce peuple vraiment disposé à suivre vos décrets, puisse opposer une résistance formidable, pour que chaque pas doive coûter une victoire à nos ennemis. Pour cela, vous n’avez pas d’autres moyens à prendre que d’armer le peuple, et je ne vois pas que les précautions que vous prenez tendent encore à cet objet. Ces prétendues troupes de ligne, dont on effraye ceux qui ont une fausse idée des choses, ont tous les avantages de probabilité dans une longue guerre, dans une longue attaque ; mais quand il s’agit d’une défense prompte, quand il s’agit d’opposer l’héroïsme national, tout, citoyen devient soldat; alors il suffit de lui mettre entre les mains une arme quelconque, une arme qui, après le premier feu, rende ses forces égales à celles de toutes les troupes disciplinées. Or, Messieurs, il est un moyen très simple de mettre les citoyens en état de défense. Ainsi je demande que les mémos courriers qui vont porter vos ordres dans les départements en donnent aussi à toutes les manufactures pour travailler sans relâche à la fabrication de lances destinées à armer le peuple dans tout leur ressort. (Murmures. — Cela ne vaut rien!) Vous n’avez pas, Messieurs, un nombre suffisant d’armes à feu dans vos magasins; les provinces les mieux disposées, la Franche-Comté, par exemple, en réclament depuis longtemps. Après le premier choc, les forces deviendront égales; je deman le donc que vous preniez en considération cequejeviens de dire. M. Cottin. Il arrive des personnes du jPont-Royal qui veulent entrer ici. M. Camus. D’après ce que je viens d’apprendre, je crois, Messieurs, que l’on doit d’abord veiller à ce que la salle de l’Assemblée nationale soit exactement gar iée, pour que nous puissions délibérer avec tranquillité. C’est pourquoi je demande que l’Assemblée nationale ordonne aux chefs de l’administration et de la force publique d’employer une garde suffisante pour empêcher aucune autre personne que les députés de pénétrer dans la salle. (Applaudissements.) (L’Assemblée adopte cette proposition.) M. Babey. Je demande qu’on envoie des commissaires auprès des ministres, pour s’assurer que tous les ordres qui leur seront intimés par l’Assemblée soient littéralement exécutés. (Cette motion est rejetée par la question préalable.) M. Ce Chapelier. Je propose que l’Assemblée ordonne aux administrateurs du département de Paris et aux officiers municipaux, d’instruire les citoyens, par une proclamation publiée dans tous les carrefours, que l’Assemblée nationale s’est déjà occupée et va s’occuper avec la plus grande activité... Un membre : ... et sans interruption de séance. 360 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. Ae Chapelier... et sans interruption de séance, des moyens propres à assurer l’ordre général de l’Empire et de faire que le départ du roi ne cause aucune espère de désordre; et qu’il recommande à tous les citoyens de ne commettre aucune violence, parce que le salut de l’Empire est intéressé dans ce moment au maintien de l’ordre public. (Cette motion est décrétée à l’unanimité.) M. Camus. La troisième mesure consiste à mander les ministres : je la crois indispensable. 11 faut entendre de leur bouche le récit des faits qui sont à leur connaissance, il faut leur donner des ordres, car il y en a nécessairement à leur donner dans un moment tel que celui-ci. Le Trésor public n’est pas un objet à négliger. Il faut savoir aussi si le ministre des affaires étrangères a ou nou quelques renseignements. En un mot, je crois qu’il est très important de les entendre, de les interroger et de leur donner des ordres, parce que c’est vous certainement que cela regarde aujourd’hui. Ensuite, je pense qu’il serait intéressant de prendre quelques précautions relativement au château des Tuileries. Il faut empêcher, ou qu’il ne soit pillé, ou que Ton ne continue à enlever ce qui y est encore. Je demande donc que Ton décrète que les ministres seront sur-le-champ avertis de se rendre à la barre de l’Assemblée nationale; que le département et la municipalité seront tenus de nommer des commissaires pour se rendre également à la barre; que le commandant de la garde nationale sera également averti de s’y