108 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Un membre demande que l’article du titre premier, qui a été ajourné, soit présenté vendredi prochain. Plusieurs membres demandent qu’on s’en occupe au premier jour et que les séances du soir soient employées à entendre tous les rapports du comité militaire qui restent à faire. M. le Président met aux voix cette motion. (L’Assemblée décrète que les séances du soir seront consacrées à entendre les rapports du comité militaire.) M. le Président indique l’ordre du jour de la séance de demain. La séance est levée à onze heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 1er FÉVRIER 1791. Rapport par M. de Bouthiliier, et projet de décret du comité militaire sur les masses (1). Messieurs, vous avez, par vos décrets précédents, amélioré d’une manière digne de votre sagesse le sort de tous les individus composant l’armée ; vous avez relevé leur existence et constaté leurs droits; votre ouvrage serait imparfait, Messieurs, si vous ne cherchiez pas encore à fournir aux corps tous les moyens nécessaires à leur entretien, et si vous ne les calculiez pas de façon à les soustraire enfin de toutes les ressources vexatoires de l’industrie, qu’ils étaient obligés sans cesse d’employer, pour remédier à l’insuffisance des fonds qui leur étaient accordés. Les dépenses relatives à l’entretien des troupes sont de différentes espèces ; pour éviter la confusion qu'elles pourraient présenter, et mettre en état de les évaluer avec plus de certitude, le système établi depuis longtemps est de les classer, chacune suivant leur nature, en les rapprochant, par forme de masses fixées par homme, de ceux pour lesquels elles doivent avoir lieu. Nous avons cru ne devoir pas nous écarter de cet usage sagement adopté; et justifié jusqu’ici par l’expérience. G’est en conséquence dans cette forme que nous vous présenterons les dépenses de l’entretien des troupes, sous les dénominations de masses générales, de masse de boulangerie, de fourrages, d’hôpitaux, d’effets de campements et de bois et lumières. Masses générales. Les masses générales fixées, par les ordonnances actuelles, à des sommes déjà reconnues insuffisantes à leurs dépenses, avaient paru au ministre susceptibles encore de réductions, dans l'état d’évaluation qu’il vous avait présenté. En débarrassant ces masses du payement des 4 deniers pour livre, aujourd’hui retenus sur toutes les dépenses, et que le projet est de faire cesser, des capitations des officiers, qu’il vous paraîtra juste, U" février 1791.] sans doute, de ne pas imputer sur ces fonds qui leur sont étrangers, et des prêts des 31 des mois dont elles étaient chargées, et que vous avez décrété, payables avec la solde pour le nombre effectif de jour de chaque mois, il avait pensé qu’elles resteraient suffisantes, en les diminuant ainsi en raison de l’évaluation de ces dépenses qui devaient cesser d’être à leur charge. Mais, Messieurs, en proposant cette réduction il n’avait pas songé, sans doute, que ces masses, dans l’état actuel, étaient souvent au-dessous de leurs besoins réels dans certaines circonstances, et que plusieurs articles des bénéfices accessoires dont elles étaient accrues, et qui les aidaient seuls à subvenir aux dépenses, étaient de nature à ne plus subsister, dans un système qui doit avoir pour but de proscrire toute administration arbitraire, et toute ressource d'industrie, n’ayant jamais lieu qu’au détriment des individus sur lesquels elle est contrainte de s’exercer. Ges bénéfices accessoires, déterminés par les ordonnances actuelles, consistent: 1° Dans les soldes des hommes morts et désertés étant en congé, jusqu’au jour de leur radiation des contrôles; 2° Dans les produits de la masse de linge et chaussure des hommes morts, désertés ou congédiés par grâce, jusqu’à la concurrence de 15 livres, le surplus de ce qu’ils pourraient avoir en caisse devant appartenir à leur compagnie; 3° Dans le produit du jour, ou des jours au-dessous de 30 du mois de février ; 4° Dans les bénéfices résultant du payement de la masse de linge et chaussure au complet du régiment, et de ses décomptes, faits seulement à l’effectif réel ; 5° Dans les retenues exercées sur les officiers semestriers, ou nouvellement pourvus, en raison de chacun de deux hommes de recrues qu’ils sont obligés d’engager, lorsqu'ils n’ont pas rempli cette condition; 6° Enfin dans le bénéfice des congés de grâce, et dans celui de la vente des chevaux de réforme dans les troupes à cheval. Payer aux hommes morts ou désertés étant en congé, le montant de la solde de leur absence, pour en accroître les fonds de la masse générale de leurs régiments, ou ne pas leur en faire le décompte, et alors donner à cette masse l’augmentation nécessaire pour l’en indemniser, produirait le même effet en finance, mais n’exposerait