[Étais gén. 1789. Calilers-l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’AiaJ 321 Ancestay ; Bertin Gorgier ; Richard ; Roman ; Cavalier; Levre; Daniel; Via! ; Jambeu-Deulan ; F. Rouvet; fertian ; Carron; L. Bernard; Paret; Giraudon ; J.-L. Michel; Aithaud; de Ramades ; Fayet Jauclure; D. Ganlin: A. Guillon ; Athanase Fauchier; J. Ga vicier ; A. Gillon; Cavalier; F. Jul-lien; Serre; J.-C. Bonnet; Feraud; J. Mathieu ; Bertholin ; Dauphin ; J. Roche; Rouvet; Carron; E. Courbon ; Bertin ; E. Bernard ; Forcade ; G. -F. Paris; Bernard ; D. Paris ; G. Vaux ; A. Perrin ; G. Cavalier; Goullin; Piallat ; Janet; Fraisi-nier ; Peyre ; J. Anastay ; J. Boyer ; D. Bernard ; Rouvet ;“ d’Aiguillon ; J. Anastay; J. -B. Pettel ; Berthollin ; B. Boussot ; Traphenne; Boy; Ginon; Eyssavel ; Aillaud, greffier. Le présent cahier d’instructions et doléances, contenant huit pages, a été par nous coté par première et dernière et paraphée ne varietur au bas d’icelles àLourmarin le 29 mars 1789. Signé Borelly, vigùier. CAHIER Des instructions, plaintes et doléances de la communauté de la Ciotat pour l'assemblée d'élection aux Etats généraux de la sénéchaussée d’Aix (1). à quatre députés, dans le temps que les constructions de navires y surpassent celle de tous Jes ports de Provence sans exception; que nulle part ailleurs on observe le nombre et l’importance des manufactures qu’elle contient, si ce n’est Marseille et Toulon, et que les quinze cents feux qu’elle contient ne sont pas plus représentés aux termes de l’édit qu’une paroisse de campagne de quatre cents. Art. 2. Ils observent à M. le sénéchal que l’ar-ticle 34 de l’édit de convocation ne saurait être exécuté sans blesser l’équité et le bon ordre, à raison de la réduction à deux cents des députés qui devront rédiger le cahier et élire les représentants des communes de la sénéchaussée aux Etats généraux. Art. 3. Que n’étant pas possible d’éliminer de l’assemblée aucuns des députés sans encourir une irrégularité qui ne peut être justifiée, ni même palliée par aucune nécessité, les députés de la Ciotat s’y opposent avec décence et fermeté et protestent de l’incorbplet de l’assemblée. Art. 4. Ils tâcheront de concourir par eux-mêmes à la rédaction des doléances générales et instructions de la sénéchaussée à l’effet d’v faire rencontrer en masse autant qu’il leur sera possible celles delà Ciotat, et à cet effet, ils s’attacheront à obtenir le commissariat sans bassesse et Gejourd’hui 25 mars 1789, les habitants de la Ciotat, extraordinairement assemblés en conséquence des ordres de Sa Majesté et de l’ordonnance de M. le lieutenant général de la sénéchaussée d’Aix, sous l’autorisation et présence de M. Jean-Joseph Benjamin, lieutenant en cette ville, et de MM. François Martin, Jean-François-Pierre Estou-pan, Biaise Dalmas, maire et consuls, lesdits habitants, au nombre de ..... tous dénommés dans le procès-verbal de députation de ce jour et signé ci-après, ceux qui l’ont su, pénétrés d’amour et de respect pour les bontés soutenues que Sa Majesté témoigne à ses fidèles sujets, l’invitation qu’elle leur fait de lui dénoncer tous les abus dont son éloignement ne lui apas permisd’êtreinstruite jusqu’à ce jour, et faire connaître les moyens d’établir une administration régulière, solide, dont. toutes les parties aboutissent à la prospérité nationale, croyant ne pouvoir donner à Sa Majesté de meilleures preuves de leur reconnaissance qu’en réunissant les efforts de leurs lumières et de leur patriotisme pour indiquer les réformes et la régénération propres à assurer pour toujours la tranquillité intérieure de la nation, sa force au dehors, et par l’effet d’un spectacle aussi touchant et de la plus heureuse harmonie, le bonheur inaltérable du meilleur des souverains, ont délibéré les instructions, plaintes et doléances suivantes, qui seront portées par les députés de cette ville à l’assemblée de la sénéchaussée d’Aix et insérées dans le cahier général d’instructions pour ses députés aux Etats généraux : Instructions pour les députés à la sénéchaussée. Les députés de la ville et communauté de la Ciotat sont expressément chargés par le conseil et assemblée générale des habitants de ladite communauté de solliciter de tout leur pouvoir l’admission dans le cahier des instructions et doléances de la sénéchaussée d’Aix les articles cou-tenus dans le présent cahier. Ait. 1er. Ils protesteront contre la minimité de la représentation de la ville de la Ciotat, réduite (t) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. lre Série, T. VI. sans intrigue. Art. 5. Ils mettront tous leurs soins et leur circonspection à l’élection des quatre députés aux Etats généraux et préféreront dans ce choix des • hommes sages et pleins de raison , à des sujets dont l’activité bruyante est le seul mérite. Instructions pour les dépu tés aux Etats généraux; formation des Etats, formalités. Art. 1er. Ils chargeront expressément les députés élus de se conformer aux instructions qui résulteront de la rédaction de tous les cahiers particuliers et tout premièrement. Lesdits députés entrant aux Etats généraux se prêteront, sans difficulté aucune, à toutes les distinctions justes et raisonnables qu’exigent la différence du rang et la prééminence des deux premiers ordres, mais ils refuseront de se soumettre à des formes humiliantes qui pourraient abattre et décourager leur âme et rendre ainsi leur mission infructueuse au Roi et à LEtat. Forme des délibérations. Art. 2. Ils demanderont absolument la forme de délibération par tête, et notamment sur l’article de la contribution égale de tous les sujets du Roi à toutes les charges quelconques. Et si, sur les autres objets, ils rencontraient des difficultés péremptoires dans l’obstination de quelqu’un des ordres àvoutoir opiner autrement, ils pourront, dans des vues de patriotisme et de conciliation, se départir de la délibération par tête et se réduiront à demander que l’assemblée se forme en deux chambres, dont l’une composée du clergé et de la noblesse et l’autre du tiers-état, ce qui obvierait au danger de la précipitation et rendrait la conciliation plus aisée. Sauvegarde des députés. Art. 3. La forme des délibérations convenue, lesdits députés demanderont avant tout qu’il soit porté une loi par laquelle, à l’avenir, tous les membres de l’assemblée des Etats généraux soient mis sous la sauvegarde spéciale de la justice et desdits Etats, et que pendant leur allée, séjour 21 322 [États gén-. