[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ) � décembre*" 793 511 opinion sur des événements passés; car c’est fournir aux intrigants le moyen de se donner une couleur de patriotisme, et vous devez bien être assurés que ceux qui ont eu des sentiments ou tenu une conduite anti -révolutionnaire, ne vien¬ dront pas ici vous en faire la déclaration. Vous n’avez qu’un moyen de bien vous assurer des opinions et des sentiments des nouveaux mem¬ bres qui viennent ici en qualité de suppléants, c’est de faire prendre sur leur compte des ren¬ seignements dans les sociétés populaires, dans les communes, dans les administrations régé¬ nérées de leurs départements. Remarquez que le décret que vous venez de rendre ne ferait qu’annoncer des craintes indignes de la Monta¬ gne, qui conduira le peuple au port du bonheur ou qui saura périr. » Ces observations ont été généralement senties, et le décret rendu sur la motion de Romme a été rapporté. Merlin (de Thionville) a fait ensuite remar¬ quer que, dans divers départements, la liste des suppléants députés était épuisée, et que pouvant être très dangereux de convoquer des assem¬ blées pour en élire de nouveaux dans les cir¬ constances actuelles, il était cependant néces¬ saire de faire les remplacements. Il a pensé qu’un nouveau moyen de détruire le germe du fédéralisme et de consacrer le principe qu’un député n’appartient pas à tel département, mais à tout le peuple français, serait de prendre indistinctement 1 >s suppléants dans tous 1 *.s dé¬ partements, lorsque le nombre de ceux d’un dé¬ partement, dont il faudrait remplacer des dé¬ putés, se trouverait épuisé. Cette proposition a été décrété dans les termes suivants : ( Suit le texte du décret que nous avons inséré au cours de la séance (1). VI. Compte rendu du Journal de Perlet (2). Romme. Dans toute la République, le peuple prend une part active à la Révolution. Il sait que si la marche en a été retardée, c’est qu’il n’a pas suffisamment distingué ses vrais défen¬ seurs de ses ennemis. Il importe que ceux qui viennent s’incorporer avec les vétérans de la Révolution fassent connaître, à la tribune, leur profession de foi politique sur les principaux événements de la Révolution. Ils sont assez sail¬ lants pour être profondément gravés dans le cœur de tous les républicains. On sait que l’évé¬ nement du 6 octobre a menacé la liberté, que celui du 20 juin a été mal interprété. Combien n’y a-t-il pas eu de dissentiments sur le juge¬ ment de Capet, sur Marat, sur la journée du 31 mai. Jay (Sainte-Foy ) . Je demande que tous ceux qui sont venus postérieurement au jugement du tyran, fassent l’historique de leur conduite dans leur département et qu’ils émettent solennelle - (1) Voy. ci-dessus, même séance, 482 p. le décret rendu sur la motion de Merlin (de Thionville). (2) Journal de Perlel [n° 450 du 26 frimaire an II (lundi 16 décembre 1793), p. 122). ment leur vœu sur les grandes questions qui ont été agitées dans l’Assemblée. Fabre-d’Églantine. Il faut que les suppléants soient tenus de s’expliquer aussi sur le 10 août, l’appel au peuple, la mort du tyran, le sursis à l’exécution, l’acte d’accusation contre Marat» enfin sur la Montagne et sur le peuple de Paris. Après quelques débats, il est décrété que tous les suppléants qui se sont présentés dans la Con¬ vention, depuis le jugement du tyran, ou qui s’y présenteraient, seront tenus d’émettre leur opi¬ nion sur tous les événements remarquables de la Révolution, depuis celui du 5 octobre 1789 jusqu’à celui du 31 mai et tout ce qui l’a suivi. En outre, que ceux des députés qui se trouvaient absents pour cause de maladie ou par congé, lors de ces événements, seront également tenus de faire connaître leur opinion. Merlin (de Thionville). Plusieurs départe¬ ments manquent de suppléants. Je 'demande qu’il soit dressé, par le comité des décrets, un tableau de ceux de tous les départements, et que si un département [ne peut pourvoir au rem¬ placement de l’un