pas les régiments à une comptabilité embrouillée, fictive et souvent dangereuse entre les mains de ceux qui voudraient en abuser. Une meilleure administration exigera, sans doute, que les effectifs présents soient seuls payés et que les décomptes d’absence ne soient faits qu’à ceux qui reviendront réellement. Cette première ressource des soldes des hommes morts ou désertés étant en congé, paraît donc devoir devenir nulle pour la masse générale. La masse d’entretien du soldat doit être désormais comprise avec la solde; elle doit appartenir individuellement à chaque homme ; la faire payer au complet, ainsi que le prescrivent les ordonnances actuelles, produit une complication de compte pour un bénéfice bien médiocre, et purement imaginaire. Il n’en existe aucun en effet, puisque la diminution de fonds qui en peut résulter sur les masses générales, est au moins compensée par un payement plus fort sur l’autre partie; il paraît donc beaucoup plus simple que désormais la masse d’entretien suive en tout la solde dont elle fait partie, les (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |l*r février 1791.] 7QQ bénéfices qui pouvaient résulter de la différence de ces fonds, payés au complet, avec ses décomptes faits seulement à l’effectif, doivent donc encore devenir nuis pour la masse générale. Les masses particulières des hommes, formées sur la partie de leur solde affectée à leur entretien, leur appartiennent individuellement. Les leur retenir lorsqu’ils obtiennent des congés de grâce, c’est une injustice; c’est un moyen de les leur rendre encore plus onéreux, en leur enlevant le fruit de leur économie. Votre justice ne souffrira pas certainement plus longtemps cet usage. Celles des hommes morts et désertés peuvent seules rester, sans injustice, à la disposition de l’administration; mais appartiendront-elles à la masse générale, comme indemnité de la perte des hommes? La nation doit entretenir ses troupes ; ce serait un moyen d’économie peu digne d’elle que de reprendre ainsi ce qu’elle avait accordé aux individus. Appartiendront-elles aux soldats, comme dédommagement du service fait par eux our ces hommes, jusqu’à leur remplacement ? ela vous paraîtrait plus juste, sans doute. Nous avons pensé, d’après cela, que cette ressource ne pouvait pas être évaluée dans la fixation des masses générales. La solde sera désormais payée pour chaque jour effectif du mois. Le léger bénéfice résultant au profit des masses, du jour ou des deux jours du mois de février payés, mais non consommés, devient donc encore absolument nulle pour elles. Les retenues exercées sur les officiers semes-triers ou nouvellement pourvus, pour chacun des deux hommes de recrues auxquels ils sont obligés, et qu’ils n’engagent pas, est une injustice, puisque tous, par leurs positions dans les différents départements du royaume, ne sont pas également à portée d’avoir, à ce sujet, les mêmes facilités ; elles sont aussi souvent une cause de dérangement pour des officiers peu aisés, auxquels elles enlèvent leurs moyens de subsistance. Cette punition économique doit disparaître devant la sagesse de vos décrets. Ces retenues ne peuvent donc plus être une ressource pour les masses générales. Les congés de grâce, dans le système actuel, sont un des principaux bénéfices accessoires de ces masses; mais ils sont aussi souvent une grande cause d’injustice et de vexation pour les parents des soldats qui, quels que soient leurs besoins ou leur position, se trouvent souvent obligés de payer, aux dépens de leur fortune, les sottises de leurs enfants. L’Assemblée nationale ne souffrira pas cet abus. Les congés de grâce seront fixés de manière à couvrir simplement les frais de remplacements qu’ils occasionneront; et s’ils sont dans le cas de procurer quelques légers bénéfices, ils pourront tout au plus servir à faire face à quelques dépenses imprévues du recrutement qui auraient pu n’être pas évaluées avec précision. 11 en est de même de la vente des chevaux de réforme dans les troupes à cheval; leurs produits sont très incertains ; ils dépendent des circonstances, des localités, et du plus ou moins de service dont ils pourraient être encore susceptibles; on ne peut donc pas les calculer comme une ressource assurée, et l’on ne peut évaluer tout au plus leur prix que comme suffisant pour couvrir quelques dépenses imprévues des remontes, des traitements des chevaux, ou autres faux frais qui auraient pu n’être pas calculés. Toutes ces ressources accessoires étant abolies, ou devenant nulles pour les masses générales, il est donc indispensable de calculer les fonds qui leur sont nécessaires sur les dépenses réelles dont elles doivent être chargées. C’est ainsi que nous avons procédé à leur évaluation, sans nous arrêter à ces calculs imaginaires, toujours faits jusqu’ici par des hommes sans