[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [iS mai 1790.] {577 Adresse des nouvelles municipalités des com-munautés de Saint-Sauveur, d’Àrdenay, de la Colombe, de Coulombier, de Saint-Romain d’Au-beierre, de Lastreilles, département de Lot-et-Garonne, de Saint-Gilles-sur-Vic, de Bedos et Peyralbe, département de Rodez, et de Boiruthal en Alsace. Toutes ces municipalités, après avoir prêté, de concert avec les habitants, le serment civique, présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse du bataillon des Minimes, cinquième division de la garde nationale parisienne, qui, à l’exemple de celui de Saint-Etienne-du-Mont, exprime un dévouement sans bornes pour l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale, quelle que soit sa décision sur la permanence des districts. Adresse de l’assemblée électorale du département de la Haute-Saône, formée à Vesoul, qui fait éclater avec énergie les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée pour l’Assemblée nationale. Tous les électeurs, au nombre de 403, prononcent ce serment solennel : « Nous jurons sur l’autel de la patrie, pour nous et pour nos commettants, non seulement d’exécuter et faire exécuter ponctuellement tous vos décrets, mais encore de sacrifier nos vies et nos biens plutôt que de souffrir qu’il leur soit porté la plus légère atteinte. » Adresse des villes de Beaucaire et de Saint-JuDien, contenant le procès-verbal du serment civique des gardes nationales. Adresse de la commune de Marnhagues et Latour, département de Rodez : quoique plongée dans la détresse, elle offre pour sa contribution patriotique la somme de 712 livres. Adresse de la communauté de Savigneux ; elle fait le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Adresse du régiment patriotique de la ville de Pujols, contenant l’expression d’un dévouement absolu pour l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale. Adresse du même genre des habitants du canton de Luz, au département des Hautes-Pyrénées : ils ont prêté, avec les transports de la plus vive reconnaissance, le serment civique. Adresse du même genre de la ville de Mailly-le-Ghâteau, en Bourgogne. Indépendamment de sa contribution patriotique, qui s’élève à la somme de 1,686 livres 6 sols, elle fait don du produit du moins imposé en faveur des anciens taillables. Délibération du conseil municipal de la commune du Bourg-lès-Valence, qui fait hommage à l’Assemblée nationale de sa soumission à tous ses décrets. Adresse de la municipalité de Poitiers, par laquelle elle offre sa soumission d’acquérir pour six millions de biens nationaux ; elle annonce, au surplus, que les déclarations pour la contribution patriotique arrivent dans cette ville à la somme de 288,000 livres. Adresse des habitants de la paroisse d’Augy, qui déclarent avoir fait choix d'un curé à la place de celui que la mort leur a enlevé, et demandent que leur choix soit ratifié. Adresse des officiers municipaux du bourg de Blérancourt, qui expriment l’improbation la plus forte contre un imprimé avant pour titre : <• Déclaration d’une partie de l’Assemblée nationale, sur un décret rendu le 13 avril 1790, concernant fla religion. » 1" SÉRIE. T. XV. Plusieurs membres demandent l’impression et la distribution de cette adresse. Cette motion est adoptée et l’adresse, qui est ainsi conçue, sera annexée au procès-verbal : Adresse de la communauté de Blérancourt près Noyon. Monseigneur, voici ce qui se passe dans les campagnes, tandis que vous travaillez à la li-v berté. Puissent-ils rougir à la lecture de ce qui suit, les tyrans qui cherchent à nous séduire, et qui nous représentent la religion comme la fortune, une bourse à la main, elle qui est si pure et si modérée ! Extrait du registre des délibérations de la mum\ cipalitê du bourg de Blérancourt. Gejourd’hui 15 mai 1790, la municipalité de Blérancourt étant extraordinairement convoquée, François Monneveux, procureur de la commune, a porté la parole et nous a dit : Que le 11 du présent mois, il a été adressé à M. de Saint-Just, électeur au département de l’Aisne, et demeurant audit Blérancourt, un paquet contenant trente exemplaires d’une feuille ayant pour titre : Déclaration d’une partie de l'Assemblée nationale, sur un décret rendu le 16 avril 1790, concernant la