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.j et retour ils ne puissent être arrêtés, sous quelque prétexte que ce soit, à raison de quoi ils demanderont que la personne de tout député soit-inviolable sous les peines les plus sévères, même de mort, suivant l’exigence des caè. Convocation en l'année 1790. Art. 4. Que, vu l’importance et la multiplicité des matières à régler dans cette assemblée, sur lesquelles on ne peut avoir en ce moment que des notions confuses et dénuées d’ordre et de connaissances entières, la loi de son retour périodique sera remise aux Etats généraux prochains, lesquels seront convoqués dans une année, savoir en 1790. Instruction far le Roi. Art. 5. Que lors de ladite prochaine convocation et celles qui suivront, Sa Majesté daignera faire connaître à ses sujets les principaux objets sur lesquels ils doivent délibérer, pour qu’ils donnent à leurs députés des instructions relatives et pouvoirs suffisants, sans laquelle précaution les objets les plus importants pourraient rester sans décision ou être livrés à l’opinion vague des députés. Forme et convocation. Art. 6. Que la forme de la convocation soit définitivement statuée et se fasse à l’avenir par bailliages et sénéchaussées ou vigueries, même pour les pays d’Etats, sauf à régler plus justement leurs représentations, ainsi que celle des différentes villes, bourgs et campagnes, pour raison de quoi il sera fait des règlements dans chaque province. Cette forme étant la seule qui fasse parvenir et connaître directement à Sa Majesté les vœux et les besoins de son peuple dans toute leur intégrité, et la plus propre à diminuer l’influence de l’autorité et de l’intrigue dans le choix des députés, qui ne peut sans danger être confié à une seule assemblée dans chaque province. Nombre respectif et qualités des députés. Art. 7. Qu’il soit statué pour toujours que les deux ordres du clergé et de la noblesse seront représentés aux Etats généraux sans distinction du clergé du second ordre et de la noblesse non possédant fiefs; que le nombre des députés de ces deux ordres réunis sera tout au plus égal à celui des députés du tiers-état et que celui-ci choisira librement les siens dans son ordre sans autre exclusion que celui des agents du fisc , et sans qu’aucune profession ou classe de citoyens soit réunie à députera part, ce qui ne peut que particulariser les intérêts et entretenir, l’esprit de corps. Idem des commissions. Art. 8. Que dans toutes les assemblées et commissions émanées des Etats la proportion respective des membres de chaque ordre soit observée comme dans l’article ci-dessus. CONSTITUTION DE L’ÉTAT. Droit exclusif d’imposer. Art. 9. Que les Etats généraux soient déclarés avoir seuls le droit d’imposer la nation ou d’engager ses revenus par des emprunts. Durée de V impôt. Art. 10. Que les impôts ne puissent être mis même par les Etats généraux que pour un temps limité et réglé sur l’intervalle d’une tenue à l’autre et ne puissent continuer à être perçus sans être renouvelés. Egalité des contributions. Art. 11. Que tous les sujets n’ayant de sûreté et de protection que celle que leur procure la force publique, soient tenus de concourir à son entretien , chacun en proportion de ses facultés, et qu’en conséquence, tous les citoyens indistinctement soient assujettis aux mêmes impôts et les payent individuellementsans qu’il puisse être fait aucun abonnement par ordre, mais seulement par province, ville, et autres institutions municipales. Impôts indirects. Art. 12. Que les impôts actuels indirects qui sont en ferme ou en régie, et autres que ceux dépendants du domaine de la couronne, soient confirmés, s’il y éc-het, par les Etats généraux pour continuer a être perçus à l’avenir. Baux à ferme. Art. 13. Que les baux à ferme des impôts, s’il en est qui doivent continuer d’être affermés, soient combinés de manière qu’ils se renouvellent et soient délivrés les Etats tenant, afin que la nation puisse y faire insérer les clauses que l’expérience aura fait connaître utiles au maintien des droits et nécessaires à la réforme des abus et vexations des agents du fisc. Droit législatif. Art. 14. Que les lois qui embrassent la constitution de l’Etat, l’ordre et la hiérarchie des tribunaux, le code civil et criminel, nepuissent être portées ou changées que dans le sein des Etats généraux, consenties ou proposées par eux et sanctionnées par le Roi. Enregistrement dés lois nationales. Art. 15. Que toute loi établie de la sorte devienne constitutionnelle et ne soit sujette à aucune vérification, mais enregistrée sans délai par les tribunaux de justice et dans les Etats des provinces, lesquelles, chacun en droit soi, pourvoiront à son exécution, sauf aux uns et aux autres à faire des représentations aux Etats généraux. Lois du Roi vérifiées. Art. 16. Que les lois royales qui ne toucheront point à la constitution, étant données par Sa Majesté seulement, seront sujettes à vérification ainsi et de la manière que les Etats généraux aviseront. Liberté individuelle. Art. 17. Que les lettres attentatoires à la liberté des citoyens soient abolies; en conséquence, que nul sujel ne puisse être arrêté, emprisonné ou-exilé qu’en vertu d’un décret ou jugement régulier et que dans les cas pressants, il puisse être arrêté d’autorité et à la charge de le remettre dans vingt-quatre heures entre les mains de ses juges naturels, sauf les crimes dont la publicité pour- 323 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] rait compromettre le secret de l’Etat, pour lesquels > il sera’pris des précautions extraordinaires, propres à concilier la promptitude de la détention et le secret, avec la sûreté de l’innocence. » Liberté de la presse. Art. 18. Que la liberté soit accordée à la presse et la censure préliminaire abolie ; mais que les particuliers ou gens en place qui se trouveraient attaqués ou lésés dans un écrit, même dans les plaidoyers des avocats imprimés , puissent se pourvoir par-devant les juges de droit contre les auteurs et imprimeurs; que les ouvrages contraires aux bonnes mœurs soient condamnés ou proscrits par les tribunaux, et les auteurs et imprimeurs poursuivis s’il y échoit ; que ceux qui seront contraires à la religion soient censurés par ses ministres, et condamnés par la justice, mais sans recherches ultérieures contre leurs auteurs ; que ceux qui roulent sur le gouvernement jouissent d’une entière liberté pour la spéculation, la discussion des lois, des projets et des opérations ministérielles; et ne puissent être poursuivis et dénoncés que dans le cas où ils contiendraient de fausses accusations ou s’écarteraient du respect dû à la majesté royale. Offices de judicature. Art. 19. Que les arrêtés des cours qui excluent la roture de leur sein soient cassés comme contraires à l’autorité du Roi, à l’ancienne constitution de l’Etat et à l’impartialité de la justice, laquelle ne peut être présumée tant que les membres d’un tribunal seront tous ou presque tous pris dans le même ordre. Charges et dignités. Art. 20. Que Sa Majesté ait la libre disposition