[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] m on vient de parler, n’a été autre, que de faire ouvrir les yeux à la nation, afin d’obtenir une loi pour mettre, à l’avenir, de scitoyens à l’abri de la cupidité des scélérats ? Ainsi, la ville de Marseille, sous aucun rapport, ne peut être incriminée. Et pour lui rendre la justice qui lui est due, je propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète que M. le président écrira à la municipalité de Marseille pour lui témoigner combien elle est satisfaite de son zèle patriotique et lui ordonner de veiller avec soin à la conservation des fortifications qui a-ssurent le port et servent à défendre la ville contre toute attaque du côté de la mer. » M. Dupont (de Nemours ). Je demande que l’Assemblée autorise M. le président à demander aux députés extraordinaires de Marseille des éclaircissements sur l’assemblée tenue à Brigno-les, sur les propositions qui y ont été faites de demander la suppression du Châtelet, à l’instant où l’on faisait à Paris la même proposition. M. d’André. Il ne s’agit pas de savoir ce qui s’est passé à Brignoles ; cela viendraen son temps ; il s’agissait seulement d’entendre la députation sur les motifs de la démolition du fort : elle a été entendue. Je demande que son discours soit renvoyé au comité des rapports, qui en rendra compte incessamment à l’Assemblée, ainsi quedesinvenlai-res des magasins des forts, et des pièces probantes des provisions de bouche que l’on dit y avoir été trouvées Quant à l’affaire de Marseille, je crois que chaque membre peut faire à ces Messieurs les interrogations qu’il jugera nécessaires. M. le comte de Mirabeau. Il me paraît doublement extraordinaire qu’on veuille joindre ce qu’on dit s’être passé à Brignoles à ce qui est arrivé à Marseille ; et parce que votre délibération porte simplement que vous entendrez les députés de Marseille, et parce qu’il est étrange qu’un député étranger à la Provence ait, sur l’assemblée de Brignoles, des connaissances et des résultats que les députés de Provence n’ont point encore. Je pourrais aussi montrer mon étonnement de l’interprétation sévère qu’on veut donner des motifs de cette assemblée ; comme si elle avait été publique ; comme si les municipalités ne s’étaient pas réunies daus tout le royaume presque autorisées par vos décrets. Le préopinant a dit que cette affaire étant renvoyée au comité des rapports, toutes les pièces devaient y être remises. J’adopte cette proposition ; mais j’ajoute contre lui que, puisque cette affaire y est renvoyée, vous ne pouvez la juger en un instant ; et que, puisque nous ne pouvons la juger, il est très inutile d’interroger les députés extraordinaires. Gardons-nous d’imiter la précipitation des ministres, qui veulent accroître les troupes de Marseille, de manière que l’étourdissement du peuple lui ôte toute espèce de raison en lui ôtant toute espèce de confiance. Nous ne sommes point les oppresseurs du peuple ; nous sommes ses surveillants et ses modérateurs ; nous devons l’éclairer, le calmer ; et ce n’est pas avec la marche hâtive et vindicative des ministres que nous pouvons y parvenir. (L’Assemblée renvoie àu comité des rapports tout ce qui concerne l’affaire de Marseille.) M. le comte de Mirabeau. Je demande que J 'csdéputés extraordinaires de la municipalité de • Marseille obtiennent l’honneur d’être admis à la séance. Une partie du côté droit demande que l’Assemblée soit consultée. On fait une première épreuve, contre laquelle M. le comte de Yirieu réclame avec chaleur. — On renouvelle l’épreuve, et la proposition de M. de Mirabeau est acceptée à une grande majorité. M. le Président lit une lettre de M. de Saint-Priest. Ce ministre envoie des copies de la lettre qu’il a écrite hier en envoyant le dernier décret à la municipalité de Marseille, et de celle qu’il a adressée à cette même municipalité et à la ville de Montpellier, lorsque, d’après les ordres du roi, il a ordonné la remise des forts aux troupes de ligne. On ouvre la discussion sur le plan de constitution du clergé futur. M. de Doisgelin, archevêque d'Aix (1). Messieurs, votre comité ecclésiastique a senti quelle est l’utile et nécessaire influence de la religion sur les mœurs des citoyens et sur la prospérité des empires. La religion est le frein des méchants et l’encouragement des hommes vertueux, et c’est sous le sceau d’une sanction dont la religion fait la force, que vos serments ont consacré les principes de la liberté publique et de la Constitution de l’Etat. Votre comité ecclésiastique a reconnu que cette religion, dont vous professez la doctrine, et dont vous pratiquez le culte, est inaltérable dans ses dogmes. Et telle est sa divine institution qu’elle ne peut pas plus éprouver de changement et d’altération danssa moraleque danssa foi; sa doctrine est celle qu’elle enseigna dans tous les temps, celle qu’elle doit enseigner jusqu’à la consommation des siècles. La main réformatrice du législateur ne peut s’étendre que sur la discipline extérieure et votre comité ecclésiastique a pensé qu’un plan de régénération dans cette discipline extérieure ne pouvait même consister que dans le retour aux règles de la primitive Eglise. Ce ne sont