118 mars 1791.1 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. avaient la presque certitude de n’être pas congédiés à la lin d’un bail, moyennant une légère augmentation qu’ils donnaient ; c’edtqu’ils étaient assurés qu’ils ne travaillaient que pour eux et que pour les leurs; c’est qu’eufiu ils ne rendaient de leurs fermes qu’un prix modéré, et que les bénéfices qu’ils faisaient les mettaient dans l’heureuse facilité d elever leurs enfants, de leur donner une sage éducation et de leur procurer des établissements solides, convenables et proportionnés à leur fortune. Voilà des faits, et des faits aussi notoires qu’incontestables. Tout est dit en agriculture, lorsque les faits ont parlé. Si donc, comme nous croyons l’avoir démontré, le domaine congéable, tel que nous devions le considérer, et qu’il existe en ce moment, c’est-à-due ramené à la pureté de son origine, favorise la multiplication des propriétés et des exploitations; assure aux colons la continuité de leur culture; leur offre la plus grande liberté dans la manière de cultiver et dans le choix des productions qu’ils veulent préférer; les détermine à améliorer le terrain qui leur est concédé; leur donne l’espérance d’être un jour récompensés de leurs travaux en devenant propriétaires, nous ne devons pas hésiter et nous n’hésitons pas à conclure que cette espèce de fermage est utile au progrès de l’agriculture; nous ajoutons même avec confiance que plus tôt il se propagera dans toutes les parties du royaume, plus tôt cet art, le premier et le plus important de tous, parviendra au degré de perfection où il doit être dans un Empire agricole et libre. Il nous reste, pour avoir complètement rempli notre tâche, à rappeler à la Suciété la demande que M. H 11 lui a faite et qu’elle nous a chargés d’examiner. M. Hell demande que la Société donne un modèle ou projetée location des terres, qui encourage les dessèchements des marais et les défrichements d s terres incultes; qui favorise les progrès de l'agriculture, qui fasse le bien du propriétaire etdu colon ; qui les réuni se par des intéiêis communs et qui détruise la possibilité des procès entre eux. La question que nous venons de Iraiter ayant exigé un travail consiuéruble, qui a employé tout notre temps, nous n’avons pu nous occuper de ia demande de M. Hell. Nous nous livrerons très incessamment à cet examen. Mais nous croyons devoir avouer aujourd’hui à la Société notre insuffisance, pour la rédaction u’un projet de location, qui satisfasse à la dernière tondifion de la demande de M. Hell, c'est-à-dire qui détruise jusqu'à la possibilité des procès entre les propriétaires et les colons. Nous ne connaissons que la loyauté, l’amour delà justice et de la paix réciproques, dans la rédaction ainsi que dans l’exécution des traités et des actes, qui puissent éloigner les procès. Gomme ci s \erlus, qui dirigent toutes hs aurons de M. Hell, doivent prédominer dans le cœur de tout citoyen libre et qui est gouverné par des lois sages, auxquelles tous indistinctement doivent être soumis, il nous est agréable de nous persuader qu’elles piendront dans celui de tous les Français la place de la mauvaise foi, de l’éguïsme et de la cupidité, qui ont été jmqu’à présent la source de tous les procès. Au Louvre, le 17 mars 1791. Signé: Abeille; i’abbé Tessier, l’abbé Le Febvre. Extrait des registres de la Société royale d'agriculture du 17 mars 1791. La Société, invitée par le comité d'agriculture et de commerce de l'Assemblée nationale à lui donner son avis sur la question suivante : l'usage des domaines congéables est-il utile ou non au progrès de V agriculture? avait nommé MM. Abeille, i’abbé Le Febvre et l’abbé Tessier pour rassembler tous les renseignements sur cet objet, et lui faire un rapport particulier, afin d’être à portée de répondre au comité. La Compagnie, après avoir entendu la lecture faite par M. i’abbé Le Febvre des observations de ses commissaires, lésa adoptées, et a chargé son secrétaire d’en adresser une copie à M. le Président