des emplois, charges ou dignités civils, militaires et ecclésiastiques qui sont à sa nomination; et qu’en conséquence, toutes les lois qui gênent son choixet le fixent sur un ordre ou partied’un ordre, soient abolies comme contraires à la plénitude de son pouvoir exécutif, au bien de l’Etat, par le défaut d’émulation qui en résulte, et comme flétrissante pour la presque totalité des sujets, sauf les chapitres nobles dans lesquels l’exclusion a été prononcée par les fondateurs, leur volonté devant être respectée et accomplie. Liste des départements. Art. 21. Qu’à chaque tenue des Etats généraux la liste des départements et l’emploi de la totalité des revenus de l’Etat soient fixés par eux, sauf les sommes à assigner pour les cas imprévus par lesdits Etats. Responsabilité. Art. 22. Que les ministres soient responsables aux Etats généraux, les administrateurs des provinces aux Etals provinciaux ou administrations provinciales, et le compte des uns et des autres rendu authentiquement imprimé et publié. Droit des Etats généraux de dénoncer. Art. 23. Que les Etats généraux aient le droit de recevoir et poursuivre devant les tribunaux toutes dénonciations contre les ministres, gens en place et autres, coupables d’abus d’autorité, de malversation et de trahison. De juger. Art. 24. Que les Etats généraux seront juges de la forfaiture des tribunaux de justice. Prohibition de corps intermédiaires. Art. 25. Que les Etats généraux ne consentent à l’établissement d’aucune cour, commissions ou corps intermédiaires, même émané d’eux, pour les suppléer en leur absence et dans l’intervalle d’une tenue à l’autre, renvoyant les règlements à faire à ce sujet aux Etats généraux prochains de 1790. Respect pour les lettres. Art. 26. Que le respect le plus absolu pour toute lettre confiée à la poste sera expressément ordonné. Addition à V article il. Art. 27. Et dans le cas que l’article 11 des présentes instructions au sujet de la contribution individuelle detoutcitpyen aux charges publiques, ne comporte pas l’extension nécessaire, les députés y feront l’addition de toutes autres charges et dépenses publiques et locales relatives aux constructions de chemins, réparations, édifices publics, etc. Des non catholiques. Art. 28. Ils demanderont que l’assentiment de la nation soit renouvelé au sujet de l’édit de Sa Majesté en faveur des non catholiques, lequel est susceptible encore d’extensions raisonnables. OCTROI DES SUBSIDES. Les articles ci-devant délibérés par les Etals généraux, approuvés et sanctionnés par Sa Majesté et passés en lois fondamentales de l’Etat, les députés passeront à l’octroi des subsides, mais non plutôt, ce qui leur est expressément défendu ; ils exposeront la misère du peuple et l’excès des impôts dont il est chargé, surtout dans les villes comme celle-ci, qui, n’offrant pas assez de moyens du côté des terres, sont obligées de mettre des impôts sur le pain, et de faire renchérir ainsi une subsistance que le pauvre a tant de peine à se procurer, et pour donner à Sa Majesté des preuves de notre amour, fidélité et reconnaissance, il consulterait moins notre état de détresse que ses besoins. Vérification des finances et consolidation de la dette nationale. Art. 29. En conséquence, ils prendront une connaissance exacte de l’état des finances par commissaires choisis au scrutin, demanderont, s’il y a lieu, les réductions et économies compatibles avec le bien de l’Etat et la splendeur de la couronne, et fixeront enfin l’état des dépenses de chaque département et celui des intérêts à payer pour les dettes de l’Etat, lesquelles ils consolideront et dont ils chargeront pour toujours la nation, en demandant" toutefois une réduction d’intérêts pour celles seulement qui n’en ont pas encore souffert. Octroi des subsides nécessaires. Art. 30. Ils prendront aussi une connaissance , exacte du produit des fermes, traites, postes 324 [États gén. 1789. Cahiers.) contrôle et généralement tout autre impôt indirect, et, après avoir comparé ce produit avec les états de dépenses et intérêts ci-dessus, ils imposeront la nation pour le surplus, et pour une année seulement. Idem pour ta reforme des abus de perception. Art. 31. Si la réforme indispensable du régime actuel des fermes, traites, laquelle doit toujours être délibérée avec l’octroi, cause quelque diminution de produit, les députés aux Etats généraux y pourvoiront en augmentant d’autant l’octroi porté par l’article précédent. Idem pour la suppression du monopole et taxe sur les murais salants. Art. 32. Si le prix du sel, tabac ou autre impôt onéreux était diminué ou supprimé et les objets du monopole rendus libres, ce qui cependant doit n’être fait qu’avec précaution de laquelle on ne peut que se reposer sur la sagesse et les lumières des députés, ils sont autorisés à augmenter proportionnellement l’octroi des subsides nationaux; mais quant au sel, ils demanderont qu’il soit mis sur les marais salants une forte taxe, telle cependant qu’elle n’êmpêche pas cette matière de devenir un objet de commerce et d’exportation, et fourniront le surplus. Impôts particuliers prohibés. Art. 33. Tous les subsides accordés par la nation en conformité des articles ci-dessus ne seront délibérés sous aucune forme particulière d'impôt, mais seulement en argent, et la somme totale répartie sur les provinces pour être levée par chacune d’elles, ainsi qu’il paraîtra convenable à chaque Etat ou administration provinciale, et versée directement par elles dans les coffres de Sa Majesté. Répartition sur les provinces. Art. 34 Si cette répartition à faire de la somme totale sur les provinces occasionne des débats entre leurs députés, ils feront en sorte de régler quant à présent sur la proposition de la taille, vingtième et impôts directs actuellement supportés par elles, sauf à régler cette répartition d’une manière plus juste lorsqu’on aura acquis des lumières suftisantes. C’est pourquoi la suppression du monopole devrait être différée et renvoyée aux prochains Etats généraux, où la force respective des provinces et l’augmentation produite par la contribution des premiers ordres , seront mieux connues. Impôt sur le luxe. Art. 35. Les députés dérogeront cependant à l’article 33 en faveur des impôts à mettre sur le luxe, et particulièrement celui des équipages, hôtels et domestiques, qu’ils sont expressément chargés de solliciter, mais de manière toutefois que lesdits impôts sur le luxe soient levés par les provinces et non par les agents du fisc et précomptés sur la somme totale à répartir. Conservation des privilèges de la province. Art. 36. Les députés de la sénéchaussée d’Aix s’opposeront à l’établissement de tout impôt nouveau déterminé sur les terres, denrées, branches I d’industrie ou de commerce essentiels et natio-f [Sénéchaussée d’Aix.J naux, et dans le cas où la pluralité délibérerait quelque impôt territorial ou autre, qui par sa nature heurterait le privilège essentiel et précieux à la province d’asseoir et répartir elle-même ses impôts, il leur sera expressément enjoint de ne l’accepter que sous la forme d’abonnement et jamais en nature, et s’il le faut, prendront acte de leur refus et protestations qu’ils auront jugées nécessaires à la conservation des privilèges de la province. Indication sur les provinces des dettes de l’Etat. Art. 37. La nation se chargeant des dettes de l’Etat, les subsides levés par les provinces seront spécialement affectés au payement de leurs intérêts, et les députés demanderont qu’il soit pris des moyens à cet effet. Amortissement. Art. 38. Les députés ne doivent consentir aucune augmentation d’impôt pour amortir les dettes de l’Etat, mais ils demanderont qu’à mesure qu’il s’éteindra des pensions viagères les deniers destinés à les payer soient appliqués au remboursement des fonds non viagers, en commençant par ceux qui supportent le plus fort intérêt, pour raison de quoi il soit établi une caisse d’amortissement représentative des créanciers morts, ce moyen étant suffisant par sa continuation pour libérer l’Etat sans effort et sans secousse. Aliénation du domaine. Art. 39. Les députés concourront par leur consentement à l’aliénation des biens domaniaux de la couronne, si cette aliénation est proposée dans la vue d’étendre ou amortir d’autant la dette nationale. PLAINTES ET DOLÉANCES. Nouveau code. Art. 40. Les députés aux Etats généraux seront chargés de porter les plaintes et doléances du peuple sur la cherté de la justice et la longueur des procédures, sur l’incertitude des lois civiles et la rigueur des lois criminelles trop peu proportionnée aux délits, sur le danger de l’instruction secrète et celui plus imminent encore du serment donné en justice aux gardes armés des fermes, qui met la fortune, l’honneur et quelquefois la vie des citoyens à la merci de deux hommes pris parmi ce"que la nation a de plus vil; ils solliciteront enconséquence de la justicedu Roi, lar éforme de la hiérarchie des tribunaux, du code civil et criminel et surtout du code fiscal, Ja réforme ou diminution des droits du greffe, la fixation des salaires des officiers dé justice, procureurs et avocats, le rétablissement des anciens jugements prononcés par les pairs et les jurés, la permission à tout citoyen de plaider lui-même sa cause dans tout tribunal, ou de se choisir un défenseur parmi tous les citoyens, et la facilité, par la simplification des formes, de pouvoir se passer d’un ministère étranger, en outre la faculté de prendre à partie les juges prévaricateurs, et la certitude pour tout innocent d’obtenir le redressement des injustices avec des dédommagements proportionnés à ce qu’il a pu souffrir. Et comme la législation pour réunir tous les avantages doit être réfléchie, comparée, éprouvée et soumise à quelque expérience, les députés ARCHIVES parlementaires. 325 [États gén. 1789 Cahiers.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] n’apporteront sur cette matière aucune délibération qui puisse annoncer la précipitation et accorderont tout le temps nécessaire pour que ce travail confié aux personnes les plus éclairées et les plus vertueuses puisse être conduit à saperfec-tion, lequel devra être préalablement publié par la voie de l’impression, examiné par la nation et ne pourra recevoir sa dernière sanction que dans une assemblée d’Etats généraux. Fiscalité ; sa réforme. Art. 41. Mais quant au code fiscal, comme il offre moins de combinaisons et de difficultés; que les abus, vexations et cruautés auxquels il donne lieu journellement exigent les plus prompts remèdes, lesdits députés seront chargés d'en demander la réforme dès à présent et avant la séparation des Etats. Les points principaux de cette réforme sont: que la connaissance de tous les cas pour le fait des traites, gabelles et autres régies ou fermes sera attribuée en première instance aux juges ordinaires des lieux, lesquels juges seront assistés par le maire et premier consul, soit dans l’instruction, soit dans le jugement; que les verbaux seront faits au nom, risque et péril de l’adjudicataire et ne tiendront lieu que d’exposition et de requête, laquelle, revêtue du décret du juge en assignation, sera incontinent signifiée par l’employé à l’accusé qui y contredira par lui-même ou par procureur, par écrit ou de vive voix; que cette instruction sera sommaire et le jugement porté dans le délai le plus court ; que l’appel des sentences du premier juge sera porté en dernier ressort et sans autre degré de juridiction au tribunal souverain et compétent de la province, sans appel au conseil; que la rigueur des peines soit adoucie; que le citoyen ne puisse pas être arrêté ou emprisonné pàr les gardes avant décret ou jugement ; que le défaut de payement des amendes n’emporte point la condamnation aux galères. D’abolir et prohiber sous les peines les plus sévères toute visite domiciliaire, excepté dans des magasins ouverts faisant ventes publiques, et de décerner les mêmes peines contre tout employé qui oserait porter la main sur un citoyen pour le fouiller; qu’il sera pris une règle par laquelle on puisse distinguer le commerce réel des objets prohibés ou imposés, d’avec l’usage personnel et domestique, et que les quantités énoncées pour raison de ce dans un règlement serviront de limite pour actionner sur la fraude des droits ou sur l'accusation de contrebande. Que les droits sur les marchandises soit étrangères, soit nationales, seront portés dans un tarif continuellement affiché dans les bureaux et aux hôtels de ville des lieux; que ces droits seront réduits sommairement à un seul sur chaque objet et perçus sur le poids net desdits objets ; qu’en cas de surexaction prouvée de la part des receveurs, ceux-ci seront condamnés au triple du surexigé. Qu’aucune visite ne pourra être faite dans les routes et les grands chemins, si ce n’est au bureau voisin et sans rétrograder même, par les capitaines généraux. Que ladite visite soit faite par le seul brigadier et en présence du contrôleur du bureau. Qu’il sera pourvu à ce que la quantité du sel et du tabac soit loyale, sans mixtion, et certifiée telle par le principal adjudicataire, lequel ne pourra se soustraire à la confiscation de ces objets à raison des contrefactions, mélanges et de leur qualité nuisible. Qu’il sera ordonné aux maires, consuls des lieux, de faire des visites aux greniers à sel et aux entrepôts du tabac, à l’effet d’en vérifier les qualités, et permis aux habitants des lieux de réclamer leur intervention pour dénoncer et poursuivre les contrefactions et infidélités par-devant le tribunal de