SÉANCE DU 29 VENDÉMIAIRE AN III (20 OCTOBRE 1794) - N° 22 315 eux-mêmes sollicitent un rapport, et ils le provoqueraient pour établir leur innocence d’une manière solennelle, quand bien même la Convention voudrait les dispenser de toute justification, et déclarerait n’en pas avoir besoin. Mais ce qui fera l’objet de ma réclamation, c’est que vous avez décrété que la pièce qui a servi de base à l’arrestation serait imprimée; vous l’aviez décrété lorsque l’arrestation eut lieu; vous l’avez encore décrété récemment; cependant cette prétendue protestation ne voit pas le jour; en supposant que le rapport ne doive être fait que le 1er et non avant le 1er brumaire, n’eût-il pas été néanmoins désirable qu’elle fût connue de la Convention avant le jour du rapport, afin que chacun pût l’apprécier avec réflexion? Par quelle fatalité votre volonté a-t-elle été déçue à cet égard? Tout me porte à croire que l’accusation a été enfantée par la calomnie et la mauvaise foi. Je demande que la Convention décrète l’impression dans un délai fixé. PÉNIÈRES : Je demande que la Convention sache pourquoi son décret relatif à l’impression des pièces n’a point été exécuté. LE COINTRE (de Versailles) : Je viens d’entendre dire à Bentabole que le comité de Sûreté générale n’avait point la pièce. Amar doit l’avoir; il était rapporteur; c’est lui qui nous a certifié son existence. Je demande qu’il soit tenu de la présenter. AMAR : La pièce dont on parle a été envoyée au tribunal révolutionnaire avec d’autres, parmi lesquelles se trouvaient des lettres de Barbaroux. Elles ont servi de conviction ou de renseignements dans la procédure contre les députés. Les pièces dont je parle avaient été trouvées dans les papiers de Duperret. L’inventaire et le dépouillement en fut fait en présence de Duperret, et le procès-verbal, ainsi qu’un grand nombre de ces pièces, ont été contresignées par lui. C’est donc au tribunal révolutionnaire qu’il faut chercher ces pièces, dont il ne me reste entre les mains qu’un extrait que je fis alors. Un membre : D’après la déclaration d’Amar, il y a un parti à prendre; ce ne sera pas sans doute celui de faire usage de l’extrait d’Amar, mais bien de faire ordonner la remise de la pièce par le tribunal révolutionnaire, dans le plus court délai. Il faut bien que cette pièce soit produite, puisqu’elle a été l’unique fondement de l’arrestation et de l’accusation. Je dois dire cependant que je connais un de nos collègues détenu sans l’avoir signée ; et j’adjure ici un représentant du peuple, sur la dénonciation duquel Richou a été arrêté, de faire un acte solennel de justice et de rendre hommage à l’innocence. Du Roy a fait comprendre Richou dans la liste des députés arrêtés, en disant qu’il avait écrit dans le département de l’Eure une lettre contre Marat, et dans laquelle il annonçait peu d’amour pour le gouvernement républicain. Du Roy s’engageait à produire cette lettre ; il ne l’a point fait, et depuis cette époque Richou est dans les fers. Du Roy sait aujourd’hui que la lettre qu’il a prêtée à Richou n’a jamais existé ; il l’a dit à la femme de ce dernier; et lorsque celle-ci lui a représenté qu’il devait donc proclamer hautement l’innocence de son mari, il a répondu : « Cela pourrait me compromettre ; je sais que votre mari a de bons principes, mais il se mettait du mauvais côté...» {Murmures). Du Roy demande vivement la parole. MERLIN (de Thionville) : Je demande le maintien du décret et l’ordre du jour. Notre collègue peut faire part aux trois comités du fait qu’il vient de citer ; mais la Convention ne doit s’occuper de cette affaire, dans ses détails comme dans son