692 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE être comptée au citoyen François-Julien Moreau, ci-devant brigadier dans les gabelles, à titre de secours provisioire, imputable sur les secours et pension auxquels il a droit. « Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance » (1) . 59 Un autre membre [ROGER-DUCOS], au nom du comité des secours publics, fait un rapport, à la suite duquel il propose un projet de décret sur la demande d’une somme de 18 à 20 000 liv. formée par la société philantropique de Paris, pour continuer ses distributions (2). ROGER-DUCOS : Citoyens, Je viens vous entretenir, au nom de votre comité des secours publics, de ces sociétés philanthropiques que la dureté et la mauvaise administration de l’ancien régime, de ce gouvernement dilapidateur, parce qu’il était corrompu, avaient vu se former, et souffert qu’elles suppléassent à ses charges et à ses devoirs. Les assemblées constituante et législative ont beaucoup parlé d’indigence et de mendicité; mais elles n’ont pas plus que l’ancien gouvernement réalisé aucun moyen de soulager le pauvre et de faire disparaître le mendiant. Vos lois seules ont atteint ce but; il ne s’agit que de les faire exécuter. Il est, citoyens, une vérité incontestable : c’est que tant que l’indigent rencontrera quelqu’un qui lui donne, ce sera une entrave à l’extinction de la mendicité, ce sera un obstacle à l’exécution de vos lois. N’importe que les secours d’assistance soient répandus par des individus, ou au nom de sociétés particulières; ce n’est, dans ce dernier cas, qu’une pratique plus arthée de perpétuer les abus que vous avez voulu détruire. Le citoyen est toujours dans un état humiliant de pauvreté lorsqu’un autre citoyen verse, de quelque manière que ce soit, l’aumône dans sa main; mais le citoyen n’est plus pauvre, n’est plus humilié, lorsque la nation lui distribue les secours qu’il a droit d’en exiger. C’est d’après ces réflexions, ces grandes vérités, qui doivent enfin être senties, que votre comité vous propose de ne point déférer à une nouvelle demande de fonds, que réclame la société Philanthropique de Paris. Cette société s’était formée en 1789. D’abord composée de citoyens riches, elle fit beaucoup de bien aux pauvres, tant que le gouvernement leur a fait beaucoup de mal; mais ses ressources diminuèrent dès que la Révolution a pris de la consistance, parce que la plupart des membres émigrèrent ou ralentirent leurs dons en raison de leur inimitié pour la Révolution; car ils ne voulaient être les amis de l’humanité que (1) P.V., XXXIX, 368. Minute de la main de Merlino. Décret n° 9539. Reproduit dans Bin, 30 prair. (suppl1). (2) P.V., XXXIX, 369. par orgueil, et autant que l’humanité resterait plongée dans l’esclavage. Le petit nombre de membres, dont un sentiment opposé dirigeait les intentions, représentèrent, dans le mois de janvier 1793 (vieux style), au conseil exécutif, qu’ils n’avaient plus les mêmes moyens de se soutenir; ils en sollicitèrent une somme de 30 000 liv. pour être en état de continuer leurs distributions pendant le cours de cette année; ils en obtinrent 25 000 liv. sur les fonds de secours. Au mois de septembre dernier, cette société se présenta au comité des secours pour en réclamer les 11 000 liv. qui devaient compléter les 26; mais plusieurs lois assuraient déjà les moyens de subsistance à la vieillesse, et à l’indigence, aux enfants abandonnés et aux familles des défenseurs de la patrie; vous en aviez réglé le mode de répartition; les fonds nécessaires étaient mis à la disposition des fonctionnaires publics; ce n’était pas d’ailleurs aux dépens du trésor public que les sociétés de bienfaisance devaient acquérir le mérite de leur institution volontaire. Votre comité estima qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. La Société Philanthropique trouva cet arrêté juste, puisque, loin de reproduire la même réclamation pendant 8 mois, elle montra le plus grand zèle à se soutenir par elle-même, tellement que quand, le 24 vendémiaire, vous décrétâtes