211 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 14 juin 1791 .J les ouvriers d’un art quelconque, ne pourront, lorsqu’ils se trouveront ensemble, se nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former de> règlements sur leurs prétendus intérêts communs. Art. 3. « Il est interdit à tous corps administratifs ou municipaux do recevoir aucune adresse ou pétition sou-; la dénomination d’un état ou profession, d’y faire aucune réponse, et il leur est enjoint ttedéelarer nulles les délibérations qui pourraient être prises de cette m inière, et de veiller soigneusement à ce qu’il ne leur soit donné aucune suite ni exécution. Art. 4. « Si, contre les principes de la liberté et de la Constitution, des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers prenaient des délibérations, ou faisaient entre eux des conventions tendant à refuser de concert ou à n’accorder qu’à un pfix déterminé le secours de leur industrie ou de leurs travaux, iesdiles délibérations et conventions, accompagnées on non du serment, sont déclarées inconstitutionnelles, attentatoires à la liberté et à la déclaration des droits de l’homme, et de nul effet : les corps administratifs et municipaux sont tenus de les déclarer telles. Les auteurs, chefs et instigateurs qui les auront provoquées, rédigées ou présidées, seront cités devant le tribunal de police à la requête du procureur de la commune, condamnés chacun à 500 livres d’amende, et suspendus pendant un an de l’exercice de tous droits de citoyens actifs et de l’entrée dans les assemblées primaires. Art. 5. « 11 e-t défendu à tous les corps administratifs et municipaux, à peine par leurs membres d'en répondre en leur propre nom, d’employer, a i mettre ou souffrir qu’on admette aux ouvrages de leurs professions dans aucuns travaux publies, ceux des entrepreneurs, ouvriers et compagnons qui provoqueraient ou signeraient lesdites délibérations ou conventions, si ce n’est dans le ca< où, de leur propre mouvement, ils se seraient présentés au greffe du tribunal de police pour les rétracter ou les désavouer. Art. 6. « Si lesdites délibérations ou conventions, affiches apposées, lettres circulaires, contenaient quelques menaces contre les entrepreneurs, artisans, ouvriers ou journaliers étrangers qui viennent travailler dans le lieu, ou contre ceux qui se contenieraient d’un salaire inférieur, tous auteurs, instigateurs et signataires des actes ou écrits, seront punis d’une amende de 1,000 livres chacun et de 3 mois de prison. Art. 7. « Ceux qui useraient de menaces ou de violences contre les ouvriers, usant de la liberté accordée parles lois consiitulionnelles au travail et à l’industrie, seront poursuivis par la voie criminelle et punis selon la rigueur des lois, comme perturbateurs du repos public. Art. 8. « Tous attroupements composés d’artisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excités par eux contre le libre exercice de l’industrie et du travail appartenant à toutes sortes de personnes, et sous toute espèce de conditions convenues de gré à gré ou contre l’action de la police et l’exécution des jugements rendus en cette matière, ainsi que contre L s enchères et adjudications publiques des diverses entreprises, seront tenus pour attroupements séditieux, et comme tels, ils seront dissipés par 1rs dépositaires de la force publique, sur les réquisitions légales qui leur en seront faites, et punis selon toute la rigueur des lois, sur les auteurs, instigateurs et chefs desdits attroupements, et sur tous ceux qui auront commis des voies de fait et des actes de violence. » A droite : Et les clubs? M. GauItier-EIiaiizat. Messieurs, le décret qui vous est présenté est d'autant plus nécessaire que l’esprit de corporation et de privilèges exclusifs commence à se repro luire. On voit, dans Paris môme, une classe d’individus qui s’assemblent tous les j mrs sous le titre de ci-devant procureurs au Châtelet; il est à ma connaissance, et j’en ai des preuves par écrit que ces individus ont pris une délibération portant qu’on ne traiterait, en matière d’enchères, que de procureur au Châtelet à procureur au Cbâte et; ils ont pris pour prétexte qu’ils étaient ci-devant officiers et qu’ils pouvaient répondre de la confiance publique. Ge que j’observe est d’autant plus intéressant que les tribunaux ne se sont pas crus en droit d’arrêter ce mal. J’ai donc, Messieurs, la môme opinion que li comité sur le fond du projet de décret que je trouve absolument nécessaire et