•te ' y ARCHIVES PARLEMENTAIRES RÈGNE DE LOUIS XVI ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VERNIER. Séance du dimanche 28 août 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. "Victor de Broglie, ex-président, ouvre la séance. R1. Humbert, député extraordinaire de la garde nationale de la ville de Clermont-en-Argonne , département de la Meuse, est admis à la barre et s'exprime ainsi : « Représentants de la nation française, a « Les sieurs Carré et Bedu, nos chefs ou plu-rtôt nos premiers camarades, viennent de remettre entre nos mains les récompenses pécuniaires que vous leur avez décernées. « Touchés de Jeur noble désintéressement et F5 animés des mêmes principes, nous n’avons pas r> cru pouvoir accepter leurs offres généreuses-, nous pensions comme eux que la récompense d’une action utile à la patrie est dans cette action - même; comme eux nous refusons toutes distinctions qui sembleraient nous isoler de nos frères d’armes de l’Empire français et surtout de ceux qui, plus voisins de nous, ont réuni leurs efforts aux nôtres et bravé les mêmes dangers. « Enfants de la patrie, prêts à verser notre sang pour elle, nous venons lui en renouveler le serment et déposer dans le sein de cette auguste enceinte tous les sentiments de reconnaissance et d’admiration dont nous sommes pénétrés pour la Constitution qui va faire le bonheur de tous les Français. (. Applaudissements .) « Signé : Les gardes nationales de Clermont. » M. Gossin. Messieurs, je demande à l’Assemblée la permission de lui lire le procès-verbal de la garde nationale de Clermont. ( Oui ! oui !) » Ce jourd’hui 24 août 1791, la garde nationale de Clermont, assemblée et réunie par ordre des (l) Cette séance est incomplète au Moniteur. 4re Série. T. XXX. officiers, après avoir entendu le commandant et le major, qui lui ont annoncé que l’Assemblée nationale avait jugé à propos de leur décerner des récompenses pécuniaires au sujet de l’arrestation des dragons qui, trompés par leur chef, auraient favorisé l’évasion du roi, « Les deux chefs de la garde nationale ont pensé que ces récompenses ne leur étaient nullement applicables personnellement, et ils ont reconnu que la garde nationale qu’ils commandent avait montré le même zèle, la même ardeur et le même patriotisme que leurs frères d’armes qui les avoisinent, et même les plus éloignés, en ont autant manifesté, puisqu’au premier avertissement, ils ont volé à Jeur secours; que par conséquent ils n’entendaient point recevoir ni s'attribuer les gratifications qui leur étaient adressées, et qu’ils la priaient de les accepter. « Ladite garde nationale, considérant que, dans la circonstance où elle s’est trouvée lors de l’évasion du roi, elle n’a fait que ce que le patriotisme dont elle est animée lui a inspiré, et que ce que tous bons citoyens eussent fait en pareil cas, a arrêté et décidé qu’elle ne pouvait ni ne devait accepter l’offre généreuse de leurs chefs, dont elle admire le désintéressement. Elle reconnaît que la véritable récompense d’une bonne action existe dans l’action même. Toute récompense pécuniaire la flétrit et même l’anéantit. Elle ajoute qu’elle n’ambitionne et ne veut rien de plus que l’estime de ses concitoyens; que c’est en cela seul qu’elle fait consister la véritable récompense. « Elle proteste aussi qu’elle est et sera toujours prête à verser son sang pour le maintien de la Constitution, pour le repos et la tranquillité publique, à tourner les armes qui sont entre ses mains contre les ennemis du dehors et du dedans, sans que jamais elle entende asservir son patriotisme en acceptant aucune rétribulion, et qu’en conséquence il sera fait une adresse à l’Assemblée nationale pour lui exprimer ses sentiments de reconnaissance et l’entier dévouement à l’exécution de ses décrets. « Il a été à l’instant arrêté que, pour présenter l’adresse dont il est fait mention à-l’Assemblée nationale, il serait choisi un député dans le sein de ladite garde nationale; en conséquence, on a procédé à la nomination dudit député et, d’une 1 o o 2 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PA! voix unanime, on a proclamé le sieur Nicolas Humbert, et toute la garde nationale a signé. » Messieurs, la délicatesse que viennent de déployer les gardes nationales du district de Clermont est l’effet naturel du civisme qui anime les habitants du département de la Meuse. Le civisme est à lui-même la plus belle, la plus précieuse récompense; mais, Messieurs, vous avez cru devoir en ajouter une autre et la munificence nationale accordée ne peut pas s’être signalée vainement. Je demande donc que l’Assemblée nationale décrète que, sur la somme de 12,000 livres accordée aux citoyens de Clermont, il soit fait acquisition de l’emplacement où le directoire du district tient ses séances et le surplus employé en ateliers de charité qui seront déterminés par le directoire du département; qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de la générosité des sieurs Beduet Carré et de