522 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]2 avril 1791.] trigue fut dévoilée, et de nouveaux cris d’indignation vous dénoncèrent encore les soi-disant catholiques de Nîmes. La délibération avait été arrêtée le 1er juin; le 13 des troubles affreux éclatèrent à Nîmes, et des crimes sans nombre ont, pendant quatre jours, déchiré et fouillé cette cité malheureuse. Enfin le 17 juin, vous proscrivîtes les délibérations prises à Nîmes; et en mandant à la barre les présidents et commissaires des différentes assemblées, vous satisfîtes à la fois et à ce que la justice, et à ce que l’opinion publique exigeaient de vous. Avant de proposer une détermination à l’Assemblée, je dois la prévenir que plusieurs des citoyens qui ont paru devant elle, dont les intentions et la faiblesse avaient été égarées, et que des sollicitations avaient déterminés à accepter les titres de présidents et de commissaires, se sont depuis longtemps rétractés, soit par lettres, soit par des actes notariés, et que quelques-uns môme ont cru devoir renouveler leur rétractation, afin que, d’après le discours prononcé par l’un d’eux à la barre, on ne soupçonnât pas qu’ils abjuraient un repentir dont ils ont donné les témoignages les plus forts et les plus authentiques. Il est impossible de rien ajouter à la vivacité des regrets exprimés dans ces rétractations. Vos comités ont pensé qu’il fallait établir une différence absolue entre des citoyens que des insinuations perfides ont égarés et qui avouent leurs torts, et ceux qui persistent dans des actes que vous avez proscrits comme séditieux et dont la publicité a été si artificieusement ménagée et la manifestation si funeste. M. Alqnïer, rapporteur , termine en proposant un projet de décret divisé en deux parties et portant : 1° que l’Assemblée nationale, prenant en considération les rétractations faites par plusieurs des présidents et commissaires des soi-disant catholiques de Nîmes et d’Uzès, déclare qu’a leur égard il n’y a pas lieu à délibérer ; 2° qu’il y a lieu à accusation contre tous ceux qui ne se sont pas rétractés, et qu’ils seront en conséquence traduits devant le tribunal d’Orléans. MM. Bouche et liCgrand, relativement à ceux desdits présidents ou commissaires qui ne se sont point rétractés, proposent de déclarer qu’il y a lieu à accusation contre les sieurs Fontareiche, d’Entraigues, de Cabane, de la Rey-ranglade, Froment, Fernel, Folacher, Michel et Gaussard et, en conséquence, d’ordonner que le tribunal provisoirement établi dans la ville d’Orléans, sera chargé d’informer des faits dont les sieurs Fontareiche, d’Entraigues, de Cabane, de la Reyranghide, Froment, Fernel, Folacher, Michel et Gaussard sont prévenus, leurs circonstances et dépendances, pour être ensuite prononcé par ledit tribunal ce qu’il appartiendra. M. de Airieu. Il y a une différence entre ceux qui se sont rétractés et ceux qui sont venus à la barre vous dire qu’en faisant une pétition ils avaient usé d’un droit que la Constitution leur donnait, que leurs intentions étaient pures et que, au lieu de voir devant vous des conspirateurs, vous ne voyez que des victimes. Voilà donc, Messieurs, les deux choses que l’on veut séparer. Si vous adoptez l’article qui établit une si dangereuse disproportion, il vaudrait autant établir que, dans aucun cas, le Corps législatifcondamnera ou fera condamner, comme séditieux, toute pétition dont l’objet sera contraire à un décret qui serait émané du Corps législatif. Il vaudrait autant déclarer l’esclavage absolu de la nation. Plusieurs membres à gauche : Ah ! ah I ah ! M. de Virieu. Après un pareil décret, qui interdit même le droit de pétition et de plainte, après un décret qui serait aussi tyrannique, on vous propose une forme qui ne le serait pas moins; on vous propose de renvoyer au tribunal d’Orléans, en déclarant qu’il y a lieu à accusation. Or, Messieurs, quel rôle joue l’Assemblée nationale, quand elle déclare qu’il y a lieu à accusation? Ne fait-elle pas les fonctions de jurés? Qui constate qu’il y a un délit caractérisé? Et qui dit ; Voilà le délit? Or, je demande si dans le décret qui vous est présenté, il y a un seul mot qui caractérise la nature du délit qu’on veut faire juger... {Murmures.) Je demande à ceux qui m’interrompent quel jugement ils prononceraient s’ils étaient jurés. Je demande donc, si par hasard l’Assemblée pouvait s’aveugler ainsi en adoptant la première partie du décret, qui prononce l’anéantissement du droit sacré que tout peuple libre a d’exprimer ses plaintes, de former des pétitions; je dis que si l’Assemblée pouvait-s’oublierau point d’adopter une pareille disposition, elle devrait au moins, dans l’acte d’accusation, spécilier pourquoi elle accuse; car ici rien n’est prononcé, et il n’y a que la tyrannie qui juge sur ces accusations. M. Robespierre. S’il était question d’un délit qui consistât purement en faits, il serait très facile et très raisonnable d’objecter à l’opinion du comité, que la rétractation n’éteint point le délit, et que la loi reste toujours avec tous ses droits, toute sa vigueur. Mais comme il est ici question d’une opinion prononcée par une délibération, c’est peut-être une question de savoir si, dans de telles affaires, le désaveu et la rétractation ne doivent pas être comptés pour quelque chose; et j’oserai me déclarer pour le parti qu’a adopté le comité. Quant à ceux qui ne sont point rétractés, je n’ai qu’une seule réflexion à faire sur la rédaction du décret, c’est que le titre de l’accusation, suivant la rédaction proposée, ne me paraît point suffi sant. Sous peine de blesser la liberté civile, il faudrait après les mots : déclare qu'il y a lieu à inculpation contre les sieurs Fontareiche , d' Entraigues, de Cabane, de Lareyranglade, Froment , Fernel , Folacher, Michel et Gaussard , ajouter: « pour avoir signé et envoyé en différents endroits les délibérations prises à Nîmes et à Uzès par les soi-disants catholiques de ces villes, les 20 avril, 2 mai et 1er juin 1790. » M. millet de Mureau. Je demanderai à M. le rapporteur si les citoyens qui ne se sont point rétractés ont eu connaissance des rétractations des autres et du décret proposé aujourd’hui. Car, Messieurs, s’ils n’en ont point connaissance, l’un d’eux pourrait vous dire : « Messieurs, je n'ai point eu connaissance de cette rétractation; je suis moins coupable que ceux qui se sont rétractés; je demande le bénéfice du décret, je me rétracte. » Je demande : Que ferez-vous? Serez-vous injustes envers ce citoyen? Il est impossible que dans ce cas vous ne puissiez pas donner un effet rétroactif à votre décret. Ces vues me déterminent