509 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1790.] « Art. 6. Les veuves et les enfants des matelots qui se trouvent en tour de remplacement, seront inscrits sur les rôles de distribution des 120,000 livres appartenant pour cet objet à la marine, au lieu et place de ceux qui sont décédés en 1789, au nombre de cent six. » M. Moreau de Saint-Méry, rapporteur du comité de commerce et d'agriculture rend, compte d’une pétition des forains de Beaucaire qui demandent la conservation du privilège de cette ville et le maintien du privilège de sa foire. M. de Deüey d’Agier. Il faut alors étendre cette conservation à tous les marchés qui possèdent des privilèges semblables. Le décret et l’amendement sont adoptés, sauf rédaction, en ces termes: « L’Assemblée nationale, considérant que la franchise accordée aux foires franches est plutôt rune faveur pour le commerce du royaume, qu’un �privilège particulier à une ville, a décrété : « Qu’il ne serait rien innové, quant à présent, à ce qui concerne les foires franches ; qu’elles continueraient avec les mêmes exemptions de droits que par le passé ; « Que les anciennes ordonnances rendues pour le maintien du bon ordre et de la police seront exécutées selon leur forme et teneur, et particulièrement que le tribunal que la commune de Beaucaire établissait pour juger en première instance les contestations, continuerait ses fonctions comme par le passé, en se conformant, au surplus, aux décrets de l’Assemblée nationale. » Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de MM. les officiers municipaux de la ville de Nîmes, qui, après avoir rendu compte des derniers événements arrivés dans cette ville, annoncent à l’Assemblée l’intention où ils sont de donner leur démission. M. Cortois de Balore, évêque de Nîmes. Je n’entreprendrai point une discussion sur la lettre des officiers municipaux ; mais je me réunis à eux pour vous peindre la situation malheureuse de plusieurs familles. Il y a dans la ville de Nîmes beaucoup de manufactures. Les ouvriers ont perdu plusieurs des négociants qui les faisaient travailler : ils ont besoin de secours extraordinaires. Dans l’intervalle qui s’écoulera entre la démission de la municipalité actuelle et la formation de la nouvelle , de qui pourront-ils obtenir ces secours? Je propose de charger les commissaires du roi au département du Gard, et messieurs du comité permanent de Nîmes, de pourvoir promptement, et parles moyens les plus efficaces, au soulagement de ces malheureux. M. l’abbé Gouttes. Il est juste d’adopter cette proposition, mais il faut que le décret porte en même temps que les dommages seront pavés par ceux qui les ont causés. M. lie Deist deBotidoux.Je demande qu’ils soient payés par les trois mille deux cents personnes qui ont signé la délibération. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour et l’Assemblée décide qu’elle y passera. M. le Président. M. de Mirabeau le jeune m’annonce qu’il est prêt à paraître à l’Assemblée conformément au décret qui le lui ordonne (1). Je demande si M. de Mirabeau le jeune doit paraître à la barre ou à la tribune. M. de Cazalès. Un membre ne peut être dépouillé de son caractère, toutes les fois qu’il n’est pas convaincu du délit dont on l’accuse. Je pense que M. le vicomte de Mirabeau doit être entendu à sa place. M. de Mirabeau l'aîné. S’il ne s’agissait que de l’amour-propre individuel de mon frère, je ne prendrais pas la parole; mais vous l’avez mandé pour vous rendre compte de sa conduite ; vous n’avez pas dit qu’il paraîtrait à la barre ; vous avez voulu l’entendre ; vous ne pouvez pas, sans l’avoir entendu, déclarer qu’il est jugeable; et tout membre qui n’est pas déclaré jugeable doit continuer à jouir de tous ses droits dans cette Assemblée. Je me rappelle une circonstance qu’il ne sera pas inutile de citer, et je la citerai avec d’autant plus de confiance qu’elle est honorable pour celui qu’elle concerne. M. Malouet, ayant été inculpé, voulut, par une délicatesse très louable, être entendu à la barre; l’Assemblée décréta qu’il parlerait à la tribune. Il me semble que cet exemple décide la question. (On applaudit. — M. de Mirabeau le jeune entre; il monte à la tribune.) M. le Président fait lecture du décret par lequel l’Assemblée a ordonné à M. de Mirabeau le jeune de venir rendre compte de sa conduite. M. de Mirabeau le jeune. J'étais à deux cents lieues d’ici lorsque ce décret m’a été notifié. Je me suis empressé d’obéir, et je pense avoir prouvé, par la célérité que j’ai mise dans mon retour, mon respect pour les ordres de l’Assemblée. La calomnie m’a précédé : elle a vomi contre moi des libelles affreux, elle m’accompagne, elle me poursuivra encore pour dénaturer les faits dont la vérité sera ma justification. La calomnie me suivra partout. Hier encore, à Ecouen, on a voulu m’arrêter, et, sans le secours des officiers municipaux, j’aurais peut-être été la victime de la fureur du peuple. Cependant, j’en ai fait l’expérience, il est aussitôt désabusé que trompé. A Gastelnaudary, le même peuple qui, le 14, me couchait en joue et demandait ma tête, est venu, le 22, se presser avec joie autour de moi ; il criait: « Il a sa grâce, nous en sommes bien aises; il a l’air d’un bon homme. » Si quelquefois ma voix s’affaiblit, si je ne suis pas les faits dans leur ordre, je prie l’Assemblée d’y suppléer par son silence et par son attention. Voici la quatorzième nuit que je passe sans me coucher. Je demande la permission de faire une observation préliminaire. On a voulu établir un rapport entre mon opinion dans cette Assemblée et ma conduite au dehors. Je donne ma parole d’honneur que je n’ai parlé qu’avec respect de l’Assemblée et des décrets rendus par elle et sanctionnés par le roi. Si quelqu’un avait l’audace de dire le contraire, je lui donne d’avance le démenti le plus formel ; la preuve viendra après. Je prie ceux de mes collègues qui sont aussi journalistes de me traiter avec justice. J’imagine qu’on ne me reproche rien d’antérieur aux circonstances qui m’amènent en (1) Nous insérons la partie de la séance relative à M. de Mirabeau le jeune, telle que la donne le Moniteur; nous donnons in extenso , p. 512, les pièces lues par l’orateur.