du comité d’agriculture et de commerce de l'Assemblée nationale. Certifié conforme à l’original. Signé: A. Broussonnet, secrétaire perpétuel. ASSEMBLÉE NATIONALE. présidence de m. de montesquiou. Séance du vendredi 18 mars 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances d’hier au matin et au soir, qui sont adoptés. M. Fréteau. Messieurs, je n’étais point hier au commencement de la séance, lorsqu’on a ordonné le remboursement d’un grand nombre d’oi lices de jndicature, liquidés par le commissaire de la liquidation. Dans ce décret, figure l’office de conseiller dont j'étais pourvu au parlement de Paris, et cet olfice y est liquidé à un taux supérieur au prix de l’acquisition. En effet, mon père n’a acheté cette charge — car j’étais mineur alors — que pour une somme de 43,000 livres, et elle est liquidée aujourd’hui sur le pied de 50,000 livres. Voici le principe de cette erreur: Une partie de la charge fut payée eu argent, l’autre par un contrat de renie qui, à la veiné, était de 14,000 livres, mais qui, perdant alors la moitié de sa valeur, n’a été effectivement donné que pour 7,000 livres; c’était uq contrat sur l’hôtel de ville, réduit en vertu u’arrêts du conseil. Ainsi ma charge a paru être aclie ée pour une somme de 50,000 livres, taudis qu’en réalité elle n’en a coûté que 43,000; il lésulte de là que mon office ne uoit être remboursé que sur le pied de 43,000 livres. Je crois, Messieurs, cette considération importante-, car plusieurs charges ont « té achetées alors de la même manièie; elles seraient ainsi remboursées au delà du prix de leur acquisition. Je sais bien qu’on pourra opposer à votre justice des considérations d’bumaniié en faveur de ceux qui ont acheté leurs charges beaucoup au delà de la finance et comme des objets de commerce; mais je ne crois pas que la nation soit en état de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 118 mars 1791.| 180 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. faire des sacrifices gratuits et de payer plus qu’elle n’a reçu. Si l’on suivait pour toutes les autres liquidations les mêmes principes que pour la liquidation de ma charge, il en résulterait pour la nation un préjudice de plus de 540 millions. Je prie donc l’Assemblée de rétracter la liquidation de mon oflice faite à 50,b00 livres, tandis qu’elle ne devait l’être qu’à 43.000 livres; car elfecti veinent le c rntrat d’ac quisition ne porte qu’une somme de 43,000 livres. 11 faut que pour ces liquidations on ne suive que le prix du contrat. ( Vifs applaudissements.) M. Martineau. Il est un grand nombre de titulaires qui ont payé avec des effets royaux qui perdaient la moitié de leur valeur, il n’est pas juste qu’ils soient remboursés de la valeur totale de ces effets. 11 faut donc constater ces sortes de payements, ce qui est très facile; car au Trésor royal, où il n’y a personne qui ne soit comptable, on tient un registre exact delà nature de tous les effets reçus en payement. Je demande que mon observation soit prise en considération et renvoyée au comité. M. Regnaud (de Saint • Jean-d'Angély). Je m’oppose à la demande de M. Martineau, qui présente une véritable idée de banqueroute. M. Lanjuinais. La délicatesse de M. Fréteau n’étonnera aucun de ceux qui le connaissent. Il faut que M. Fréteau ait la bonté de nous dire si les offices de conseiller au parlement de Paris ont été évalués au-dessus de leur valeur effective ou si la liquidation en a été faite sur le prix courant ; car il peut y avoir lieu de faire une disposition générale. M. Fréteau. En ce qui concerne la question de M. Lanjuinais, je n’ai pas la réponse présente. Je demande que l’on renvoie mon observation au comité de liquidation. (Ce renvoi est décrété.) M. Lanjuinais, au nom du comité ecclésiastique , présente la rédaction d'un décret adopté hier et concernant les ecclésiastiques fonctionnaires publics (1). Cette rédaction est ainsi conçue : « L’ Assemblée nationale, considérant que ceux des fonctionnaires publics ecclésiastiques, qui n’ont pas