expérience pratique des détails qu’ils ne connaissent pas. Ces dépenses consistent dans l’habillement et l’équipement des hommes et des chevaux, dans le recrutement, dans les remontes et le soin des chevaux, dans les réparations de l’habillement, de l’armement et de l’équipement, et dans les faux frais inséparables de toute administration. Ces dépenses varient en raison des armes. Les masses générales en conséquence ne peuvent pas être fixées uniformément pour toutes. Les calculs les plus exacts et les plus détaillés ont été faits par nous, pour servir de bases à leur évaluation dans chaque arme. Votre comité militaire les mettra sous vos yeux, si vous l’ordonnez ; mais comme ils sont longs et minutieux, il craindrait de vous faire perdre un temps précieux. Les résultats, tant pour les détails des fournitures à faire aux troupes, ou des dépenses à acquitter par elles sur chacune de ces parties, que pour les sommes à fixer en conséquence, se présenteront nécessairement dans le projet de décret que nous vous soumettrons à la fin de ce rapport : les comprendre dans son contenu serait une répétition inutile, et nous avons cru devoir vous l’épargner. Masse de boulangerie. La fourniture du pain des troupes a été longtemps confiée à une compagnie des vivres. Lès succès de cette forme de service, non seulement dans ses rapports militaires, mais encore relativement à l’administration civile, qu’une compagnie bien organisée peut aider par des secours portés à propos dans des provinces menacées ou affligées de disette de grains, semblaient devoir assurer la continuation du même régime. Différents essais faits depuis la suppression de cette compagnie, pour charger les régiments des achats de leurs grains, ou seulement de la manipulation de leur pain, n’ont servi qu’à démontrer de plus en plus que cette forme d’administration partielle, de tout temps reconnue impraticable à la guerre, ne réunissait, sous aucun rapport, même en temps de paix, aucun des avantages que l’on s’était flatté d’y rencontrer. Cette épreuve momentanée ne paraît pas faite pour engager à la recommencer. Mais l’objet de ce rapport, Messieurs, n’est pas d’examiner ici dans tous leurs détails les moyens les plus avantageux à employer dans cette partie intéressante de l’administration militaire; son but se borne uniquement à soumettre en ce moment, à votre discussion, la fixation des fonds nécessaires pour la dépense de ce service. La fourniture du pain aux troupes a, jusqu’ici été acquittée au moyen d’une retenue sur leur solde, fixée anciennement à 2 sous, et maintenant à 1 s. 6 d. par jour ; cumulée avec une plus-value déterminée par chaque ration, et payée par le département de la guerre à ceux chargés de ce service. Nous vous avons déjà proposé, d’accord avec le ministre de la guerre, de séparer désormais les dépenses du pain de la solde des troupes. Il en résulte de plus grandes facilités pour la comptabilité, en la débarrassant d’une retenue toujours compliquée ; et ce moyen permet de présenter, 710 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l«r février 1791.] comparativement aux dépenses, une recette plus certaine, lorsqu’elle se trouve déterminée d’une manière fixe, qu’elle ne pouvait l’être lorsqu’elle dépendait des retenues exercées sur la solde, qui ne pouvaient avoir lieu qu’en raison de l’effectif réel de l’armée. Vous avez adopté celte proposition, et la solde a déjà été décrétée par vous, dégagée de toute espece de retenue relative au pain. L’unique question est aujourd’hui de fixer cette masse. Le ministre vous propose de la porter à 48 livres par aa, c’est-à-dire à 32 deniers par jour par homme. Les relevés des dépenses du pain faites depuis 1778, jusques et y compris 1787, établissent le prix commun de chaque ration à 41 deniers l’une dans l’autre; une masse de 32 deniers pour chacune ne serait pas certainement suffisante, si l’armée, toujours complète et toujours présente, pouvait être dans le cas de recevoir ainsi son pain toute l’année; mais il n’est réellement dû qu’aux présents effectifs , et à ceux détachés pour le service. Les hommes absents par congés, et ceux aux hôpitaux n'y ont aucun droit. Le prix des rations payé pour eux, et qu’ils ne consomment pas, peut servir à acquitter, par sup-Î dément, la valeur de celles réellement délivrées; a compensation peut s’établir ; nous avons donc pensé que cette masse fixée à 48 livres par an, par homme, au complet total de l'armée, pouvait suffire à fournir, par jour, par homme présent réellement, ou détaché pour le service, une ration de pain cuit et rassis du poids de 24 onces, et manipulé avec les trois quarts de froment, et un quart de seigle, ainsi qu’il est prescrit par les ordonnances actuelles, et c’est en conséquence d’après ces principes que nous vous proposons de la décréter. Masse