rendre ; et que, dès à présent, sans attendre les ordres du commandant, on donne des ordres suffisants, au nom de l’Assemblée, pour mettre le château des Tuileries à l’abri, afin qu’il ne s’y fasse aucun pillage, et qu’il n’y arrive aucun accident. M. Charles de Came&h. Les propositions qui ont pour objet la sûreté publique se succèdent avec une telle rapidité, qu’il faudra que l’Assemblée, une fois qu’elle les aura accueillies, donne un peu de temps et de méthode à les rédiger. Mais je pense qu’il est de la plus haute importance que, sans perdre un moment, le ministre de la guerre ordonne à M. de Rocharn-beau, qui est général de l’armée de la frontière de Flandre, de se rendre à la tête de son armée : car, c’est de toutes les provinces, celle par laquelle il est plus probable que le roi aura été enlevé. Je demande donc premièrement que ce général, sur lequel il a paru qu’on avait très grande raison de compter, qui, d’ailleurs, est expérimenté dans l’art de la guerre, soit envoyé sur-le-champ à son commandement. (Bruit.) Cette mesure, sans doute, est du ressort du pouvoir exécutif; mais nous sommes obligés ici de cumuler les fonctions du pouvoir législatif et du prévoir exécutif. Il est donc nécessaire que nous donnions aux ministres les ordres indispensables et que nous calculions les mesures à prendre. Je demande donc que vous chargiez le ministre de la guerre d’ordonner à M. de Rocham-beau... Un membre : À tous les commandants. M. Charles de Lameth... de se rendre sur-le-champ sur les frontières des départements dans lesquels le commandement des troupes de ligue [21 juin 1791.] lui est confié, et de les mettre en état de défense. M. le Président. Vous avez entendu la proposition de M. de Lameth ; elle n’est pas contestée, je la mets aux voix. M. Ce Chapelier. J’y ferai une addition. Messieurs, je crois que l’Assemblée n’est point propre pour prendre ainsi des mesures, et qu’il voudrait infiniment mieux qu’elle nommât des commissaires pour lui en présenter. (Murmures.) M. Camus. J’insiste pour que tous les ministres soient mandés à la barre. M. d’André. Je demande que vous mettiez aux voix les motions qui ne sont point combattues : car d’articles additionnels en articles additionnels, nous irions jusqu’à midi. Veuillez donc bien, Monsieur le Président, mettre aux voix la motion de M. de Lameth. (La motion de M. de Lameth est mise aux voix et adoptée.) M. le Président. J’annonce à l’Assemblée que les ministres vont arriver. M. Delavigne. Je crois qu’il faudrait aussi que l’Assemblée donnât à l’instant des ordres pour que la plus grosse artillerie de Paris tire de 10 minutes en 10 minutes un coup de canon en signe d’alarme et qu’on fasse tirer de distance en distance un même coup de canon, afin que l’on soit instruit de proche en proche de l’événement qui vient d’arriver. ( Applaudissements .) M. liegnaud (de Saint-Jean-d'Angêly). J’ai l’honneur d’annoncer que le commandant général a déjà donné ses ordres pour les précautions dont on vient de parier. Plusieurs membres parlent dans le bruit. M. le Président. Du calme, du calme, Messieurs. M. Martineau. Je crois qu’il est essentiel de prendre toutes les mesures propres à maintenir le calme et le bon ordre dans le royaume. Mais en même temps je crois qu’il n’y aurait rien de plus dangereux qne d’adopter la motion qui vient d’être faite. Ce serait porter l’alarme, l’inquiétude dans toutes les parties du royaume (Murmures.), sans que Ton sache ce dont il s’agit; les coups de canon n’appren iront pas quelle est la cause de l’alarme, et on fera peut-être tout le contraire de ce qu’il faut faire. Des courriers valent mieux que des canons. M. Goupil-Préfelu. Les coups de canon annonceront que le pouvoir exécutif retourne forcément à sa source. (L’Assemblée devient bruyante.) M. Merlin. Il est incroyable que, dans un moment de crise tel que celui-ci, nous ne nous rappelions pas le douloureux silence que nous avons gardé, il y a deux ans, en pareille circonstance. Ce n’est, Messieurs, qu’en imitant cette même conduite que nous pourrons rétablir le calme et prévenir le malheur dont nous sommes menacés. M. Chabroud. Monsieur le Président, rappe-