ensemble, qu’après le rapport qu’elle a demandé; c’est le voeu de son décret. BENTABOLE : Je prends la parole pour le comité de Sûreté générale. Il est possible que la pièce ne puisse se trouver rapidement, et on imputerait ce retard à sa lenteur. Pour éviter cet inconvénient, je demande que le greffier du tribunal révolutionnaire soit tenu de remettre les pièces dans les vingt-quatre heures (76). [Le décret de la Convention porte que le comité de Sûreté générale fera imprimer les pièces. Amar vient de vous dire que la protestation étoit au tribunal; je demande que la Convention décrète que le tribunal révolutionnaire remettra dans les 24 heures au comité de Sûreté générale, la pièce dont il est question.] (77) La proposition de Bentabole est décrétée, ainsi que l’impression sans délai. La Convention passe à l’ordre du jour sur les autres propositions (78). La Convention nationale décrète que le greffier du tribunal révolutionnaire remettra, dans les vingt-quatre heures, au comité de Sûreté générale l’acte signé par les représentans du peuple détenus, qui a servi de motif à leur arrestation, et que le comité de Sûreté générale le fera imprimer sur-le-champ pour être distribué. Renvoie la proposition de mise en liberté du représentant du peuple Richou à l’examen de ses trois comités, et sur toutes les autres propositions, passe à l’ordre du jour motivé sur le décret qui ordonne aux trois comités de faire un rapport sur les représentans du peuple détenus (79). Le président annonce que les députés devant se réunir demain, à 9 heures, à l’Ecole Mili-(76) Moniteur, XXII, 299-300. (77) J. Paris, n 30. (78) Sur tout le débat : Moniteur, XXII, 297-300 ; Débats, n° 758, 437-444 ; Ann. Patr., n° 658; Ann. R.F., n° 29; C. Eg., n° 793; F. de la Républ., n° 30; Gazette Fr., n° 1023; J. Fr., n“ 755; J. Paris, n° 30; J. Mont., n° 8; J. Perlet, n° 757; J. Univ., n 1790; Mess. Soir, n” 793; M. U., XLIV, 458-461; Rép., n° 30. (79) P. V., XLVII, 279. C 321, pl. 1337, p. 60, minute de la main de Eschasseriaux le jeune; Merlin (de Thionville), rapporteur, selon C’ II 21, p. 14. 316 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE taire pour la célébration de la fête [des Victoires nationales], il n’y aura pas de séance (80). La séance est levée. Signé , CAMBACÉRÈS, président ; ESCHASSERIAUX jeune , Pierre GUYOMAR, AP. LOZEAU, PELET, LAPORTE, BOISSY [d’ANGLAS], secrétaires. En vertu de la loi du 7 floréal, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé, GUILLEMARDET, BALMAIN, J.-J. SERRES, CAA. BLAD (81). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 23 L’agent national près le district de Clamecy, département de la Nièvre, annonce que les ci-(80) Débats, n° 758, 443; Ann. Patr., n" 658; C. Eg., n° 793; F. de la Républ., n° 30; J. Fr., n° 755; J. Perlet, n° 757 ; M. U., XLIV, 458; Rép., n" 30. (81) P.V., XLVII, 279. toyens de ce district ont fait don de 40 vans de charbon à poudre, de 5 183 livres de salin, 13270 livres de salpêtre, qui ont été versés dans les magasins de la République. Il observe que cette société (?) a donné une heureuse impulsion à cette mesure révolutionnaire, et qu’elle vient d’établir des ateliers de lessivage et d’évaporation dans des cavernes et des rochers presqu’inaccessibles (82). 24 Lozeau, par motion d’ordre, prononce un discours tendant à anéantir la possession communale, et à n’admettre dans la République que des propriétés nationales et particulières. L’Assemblée ordonne l’impression et l’ajournement (83). (82) Bull., 29 vend, (suppl.). (83) J. Fr., n“ 755 ; Gazette Fr., n 1023 ; M. U., XLIV, 458. Décret attribué à Goupilleau par C* II 21, p. 14.