des fourrages. L’administration des fourrages a souvent varié dans ses détails et dans ses moyens; elle a été successivement confiée tantôt aux corps mêmes, tantôt à des entrepreneurs, tantôt enfin à des régisseurs intéressés en raison des dépenses. Les mêmes principes qui ont dirigé notre travail, relativement à la masse de boulangerie, semblent devoir le borner de même dans cette partie à vous proposer la fixation des fonds nécessaires pour subvenir à ces dépenses. Quelques provinces, dans le système ancien, étaient dans l’usage de fournir, par leurs soins, les fourrages à toutes les troupes dans leurs arrondissements; d’autres étaient imposées particulièrement pour ces dépenses qu’elles payaient, sans être chargées de leurs détails; d’autres enfin devaient fournir un nombre déterminé de troupes à cheval, et ne payaient le prix des rations que jusqu’à la concurrence de la valeur fixée par raccord fait avec elles à ce sujet. Le surplus excédant, tant pour le nombre que pour le prix, était dans ces provinces à la charge du département de la guerre. 11 résultait de ces formes une confusion fâcheuse dans l’administration, et des disparates nuisibles au service, par la manière dont les troupes étaient traitées, suivant les différentes parties du royaume dans lesquelles elles étaient établies. Vous ne laisserez pas certainement subsister de pareils inconvénients; nous avons donc pensé devoir vous proposer la suppression de ces usages locaux, qui ne peuvent plus avoir lieu dans le nouvel ordre de choses que vous voulez établir. Avant 1788 , la dépense des fourrages des troupes à cheval n’était pas fixée par forme de masses; des marchés généraux ou particuliers, passés d’après les fixations de la valeur des denrées prononcées par des intendants, déterminaient le prix des rations suivant les localités. Les évaluations de fonds ne pouvaient être faites avec précision. Le conseil de la guerre adopta, pour y remédier, l’établissement d’une masse de fourrages, et crut devoir la porter à 270 livres, sur le pied de 15 sols par jour par cheval, l’un dans l’autre. C’est ainsi que la dépense eu a été calculée depuis cette époque. Les évaluations par forme de masses sont les plus certaines; c’est en conséquence ainsi que nous avons cru devoir vous proposer celle de cette partie. Si le prix de 15 sols par jour, par ration, était donné indifféremment à tous les régiments, en les chargeant de leurs fourrages, qui lle que fût leur position dans le royaume, lesunscertainement recevraient un prix supérieur à leurs dépenses, tandis qu’il serait inférieur pour beaucoup d’autres, placés moins avantageusement. Mais en laissant ainsi ces fonds fixés par évaluation commune à la disposition du ministre, pour régler le prix des fournitures, suivant les variations des localités, en les payant toujours au complet, l’expérience a montré qu’ils étaient suffisants, et nous ne pouvons que vous engager à porter cette masse au prix de 270 livres par chaque cheval de cavalier, de carabinier, de dragon, de hussard et de chasseur, ainsi qu’il vous a été proposé par le ministre. Vous avez accordé, Messieurs, par vos décrets précédents à tous les officiers généraux et supérieurs de l’infanterie, de l’artillerie et du génie, aux adjudants généraux et de division, aux aides de camp, ainsi qu’aux commissaires des guerres, un certain nombre de rations de fourrages, en raison de leurs grades. Leur prix fixé par vous à la même somme de 270 livres par an, ou de 15 sols par jour, ainsi que nous vous proposons de le déterminer pour les chevaux de la troupe a déjà été décrété, concurremment avec leurs appointements. L’usage actuel est de payer en argent ce traitement à ceux de ces officiers auxquels il est accordé par les ordonnances. Souvent placés dans des villes éloignées de tous les magasins de fourrages, il serait difficile d'essayer de leur fournir en nature les rations qui leur reviennent; nous avons pensé que leur valeur devait être cumulée avec leurs appointements, et leur être payée de la même manière et en même temps. Quant aux officiers supérieurs et particuliers des troupes à cheval, pour lesquels vous avez pareillement décrété déjà un nombre de rations de fourrages proportionné à leurs grades, ils doivent être tous indispeusablement montés ; c’est un des points essentiels de leur service. Les magasins de fourrages établis pour la troupe peuvent fournir la nourriture de leurs chevaux ; toutes les facilités qu’ils pourraient avoir, ou être tentés de se procurer, en employant ceux destinés à leurs régiments ou à leur compagnie, pour diminuer le nombre de ceux qu’ils devraient avoir personnellement, seraient un abus; nous avons donc pensé que la valeur des rations de fourrages à eux accordées, devait être cumulée avec la masse des fourrages de leurs régiments, et que sur