l’extinction de la mendicité, l’article XVI, titre 1° de cette loi, défendant toutes distributions aux portes des maisons publiques ou particulières, ou dans les rues, sous des peines qu’elle prononce, la Société douta si cette disposition devait arrêter ses générosités; elle vous demanda des explications. L’exécution de notre loi était subordonnée à l’activité d’agences, à l’établissement d’officiers de santé sur tous les points de la République : jusqu’alors, vous ne crûtes pas devoir priver le pauvre, le mendiant, des ressources gratuites que leur offraient les citoyens généreux, les sociétés de bienfaisance; vous passâtes à l’ordre du jour sur ces motifs, par décret du 13 frimaire. La Société Philanthropique a cru que cette autorisation de proroger encore ses distributions l’autorisait à solliciter et à obtenir une somme de 18 à 20 000 livres pour se soutenir; elle a représenté sa situation au ci-devant ministre de l’intérieur, qui renvoya l’examen de sa demande à la municipalité de Paris. Je ne dois pas vous dissimuler que la municipalité a été d’avis que la réclamation de la Société devait être accueillie; mais elle en a référé à la commission des secours publics qui elle-même a invité votre comité à vous la soumettre. Citoyens, durant cet intervalle, vous avez encore plus complètement réalisé les grandes bases des secours publics : vos décrets des 19 mars, 28 juin et 19 août 1793 avaient assuré des secours à la vieillesse, à l’enfance abandonnée, à la maternité, à l’indigence; en un mot, vos décrets des 4 mai, 18 juillet, 6 nivôse et 21 pluviôse les avaient assurés aux familles des défenseurs de la patrie; les décrets postérieurs des 13 pluviôse, et 22 floréal les ont fixés à domicile pour le premier cas, et celui du 14 pluviôse pour le second. Un arrêté du comité de salut public, du 5 prairial, a encore pourvu aux moyens d’exécu-692 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE être comptée au citoyen François-Julien Moreau, ci-devant brigadier dans les gabelles, à titre de secours provisioire, imputable sur les secours et pension auxquels il a droit. « Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance » (1) . 59 Un autre membre [ROGER-DUCOS], au nom du comité des secours publics, fait un rapport, à la suite duquel il propose un projet de décret sur la demande d’une somme de 18 à 20 000 liv. formée par la société philantropique de Paris, pour continuer ses distributions (2). ROGER-DUCOS : Citoyens, Je viens vous entretenir, au nom de votre comité des secours publics, de ces sociétés philanthropiques que la dureté et la mauvaise administration de l’ancien régime, de ce gouvernement dilapidateur, parce qu’il était corrompu, avaient vu se former, et souffert qu’elles suppléassent à ses charges et à ses devoirs. Les assemblées constituante et législative ont beaucoup parlé d’indigence et de mendicité; mais elles n’ont pas plus que l’ancien gouvernement réalisé aucun moyen de soulager le pauvre et de faire disparaître le mendiant. Vos lois seules ont atteint ce but; il ne s’agit que de les faire exécuter. Il est, citoyens, une vérité incontestable : c’est que tant que l’indigent rencontrera quelqu’un qui lui donne, ce sera une entrave à l’extinction de la mendicité, ce sera un obstacle à l’exécution de vos lois. N’importe que les secours d’assistance soient répandus par des individus, ou au nom de sociétés particulières; ce n’est, dans ce dernier cas, qu’une pratique plus arthée de perpétuer les abus que vous avez voulu détruire. Le citoyen est toujours dans un état humiliant de pauvreté lorsqu’un autre citoyen verse, de quelque manière que ce soit, l’aumône dans sa main; mais le citoyen n’est plus pauvre, n’est plus humilié, lorsque la nation lui distribue les secours qu’il a droit d’en exiger. C’est d’après ces réflexions, ces grandes vérités, qui doivent enfin être senties, que votre comité vous propose de ne point déférer à une nouvelle demande de fonds, que réclame la société Philanthropique de Paris. Cette société s’était formée en 1789. D’abord