droit, auquel cas lesdits consuls ne pourront siéger audit tribunal comme parties intervenantes. Que l’usage de l’eau de la mer ne sera réputé contrebande pour les habitants des villes' et des campagnes situées sur ses bords, excepté dans les cas où il serait prouvé qu’elle aurait été soumise à l’évaporation et celui où le boulanger l’emploi-rait à sa manipulation. Uniformité du prix du sel et reculement des barrières. Art. 42. Et enfin que le prix du sel sera rendu uniforme et modéré dans tout le royaume, les douanes intérieures supprimées et tous les bureaux de traites reculés aux frontières. Contrôle. Art. 43. Lesdits députés demanderont aussi qu’il soit fait un tarif général, clair, uniforme et •simple pour la perception des droits de contrôle et insinuation, celui de 1722 ayant éprouvé des exceptions, des distinctions et extensions additionnelles qui en font une hydre de difficultés inexprimables, et que le public sera délivré des vérifications rétroactives dans cette partie, lesquels, après dix ou vingt ans, viennent ruiner les familles. Vénalité des charges. Art. 44. Dans le cas où il serait proposé d’abolir la vénalité des charges, les députés s'efforceront d’éloigner une opération qui augmenterait trop sensiblement les besoins de l’Etat, et si toutefois elle était déterminée par les Etats généraux, ils ne sont autorisés à consentir l’accroissement d’impôt destiné à ce remboursement qu’autant que les officiers des tribunaux souverains seront à l’avenir nommés par Sa Majesté sur la présentation des Etats ou administrations provinciales, ceux des tribunaux inférieurs sur la présentation des assemblées de leur district, et les juges ordinaires sur celle de leur ville ou communauté, toujours après due et libre élection, et que les jugés ainsi pourvus seront à vie et inamovibles. Interprétations des lois par lettres défendues. Art. 45. Us exposeront à l’assemblée et à Sa Majesté l’abus qui s’est introduit dans les différentes parties de l’administration de suppléer ou interpréter les lois par lettres, et demanderont qu’il soit statué qu’à l’avenir une loi ne puisse être modifiée et interprétée que par une autre loi authentique et jamais par lettres de ministres ou autres gens en place. Etats de la province. Art. 46. Lesdits députés aux Etats généraux seront chargés d’exposer à Sa Majesté l’inégalité, l’insuffisance et l’incohérence des Etats précédents de la province, d’où résulte l’excès de pouvoir d’un côté, le mécontentement et la méfiance de l’autre, une administration partiale, des dépenses ruineuses en faveur de certaines parties, un abandon total des autres, l’impossibilité dans laquelle 326 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.j gémissent depuis si longtemps beaucoup de corn - munautés de faire entendre leur voix, le défaut de lumières et les injustices qui en sont la suite nécessaire, un défaut d’union et de concert qui devient la source de toute sorte de maux. Assemblée générale pour les réformes. Art. 47. Ils solliciteront en conséquence, de la justice de Sa Majesté, une convocation générale des trois ordres de la province, où le tiers se trouve en nombre égal aux deux premiers ordres réunis, à l’effet d’y former ou réformer la constitution du pays, à moins que cette réforme ne s’opérât aux États généraux actuels, auquel cas, les députés veilleront à ce que les points principaux de cette réforme soien t : Leur composition . Art. 48. Que les représentants de l’ordre du tiers soient à l’avenir en nombre égal à celui des deux autres réunis. Clergé. Art. 49. Que parmi ceux du premier ordre il y ait des députés du bas clergé. Noblesse. Art. 50. Que parmi ceux de la noblesse il y ait des nobles sans fief. Tiers-état, vigueries. Art. 51. Que ceux du tiers-état soient plus' justement répartis et toute la province également réprésentée eu égard seulement à l’atfouagement et sans autre distinction ou prédilection particulière de ville, de sorte qu’il soit fait un nouveau règlementde vigueries; que celle d’Aix surtout soit divisée au moins en six, et que si des circonstances physiques ne permettent pas de les faire toutes égales, elles ne députent plus également mais proportionnellement à leurs feux, de manière que le tiers-état fournissant par exemple soixante députés, il en fût envoyé un par cinquante feux environ. Eligibilité des représentants. Art. 52. Que les maires et consuls ne soient plus députés de droit, mais ceux-ci choisis librement. Exclusion. Art. 53. Que l’exclusion desdits Etats sera donnée aux magistrats, ainsi qu’à tous officiers attachés au fisc. Présidence et autres places éligibles. Art. 54. Que la présidence des Etats, la procure du pays, la commission intermédiaire, et généralement toutes dignités, places, emplois, faisant partie desdits Etats, ou en dépendant, soient à l’avenir éligibles par eux et pris indifféremment dans chacun des ordres. Commission des Etats. Art. 55. Que la commission intermédiaire et généralement toute commission ou bureau émané des Etats soit composée de manière que la moitié de leurs membres soit pris dans le tiers-étât. Répartition des secours. Art. 56. Que la répartition des secours ordi-dinaires ou extraordinaires accordés par ie Roi ou la province à la généralité, ou une partie seulement du pays, soit faite dans le sein de ses Etals. Election du syndic. Art. 57. Que le tiers-état se nomme un syndic par élection libre, lequel aura entrée aux Etats, et présidera son ordre. Mairie. Art. 58. Les députés seront chargés de représenter aux Etats généraux qu’il a été créé à différentes époques des offices de mairie toujours abonnés et rachetés parle corps delà province, et notamment en 1733; qu’à cette époque, et pendant plusieurs années, Sa Majesté s’étant réservé la nomination des maires, même dans les communautés qui n’avaient point acheté, les juges et offices seigneuriaux furent exclus des assemblées municipales présidées alors par le maire seul, ce qui continua jusqu’à ce que, par arrêt du 21 mars 1757, la Provence fut reçue à réunir toutes ses mairies et autres charges municipales aux villes et communautés du pays, tant de vigueries que des terres adjacentes, moyennant un million 798,459 livres, remboursement que la province a effectivement opéré. Les villes et communautés de Provence auraient dû jouir d’une mairie achetée si chèrement, et elles en ont effectivement conservé tous les privilèges dans les villes royales, où les officiers de justice sont exclus de l’autorisation des conseils et assemblées de communautés ; mais il n’en est pas de même dans les communautés seigneuriales, où les seigneurs intéressés à savoir ce qui se passe dans les délibérations et à s’y procurer de l’influence, sont venus à bout sans jugement préalable de faire rentrer leurs