cette masse ils devaient recevoir en nature, pendant le temps de leur présence à leurs corps, la quantité des rations à eux revenante, s’ils avaient le nombre de chevaux prescrits, ou sinon 711 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1" février 1T91.) un nombre proportionné à ceux qu’ils auraient réellement, et qu’à leur retour, dans le cas où ils n’auraient pas préféré de laisser à leur régiment la totalité ou partie seulement de leurs chevaux, pour y être nourris en nature, le décompte de leur ration, non consommée, devait leur être fait en argent, et d’après les mêmes principes, pour le temps de leur absence, sur le pied du prix fixé pour la ration dans le département ou dans la ville où ils seraient en garnison ou en quartier. Masse des hôpitaux. La dépense des hôpitaux n’avait jamais été calculée par forme de masse : les retenues de solde étaient exercées sur chaque homme qui y était traité, et le département de la guerre payait toutes les dépenses de ce service, ainsi que celles des journées en ajoutant au montant de ces retenues une plus-value sur des fonds calculés par approximation, et qui lui étaient fournis à cet effet. Le conseil de la guerre, en 1788, crut devoir détruire l’ancien système d’administration des hôpitaux, et tous les marchés passés en conséquence avec des régisseurs qui en étaient chargés. Il pensa que les régiments pouvaient soigner eux-mêmes leurs malades, il établit des infirmeries régimentaires dans chacun, et ne conserva que le nombre de grands hôpitaux, absolument indispensable dans les grandes villes pour l’éducation des élèves chirurgiens. En adoptant ainsi le système de charger les corps de leurs malades, il crut encore devoir leur fixer une masse destinée à cet objet. Elle fut calculée sur le pied de 15 livres par homme, au complet, indépendamment des retenues exercées sur la solde de ceux aux hôpitaux, et elle fut partagée entre les régiments, pour le payement des journées, et les dépenses de leurs infirmeries, et entre l’administration pour les frais généraux de ce service. Ce n’est pas ici le moment d’examiner la forme d’administration qu’il conviendrait de donner à cette partie; la fixation des fonds nécessaires doit seule être l’objet de ce rapport. La masse des hôpitaux est aujourd’hui calculée sur le pied de 15 livres par homme. Les retenues des soldes exercées sur tous ceux qui y sont traités servent concurremment avec elle à payer les prix des dépenses des journées. Ges retenues deviendront, il est vrai, plus considérables , en raison des augmentations de solde prononcées par vous. La plus-value des journées paraîtrait donc devoir diminuer dans la même proportion ; mais, Messieurs, en prononçant la continuation des retenues de solde des hommes aux hôpitaux, vous ordonnerez sans doute qu’elles n’auront jamais lieu sur les 6 deniers que vous avez accordés au soldat pour sa poche, ni sur la partie que vous en avez affectée à son entretien particulier, c’est en diminuer le produit, et d’ailleurs le traitement des chirurgiens-majors des régiments n’a point été compris dans les fixations d�appointements que vous avez décrétées, il vous a été annoncé alors qu’il paraissait devoir être payable sur les fonds des hôpitaux. Les bénéfices qui pourraient résulter en diminution de la plus-value des journées, des retenues de solde devenues plus considérables, seront au moins absorbés par ces dépenses d’augmentation. Nous avons pensé, en conséquence, que le montant de la masse des hôpitaux ne pouvait pas être diminué. Les calculs les plus exacts, et dont nous vous soumettrons les bases, St vous l’ordonnez, nous ont montré qu’elle ne serait que suffisante en la fixant à 15 livres, ainsi qu’il vous l’a été proposé par le ministre. Quels seront à présent les traitements dés chirurgiens-majors? Leurs appointements ordh-naires sont actuellement fixés à 1,200 livres par an, dans toutes les armes. Les ordonnances de 1788, en établissant des infirmeries particulières dans les régiments, ont accordé en outre un supplément de traitement plus ou moins considérable, à prendre sur la masse des hôpitaux, à ceux d’entre eux qui se trouveraient chargés de ces détails. Dans un moment où vous améliorez considérablement le sort de tous les individus de l’armée, cette classe si méritante par la manière dont elle sert, et par ses connaissances, serait-elle seule exceptée? Nous ne l’avons pas pensé, Messieurs. Nous aurons l’honneur de vous proposer ultérieurement des arrangements particuliers relativement aux officiers de santé, pour graduer leurs appointements en raison de leur ancienneté, pour fixer leur avancement et assurer leur retraite à la fin de leur service : en attendant nous croyons devoir nous borner à vous engager à décréter, provisoirement en leur faveur, une augmentation de 300 livres par an