(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 novembre 1789.] 329 verait surchargée, tandis que l’autre serait trop peu semée. Mais en détruisant l’aumône particulière, nous n’avons pas entendu priver les âmes bienfaisantes de la satisfaction de faire du bien ; nous avons dit qu’il fallait établir une caisse générale de bienfaisance; cette caisse, sous la protection particulière du Roi et des représentants de la nation, surveillée par des administrateurs par eux nommés, serait dépositaire des charités de ceux qui, bienfaiteurs de l’humanité, mettraient leur juste satisfaction à soulager l’indigence. On pourrait joindre à ces fonds ceux des maisons religeuses éteintes, ou portions des revenus des religieux, qui, n’ayant point assez de sujets pour consommer leurs revenus (1), seraient astreints à porter dans la caisse les fonds excédant leurs besoins. Ces biens, fondés pour la prière et l’aumône, ne pourraient être justement appliquées qu’à de pareilles destinations. Le surplus des fonds des hôtels-Dieu, dont la charge serait diminuée par un plus grand soin du pauvre ; le surplus de ceux de l’hôpital général, qui ne recevrait plus que des impotents, ce qui ferait une grande amélioration dans son régime et dans le sort de ceux qui s’y retirent ; le produit des aubaines, des régales, des déshérences, des confiscations ; l’excédant des fonds de la police publique pourraient être versés dans ladite caisse. Tous ces fonds, distribués en grande connaissance de cause entre les paroisses nécessiteuses, établiraient un juste équilibre entre les besoins et les secours, sans de grands sacrifices, le pauvre serait secouru et la propriété du riche serait assurée, et cette heureuse harmonie entre la richesse et l’indigence serait plus que jamais le lien de cette douce confraternité, si digne d’un siècle éclairé et bienfaisant. Je pense en conséquence que, pour opérer ce bien inappréciable, il y a lieu dmrdonner premièrement à toute personne de se faire inscrire dans le district où elle habite; Secondement, d’établir une imposition ou par feu ou à raison de la capitation ou vingtième, en faveur des indigents du district ; Troisièmement, de créer une caisse générale de bienfaisance, pour fournir aux districts nécessiteux les fonds nécessaires pour établir un juste équilibre entre les secours et leurs besoins. Ces moyens simples sont d’une exécution facile, et les avantages, que la société et l’humanité en retireront sont au-dessus de toute expression. 2e ANNEXÉ a la séance de l'Assemblée nationale du 28 novembre 1789. RÉCLAMATIONS Des nègres libres, colons américains , adressées à l'Assemblée nationale (2). Le nègre est issu d’un sang pur; le mulâtre, au contraire, est issu d’un sang mélangé ; c’est (1) Il est facile d’opérer la réunion des maisons religieuses où il n’y a qu’un petit nombre de sujets et d’appliquer à celte caisse de bienfaisance les fonds des maisons supprimées. (2) Cette pièce a été intégralement insérée au Moniteur. un composé du noir et du blanc, c’est une espèce abâtardie. D’après cette vérité, il est aussi évident que le nègre est au-dessus du mulâtre qu’il est évident que l’or pur est au-dessus de l’or mélangé. D’après ce principe, le nègre libre dans l’ordre social doit être classé avant le mulâtre ou homme de couleur; donc les nègres libres doivent au moins espérer, comme les gens de couleur, une représentation à l’Assemblée nationale, si ces derniers obtiennent cette faveur qu’ils viennent solliciter : les nègres libres se reposent à cet effet sur la haute sagesse des représentants de la nation; ils réclament d’ailleurs les bons offices des députés de Saint-Domingue, leurs patrons et leurs protecteurs naturels, qui ne souffriront point une exclusion injurieuse à la pureté de leur origine; ils ne doutent pas que les députés de Saint-Domingue ne dévoilent, avec toute l’énergie dont ils sont capables, l’ingratitude des gens de couleur, qui semblent dédaigner les auteurs de leur être, qui les ont oubliés volontairement dans la demande qu’ils viennent de former au tribunal de la nation, en lui faisant une offre patriotique de 6 millions, sans daigner les y comprendre. Mais les nègres libres, colons américains, plus généreux que leurs enfants, se proposent de venir incessamment offrir eux-mêmes à l'Assemblée nationale un don patriotique de 12 millions ] ils ont lieu de croire qu’il sera reçu avec le même enthousiasme, et qu’il leur méritera les mêmes bontés ; étant en beaucoup plus grand nombre que les gens de couleur, non moins fondés en droits et en pouvoirs, ils ne seront pas plus embarrassés qu’eux à réaliser ce faible don patriotique. 3e ANNEXE h la séance de l'Assemblée nationale du 28 novembre 1789. Lettre des citoyens de couleur des îles et colonies françaises adressée à MM. les membres du comité de vérification de l’Assemblée nationale (1). Messieurs, l’Assemblée nationale vous a renvoyé l’adresse, les mémoires, les pièces et les demandes des citoyens de couleur, des îles et colonies françaises. Vous devez incessamment en faire l’examen et le rapport. Quelque confiance que nous ayons dans vos lumières, et surtout dans votre justice et votre humanité, nous croyons devoir vous soumettre encore quelques réflexions, non pas sur le fond de l'affaire, elle n’en est pas susceptible; mais sur la forme de la réunion des citoyens de couleur, ainsi que sur l’élection et la présentation de leurs députés. Nous disons, Messieurs, que le fond de l’affaire, l’objet le plus important pour les citoyens de couleur, n’est plus susceptible de réflexions; car, indépendamment du principe qui réside dans tous les cœurs, excepté peut-être dans celui des colons blancs, la question est jugée; et il ne s’agit plus que de faire l'application de la loi. L’Assemblée nationale a décrété, et le Roi a solennellement reconnu : 1° Que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits; (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.