officiers en possession d’autoriser les assemblées municipales. Les députés solliciteront en conséquence la réintégration des maires, consuls des villes et communautés seigneuriales dans tous les droits de la mairie et autres charges municipales sur le pied des édits de création et en conformité de celui de réunion de 1757. Police. Art. 59. Les députés représenteront aux Etats et à Sa Majesté que les seigneurs ayant le droit de justice dans leurs fiefs, et s’y maintenant en possession de la police contre les titres et droits du pays, cette branche si essentielle du pouvoir judiciaire, n’offrant aucun droit lucratif ou émolument qui engage le seigneur à faire les dépenses nécessaires à son exécution,. et ses officiers à négliger leurs propres affaires pour veiller à l’ordre public , reste le plus souvent totalement aban-donnée.Cette négligence, qui existe non-seulement dans les campagnes et les villages, mais dans des villes considérables et des ports de mer fréquentés de toute sorte d’étrangers, entraîne une infinité d’abus; la tolérance des vices et le défaut de force publique amènent les délits. Les députés solliciteront en conséquence de la justice de Sa Majesté la réunion de la police aux municipalités de Provence, et ce, conformément auxdits arrêts du conseil et déclarations de création d’offices, -et notamment ceux du 2 mars 1700 et 1709 et sans distinction de villes royales ou 327 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.J Seigneuriales, le corps du pays ayant à diverses fois racheté et abonné ces offices des deniers communs, et plusieurs assemblées générales ou d’Etats de la province, nommément celle de 1700, ayant chargé les procureurs du pays de veiller à ce que toutes les communautés sans distinction de royales et de seigneuriales jouissent des droits attachés à ces offices, le droit commun de la province s’accordant ainsi avec la justice et le maintien de l’ordre public à faire cesser à cet égard l’usurpation des seigneurs et donner aux communautés une police qu’elles seules peuvent exercer avec succès en les soumettant à tous les frais nécessaires à son entretien. Mendicité. Art. 60. Les députés exposeront les abus et inconvénients nombreux qui résultent de la multiplicité des mendiants, et solliciteront une loi qui les empêche de vaguer et retienne chaque pauvre dans sa paroisse. Taxation de témoins. Art. 61. Ils solliciteront aussi un nouveau règle-ment’pour les provinces, en taxation de témoins, attendu que celui qui y est en vigueur est par son ancienneté hors de proportion avec les dépenses réelles du déplacement. Constructions étrangères prohibées. Art. 62. Les députés seront encore chargés de représenter à Sa Majesté que, par un abus préjudiciable à sa marine et nuisible à ses sujets, les Danois et autres étrangers du Nord amènent dans le port de Marseille quantité de navires de constructions étrangères qu’ils vendent au commerce de cette ville, et supplantent ainsi peu à peu les différents ateliers de construction de la province ; de là résulte la stagnation de nos chantiers, la misère et émigration des charpentiers et autres ouvriers de marine qui manquent ensuite aux constructions royales, la distraction enfin d’un numéraire considérable porté chez l’étranger. Ils solliciteront en conséquence une loi prohibitive à ce sujet. Cabotage. Art. 63. Ils représenteront aussi que les bâtiments nationaux faisant le cabotage le long de nos côtes sont soumis à changer de congé toutes les fois qu’ils chargent ou déchargent dans un port, ce qui, par la fréquence de leurs voyages et la modicité du fret, leur fait supporter des frais ruineux ; lesdits bâtiments sont ordinairement montés par des matelots retenus dans leur département par ordre du Roi en attendant de les employer à son service, et qui n’ont alors point d’autre ressource pour gagner leur pain, ou par des jeunes gens qui y commencent à se former pour la marine; ils méritent par ces raisons une faveur particulière : les députés seront en conséquence chargés de demander que les bâtiments naviguant de port en port en Provence soient à l’avenir assimilés aux pêcheurs, et ne changent d’expéditions et de congé qu’une fois par année. Visites des navires et expéditions de l'amirauté onéreuses. Art. 64. Ils demanderont en outre que les entraves qui résultent des visites d'approvisionnement� munitions, apparaux et autres concernant le salut des équipages et des navires soient levées et lesdites visites supprimées comme inutiles, attendu l’intérêt bien plus direct des armateurs à leur propriété, et que les bateaux de pêche qui naviguent avec mâts et ne sont pas exposés à s’éloigner des côles soient entièrement dispensés de prendre des congés et expéditions à l’amirauté comme d’une formalité qui leur est inutile et onéreuse. Suppression des madragues. Art. 35. Les députés exposeront aux Etats et à Sa Majesté que le poisson diminuant tous les jours sur nos côles, la classe des pécheurs a la plus grande peine à se soutenir et. à gagner sa subsistance ; cette portion précieuse de citoyens qui a été de tous les temps la pépinière alimentaire de notre marine marchande et militaire, souffre un dépérissement encore plus grand en raison des concessions et privilèges des madragues. Ces établissements, contraires au droit naturel par une attribution exclusive, multipliés sur nos côtes, gênent la navigation, l’entrée et sortie des havres, envahissent la pêche non-seulement-du thon, mais du petit poisson sur une très-grande étendue de mer, font naître une quantité de procès et de vexations dont les pêcheurs sont toujours les victimes comme les plus faibles, et ces malheurs reçoivent tous les jours de nouveaux accroissements par l’avidité des fermiers , le crédit et la grandeur des propriétaires. Les députés solliciteront en conséquence de Sa Majesté et des Etats le retrait de toutes ces concessions et la liberté absolue de la pêche devenue aujourd’hui indispensable èt essentiellement nécessaire à la subsistance d’un très-grand nombre de citoyens, et au soutien des forces navales de l’Etal ; cet objet étant extrêmement important sera recommandé au zèle des députés, et dans le cas où des raisons imprévues fissent conserver quelques-unes de ces madragues, les moins onéreuses, ils demanderont qu’il soit établi des règles pour qu’elles soient moins vexa-toires, qu’elles ne puissent prohiber à leur alentour et dans des limites clairement prescrites pour chacune et marquées par des signaux posés et visités de temps à autre à leur frais par les officiers d’amirauté, que la pêche du thon, et que celle du petit poisson reste entièrement libre, et qu’à cet effet l’ordonnance de 1681 soit interprétée ou changée, si besoin est, et notamment l’article... Suppression du tirage