aux appointements et traitements dont ils jouissent actuellement, en vertu des ordonnances, à ordonner que cette augmentation sera payée, ainsi que leurs appointements et traitements, sur les fonds de la masse des hôpitaux, en leur accordant en outre, sur les mêmes fonds, à chacun une somme de 301) livres pour subvenir aux dépenses des aides chirurgiens, qu’ils seront par ce moyen obligés d’entretenir à leurs dépens, dans les proportions nécessaires au besoin du service.! Masse des effets de catnpetnent. La masse des effets de campement, fixée pair le conseil de la guerre à 450,000 livres, est destinée actuellement à fournir les tentes et autres ustensiles de campement aux régiments, à payer les dépenses de leur emmagasinement, de leurs expéditions et de leurs réparations, à fournir les capotes de sentinelles dans les places de guerre, ainsi que les drapeaux et étendards. S’il s’agissait dans ce moment de renouveler tous ces effets longtemps négligés dans les magasins, ou dépéris par mille causes différentes, entre les mains des troupes, depuis 1788 qu’ils Ont été expédiés à la plupart des régiments, ces fonds certainement ne seraient pas suffisants, et il en faudrait de beaucoup plus considérables pour mettre l’armée, composée de 140,000 hommes, en état d’entrer en campagne : mais si en les supposant rétablis, et tels qu’il serait à désirer qu’ils fussent, ce qui ne pourrait avoir lieu qu’avec des fonds extraordinaires, que votre sagesse ordonnerait, sans doute, si les circonstances le requéraient ; on ne veut considérer ces dépenses que sous leur rapport d’entretien des effets, de leurs réparations et de leurs mouvements, nous avons pensé qu’une masse de 3 livres par homme, au complet de l’armée, serait bien suffisante alors, et c’est ainsi que nous aurons l’honneur de vous proposer de la décréter. Masse des bois et lumières. Les dépenses des bois et lumières des corps 712 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Il0*" février 1791.] de garde, et du chauffage des troupes, n’ont jamais été fixées par forme de masse ; calculées, pour ainsi dire, au hasard, et sans bases certaines, elles ont toujours été exposées à une confusion d’autant plus grande, qu’une partie en est, jusqu’à ce moment, payée au compte du roi, tandis que les autres sont restées à la charge de quelques provinces, ou de quelques villes. Ces bois et lumières sont distribués, tant aux différents corps de garde, en raison du nombre de ceux qui sont occupés dans chaque place, qu’aux régiments pour leur chauffage particulier, d’après leur nombre effectif ou présent. Ces fournitures varient, non seulement de province à province, mais encore souvent même de place à place, tant pour leur qualité et mesure, que pour la manière de les distribuer. Dans quelques villes, elles se font aux soldats présents seulement, dans d’autres elles ont lieu à l’effectif, cela dépend d’un chef, d’un commissaire : il n’en résulte que confusion. Elles ont été faites jusqu’ici par des entrepreneurs, en vertu des marchés à eux passés, soit par les villes, lorsqu’elles doivent être à leur compte, soit par les ci-devant intendants, lorsqu’elles doivent l’être à celui du département de la guerre. Il serait difficile de pouvoir établir une appréciation commune dans le système actuel ; mais il est plus aisé d’assurer qu’il y a de grands abus dans les prix accordés aux entrepreneurs, dans la distribution qu’ils en font, et dans les rachats toujours infiniment inférieurs aux prix de leurs marchés, et auxquels ils sont autorisés. Pour détruire ces abus, le meilleur moyen est de simplifier les opérations, de mettre toutes ces dépenses au compte du département de la guerre, de ne plus les laisser à la charge d’aucune ville, et d’établir, dans tout le royaume, des mesures uniformes pour servir aux distributions, dans des proportions également fixées en raison du nombre d’hommes qui doivent y participer. Quelles seront ces mesures ? Dans quelles proportions ces fournitures seront-elles faites aux soldats? Quelle sera leur dépense? Ce sont les trois articles que nous avons cru devoir examiner successivement. Dans certaines provinces le bois se distribue au cercle, dans d’autres à la bûche, dans d’autres enfin à la livre. La mesure la plus connue partout est la corde : mais comme elle varie fréquemment dans ses dimensions, il paraît important d’en déterminer les proportions; il sera ensuite facile d’y réduire toutes les manières articulières de mesurer, tenant aux localités. n conséquence, c’est sur une corde de bois ayant 7 pieds de longueur, 4 pieds de hauteur, et la bûche ayant 3 pieds et demi de longueur, c’est-à-dire sur 112 pieds cubes de bois par corde, que nous avons cru devoir procéder aux évaluations : c’est cette mesure qui nous a paru devoir servir de base à tous les marchés, et