la garde nationale de Clermont; et que leur adresse et le procès-verbal dont il a été donné lecture seront imprimés et insérés dans le procès-verbal de l’Assemblée. Un député extraordinaire de la garde nationale de Varennes est admis à la barre et s'exprime ainsi : « Messieurs, « La garde nationale de Varennes vient d’apprendre que l’Assemblée nationale avait bien voulu lui accorder, pour témoignage honorable de sa satisfaction, des fusils, des sabres, des drapeaux, des canons. « Pénétrée de reconnaissance pour un tel bienfait, elle nous a chargés de venir jurer de nouveau dans vos mains de n’employer ces armes que pour la défense de la patrie, et pour assurer le succès de vos travaux. « La garde nationale de Varennes a appris en même temps que vous aviez bien voulu, Messieurs, destiner à quelques-uns des individus qui la composent, des récompenses pécuniaires. Cette partie de votre décret, nous ne craignons pas de vous le dire, a affligé des citoyens qui avaient trouvé dans le succès de leurs efforts une récompense que des Français devenus libres ne sauraient trop apprécier. Nous vous supplions, Messieurs, de considérer que la mission qui nous a été donnée auprès de vous n’a point pour objet de faire parade d’une vaine générosité. <« S’il était possible que l’Assemblée nationale doutât de la sincérité du désintéressement des citoyens de Varennes, nous lui dirions, comme nous sommes autorisés à le lui dire, que des récompenses pécuniaires ne peuvent que tromper les vues qu’elle s’est proposées, et que la tranquillité publique serait étrangement compromise dans nos murs si l’Assemblée nationale n’approuvait notre délicatesse, en retirant ces gratifications qui, en même temps qu’elles troubleraient la paix et l’harmonie chez nous, pourront d’ailleurs être employées plùs efficacement aux besoins de l’Etat. « Nous vous en conjurons, Messieurs, laissez-nous jouir délicieusement des marques de votre estime, de votre approbaiion et de vos bienfaits; mais souffrez que les récompenses pécuniaires ne troublent pas cette jouissance. Nous le répétons, la paix et la tranquillité ne peuvent exister à Varennes qu’en reprenant, de la part de l’Assemblée nationale, des dons qui affligeraient notre délicatesse, et donneraient d’ailleurs un jEMENTAIRES. [28 août 1991.] prétexte très plausible à nos ennemis de nous décrier dans l’opinion publique. » M. le Président, répondant aux deux Députés r « Messieurs, « L’Assemblée nationale voit avec satisfaction, mais sans surprise, les preuves que vous lui donnez du plus généreux désintéressement. La patrie entière vous avait décerné avant nous, par son estime et sa reconnaissance, le véritable prix des sentiments que vous avez manifestés. « En venant réclamer, comme une faveur, de n’obtenir, pour une action aussi honorable, que des récompenses purement honorifiques, vous retracez à nos yeux ce que les vertus antiques ont offert de plus noble et de plus généreux. Vous apprenez à la nation jusqu’à quel point elle est déjà régénérée ; vou3 acquérez de nouveaux droits à la reconnaissance de la patrie. « Et vous, Monsieur, qui avez été chargé par la garde nationale de Clermont d’une mission aussi honorable, rapportez à vos concitoyens le témoignage de l’estime des représentants de la nation* et dites à MM. Carré et Bedu que leurs noms et leurs actions seront consacrés par la gratitude de la patrie dans les fastes de notre Révolution. « L’Assemblée nationale prendra votre demande en considération, et vous invite à assister à sa séance. » '( Applaudissements .) M. Veillard. Je demande l’impression du discours et de la réponse de M. le Président. Quant à la proposition faite tout à l’heure par M, Gossin, je demande que, dans le cas où vous ne la décréteriez pas aujourd’hui, elle soit renvoyée au comité des rapports pour l’examiner et en rendre compte incessamment. (L’A'Semblée, consultée, ordonne l’impression des pétitions et adresses des gardes nationales de Clermont et de Varennes et de la réponse du Président; elle ordonne en outre le renvoi aü comité des rapports et ces adresses ainsi que de la motion de M. Gossin relative à l’emploi des fonds alloués à la ville de Clermont, pour en être fait incessamment le rapport.) M. Victor de Broglie, ex-président. M, Vernier ayant réuni la majorité des voix pour la présidence, je lui cède le fauteuil. M. Vernier, président , prend place au fauteuil. Un membre demande qu’il soit adjoint 12 nouveaux commissaires au comité des rapports. (Gette motion est décrétée). M. le Président. Voici une lettre de M. Nai - rac : « Monsieur le Président, « La mort vient de m’enlever mon frère, mon associé, qui avait toute ma fortune dans ses mains. « Ce cruel événement me force de partir pour Bordeaux ; je vous prie de demander pour moi un congé à l’Assemblée nationale. « Je ne l’ai pas quittée un instant et je me propose de revenir sous trois semaines. « Signé : NAIRAC. » (Ce congé est accordé.) Un de MM. les Secrétaires fait lecture des procès -