des canonniers auxiliaires de la marine. Art. 66. Lesdits députés représenteront que pendant la dernière guerre le besoin de matelots engagea le ministère à faire ressource d’un tirage forcéauquel on assujettitles habitants des paroisses maritimes. La plupart d?3 ceux quifurent désignés par le sort périrent sur les vaisseaux du Roi de la maladie ou de tristesse, sans utilité pour un service auquel ils n’avaient ni aptitude ni expérience. Cependant cet usage aussi destructeur que nouveau a prévalu,- et on a aujourd'hui formé une milice particulière destinée à servir sur les vaisseaux du Roi, sous le nom de canonniers auxiliaires de la marine, de sujets pris forcément. Comme les ports de mer ne sont guère habités que par des gens classés ou ouvriers attachés à la construction et armement des navires, tout le poids de ce tirage tombe sur les habitants des campagnes déjà peu nombreux sur les côtes, et en devient le fléau et une cause puissante d’émigration; supplieront en conséqiiençe Sa Majesté, lesdits députés, d’abolir ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.[ 328 [États gên. 1789. Cahiers. [ ce tirage et de former ces canonniers, de même que les autres troupes, de gens enrôlés librement. Paysans soustraits aux classes. Art. 67. Ils demanderont aussi que les paysans ui, pendant la saison pluvieuse et les fortes ar-eurs de l’été, nepouvant pastravaillerla terre, vont momentanément aider à la pêche, ne soient point inquiétés à raison de ce, et assujettis aux classes, attendu que ce serait priver à la fois celte portion de sujets des moyens nécessaires à leur subsistance et les pêcheurs d’un secours souvent nécessaire, et qui ne peut faire aucun tort aux gens de mer qui sont rarement en assez grand nombre pour fournir tous les bateaux des pêcheurs, et qu'il soit en conséquence adressé des ordres par Sa Majesté aux intendants et officiers de classes et porté une loi, si besoin est, à ce sujet. Augmentation des succursales. Art. 68. Les députés représenteront encore que la dîme ecclésiastique est principalement supportée par Jes habitants des campagnes, et cependant tous les ordres religieux s’étant peu à peu fixés dans les villes, les agriculteurs manquent d’instruction et souvent de secours spirituels, et demanderont, pour obvier à cet abus, qu’il soit érigé un plus grand nombre de succursales, et ce, sur les délibérations desjcommunautés dans le territoire desquelles ces établissements devront avoir lieu, nonobstant l’opposition des seigneurs et décimateurs. Franchise de la pozzolanne. Art. 69. Que la terre pozzolanne étrangère servant non-seulement aux opérations et constructions de quais, digues et fortifications maritimes, mais à celles des particuliers aux fabriques de différents genres, cette matière, qu’on ne peut suppléer qu’imparfaitement et avec danger, entre en toute franchise de droits. Droit de marque sur les cuirs aboli. Art. 70. Que les tanneries de la province soient exemptées du droit de marque, droit qui, en frap-pantunebrancheprécieusederindustrie nationale, la détruit en favorisant la concurrence étrangère. Compagnie d’Afrique abolie. Art. 71’. Que tout privilège exclusif de commerce soit aboli, et nommément celui de la compagnie d’Afrique, qui, par un abus directement opposé au but de son établissement, et pour vouloir faire de trop grands profits, n’a procuré aucun secours à l’Etat cettq année, et au milieu de la plus grande disette a laissé envahir tous les blés d’Afrique par les nations étrangères plutôt que d’augmenter son marché ordinaire. t Lettres venues par mer; double taxe abolie. Art. 72. Que les lettres venues par mer et mises à la poste pour être rendues à leur destination seient déchargées de la double taxe qui leur est imposée, et payent seulement à raison de leur transport réel par la poste, d’autant mieux que plusieurs de ces lettres sont adressées à la classe indigente de matelots. Franchise des matières premières. Art. 73. Que les grains, légumes, matières premières servant aux fabriques nationales venant de l’étranger entrent en franchise de tous droits dans les ports de la province, et qu’il en soit de même des tuiles, briques, bois de charpente et autres matières propres aux constructions de maisons, venant de Marseille dans lesdits ports. Foires franches. Art. 74„ Que les lettres patentes par lesquelles il a été accordé des foires franches aux villes de Toulon et la Giotat seront exécutées dans toute leur intégrité, et les marchandises désignées dans l’état y annexé seront, pendant les-dites foires, exemples de tout droit, nonobstant tout arrêt et décision du conseil subséquents. Franchise du charbon de terre. Art. 75. Que les droits imposés sur le charbon de terre soient abolis, attendu que la dépopulation entière des forêts de la basse Provence rend cette matière de première nécessité pour nos forges de construction et différentes fabriques, et que sa cherté cause continuellement des émigrations de fabricants et artisans qui vont s’établir à Marseille, où ils la trouvent fi meilleur compte. Soudes et barrilles. Art. 76. Que les soudes et barrilles servant à la fabrication du savon qui entrent actuellement en franchise de tous droits à Marseille et sont imposées aux autres entrées delà province établissant en raison de cette différence une concurrence destructive des fabriques du pays, soient à l’avenir imposées à Marseille, ou également affranchies dans le reste de la province. Vins et denrées nationales affranchies , vins étrangers imposés. Art. 77. Les députés exposeront que l’agriculture de cette province et ses richesses reçoivent le plus grand dommage des droits imposés sur la sortie de nos vins, huiles et autres denrées et productions, que les vins de Catalogne vont à cause de cet impôt nous supplanter en Italie, et entrent au port de Marseille en franchise de tous droits pour établir une concurrence funeste dans notre propre sein, et demanderont en conséquence l’abolition de tous droits desortie sur les denrées nationales, et une forte imposition sjir tous les vins rouges étrangers entrant à Marseille. Consulat établi à la Ciotat. Art. 78. Les députés seront encore chargés d’exposer à Sa Majesté que le roi Louis IX ayant, en 1568, accordé à la ville de la Giotat une juridiction consulaire à l’instar de celle de Marseille, avantage précieux pour une ville de commerce, et essentiel à sa prospérité, les habitants n’ont jamais pu en obtenir l’exécution à cause des oppositions mises par l’esprit féodal et parlementaire, et solliciteront les ordres nécessaires pour l’entérinement et exécution desdites lettres. Maîtrises. Art. 79. Ils représenteront encore que les maîtres menuisiers, sculpteurs, barrilats-menuisiers, maçons, tailleurs d’habits, tailleurs de pierre, cordonniers, forgerons, serruriers et ferblantiers, ont été taxés en différents temps à raison de leur profession et maîtrise, ce qui leur a fait contracter des dettes onéreuses, et cependant ils ne [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 329 jouissent pas de ladite maîtrise, et ont le désagrément de voir les étrangers venir leur enlever leur travail sans partager leurs charges ; demanderont en conséquence que lesdits maîtres artisans fassent corps et jouissent à l’avenir du droit réel de maîtrise, et que dans le cas où Sa Majesté ne le jugerait pas à propos, il soit ordonné qu’ils seront remboursés de leurs finances et la somme répartie sur ceux qui l’ont avancée. Signé Fassy, viguier; F. Martin, maire ; Estou-pau, consul ; B. Dalmac, consul; Babu, prêtre; Daumas, trésorier; J.