composée de citoyens riches, elle fit beaucoup de bien aux pauvres, tant que le gouvernement leur a fait beaucoup de mal; mais ses ressources diminuèrent dès que la Révolution a pris de la consistance, parce que la plupart des membres émigrèrent ou ralentirent leurs dons en raison de leur inimitié pour la Révolution; car ils ne voulaient être les amis de l’humanité que (1) P.V., XXXIX, 368. Minute de la main de Merlino. Décret n° 9539. Reproduit dans Bin, 30 prair. (suppl1). (2) P.V., XXXIX, 369. par orgueil, et autant que l’humanité resterait plongée dans l’esclavage. Le petit nombre de membres, dont un sentiment opposé dirigeait les intentions, représentèrent, dans le mois de janvier 1793 (vieux style), au conseil exécutif, qu’ils n’avaient plus les mêmes moyens de se soutenir; ils en sollicitèrent une somme de 30 000 liv. pour être en état de continuer leurs distributions pendant le cours de cette année; ils en obtinrent 25 000 liv. sur les fonds de secours. Au mois de septembre dernier, cette société se présenta au comité des secours pour en réclamer les 11 000 liv. qui devaient compléter les 26; mais plusieurs lois assuraient déjà les moyens de subsistance à la vieillesse, et à l’indigence, aux enfants abandonnés et aux familles des défenseurs de la patrie; vous en aviez réglé le mode de répartition; les fonds nécessaires étaient mis à la disposition des fonctionnaires publics; ce n’était pas d’ailleurs aux dépens du trésor public que les sociétés de bienfaisance devaient acquérir le mérite de leur institution volontaire. Votre comité estima qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. La Société Philanthropique trouva cet arrêté juste, puisque, loin de reproduire la même réclamation pendant 8 mois, elle montra le plus grand zèle à se soutenir par elle-même, tellement que quand, le 24 vendémiaire, vous décrétâtes l’extinction de la mendicité, l’article XVI, titre 1° de cette loi, défendant toutes distributions aux portes des maisons publiques ou particulières, ou dans les rues, sous des peines qu’elle prononce, la Société douta si cette disposition devait arrêter ses générosités; elle vous demanda des explications. L’exécution de notre loi était subordonnée à l’activité d’agences, à l’établissement d’officiers de santé sur tous les points de la République : jusqu’alors, vous ne crûtes pas devoir priver le pauvre, le mendiant, des ressources gratuites que leur offraient les citoyens généreux, les sociétés de bienfaisance; vous passâtes à l’ordre du jour sur ces motifs, par décret du 13 frimaire. La Société Philanthropique a cru que cette autorisation de proroger encore ses distributions l’autorisait à solliciter et à obtenir une somme de 18 à 20 000 livres pour se soutenir; elle a représenté sa situation au ci-devant ministre de l’intérieur, qui renvoya l’examen de sa demande à la municipalité de Paris. Je ne dois pas vous dissimuler que la municipalité a été d’avis que la réclamation de la Société devait être accueillie; mais elle en a référé à la commission des secours publics qui elle-même a invité votre comité à vous la soumettre. Citoyens, durant cet intervalle, vous avez encore plus complètement réalisé les grandes bases des secours publics : vos décrets des 19 mars, 28 juin et 19 août 1793 avaient assuré des secours à la vieillesse, à l’enfance abandonnée, à la maternité, à l’indigence; en un mot, vos décrets des 4 mai, 18 juillet, 6 nivôse et 21 pluviôse les avaient assurés aux familles des défenseurs de la patrie; les décrets postérieurs des 13 pluviôse, et 22 floréal les ont fixés à domicile pour le premier cas, et celui du 14 pluviôse pour le second. Un arrêté du comité de salut public, du 5 prairial, a encore pourvu aux moyens d’exécu- SÉANCE DU 29 PRAIRIAL AN II (8 JUIN 1794) - N° 59 693 tion des lois contre les mendiants; leur subsistance est assurée et tous les moyens de faire disparaître le spectacle honteux de leur divagation sont en activité; et depuis le mois de germinal, 120 millions ont été mis à la disposition de la commission des