religion; Qu’à cet envoi était jointe une lettre remplie de maximes odieuses, qui l’engageaient à employer le crédit qu’il a dans ce pays, en faveur de la religion sapée par les décrets de l’Assemblée nationale, et à promulguer l’écrit contenu dans l’envoi. Ici, l’assemblée a demandé, d’un seul cri, la lettre à M. de Saint-Just. Ce dernier a été prié de se rendre à l’assemblée, et a fait lecture de la lettre qu’il avait dénoncée lui-même au procureur de la commune. Toute l’assemblée, justement révoltée des principes abominables que les ennemis de la Révolution cherchent à faire circuler dans l’esprit du peuple. A arrêté que la déclaration serait lacérée et brûlée sur-le-champ; ce qui a été fait à l’heure même; et M. de Saint-Just, la main sur la flamme du libelle, a prononcé le serment de mourir pour la patrie, l’Assemblée nationale, et de périr plutôt par le feu, comme l’écrit qu’il a reçu, que d’oublier ce serment : ces paroles ont arraché des larmes à tout le monde. M. le maire, la main sur le feu, a répété le serment avec les autres officiers municipaux ; il a ensuite félicité M. de Saint-Just en lui disant : « Jeune homme, j’ai « connu votre père, votre grand-père et votre « tayon ; vous êtes digne d’eux : poursuivez « comme vous avez commencé, et nous vous « verrons à l’Assemblée nationale ». Et ont signé Honoré, maire, Monneveux, Thuillier l’aîné, Carbonnier, Dutailly, Quentelat, J.-B. Gapperon, et Thuillier le jeune, secrétaire-greffier. Heureux le peuple que la liberté rend vertueux, et qui n’est fanatique que de la vérité et de la vertu 1 Voilà l’esprit qui nous anime, Monseigneur; et ce qu’il y a de plus consolant pour nous, c’est que toute la France éprouve les mêmes sentiments. Excusez des paysans qui savent mal exprimer la tendresse, la reconnaissance, mais qui conservent à l’Assemblée na-31 «78 [Assemblée nationale.] ARCHIYES PARLEMENTAIRES. [18 mai 1790.] tionnale, dans l’occasioD, des cœurs, du sang et des baïonnettes. Nous avons l'honneur d’être, etc. Et ont signé les officiers municipaux ci-dessus désignés. L’Assemblée passe à son ordre du jour qui est la discussion de l'affaire d’Alsace. M. l’abbé d’Eymar (1). Messieurs, pour vous mettre à même de prononcer sur le rapport qui vous a été présenté avant-hier par un membre de votre comité, il est essentiel de vous rappeler les différents griefs qu’il vous a exposés et de bien distinguer surtout, sur quels faits et sur quelles pièces il les a appuyés ; ce n’est qu’en établissant avec clarté et avec exactitude ce qui vous a été présenté en masse et sans méthode, que vous pourrez, Messieurs, asseoir sur cette affaire importante un jugement conforme à la raison et à l’équité. 1° La base du rapport et de la dénonciation est fondée sur une lettre de MM. les commissaires du roi au département du Bas-Rhin, écrite à MM. les députés d’Alsace à l’Assemblée nationale, dans laquelle lettre est relatée d’abord une protestation du prince-évêque de Spire, contre la formation des municipalités et des assemblées administratives signifiée à Strasbourg par l’agent de ce prince, et imprimée ensuite pour circuler dans la province; c’est là le premier chef de plainte énoncé dans la lettre des commissaires : on aurait dû joindre à l’exposé qu’on vous en a fait la protestation elle-même ; elle eut fait connaître les moyens et les titres qui l’ont étayée et provoquée; cette connaissance n’est rien moins qu’inutile, je l’ai sous la main, et j’y reviendrai à l’instant. 2° Le second chef de dénonciation de MM. les commissaires du roi est dirigée contre M. Besnard, bailli de Bouxvillers, accusé par eux de s’être permis de faire convoquer à la maison commune de ladite ville, le 15 avril, les maires des communautés de son bailliage, d'y avoir lu une adresse imprimée contenant une protestation contre les décrets de l'Assemblée nationale , concernant la vente des biens du clergé, et notamment de ceux du chapitre de Neuviller à la tête duquel est M. l’abbé d’Eymar , ce sont les termes de sa lettre, et d’avoir comme arraché la signature de ces différents maires, par l’influence que ledit M. Besnard a conservée sur eux. Les commissaires ajoutent que depuis cette signature, 13 de ces maires sont venus au greffe du sieur maire à Strasbourg faire la déclara-ration que leur signature avait été extorquée et qu’ils la révoquaient. Le dossier communiqué ne présente qu’une seule de ces rétractations en date du 23 avril, du maire de Reiguen-dorfif. 