de ses députés, les noms des suppléants non encore appelés soient mis dans un vase et qu’on en tire un pour remplir le dé¬ ficit. (Décrété.) Plusieurs suppléants, admis en remplacement depuis le jugement de Capet, demandent à faire leur profession de foi politique. Thibaudeau demande le rapport du décret rendu à ce sujet : « Je ne conçois pas, dit-il, sur quel motif on a pu l’appuyer. Rien de plus illusoire, de plus immoral que de demander à un homme ce qu’il a pensé sur tel événement. C’est le moyen de donner à des intrigants une couleur de patriotisme qu’ils ne méritent pas, à raison de leur conduite aux époques impor¬ tantes de la Révolution. S’ils ont été fédéralistes, ils ne viendront pas vous le dire. Il faut prendre des renseignements dans les Société populaires et les administrations régénérées, si vous voulez savoir ce que les suppléants pensaient à ces épo¬ ques-là. Le décret est rapporté. ANNEXE N° $ à la séance de la Convention nationale du 2 5 frimaire an K (Dimanche 45 décembre 13»3). Compte-rendu, par divers journaux, du rapport fait par Barère, an nom du Comité de Salut public sur la Vendée et sur l’armée du Rhin fl). I. Compte rendu du Journal de la Montagne (2), Barère, organe du comité de Salut public, fait un nouveau rapport sur la Vendée, dont la du-(1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 506 le rapport de>Barère, d’après le document imprimé et le compte¬ rendu du Moniteur. (2) Journal de la Montagne [n° 34 du 27 frimaire an Iljmardi 17 décembre 1793), p. 271. col. 1]. 512 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j S�breVflS rée, dit-il, ne peut plus être calculée que par la victoire. En réponse aux détracteurs, il suit la chaîne des événements pas à pas et communique les arrêtés pris suivant le besoin des circonstan¬ ces. Il soulève ensuite une partie du rideau qui couvre encore le vaste complot dont le but était de favoriser une descente des Anglais à Saint-Malo, en divisant les patriotes entre eux, en éga¬ rant l’opinion sur les mesures et les intentions du comité, en suscitant des mouvements contre-révolutionnaires sur divers points de la Répu¬ blique à la fois ; par le désespoir du fanatisme, en semant partout la méfiance, etc. Il apprend à ce sujet qu’il s’est formé des rassemblements dans les départements de la Nièvre, du Cher et de Seine-et-Marne. Des prêtres, qui ont abdiqué leurs erreurs, des communes qui ont déposé l’ar¬ genterie de leurs églises, manifestent leurs re¬ grets, se réunissent dans les bois pour se livrer à leur première superstition. Heureusement ce complot n’est plus à crain¬ dre, puisqu’il est connu. Ce qui doit achever de rassurer les vrais patriotes et confondre les en¬ vieux ou les calomniateurs, ce sont les dernières dépêches venues de l’Ouest. Les représentants Bourbotte, Turreau et Prieur écrivent du Mans le 23 : « A force de cou¬ rir après les brigands, nous les avons enfin atteints hier au Mans, où ils étaient entrés. La cavalerie, qui les poursuivait, et la petite avant-garde qui la soutenait, les serrèrent de si près, qu’une ac¬ tion très éclatante s’engagea d’abord d’une ma¬ nière incertaine. Nous avions contre nous la supériorité du nombre et de la position. Mais la Colonne des côtes de Cherbourg, commandée par le général Tully, fondit sur les brigands, et après la première décharge, se précipita sur eux, la baïonnette en avant, les força de se replier dans les redoutes qu’ils avaient élevées pour em¬ pêcher le passage du pont. Bientôt nous en fû¬ mes maîtres. Pont, retranchements, fortifica¬ tions, tout fut emporté. Les rebelles, mis en fuite, se rallièrent sur la grande place de la ville. Il était alors neuf heures du soir. Il s’engagea une fusillade terrible; le combat dura jusqu’à deux heures du matin. On resta en observation de part et d’autre. « Les rebelles profitèrent des ténèbres pour évacuer la ville, laissant une arrière-garde dans l’intention de nous faire prendre le change. A peine le jour parut-il