-L. Estapan; J. Dalmas ; A. Châteauneuf ; Sanson ; Monier ; L. Bremond ; Joseph Gipier ; H. Henriette ; Mâché ; J. -J. Tassy; A. Scaljussy; Moustier; Jean-Pierre Remy ; Dalmas ; Jacques Bernard ; Joseph-François Nalys; Fournier; L. Masse; Joseph-Thomas îsalys ; Jean Ourdary ; Barthélemy Boyer ; Madebert ; A. Bouillon ; Antoine-Toussaint-Louis Guion; P. Laborde; J. Arnaud; Arnaud; Louis -François Legrand; Guérin; François Mouttel ; Toussaint Guichard ; L. Sicard ; Laurent Paul ; Joseph Surlie ; T. Tassy; Lazard; Morand; Jacques Mosse; Joseph Vibet ; Paul-Louis Belanger; Jean-Joseph Agerrat ; B. Jeansaunier ; Gasque; Georges Coudret; Marché; Jauffredy; Jean-Pierre Feraudri, maçon; P. Bonifay ; L. Guyot ; Viar ; François Bev; François Audier; François Ficay; Hubert ; François Villeneuve ; L. Audîffrin ; R. Fiary ; Montfort; A. Barthélemy ; J.-E. Viau ; François Martin ; J. Gar-det ; Henri Samat; Joseph Auzet ; Aune; J. -P. Aubry ; Jean Richard; J. -J. Long; L. Labé; N. Virey ; Revend; Sausin ; Pascal ; L. Audibert; J.-B. Lan-chard; Dauphin ; Brunet; Pothomer ; J. Econil; J. -P. Décorais; E. Daumas; A. Nalis ; Sanelly ; Dey ; P. Estienne; Verard ; E. Masse ; J. -Joseph Bourgue ; Jean Gabriel ; J. Fournier ; P. Riboul ; Joseph Ginoux; Louis Bigad; Lazare Stary; Paul; J.-B. Almey ; Antoine Vessin ; Toussaint Courtes; B. Vellin ; Joseph Vellin ; J. -P. Reboul ; Collombe; Faulquette, prêtre ; Fassy, vicaire ; Jean Jean-thias; E. Blau ; Mazerou; Pierre Bonifay ; J. Guérin; J.-B. Brue; Julien ; J. Fournier; A. -G. Jauf-frey; L. Olivier; Jacques Mosse ; A. Ballegre; Daumas; H. Giraud; Joseph Reverdy; L. Fougasse ; B. Reinier , H. Audiffrey ; Icard ; B. Masse; A. Brue; J. Morel; Philopv ; J.-B. Ventre; Bonnet; T. Ramet; Guérin; Taulignas ; L. Martin , et Audibert, greffier. CAHIER Des plaintes, doléances et remontrances de la communauté de la Fare , sénéchaussée d’Aix , du 25 mars i 789 (1). Art. 1er. Le quart du terroir de la Fare, soumis à la taxe, le seigneur exige de cinq parties, une de tous les fruits, et le seigneur ne�paye aucune imposition au Roi ni au pays. Art. 2. Gomme aussi les "habitants sont soumis à cinquante-six charges de blé de cens réparties presque sur Puniversalitédu terroir, qui ne peuvent pas être affranchies, qu’il faut toujours avoir du plus beau, et qu’il faut tirer souvent à la main, plusieurs particuliers soumis à un cens en poulet, quelques propriétés soumises à la banalité des huiles ; nous demandons le tout rachetable. Art. 3. Le seigneur a le droit de chasse, les droits de lods à raison de 2 sous par florin, chaque florin valant 12 sous, de plus le droit de re-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. trait féodal; un père vend son bien, le seigneur a le droit de le faire passer à d’autres et les soumet à la banalité, et encore à un petit cens que d’environ cinquante ans la terre de la Fare serait soumise à la banalité et presque tout au cens. Art. 4. Le seigneur possède toutes les terres gastes, savoir de quatre portions trois, le seigneur ne paye rien, et nous payons toutes les charges de la communauté, et encore dans le quart que nous jouissons, il nous défend de prendre de pierre et de terre, attendu que le fonds lui appartient. Art. 5. Le seigneur a défriché une grande partie du quart de la terre gaste dont la communauté jouissait; la communauté se trouve dans la nécessité pour les bois. Art. 6. 11 y a une partie de la terre que les herbes d’hiver lui sont dues ; malgré qu’elles sont plantées d’oliviers, les troupeaux dudit seigneur nous occasionnent de grands dommages ; on n’ose pas le faire payer, attendu les grandes redevances auxquelles nous sommes soumis. Art. 7. L’année dernière 1788, le seigneur força la communauté de prendre de sa pierre, et la communauté refusa, attendu qu’il a mis la livrée et n’a pas voulu permettre l’ordonnance de la province. Art. 8. Notre communauté a toujours habillé le valet de ville à sa livrée; le seigneur, en l'année dernière 1788, a voulu habiller le valet du même habillage que les domestiques, et la communauté ne consentit que contrainte et forcée, attendu qu’elle n’a pas voulu avoir de procès. Art. 9. La communauté trouve qu’elle n’a pas de bien-fonds à elle ; elle ne peut point faire de maison de ville pour s’assembler, attendu que le seigneur a le droit de demi-lods de dix en dix ans. Art. 10. La communauté ne peut rien délibérer sans l’autorisation du juge ou de son lieutenant ; la communauté demande que les consuls autorisent ledit conseil sans l’approbatiou de son juge ou de son lieutenant. Art. 11. La terre de la Fare appartenait en 1379 aux comtes de Provence; par conséquent, elle était domaniale ; ladite communauté avait le droit de chasse dans ce temps-là, à présent nous ne pouvons pas jouir de ce droit-là. Art. 12. De plus, il veut nous forcer à mettre des habits de capitaines de ville, ce qui nous occasionnerait unè grande dépense. Art. 13. Le seigneur renouvelle son terrier, dans lequel il a donné des assignations à quelques particuliers à donner son remboursement par mains de notaire. Art. 14. Il défend à tous les particuliers de faire des enclos ou du moins, il veut qu’il y ait deux portes et avoir une clé des deux portes. Art. 15. 11 n’y a pas d’eau dans ce lieu de la Fare pour pouvoir laver le linge; il n’y a que les fossés du seigneur qui nous défend de nous servir de l’eau que pour l’usage de la piquette. Art. 16. Ledit seigneur a élevé son fossé et obligé les particuliers à élever les donnes du fossé. Art. 17. La rigueur de l’hiver ayant fait périr la plus grande partie de nos oliviers, le lieu de la Fare se trouve dans la triste nécessité de supplier Sa Majesté d’avoir égard à nos misères. Nota. — Le cahier de cette paroisse est copié littéralement. Signé Reire, consul; J. Guignes: P. Marrot, consul; François Bousithon ; Louis Cabel; Joseph Pascal; Louis’Armier; André Cauvct; Jean Isnard; Mathieu Tronc; F.-M. Giraud; J. -P. Giraud; B. Reyré.