3° Troisième chef de plainte et qui paraît aux commissaires du roi plus important que les autres; c’est la circulation d’un écrit anonyme répandu à Bouxvillers d’abord, et en suite de cette publicité, une déclaration des habitants de Bouxvillers dressée, dit-on, par le sieur Besnard, par laquelle les habitants et notables de cette ville réclameraient en effet la protection et l’assistance de leur seigneur le landgrave de Hesse-Darmstadt, pour le maintien de leur constitution (1) Le Moniteur se borae à mentionner le discours de M. l’abbé d’Eymar. ancienne, etc. Cette pièce vous a été lue; j’observe qu op l’attribue à M. Besnard, et que son nom ne s’y trouve nulle part, c’est une traduction dont il faut se méfier toujours, à moins qu’elle ne soit revêtue du caractère et des certificats accoutumés ; il est dit à la (in de cette pièce que la présente délibération sera envoyée par copie aux députés à l’Assemblée nationale à telles fins que de droit; j’atteste pour mon compte ne connaître cet acte que d’aujourd’hui, et de n’avoir ouï dire à aucun de mes collègues que cet envoi leur avait été fait par la communauté de Bouxvillers. 4° Et dernier chef de dénonciation, enfin, non de la part des commissaires du roi qui n’en disent , pas un mot dans leur lettre, non contre M. Besnard que cet objet ne regarde point, mais de la part du rapporteur de votre comité lui-même qui n’a pas daigné vous dire. Messieurs, la source et l’autorité où il avait puisé la violente diatribe qu’il a lancée sans preuves, sans citations contre des prédicateurs et des curés d’Alsace, accusés par lui de tonner en chaire contre les décrets de l’Assemblée, et de soulever les esprits par des moyens semblables; d’introduire dans les exercices de pitié confiés à leur ministère, des formules de prières capables de produire les plus funestes ef fets : pour ce dernier article, Messieurs, il a été communiqué deux imprimés dont j’aurai l’honneur de vous proposer la lecture en revenant sur cet article et vous serez, je crois, bien surpris, en rapprochant la vérité, du tableau effrayant qui l’a si fort dénaturée. Ce sont là, Messieurs, les quatre objets sur lesquels votre comité des rapports sollicite un décret prompt, sévère, et qu’il croit même susceptible de vous conduire à desdécouvertes majeures, à éven ter des mines souterraines creusées et dirigées contre le bien public; examinons son exposé, ses motifs, et jugeons les conséquences : je reprends séparément chacun des articles que j’ai déduits du rapport. Le premier, avons-nous dit, concerne les protestations du prince-évêque de Spire signifiées à Strasbourg par son agent notable de la commune, le sieur ûietrich, professeur en droit. II est vrai, Messieurs, et je 1 ai sous les yeux, en ce moment, que la protestation de M. l’évêque de Spire a été présentée tant à Strasbourg qu’à Colmar par les ordres et les agents de ce prince; mais si vous voulez considérer dans quelles circonstances cet acte a été émis et combien peu il influera sur la formation des assemblées primaires, peut-être n’y apercevrez-vous pas d’autres conséquences que celles que vous pouvez attribuer aux réclamations de même nature faites parles autres princes possessionnés en Alsace. Le prince-évêque de Spire a un traité particulier indépendant de ceux qui lui «ont communs avec les autres princes co-Etats d’Empire; il sollicite, depuis longtemps, auprès du roi, une explication qui n’a pu lui être donnée jusqu’à ce que vous ayez vous-mêmes jugé une cause sur laquelle aucun des intéressés n’a été entendu: au milieu de cette suspension, on croit, en fait de droits et de propriétés contestées surtout, ajouter un titre de plus à sa possession, chaque foi3 qu’on la réclame légalement ; et M. l’évêque de Spire cherche non seulement à étayer le sien, mais encore à répandre dans la province la connaissance des traités généraux et particuliers sur lesquels il fonde ses réclamations : le rapporteur du comité exhale une bile bien amère sur l’agent français qui a été chargé de cette mission ; mais il a donc oublié que plusieurs princes souverains étrangers ont,