[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 avril 1790.] 581 selle d’église, remise par ladite . municipalité à l’hôtel de la Monnaie de Marseille. Cette adresse, dictée par le patriotisme, annonce la prestation du serment civique, l’adhésion aux décrets de l’Assemblée, et le zèle des citoyens d’Antibes pour la contribution patriotique. Une lettre adressée à M. le président par le 'prince évêque de Bamberg et Wurtzbourg , lequel réclame une créance de 1 ,500 mille livres dues par la France , pour fourniture de fourrages dans les guerres de 1757 à 1763, est renvoyée, par l’Assemblée, au comité de liquidation. Le sieur Matigny, ancien avocat au Parlement, a fait hommage à l’Assemblée d'un plan d’une ordonnance civile et d’un traité philosophique, théologique et politique de la loi du divorce, dont il est 'l’auteur. M. Brevet de Beaujotir, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Plusieurs membres demandent que les procès-verbaux ne présentent pas à l’avenir l’aualyse des opinions émises devant l’Assemblée et qu’ils se bornent à rappeler les conclusions. Ces observations sont adoptées et l’Assemblée décrète « que dans ses procès-verbaux on se bornera à rapporter les conclusions de chaque opinant, sans aucune analyse de son discours, et ce, conformément au décret qu’elle a précédemment rendu sur le même objet. » M. le marquis de 'Yaudreuil, président du comité de la marine , au nom de ce comité, et d’après les observations présentées par le ministre de la marine dans la lettre qu’il a adressée dernièrement à M. le président de l’Assemblée, propose, et l’Assemblée nationale adopte et porte le décret suivant: « L’Assemblée nationale décrète que l’augmentation de solde de 32 deniers, attribuée par son décret du 14 janvier dernier aux troupes de terre, aura également lieu pour les troupes de la marine et pour celles des colonies, à commencer du 1er mai 1790. » M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire et sur la question spéciale de l'établissement des jurés. M. Gossin. Y aura-t-il en France des jurés en matière civile et criminelle, tels qu’ils sont établis en Angleterre ? Cette institution intéresse la liberté individuelle et les propriétés des citoyens ; on ne peut apporter trop de précautions, trop de maturité dans un projet si important; elle suppose une grande masse d’esprit public ; sans esprit public point de jurés. On peut céder à l’espérance flatteuse de son succès en matière criminelle ; le succès consolidera les fondements de notre liberté; si l’esprit public ne règne pas encore ce sera un sujet d’en développer le germe. Sauver l’innocence accusée, indiquer le criminel à la vengeance des lois, sont des devoirs qui vaincront l’indifférence des citoyens à remplir les fonctions publiques; encore faudra-t-il un code nouveau et une refonte préalable des formes. L’institution des jurés en matière civile est prématurée quant aux personnes et quant aux choses. Quant aux personnes, parce que l’esprit public ne rompra pas subitement cette apathie où le despotisme nous a contraint de végéter. Le patriotisme français est encore dans son adolescence ; il ne faut pas fatiguer par un trop grand nombre de fonctions publiques, des citoyens habitués à une sorte de nullité ; il faut préparer leur esprit à de plus grandes idées; il faut former leur goût pour le service général de la société. L’établissement des jurés n’est pas susceptible d’une perfection graduelle ; il doit être, dès le principe, aussi parfait qu’il puisse jamais être ou l’on compromettra son succès, et quels effets funestes l’interruption de la justice ne produirait-elle pas alors sur la Constitution? L’institution des jurés en matière civile est également prématurée quant aux choses : les lois ne sont pas réformées, toutes les coutumes existent. Le chaos de notre législation n’est pas débrouillé. Comment des jurés entendront-ils des lois qui embarrassent chaque jour les hommes les plus instruits? En Angleterre, l’institution n’a pas été brusquée, elle date de plusieurs siècles. En Amérique, l’institution n’a pas été repoussée par des habitudes, des préjugés contraires. La -difficulté n’est pas dans l’institution des jurés; si l’Assemblée le décrète, les jurés seront élus; mais ces jurés, tels qu’ils sont en Angleterre, peuvent-ils remplir en France le but de cette institution? Voilà le véritable problème, et notre situation actuelle me porte à penser qu’elle serait prématurée. Je conclus à ce que les jugements par jurés aient lieu en matière criminelle, suivant les formes et le mode qui seront incessamment fixés; Et à ce que l’établissement des jurés en matière civile soit ajourné. M. de Bremond d’Ars. Je me rallie à l’opinion que vous venez d’entendre, et je me borne à ajouter qu’avant d’établir les jurés, il faut déterminer plus précisément leurs fonctions. Comment, les jurés seront chargés de la partie la plus importante de la justice! Eh! que restera-t-il à faire aux magistrats? Sur quoi sera fondé le respect dû à leurs fonctions? Le peuple qui les aura nommés regrettera de n’en avoir pas fait des jurés. Ils seront donc bornés à déclarer ce que tout le monde sait: qu’un homme convaincu d’homicide sera puni de mort. On propose de prendre les jurés parmi les pairs de l’accusé. Ne copions pas servilement les Anglais. Chez eux l’accusé peut être jugé par ses pairs, puisque la distinction des ordres a lieu; mais en France où il n’y a plus d’autre distinction que celle des talents et des vertus, cela n’est pas praticable. M. Buzot. Je crois qu’il est nécessaire d’établir des jurés tant au civil qu’au criminel. Selon moi, sans l’établissement des jurés point de justice et point de liberté. Mon opinion n’est peut-être pas celle de toute l’Assemblée, et je ne dois en accuser que les orateurs qui ont parlé sur cette question, et qui tous ont défini d’une manière différente la signification du mot juré. Mais de quelle espèce de jurés voulez-vous parler? quelles sont les idées que vous attachez à ce mot? Si vous parlez des jurés tels qu’ils sont en Angleterre, je n’en adopte ni au civil ni au criminel. Si, au contraire, vous voulez vous faire une idée exacte de cet établissement, peut-être serons-nous d’accord ensemble ; car, encore une fois, dans mon opinion, point de justice sans jurés. M. Thouret a pensé, avec quelques autres mem