indispensable; mais, tout en convenant de cette nécessité, je pense que ce projet est de trop haute importance pour qu’il puisse être adopté à l’instant même, et je crois convenable que l’Assemblée se donne le temps de la réfi xion. Je ne veux pas proposer un ajournement indéfini qui pourrait avoir des inconvénients, niais un simple renvoi à la séance de demain matin. Par exemple, à la simple lecture qui vient d’être faite du décret, j’ai cru entrevoir quelque discordance enrre l’article qui interdit des a semblées de personnes qui se trouveraient avoir la môme profession, et les décrets constitutionnels sur la liberté de tenir des assemblées. Sans doute, les individus ie même profession' ne doivent jamais se coaliser ; mais, s’ils se rencontrent en société... Plusieurs membres : Il s’agit de délibérations. M. Ganltier-lîiauïal. Je désirerais qu’on ne portât pas atteinte à la liberté qu’on a de s’assembler quelquefois. M. Ce Chapelier, rapporteur. Il serait très imprudent d’ajourner le projet de décret que nous vous présentons, car la fermentation est aussi grande dans les villes de province qu’à Paris, et il est très important qu’il soit très promptement adopté. Je crois que nous ne pouvons pas mettre trop de célérité pour éclairer les citoyens. (L’Assemblée repousse l’ajournement et décide que le projet de décret sera mis en délibération article par article.) M. Ce Chapelier, rapporteur , fait une nouvelle lecture de l’article 1er du projet de décret. (Cet article est mis aux voix et adopté). 212 [Assemblée nationale.] M. Le Chapelier, rapporteur , fait ensuite la lecture de l’article 2. Un membre : Je demande que les dispositions de cet article soient étendues à toutes les sociétés indistinctement (Murmures.), et j’insiste sur mon amendement. A gauche : Et nous insistons ! M. Chabroud. Je demande que l’opinant soi t rappelé à l’ordre, ou du moins que r Assemblée passe à l’ordre du jour sur-le-champ. (L’Assembb e passe à l’ordre du jour sur l’amendement, et adopte l’article 2.) M. Le Chapelier, rapporteur , donne lecture de l’article 3. M. Gaultier-ISiauzat. Je voudrais que la corporation des ci-devant procureurs au Châtelet fût nominativement comprise dans le décret; cette corporation tient fréquemment des assemblées; elle a arrête que ses membres demanderont respectivement dos remises, les présents pour les absents, et non pour les autres avoués qui n’ont pas fait partie de leur corporation; elte a arrêté de ne pas admettre les autres avoués, qui n’ont pas été procureurs, à faire des enchères dans les cas de vente, par licitation et sur saisie réelle. M. Le Chapelier, rapporteur. Le décret comprenant les corporations de toute profession, il s’étend aux ci-devant procureurs comme aux autres corporations. M. Gaullicr-Biaiizat. Je demande que mon observation et la réponse de M. le rapporteur soient consignées dans le procès-verbal. M. Martineau. Quelles sont les preuves de cette assertion ? Pouvez-vous faire une loi sur un fait qui n’est pas prouvé, sur un fait mê me qui ne peut l’être? Car, comment saurez-vous que deux procureurs on fait entre eux la convention secrète de ne point demander de remise pour les avoués étrangeis à leur corporation ? Pouvez-vous les forcer de rendre service à des gens qu’ils ne connaissent pas? M. Gauïtier-Biauzat. J’ai chez moi, nous avons journellement sous les yeux des affiches imprimées, dans lesquels il est dit que les enchères ne seront reçues que par des avoués ci devant procureurs au Châtelet. M. Lavie. Au lieu de parlements, nous avons des juges de district. Cependant les ci-devant procureurs continuent à exiger le même salaire, les mêmes droits qu’auparavant. Je demande que l’on arrête cette déprédation des anciens corbeaux de la justice... M. Chabroud. Je regarde comme très répréhensibles les procédés que le préopinant dénonce à l’Assemblée; mais je crois que ce n’est point à l’Assemblée qu’ils doivent être dénoncés. C’est une contravention à la loi, c’est un délit, c’est une espèce de concert très blâmable entre les membres d’une corporation qui n’existe plus : c’est donc aux tribunaux à intervenir pour faire cesser de pareils ptocédés; c’est donc à l’accusateur public qu’ils doivent être dénoncés. 11 est étonnant que les corps administratifs et 114 juin 17&1.J les tribunaux ne les aient pas encore réprimés. L’exclusion des nouveaux avoués du droit de faire des enchères est un délit du ressort des tribunaux, qui doit être pris en considération par les officiers chargés du ministère public. Je demande donc que l’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour; elle adopte ensuite les articles 3, 4, 5, 6 et 7 du projet.) M. Le Chapelier, rapporteur, donne lecture de l’article 8. M. Lasalle. 