à laquelle nous vous proposerons de rapporter toutes celles de3 fournitures en tourbe ou en houille, qui doivent avoir lieu dans certaines provinces. Les proportions dans lesquelles le chauffage se distribue aux troupes varient, non seulement pour les quantités, pour les distributions aux présents ou aux effectifs, mais encore pour la fixation des mois d’hiver et des mois d’été. En Normandie et dans les Evêchés, le bois de chauffage se distribue sur le pied de 4 cordes, 213 par 100 hommes effectifs à la revue, pendant chacun des cinq mois d’hiver, fixés du 1er novembre au 1er avril, et sur le pied seulement de moitié pendant les 3ept autres. Les sergents-majors, sergents, maréchal des logis en chef et ordinaires, ainsi que les adjudants, reçoivent un chauffage double: mais d’après les usages de ces deux provinces, dans lesquelles les troupes paraissent les mieux traitées, il est impossible d’établir ce qui a lieu, l’un portant l’autre, dans tout le royaume : il est beaucoup plus simple de dire ce qui devait être. Lorsque les distributions se font à l’effectif des revues, le soldat présent ne fait pas, avec précision, ce qui doit lui revenir personnellement, et il est bien aisé d’abuser à son détriment de ces facilités. Lorsqu'elles n’ont lieu que pour les présents seulement, les proportions du bois n’étant pas alors assez considérables, il est exosé à en manquer, et à être forcé d’en acheter ses dépens. Il est donc indispensable d’établir, pour tout le royaume, des proportions de distributions uniformes. Le bois n’est réellement dû qu’aux présents; ceux qui sont en congé ou aux hôpitaux externes, n’y ont aucun droit; c’est donc aux présents seuls à la chambre, ou aux hôpitaux du lieu, dont l’absence momentanée ne dérange pas les ordinaires, que nous avons pensé qu’il doit être distribué. Il n’y a qu’à augmenter les proportions dans lesquelles on fournira à ces hommes, il n’en coûtera pas plus cher, et du moins chacun d’eux saura ce sur quoi il doit compter. Les consommations de bois ont lieu, non pas tant en raison des hommes qu’en raison des chambres. Une chambrée de soldats en contient ordinairement un nombre double d’une chambrée de sous-officiers; il est donc juste d’accorder un chauffage double à ces derniers. La proportion actuelle est de 4 cordes 2/3 par 100 hommes effectifs, pendant les mois d’hiver : le soldat manque souvent de bois, il est indispensable de l’augmenter. 5 cordes 1/3 de bois pour 100 hommes présens pendant chacun des mois d’hiver, seront une proportion raisonnable, et le soldat, ainsi traité pendant ce temps, n’aura point à se plaindre d’une part, et de l’autre, connaissant ce qui doit lui revenir, ne pourra plus soupçonner d’infidélité dans les distributions. Le chauffage d’été est donné, dans certaines provinces, à moitié du chauffage d’hiver; dans d’autres il n’a lieu qu’au tiers. En été il ne faut de bois que pour la préparation des aliments ; et s’il était nécessaire autrefois de le donner pendant ce temps dans des proportions excédant les besoins, parce qu’il faisait compensation avec ce qui se trouvait manquer pendant l’hiver; il ne sera pas nécessaire, en augmentant les fournitures, ainsi qu’il a été proposé ci-dessus, de recourir à ce moyen. Nous avons donc pensé qu’il fallait un peu outrepasser le tiers, mais sans aller jusqu’à la moitié, et qu’en conséquence 2 cordes 1/3 par chaque mois d’été pour 100 hommes seraient suffisantes. Comment fixera-t-on à présenties mois d’hiver et les mois d’été ? Cela doit dépendre des climats et de la position des villes au nord ou au midi : c’est au roi à en ordonner la distinction; c’est à lui à la prononcer positivement dans ses règlements, afin que l’armée puisse connaître, avec précision, la manière dont elle doit être traitée dans chacun des départements dans lesquels elle pourrait être répartie, en raison des besoins du service. 713 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 février 1791.} Dans quelques provinces, telles que les départements du Pas-de-Calais et du Nord, il est d’usage de donner de la tourbe ou de la houille au lieu de bois. Dans quelques villes, faute de marchés ou de magasins, il serait impossible de fournir le chauffage en nature aux troupes, il faut y suppléer par des moyens en argent. Il serait à propos d’établir ici la proportion des équivalents; mais comme ils doivent être détaillés dans le décret que nous aurons l’honneur de vous proposer, la répétition en serait superflue, et nous avons cru devoir vous l’épargner dans le cours de ce rapport. Il en est de même des différents détails relatifs aux bois et lumières des corps de garde; ils seraient trop longs et trop minutieux : le projet de décret doit les comprendre pareillement ; nous avons cru de même devoir vous en épargner la répétition. Les calculs les plus exacts, et