273 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1790.] de proposer la question préalable sur ces libelles; mais quand ils sont si atroces, il faut sévir : je demande donc qu’il soit ordonné au procureur du roi du Châtelet d’informer contre les auteurs, colporteurs et distributeurs des libelles où l’on accuse, soit que l’accusé se nomme, soit que l’accusé ne se nomme pas. Je dénonce les Révolutions de France et de Brabant. (Plusieurs personnes du côté gauche disent : dénoncez donc la Lanterne magique, les Actes des Apôtres, la Déclaration du Clergé .) M. Malouet. Quoiqu’il n’y ait pas de loi promulguée, et que celle qu’on vous aproposée soit ajournée, il D’en est pas moins vrai qu’il est impossible qu’une nation existe dans un état d’hostilité atroce des hommes les uns contre les autres. Cet état est celui où il est permis à tous d’attaquer l’honneur de tous les citoyens, de tels ou tels représentants, d’attaquer les personnes les plus augustes, qui doivent être l’objet de notre amour et de tous nos respects. Je demande que ma proposition soit mise aux voix (1). Divers membres demandent à aller aux voix sur la motion de M. Muguet de Nanthou. M. de Cazalès. Je demande que non seulement il soit donné des ordres à toutes les municipalités de veiller à sa sûreté, mais encore à sa liberté... Le principe est établi; M. de Mirabeau est placé, par le décret, sous la sauvegarde de la loi; en demandant l’addition du mot liberté, on ne sort pas de ce principe : nécessairement tout citoyen qui est sous la sauvegarde de la loi, ne peut être arrêté au mépris de cette loi : or, rien ne peut autoriser l’arrestation de M. le vicomte de Mirabeau... (lia, dit-on, dans la partie gauche, été arrêté en flagrant délit, et sur la clameur publique.) Si sa personne est sous la sauvegarde de la loi, sa liberté est sous la même sauvegarde. M. Devillas. L’Assemblée ne peut rien statuer sur la liberté de M. de Mirabeau : elle sait seulement qu’il y a un vol, un enlèvement de cravates des drapeaux d’un régiment; si le coupable est arrêté, la loi prononcera. M. de Folleville. Le décret met M. le vicomte de Mirabeau sous la sauvegarde de la loi : si sa liberté n’y est pas comprise, il est sous la sauvegarde de son geôlier. M. Prieur présente une nouvelle rédaction, qui est adoptée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Que les pièces relatives à M. de Mirabeau, le jeune, colonel du régiment de Touraine, seront renvoyées aux comités des rapports et militaire réunis ; « 2° Que la lettre de la municipalité de Perpignan, en date du 13 du présent mois, sera imprimée; « 3° Que son président se retirera dans le jour par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de donner les ordres nécessaires pour procurer la sûreté de M. de Mirabeau. » (1) On trouvera annexée à la séance de ce jour la motion de M. Malouet sur les libellistes , avec les motifs donnés par l’auteur. Série. T. XVI. M. le Président. L’Assemblée va passer à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur l'organisation civile du clergé. Titre III. Je relis les articles 9 et 10 qui ont été discutés dans la séance d’hier, mais sur lesquels il n’a pas été émis de vote. « Art. 9. Les assemblées administratives feront faire une estimation des biens-fonds qui dépendent de chaque cure, et la jouissance en sera laissée aux curés, jusqu’à concurrence du quart de leur traitement, et en déduction des sommes qui doivent leur être payées. « Art. 10. Dans les paroisses des campagnes où les cures n’ont pas de biens-fonds, ou n’en ont pas dans la proportion qui vient d’être fixée, s’il s’y trouve des domaines nationaux, il en sera délivré aux curés, d’après l’estimation qui en sera faite, toujours jusqu’à concurrence, et en déduction du quart de leur traitement. » M. Martineau, rapporteur. Messieurs , le comité ecclésiastique s’inspirant des objections qui ont été présentées hier, sur les articles 9 et 10, m’a chargé de vous proposer de leur substituer un article unique, qui serait ainsi conçu : « Dans toutes les paroisses de campagne où il y a des fonds de