prêté le serment civique dans le délai prescrit par la loi du 26 décembre dernier, ne s’y refusaient gue par la suite d’une erreur où les ont entraînés des suggestions étrangères ; « Que, mieux instruits de leur devoir, la plupart ont, depuis satisfait, ou sont déterminés à .satisfaire à ce qu’exigent d’eux le patriotisme et la loi de l’Etat; « Que l’instruction du 21 janvier dernier, en les exhortant à l’obéissance, lorsque le délai légitime était déjà écoulé dans plusieurs endroits du royaume, paraissait leur annoncer de l’indulgence en cas de retour à l’ordre ; « Décrète que les fonctionnaires publics ecclésiastiques, qui ont prêté ou prêteront purement et simplement le serment prescrit par ladite loi, après l’expiration du délai qu’elle a fixé, mais avant le commencement du scrutin d’élection (1) Voyez ci-dessus, séance du 17 mars 1791, page 153, l’adoption do la motion de M. Joubert sur cet objet. pour les remplacer, pourront conserver leurs places et offices, et ne seront pas réputés démissionnaires. « Le présent décret ne portera aucune atteinte aux élections faites et acceptées avant sa publication ». (L’Assemblée adopte cette rédaction et charge son président de présenter ce décret le jour même à la sanction.) M. de Custïne. Messieurs, vous avez achevé de décréter hier les articles qui vous ont été pro-posé' par votre comité d’imposition pour l’établissement oe l’impôt; mais je crois que ces articles décrétés ne sont pas suffisants pour assurer non seulement qce votre impôt sera payé, mais qu’il sera payé également par toutes les classes de citoyens. Dans l’ancien régime, deux grands abus s'étaient introduits : les gens riches et qui avaient de la faveur trouvaient le moyen de se soustraire à l’impôt, ils recevaient même sur ce pointdes facilités de communautés dans lesquelles leurs biens étaient situés. Une autre classe d’hommes s’était encore soustraite à l’impôt : c’étaient les administrateurs. Pour parer à de pareils inconvénients, je vous proposeces articles additionnels: « Art. 1er. Au 1er janvier de chaque année, il sera formé dans chaque municipalité, un état des citoyens payant des contributions publiques ; et la somme de celles payées par chacun d’eux sera inscrite à côté de son nom, avec la quotité distincte de chaque nature de ces contributions. « Art. 2. Cet état sera affiché, le 1er mars de chaque année, à la porte des maisons communes, et des paroisses des municipalités au-dessous de 3,000 âmes; et dans celles qui renfermeront un nombre d’habitants excédant 3,000, l’état général sera partagé en autant de divisions qu’il y aura de sections dans chaque commune, et affiché à la porte de chaque paroisse, de même qu’à celle de la commune. « Art. 3. Il sera formé tous les ans dans chaque département un état de tous les citoyens payant, en contribution foncière ou mobilière, une somme excédant 1,000 livres. Sur cet état seront détaillées toutes les sommes que les citoyens payent dans les différents districts ou départements. « Art. 4. En tête de cet état, ordonné par l’article 3, se trouveront d’abord tous les membres composant le département, ensuite le nom de ceux composant les assemblées de district du département, chacun dans le lieu dont il fait partie; et la cote de chaque contribution mobilière et foncière dans l’étendue du département, quelque faible que soit la somme de ces contributions réunies, sera placée à côté du nom de chaque administrateur. « Art. 5. Cet état sera imprimé et affiché, le 15 août de chaque année, à la porte de l’assemblée de chaque département, à celle de l’assemblée de chaque district et même de chaque municipalité, chef-lieu de canton. » Plusieurs membres demandent le renvoi de ces articles additionnels au comité de l’imposition. (Ce renvoi est décrété.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre du ministre de l'intérieur , ainsi conçue ; * Monsieur le Président, la municipalité de Saint-Mange, située dans le district de Sedan, refuse de se soumettre à la loi du 5 novembre concer-