que nous les chargeâmes. Tout ce qui était resté dans la ville tomba sous nos coups. Canons, caissons, bagages, fusils, trésor, voitures, malles, etc... furent en notre pouvoir, sans compter les crosses, les mitres, les croix, les chapelles et reliques de toute es¬ pèce, etc... « Les rues, les maisons, les places sont jonc-chées de leurs morts, et depuis quinze heures le massacre dure encore. Toute l’armée est à la poursuite de la horde battue et fugitive. » Un jeune hussard de treize ans, se voyant enveloppé, a mieux aimé périr pour la patrie que de livrer deux chevaux que les brigands vou¬ laient lui enlever. Ce jeune républicain se rédui¬ sait au pain et à l’eau pour secourir une mère chargée de famille et dans la détresse. Sur la motion de Robespierre, la Convention accorde à la mère un secours provisoire de 3,000 livres et une pension de 1,000 livres. Les nouvelles du Rhin sont bonnes aussi. Le général en chef mande de Strasbourg que l’aile gauche et le centre de son armée ont attaqué l’ennenoi auprès de Haguenau, l’ont débusqué des hauteurs qu’il occupait et se sont emparés de plusieurs redoutes et villages, après lui avoir tué beaucoup de monde. Une lettre communiquée par le ministre de la guerre annonce que La Rochejaquelein, l’un des chefs des brigands, vient d’être pris et conduit à Angers, et que ses soldats en déroute e au désespoir se séparent et s’en vont par bandes. Noirmoutiers est bloqué par nos troupes. Le rapporteur termine par la lecture d’une lettre qui porte que les Anglais et les Espagnols ont abandonné le port de Gênes, où ils auraient tout à craindre du ressentiment des habitants. Ils ont conduit à Livourne treize vaisseaux da¬ nois chargés richement pour le compte des Gé¬ nois. Ceux-ci ont réclamé vivement. L’amiral a répondu que le port était bloqué. Le Scipion a sauté dans le port de Livourne. Les patriotes, qui s’y trouvaient en force, y ont mis le feu et se sont réfugiés à la Spezzia et en Corse, sur des canots. Une lettre du général en chef de l’armée du Rhin est ainsi terminée : « Parmi les traits qui se sont passés dans ces dernières journées, il en est un que je ne dois pas laisser ignorer, parce qu’il réunit la générosité à la bravoure. Le pre¬ mier bataillon de l’Indre ayant fait des prodiges de valeur, je lui adressai une somme de 1,200 li¬ vres pour lui en témoigner ma satisfaction. Les braves sans-culottes qui le composent me ren¬ voyèrent cette somme, en y ajoutant celle de 640 livres 10 sous, qu’ils destinent au soulage¬ ment des veuves et orphelins des défenseurs de la patrie. » Dans la journée du 18, ce même bataillon a enlevé au pas de charge plusieurs redoutes à l’ennemi. La Convention décrète qu’elle accepte le don patriotique de la somme de 1,840 livres fait par le 1er bataillon de l’Indre, dont la destination est pour le soulagement des veuves et orphelins des défenseurs de la patrie, et qu’il en sera fait mention honorable au procès-verbal et au Bul¬ letin. II. Compte rendu du Journal des Débats) et des Décrets (1). Barère fait, au nom du comité de Salut public, un rapport sur la guerre de la Vendée, sur la coïncidence de la marche des brigands avec une vaste et horrible conspiration contre la Répu¬ blique, sur les détails de cette conspiration, sur les mesures militaires prises par le comité de Salut public, et leur succès, sur les mouvements partiels qui se sont manifestés dans diverses parties de la République, et sur les moyens pris par le comité de Salut public qui les ont arrêtés. Ce rapport, composé de faits et parsemé de ré¬ flexions importantes, rapide dans la narration et précis dans tout ce qui tient à l’observation, très étendu d’ailleurs, n’est point susceptible d’être extrait. Nous le promettons en entier à nos lec¬ teurs. Nous en extrayons les nouvelles suivantes : Une lettre écrite par Bourbotte, Prieur ( de la Marne ) et Turreau, le 23 frimaire, donne les dé-(1) Journal des Débals el des Décrets (frimaire an II, n° 453, p. 353).