que nous mettrons sous vos yeux, si vous l’ordonnez, nous ont montré que la masse de cette partie ne pouvait pas être portée à moins de 9 livres par homme au complet de l’armée, pour toutes les armes indistinctement; c’est ainsi que nous vous proposerons de la décréter. Toutes ces masses uniquement destinées à l’entretien collectif de toute l’armée, nous ont paru dénaturé à ne devoir appartenir particulièrement à aucun individu, ni même à aucun régiment. Plus que suffisantes dans certaines localités, elles pourraient ne pas l’être dans d’autres; c’est au roi à les administrer pour le plus grand bien du service, conformément aux principes généraux que vous établirez; c’est à lui à les employer à fournir à tous les corps les objets auxquels elles sont destinées, ou à leur en assigner la portion dont ils pourront disposer par leurs soins pour se les procurer, en la déterminant en raison de leurs positions ou de leurs besoins. Enfin, Messieurs, l’exactitude à payer tous ces fonds, peut seule contribuer à leur bonne administration. Les dépenses des masses générales, des masses d’hôpitaux, d’effets de campements et du chauffage des troupes, sont de nature à avoir lieu dans tous les mois de l’année. Nous avons pensé que les versements à en faire par le Trésor public, devaient s’effectuer par douzième au premier de chaque mois; mais, Messieurs, l’économie dans l’administration des vivres et des fourrages, dépend souvent des moments favorables saisis à propos pour leur approvisionnement; ils ne peuvent avoir lieu avec succès que pendant certains mois desquels il est à propos de profiter. Ils ne sont possibles à exécuter ainsi, que par le moyen de quelques fonds d’avances fournis dans la saison qui y convient le mieux. Il est plus avantageux de recevoir ces avances du Trésor public même, que des fournisseurs; nous vous proposerons donc d’ordonner que les trois quarts des fonds affectés aux 2 masses de boulangerie et de fourrages, soient remis à la disposition du ministre de la guerre par égale portion au premier de chacun des mois de novembre, décembre, janvier, février et mars, et que le quart restant lui soit payé de même par égale portion au premier de chacun des sept autres mois. Ges avances auxquelles nous vous engageons à assujettir le Trésor public, ne sont pas réelles, Messieurs; les cinq mois pendant lesquels elles devront avoir lieu, seront ceux des congés des officiers et des soldats; les payements à faire alors sur la solde et les appointements, seront moins considérables, au moyen des arrangements que nous vous proposerons, pour ne faire payer que les effectifs présents réellement. La compensation s’établira, et nous osons d’avance vous assurer que les fonds à fournir par mois au département de la guerre pour toutes les parties, n’excéderont jamais le douzième de leur totalité. Telles sont, Messieurs, nos observations sur les différentes masses relatives à l’entretien des troupes : nous avons l’honneur de vous proposer en conséquence le décret suivant : PROJET DE DÉCRET. Nota. Ce projet de décret ayant été adopté sans modifications dans la séance de ce jour (Voyez ci-dessus, p. 702), à l’exception de l’article 14 du titre I8r, qui a été ajourné, nous nous bornons à reproduire ici cet article. TITRE !•'. Art. 14. En attendant que l’Assemblée nationale ait pris les arrangements définitifs qu’elle se propose ultérieurement, relativement aux traitements, avancements et retraites des officiers de santé employés au service de l’armée, les appointements et traitements dont les chirurgiens-majors des régiments peuvent jouir, en vertu des ordonnances actuelles, seront augmentés provisoirement d’une somme de 300 livres par an sans distinction d’arme; et il leur sera, en outre, accordé pareille somme de 300 livres par an pour le traitement des aides-chirurgiens qu’ils seront obligés, par ce moyen, d’entretenir à leurs dépens dans la proportion des besoins du service. Leurs appointements et traitements actuels , l’augmentation qui leur est provisoirement accordée, ainsi que la somme à eux passée pour leurs aides-chirurgiens, seront payables par mois, à compter du 1er janvier dernier, sur le fonds de la masse des hôpitaux. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MIRABEAU. Séance du mercredi 2 février 1791 (1). La séance est ouverte à 9 heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir, qui est adopté. M. de Menoitvflle de Milliers observe qu’il existe dans le décret rendu sur les masses, une inégalité faible, mais désagréable, entre l’infanterie et les autres armes, en ce que le portemanteau des hommes à cheval faisait partie do la masse générale, au lieu que le sac du fantassin restait à sa charge. (Cette observation est renvoyée à l’examen du comité militaire.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.