secours pour remplir, pour consolider l’effet de ces lois bienfaisantes. Il y a plus : vous avez décidé, par le décret du 13 pluviôse, qu’il ne pouvait plus y avoir qu’une manière de secourir l’indigence, et par celui du 19 mars, que toutes les générosités individuelles, tous les dons des amis de l’humanité, devaient se confondre dans la masse commune. Celui du 13 pluviôse, art. V, prescrivait que « dans toutes les commîmes où il existait des comités de bienfaisance, des comités révolutionnaires, des assemblées de sections, des sociétés populaires, des Sociétés philanthropiques, le conseil général de la commune se concerterait avec lesdits comités et lesdites sociétés, et arrêterait la distribution définitive des secours sur les états et les renseignements qui lui seraient présentés et fournis par ces mêmes comités et Sociétés, mais toujours en se conformant aux bases et proportions indiquées par la loi ». Celui du 19 mars disait (Art. XV) « que toutes distributions individuelles cesseraient d’avoir lieu; qu’elles seraient remplacées par des souscriptions volontaires, dont le produit serait versé dans la caisse des secours du canton, pour être le tout réuni aux fonds des secours qui lui seront échus dans la répartition des fonds publics ». C’est sans doute le moment, citoyens, d’effectuer ces sages dispositions, lorsque vos lois sur les secours atteignent tous les indigents et sont en pleine activité, ou si vous laissiez encore aux Sociétés philanthropiques la liberté de distribuer elles-mêmes les dons qu’elles destinent aux pauvres, il n’a pas du moins paru à votre comité que vous dussiez les charger d’aucune distribution des fonds publics, qui sont subordonnés au mode prescrit par les lois. D’ailleurs ou ces sociétés se conforment elles-mêmes à ce mode, ou elles ne s’y conforment pas : dans ce dernier cas, la distribution serait mal faite, en ce qu’elle s’appliquerait inégalement : or, si ces sociétés suivent le mode prescrit par les lois, pourquoi tous les citoyens pauvres ne recevraient-ils pas leurs secours par les mêmes agents que la loi a préposés ? pourquoi ces distinctions, et je puis dire ces privilèges ? Citoyens, ne vous y méprenez pas : il est encore des indigents qui sont opulents en aristocratie, qui craignent de se présenter aux secours communs, ou qui croient indigne d’eux de se mêler dans la liste des pauvres patriotes. Les citoyens pauvres ne peuvent pas avoir deux manières d’être secourus : l’égalité des droits, l’esprit de fraternité ne le permettent pas; ce serait maintenir en pauvreté des castes qui ont été détruites en politique. Tous les indigents sont frères, sont citoyens; ils doivent donc recevoir les secours en commun et de la même source. Je n’entends faire aucun reproche à la Société philanthropique de Paris; mais soyez sûrs, citoyens, que c’est dans les assistances particulières et clandestines que les ennemis de la République trouvent de quoi se soutenir dans le sein d’une patrie qu’ils déchirent, et, si vous accordez quelques fonds à la Société de Paris, toutes les autres qui sont répandues sur la surface de la République et dont vous ne connaissez ni l’esprit ni l’usage qu’elles font de leurs caisses, auront droit d’en exiger. C’est pour tarir cet abus que vous avez chargé les municipalités de la formation des listes des pauvres, de la distribution des secours, et que votre décret du 13 pluviôse appelait les Sociétés philanthropiques à la formation des listes pour y confondre sans doute les leurs, et que l’œil surveillant des municipalités garantit le mérite des citoyens qui participent aux secours. D’après toutes ces observations, vous pouvez, citoyens, réfléchir si vous accéderez à la demande qui vous est faite; mais votre comité s’est décidé pour la négative. Voici le projet de décret qu’il m’a chargé de vous proposer (1) : Le décret est adopté en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la demande d’une somme de 18 à 20 000 liv., formée par la société philantropique de Paris pour continuer ses distributions; « Considérant