11 y a une loi martiale pour tous les attroupements et il est inutile de venir aujour-d’hui faire un amendement àcette loi. Je demande donc la question préalable sur l’article 8. M. Le Chapelier, rapporteur. J’ai l’honneur d’observer à l’opinant que toutes ses craintes doivent être calmées par ces expressions de l’article : sur les réquisitions légales qui leur en seront faites. Il faut bien spécifier ce cas-là, pour qu’on ne puisse pas égarer les ouvriers; car il est de fait qu’on les égare, qu’on cherche à les amener pour empêcher tel ou tel de travailler dans tel chantier, parce qu’il ne veut pas exiger le prix que les autres veulent exiger. (L’article 8 est adopté.) M. Le Chapelier, rapporteur. J’ai entendu dire autour de moi qu’il faudrait faire une exception pour les chambres de commerce des villes. Certainement, vous imaginez bien qu’aucun de nous n’entend empêcher les commerçants de causer ensemble de leurs affaires. Je propose donc d’insérer dans le procès-verbal une disposition ainsi conçue : « L’Assemblée nationale, considérant que le décret qu’elle vient de rendre ne concerne point les chambres de commerce a passé à l’ordre du jour. » (Cette motion est adoptée.) Un ecclésiastique à droite : Je propose comme article additionnel que les clubs soient prohibés de même que les rassemblements d’ouvriers. M. Malouet. Laissez, laissez-les faire ; ils sont à l’agonie. ( Applaudissements à droite ; murmures à gauche .) M. Camus. Je demande que le rapport de M. Le Chapelier soit imprimé en même temps que les articles, parce que je le crois très propre à éclairer les ouvriers sur le .rs duvuirs. (L’impression du rapport est décrétée.) M. l’abbé Jallet. Je voudrais qu’il y eût un article additionnel relatif aux attroupements qui se font dans le temps delà moisson. Je crois que rien n’est plus essentiel, car on a vu l’année dernière, dans les campagnes, une foule d’attroupements séditieux ayant pour objet, après la moisson, de faire augmenter le prix de la coupe des blés. On a vu de ces journaliers pousser l’atrocité jusqu’à descendre un vieillard, un père de famille, dans un puits, le menaçant de l’y noyer, s’il ne souscrivait un salaire double ou triple de celui dont on était convenu avant la moisson. Vous sentez qu’en pareil cas ils ont signé; dans plusieurs endroits, la force pu-AKCHIYES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juin 1791.] 213 blique leur a manqué et ils ont été obligés de payer eet engagement forcé. je demande que chaque commune s’assemble au 1er juillet pour taxer (Murmures.) les moissons, et que les moissonneurs soient mandés à cette assemblée pour convenir des prix avec les propriétaires. M. Démeunier. La rédaction de la loi que le préopinant vous propose, n’est pas aussi facile qu’il le pense. Le comité de Constitution vous présentera, après que vous aurez terminé le Code pénal, un Code municipal et un Code de police correctionnelle. Le comité d’agriculture et de commerce s’est aussi occupé, de concert avec le comité de Constitution, des moyens de réprimer les désordres qui ont eu lieu l’année dernière dans le temps des moissons ; ces moyens font partie d’un plan général de police ruiale qui va être livré à l’impression. Peut-être, relativement aux moissons dans les départements du Nord, pourra-t-on rendre un décret provisoire ayant pour objet de prévenir les désordres dont on vient de parler. Je demande que M. le président soit chargé d’écrire sur-le-champ à t\l. le rapporteur chargé de ce travail, pour savoir s’il peut détacher de son travail général une disposition sur cette matière, disposition, qui deviendrait ensuite partie intégrante du Code rural. (La proposition de M. Démeunier est adoptée.) M. de Saint-Martin. Je m’étonne que le comité de révision ne vous rende pas compte, comme vous l’en aviez chargé, de son travail sur la révision; il est cependant important de savoir si le bruit qui se répand que le comité de révision doit vous faire renverser toute la Constitution, a quelque fondement. Ces bruits alarment les amis de la Constitution et secondent l’espoir de ses ennemis. Pour faire cesser ces alarmes, je demande qu’il soit enjoint à ce comité de se renfermer exactement dans la besogne quilui a été confiée. M. Démeunier, au