terre attachés à la cure, il en sera laissé au curé un arpent, le plus près de son habitation, pour lui tenir lieu de jardin et verger. » M. d’André. Cet article est en contradiction formelle avec les précédents décrets qui portent qu’à l’avenir le clergé ne pourra posséder aucuns biens-fonds. J’en demande le rejet. M. l’abbé Gouttes. Les décrets n’ont jamais dit que les curés n’auront ni jardin ni verger, et l’arpent de terre qu’on vous propose de leur laisser, dans les immenses possessions qu’ils abandonnent pour le salut commun, n’entamera en rien le principe que vous avez posé. M. le baron d’AUarde. Les abus s’introduisent par des brèches plus petites que celles qu’on nous propose de faire à nos principes. Je demande la question préalable sur les deux anciens articles, ainsi que sur l’article nouveau du comité. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide qu’il n’y a lieu à délibérer sur les articles 9 et 10 et sur l’article nouveau. M. le marquis d’Angosse, député d1 Armagnac, demande un congé pour cause de maladie. M. le comte de jfïontjoye-Vanfrey, député de Belfort, prie l’Assemblée de lui permettre de s’absenter pour motif de santé. M. l’abbé Dclaplace, député de Péronne, sollicite un congé de quinze jours nécessité par des circonstances malheureuses où il se trouve. Ces congés sont accordés. M. le Président. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité des dîmes sur des pétitions relatives à la perception de la dîme, des champarts et autres redevances foncières payables en nature. M. Chasset, rapporteur, annonce que, conformément aux intentions manifestées par l’Assemblée dans la séance d’hier au matin, le comité 18 274 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. des dîmes a rédigé le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des dîmes de plusieurs pétitions tendant à ce que les redevables eussent la faculté de les payer en argent la présente année, au lieu de les acquitter en nature ; instruite pareillement que, dans quelques endroits, un petit nombre de redevables, sans doute égarés par des gens malintentionnés, se disposaient à refuser de les payer, même à s'opposer à la perception ; instruite encore que quelques bénéficiers, corps ou communautés, ne se disposaient point à les percevoir, et ne donnaient pas les soins nécessaires aux biens qu’ils sont provisoirement chargés de régir ; a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. Tous les redevables de la dîme, tant ecclésiastique qu’inféodée seront tenus, conformément à l’article 3 du décret des 14 et 20 avril dernier, de la payer, la présente année seulement, à qui de droit, en la manière accoutumée; c’est-à-dire en nature et à la quantité d’usage, sauf l’exécution des abonnements en argent, constatés par titres, ou volontairement faits. « Art.2.Les redevables des champarts, terrages, arrages, agriers , complans, et de toutes autres redevances payables en nature, qui n’ont pas été supprimées sans indemnité, seront également tenus de les payer la présente année et les suivantes, jusqu’au rachat, en la manière accoutumée, c’est-à-dire en nature, et à la quotité d’usage, sauf l’exécution des abonnements contractés par titres, ou volontairement faits, conformément aux décrets sur les droits féodaux, des 15 mars et 3 mai derniers. «Art. 3. JNul ne pourra, sous prétexte de litige, refuser le payement de la dîme accoutumée d’être payée, ou des champarts, terrages, agriers, complans ou autres redevances de cette espèce, aussi accoutumées d’être payées, et énoncées dans l’article 2 dudit décret du 15 mars dernier, sauf à ceux qui se trouveront en contestations, à les faire juger : ce qu’ils ne pourront faire, quant aux dîmes et champarts nationaux, que contradictoirement avec le procureur-syndic du district ; et en cas qu’il soit décidé que ces droits, par eux payés, n’étaient pas dus, iis leur seront restitués. «Art. 4. Ceux qui n’auraient pas payé la dîme ou les champarts l’année dernière pourront être actionnés, lors même qu’il n’y aurait pas eu de demande formée dans l’année. « Art. 5. Défenses