que la nation française a contracté l’engagement de secourir l’indigence; que ce seroit manquer le but d’extinction de la mendicité que de confier à des sociétés particulières la répartition des sommes destinées au soulagement des pauvres; que c’est de la nation seule que le citoyen en souffrance a droit de réclamer, et doit directement recevoir de quoi subvenir à ses besoins; « Considérant que, s’il a été précédemment accordé quelques sommes à des société philantropiques, c’est lorsque les lois n’avaient pas suffisamment pourvu aux moyens de secourir tous les indigens de la République; mais que, dans ce moment, quiconque est hors d’état de subvenir à ses besoins en retrouve les ressources dans la générosité nationale, sans devoir recourir à des assistances individuelles, trop avilissantes pour des citoyens français; « Considérant enfin que toute répartition qui n’émaneroit pas des lois communes seroit abusive, destructive des principes de justice, d’égalité et du mode de répartition consacré par autant de lois qu’il existe de classes indigentes ou malheureuses, et que par celle du 13 pluviôse, les conseils-généraux des communes dévoient se concerter avec les sociétés philantropiques, et arrêter les distributions sur les états et renseignemens qu’elles leur four-niroient, « Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. « Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance » (2) . (1) Mon., XX, 754. (2) P.V., XXXIX, 370. Minute de la main de Roger-Ducos. Décret n° 9540. Reproduit dans Bln, 30 prair. (suppl1); M.U., XL, 456; Rép., n° 180; Débats, n° 635, p. 447. Mention dans Mess, soir, n° 668; J. Sablier, n° 1384; J. Fr., n° 631; Ann. R.F., n° 200; J. Lois, n° 627; J. Mont., n° 52; C. Univ., 30 prair.; C. Eg., n° 668; J. S.-Culottes, n° 488; J. Perlet, n° 633; Ann. pair., n° D XXXIII; Audit. nat., n° 630 ( sic pour 632). SÉANCE DU 29 PRAIRIAL AN II (8 JUIN 1794) - N° 59 693 tion des lois contre les mendiants; leur subsistance est assurée et tous les moyens de faire disparaître le spectacle honteux de leur divagation sont en activité; et depuis le mois de germinal, 120 millions ont été mis à la disposition de la commission des secours pour remplir, pour consolider l’effet de ces lois bienfaisantes. Il y a plus : vous avez décidé, par le décret du 13 pluviôse, qu’il ne pouvait plus y avoir qu’une manière de secourir l’indigence, et par celui du 19 mars, que toutes les générosités individuelles, tous les dons des amis de l’humanité, devaient se confondre dans la masse commune. Celui du 13 pluviôse, art. V, prescrivait que « dans toutes les commîmes où il existait des comités de bienfaisance, des comités révolutionnaires, des assemblées de sections, des sociétés populaires, des Sociétés philanthropiques, le conseil général de la commune se concerterait avec lesdits comités et lesdites sociétés, et arrêterait la distribution définitive des secours sur les états et les renseignements qui lui seraient présentés et fournis par ces mêmes comités et Sociétés, mais toujours en se conformant aux bases et proportions indiquées par la loi ». Celui du 19 mars disait (Art. XV) « que toutes distributions individuelles cesseraient d’avoir lieu; qu’elles seraient remplacées par des souscriptions volontaires, dont le produit serait versé dans la caisse des secours du canton, pour être le tout réuni aux fonds des secours qui lui seront échus dans la répartition des fonds publics ». C’est sans doute le moment, citoyens, d’effectuer ces sages dispositions, lorsque vos lois sur les secours atteignent tous les indigents et sont en pleine activité, ou si vous laissiez encore aux Sociétés philanthropiques la liberté de distribuer elles-mêmes les dons qu’elles destinent aux pauvres, il n’a pas du moins paru à votre comité que vous dussiez les charger d’aucune distribution des fonds publics, qui sont subordonnés au mode prescrit par les lois. D’ailleurs ou ces sociétés se conforment elles-mêmes à ce mode, ou elles ne s’y conforment pas : dans ce dernier cas, la distribution serait mal