nom des comités de Constitution et de la révision des décrets. L’Assemblée a désiré connaître le point où sont parvenus en ce moment les comités de Co; stiiution et de révision, dans le travail dont ils sont conjointement chargés. J’observe d’abord que ce travail n’est pas de nature à être aussi promptement terminé que ie préopinant se l’imagine. Avant qie vous fassiez la révision de vos décrets, il vous reste encore beaucoup de choses à terminer : après le Gode pénal judiciaire, vous aurez à vous occuper du Gode municipal, du Code de la police correctionnelle, seul moyen de rétablir Perdre dans les différentes parties du royaume. Vous avez encore à déterminer ce qui concerne les conventions nationales, quelque chose pour le complément du pouvoir exécutif et encore quelques autres partit s . Le comité de Constitution est prêt à donner la dernière main à ces projets ; ii se livrera ensuite entièrement au travail de la révision. Mais, pour satisfaire l’impatience de l’Assemblée, je vais lui montrer comment les deux comilés ont subdivisé leur travail. Je ne répondrai pas aux soupçons du préopinant; car certes il serait trop étrange qu’on recueillît dans les journaux des assertions dénuées de tout fondement, pour accuser les projets et les intentions de vos comités; et il est très notoire que les juurnaux ne s’attachent qu’à calomnier sans cesse et les membres de celte Assemblée et des comités, et que, dès qu’ils peuveut rencontrer un sujet de troubles et d’agitation, ils le saisissent avec empressement. Voici donc comment se sont conduits vos comités de Constitution et de révision; ils ont divisé leur travail entrois parties : 1° Ils se proposent de faire une Charte constitutionnelle dans laquelle iis rédigeront, en un petit nombre d’articles fon lamen'aux, les bases de votre Constitution; en réduisant ainsi e s articles on petit nombre, vous laisserez une plus grande latitude aux législatures, vous augmenterez le nombre de ceux dont vos successeurs pourront corriger les imperfections ; 2° Nous vous présenterons quelques projets de lois, constitutionnelles ou réglementaires, nécessaires, soit pour compléter l’organisation sociale, soit pour donner de l’activité à la législature et au gouvernement; 3° Enfin, nous examinerons si parmi vos décrets purement réglementaires (et j’insiste sur ce mot), si parmi vos décrets purement provisoires, il a’en est pas quelques-uns dont ii serait de votre devoir de corriger les imperfections, ou meme de prononcer l’abrogation. Quant aux bases de notre travail, nous avons pensé que son état fondamental devait ê!re de laisser aux législatures la plus grande latitude, et de renfermer les bases de votre Constitution. dans une Charte constitutionnelle, plus capable, que des décrets isolés, de résister aux orages, aux troubles qui pourront encore suivre la Révolution. Nous avons pensé qmj, pour être resserrés dans celte Charte, plusieurs de ces décrets exigeraient une rédaction nouvelle; mais que, quant à la substance, ils devaient rester les mêmes, quelque forme qu’il fût nécessaire de leur donner. Enlin, vos comités, espérant toujours que vous pourrez achever vos travaux avant même que toutes les élections soient terminées, me chargent de vous prier de vous occuper incessamment, et de vous occuper, sans relâche, de différents travaux constitutionnels qui vous restent à faire. ( Applaudissements .) L’ordre du jour est la discussion du projet d'instruction à envoyer aux colonies. M. Deferanon, au nom des comités de Consti talion, des colonies, de la marine, d' agriculture et de commerce. Messieurs, les instructions pour les colonies, préparées dans votre comité colonial, ont été examinées et discutées avec le plus grand soin dans vos comités de Constitution, d’agriculture et de commerce et de marine; ils y ont fait les corrections qu’exigeaient les principes de votre Constitution et vos derniers décrets sur les colonies. Le résultat de leur travail est un plan de Constitution adopté à la colonie principale, celle de Saint-Domingue, et dans lequel il n’y aura rien à changer,� pour les autres colonies, que le nombre des établissements, etc. Je vais donner lecture de ce document à l’Assemblée. M. Duport. Permeltez-moi, Messieurs, une courte observation. Peut-être le titre d’instruction a égaré l’Assemblée; ici il s’agit d’uu travail en 300 articles. La lecture de ce projet sera très longue, très fatigante et peu fructueuse; il me semble qu’il serait plus utile qu’avant d’être