sont faites à toutes personnes quelconques de porter aucun trouble à la perception de la dîme et des champarts, soit par des écrits, soit par des discours, des menaces, voies de faits ou autrement, à peine d’être poursuivies, comme perturbateurs du repos public. En cas d’attroupement, pour empêcher ladite perception, il y aura lieu de mettre à exécution les articles 3, 4 et 5 du décret du 23 février dernier, concernant la sûreté des personnes, celle des propriétés et la perception des impôts ; et les municipalités seront tenues de remplir les obligations qui leur sont imposées par lesdits articles, sous les peines y portées. « Art.6. Les municipalités seront tenues de surveiller, soit la perception des dîmes, soit l’administration des biens nationaux, chacune dans son territoire. En conséquence, dans le cas où des bénéficiers, corps ou communautés ne pourraient exploiter les dîmes et les autres biens qui ne sont pas affermés, ou négligeraient de le faire, elles seront tenues de les régir, ou de les donner [18 juin 1790.] à bail pour la présente année, et de rendre compte des produits au directoire du distriet : elle ne pourront cependant empêcher l’exécution d’aucun bail à ferme, sous prétexte qu’il ne doit commencer à courir que de la présente année. «Art. 7. En cas de dégradation et d’enlèvement d’effets mobiliers, bestiaux et denrées, lesmun� cipalités en dresseront procès-verbal et en feront leur rapport au directoire du district, pour être fait telles poursuites qu’il appartiendra. « Art. 8. Aucuns bénéficiers, corps, communautés séculières et régulières de i’uu et de l’autre sexe, fabriques, hôpitaux, maisons de charité, ou autres établissements publics ne pourront refuser de faire la déclaration de leurs biens, prescrite par le décret du 13 novembre dernier, ni s’opposer à l’exécutioD de l’article 12 du décret des 14 et 20 avril suivants, qui ordonne l’inventaire de leur mobilier sous quelque prétexte que ce soit ; et dans le cas où les districts ne seraient pas formés, les municipalités sont autorisées à y pro - céder jusqu’à ce qu’ils le soient. L’ordre de Malte demeure seul excepté de la disposition concernant l’inventaire, mais chacun des membres qui la composent sera tenu de donner sa déclaration des biens dont il jouit en France, conformément audit décret du 13 novembre dernier. « Art.9.Sera le présent décret présenté sans délai à la sanction du roi, et Sa Majesté sera suppliée de donner les ordres convenables pour sa plus prompte exécution. Le rapport du comité sera imprimé, et les membres de l’Assemblée sont invités de l’envoyer avec le présent décret à leurs commettants, sans délai. M. Regnand {de Saint-Jean-d’ Angely) propose de retrancher du décret tout ce qui concerne l’ordre de Malte afin de ne rien préjuger à son égard. M. Thibault, curé de Souppes , fait observer que les peuples ne se sont refusés à payer les champarts que parce qu’on n’avait pu leur représenter le titre primordial qu’ils se croyaient en droit d’exiger des propriétaires ; il demande que le décret exempte formellement les propriétaires de la présentation de ce titre primordial. M. Merlin déclare que le décret du 15 mars stipule nettement cette clause, puisqu’il y est dit que deux reconnaissances énonciatives d’une troisième suffisent pour faire valoir ce droit. Il est donc inutile d’introduire dans ie décret une clause qui ne servirait à rien. La discussion est fermée. Le décret est ensuite adopté dans son ensemble et sans changement. M. le Président fait donner lecture , ainsi qu'il suit, d’une lettre et d'un rapport qui lui ont été adressés par Le premier ministre des finances : «Ci e 18 juin 1790. « Monsieur le Président, « J’avais demandé à tous les receveurs parties liers des pays d’élection et des pays conquis, au nombre de 211, de m’adresser l’état de leurs recouvrements sur l’exercice 1790 et Payant reçu de leur part presque eu entier, j’en ai fait faire le dépouillement çt je l’ai résumé dans uo tableau que j’ai l’honneur d’adresser à l’Assemblée. Les receveurs lui enverront dorénavant directement la