faite, en ce qu’elle s’appliquerait inégalement : or, si ces sociétés suivent le mode prescrit par les lois, pourquoi tous les citoyens pauvres ne recevraient-ils pas leurs secours par les mêmes agents que la loi a préposés ? pourquoi ces distinctions, et je puis dire ces privilèges ? Citoyens, ne vous y méprenez pas : il est encore des indigents qui sont opulents en aristocratie, qui craignent de se présenter aux secours communs, ou qui croient indigne d’eux de se mêler dans la liste des pauvres patriotes. Les citoyens pauvres ne peuvent pas avoir deux manières d’être secourus : l’égalité des droits, l’esprit de fraternité ne le permettent pas; ce serait maintenir en pauvreté des castes qui ont été détruites en politique. Tous les indigents sont frères, sont citoyens; ils doivent donc recevoir les secours en commun et de la même source. Je n’entends faire aucun reproche à la Société philanthropique de Paris; mais soyez sûrs, citoyens, que c’est dans les assistances particulières et clandestines que les ennemis de la République trouvent de quoi se soutenir dans le sein d’une patrie qu’ils déchirent, et, si vous accordez quelques fonds à la Société de Paris, toutes les autres qui sont répandues sur la surface de la République et dont vous ne connaissez ni l’esprit ni l’usage qu’elles font de leurs caisses, auront droit d’en exiger. C’est pour tarir cet abus que vous avez chargé les municipalités de la formation des listes des pauvres, de la distribution des secours, et que votre décret du 13 pluviôse appelait les Sociétés philanthropiques à la formation des listes pour y confondre sans doute les leurs, et que l’œil surveillant des municipalités garantit le mérite des citoyens qui participent aux secours. D’après toutes ces observations, vous pouvez, citoyens, réfléchir si vous accéderez à la demande qui vous est faite; mais votre comité s’est décidé pour la négative. Voici le projet de décret qu’il m’a chargé de vous proposer (1) : Le décret est adopté en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la demande d’une somme de 18 à 20 000 liv., formée par la société philantropique de Paris pour continuer ses distributions; « Considérant que la nation française a contracté l’engagement de secourir l’indigence; que ce seroit manquer le but d’extinction de la mendicité que de confier à des sociétés particulières la répartition des sommes destinées au soulagement des pauvres; que c’est de la nation seule que le citoyen en souffrance a droit de réclamer, et doit directement recevoir de quoi subvenir à ses besoins; « Considérant que, s’il a été précédemment accordé quelques sommes à des société philantropiques, c’est lorsque les lois n’avaient pas suffisamment pourvu aux moyens de secourir tous les indigens de la République; mais que, dans ce moment, quiconque est hors d’état de subvenir à ses besoins en retrouve les ressources dans la générosité nationale, sans devoir recourir à des assistances individuelles, trop avilissantes pour des citoyens français; « Considérant enfin que toute répartition qui n’émaneroit pas des lois communes seroit abusive, destructive des principes de justice, d’égalité et du mode de répartition consacré par autant de lois qu’il existe de classes indigentes ou malheureuses, et que par celle du 13 pluviôse, les conseils-généraux des communes dévoient se concerter avec les sociétés philantropiques, et arrêter les distributions sur les états et renseignemens qu’elles leur four-niroient, « Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. « Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance » (2) . (1) Mon., XX, 754. (2) P.V., XXXIX, 370. Minute de la main de Roger-Ducos. Décret n° 9540. Reproduit dans Bln, 30 prair. (suppl1); M.U., XL, 456; Rép., n° 180; Débats, n° 635, p. 447. Mention dans Mess, soir, n° 668; J. Sablier, n° 1384; J. Fr., n° 631; Ann. R.F., n° 200; J. Lois, n° 627; J. Mont., n° 52; C. Univ., 30 prair.; C. Eg., n° 668; J. S.-Culottes, n° 488; J. Perlet, n° 633; Ann. pair., n° D XXXIII; Audit. nat., n° 630 ( sic pour 632).