pas des évêques successeurs des apôtres, dépositaires des saintes maximes, et témoins de la tradition de leurs églises; ce ne sont pas des pasteurs chargés de répandre dans les paroisses' la lumière de l’Evangile, qui peuvent rejeter cette discipline primitive qui fut l’ouvrage des apôtres, que les conciles ont maintenue ou développée par le progrès des bonnes règles, et que le temps seul pouvait affaiblir par la longue succession des abus. Si vous voulez rappeler l’ancienne discipline, il faut en reconnaître les principes ; et le premier principe est celui même de l’indispensable autorité de l’Eglise, à laquelle il appartient d’établir les règles que les évêques, les pasteurs et les fidèles doivent suivre dans l’ordre de la religion. Il s’agit de la vérité sainte, je parlerai son langage. Jésus-Ghrist est le pontife éternel qui communique son sacerdoce aux évêques et aux pasteurs. Il leur donne sa mission pour le salut des fidèles ; il leur transmet le droit d’enseigner ses dogmes, d’administrer ses sacrements et de gouverner son Eglise. Il n’a point confié ses pouvoirs. aux rois, aux magistrats, à toutes les puissances de (1) Le Moniteur ne donne qu’une courte analyse du discours de M. de Boisgelin. [Assemblée nationale.] 725 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] la terre. Il s’agit d’un ordre de choses dans lequel, comme dit Bossuet, la loi qui partout ailleurs commande et marche en souveraine, doit seconder et servir; à l’Eglise appartient la décision; au prince la protection, la défense, l’exécution des canons et des règles ecclésiastiques. Les évêques et les pasteurs ont reçu leur mission par la voie de l’ordination et de la consécration qui remonte, par une succession non interrompue, à la mission des apôtres. Les évêques et les pasteurs sont établis pour un territoire circonscrit et désigné dans lequel ils ont seuls le droit de répandre l’enseignement, d’administrer les sacrements et d’exercer une juridiction spirituelle. Cette juridiction purement spirituelle que la loi civile protège dans son exercice, et circonscrit dans ses bornes, émane de l’autorité des apôtres, des conciles et de l’Eglise. L’Eglise a communiqué cette juridiction en tout ou en partie à des corps établis par elle, qui ne l’ont point reçu de la puissance civile et qui ne peuvent pas le perdre sans l’intervention de l’autorité qui présidait à leur établissement. La loi civile donne des lois pour le maintien de la discipline extérieure; elle en autorise l’exercice public : elle en assure la pratique paisible, elle entoure de son rempart la puissance de l’Eglise sans la combattre ou la détruire, et le concours des deux puissances établit des formes sans lesquelles les règles ne pourraient point être connues et ne pourraient point être exécutées. Les abus introduits par le temps ne consistent pas dans les pouvoirs que l’Eglise a transmis ni dans les règles qu’elle a prescrites elle-même pour en conférer les titres et pour en diriger l’exercice. Les abus consistent dans la violation et dans l’oubli des règles que l’Eglise a prescrites et qu’elle n’a point révoquées. Il est même des changements approuvés par l’Eglise, qui sont l’effet d’une conduite sagement subordonnée aux changements des circonstances, et qui ne peuvent pas être considérées comme des abus. L’esprit qui forma la discipline primitive de l’Eglise est toujours le même. On ne peut pas accuser les conciles d’avoir contredit, par les saints canons, l’esprit de la primitive Eglise. Ce sont les saints canons, ce sont les traditions des Eglises, ce sont les progrès de la discipline ecclésiastique, et non les abus des hommes et du temps que nous osons réclamer, et nous rejetons des projets arbitraires qui ne renversent pas moins tous les principes de l’ancienne discipline, que l’ordre successivement établi par les canons des conciles et par les traditions de l’Eglise. On vous propose de délibérer, sans aucune intervention de l’autorité de l’Eglise, sur les titres, offices et emplois ecclésiastiques qu’il convient de conserver ou de supprimer. Les premiers sièges ont été fondés par les apôtres. Saint Paul écrit à Tite pour établir des prêtres et des évêques dans les cités. Saint Paul désigne les églises dépendantes des églises principales, telles que Corinthe et Thessalonique. Ter-tullien recueille les traditions et désigne les anciennes églises dont les autres sont émanées. « Une puissance supérieure, dit Eusèbe, leur a donné leur dignité; celle qui dit -.Allez; enseignez les nations; je suis avec vous jusqu’à la fin des siècles. » Le concile d’Antioche donne aux chefs des provinces ecclésiastiques le nom de métropolitain. Le premier concile d’Ephèse les appelle archevêques ; le concile de Nicée confirme leurs pouvoirs et marque les limites des trois grandes métropoles, Rome, Antioche, Alexandrie. Les empereurs avaient tracé des circonscriptions civiles, elles ne furent adoptées ni dans le concile de Nicée, ni dans celui d’Ântioche. Le premier concile de Constantinople, qui les admit dans la police ecclésiastique, rappelle les anciennes bornes et ne permet pas de confondre le territoire des anciennes églises. Quand des divisions se sont élevées sur la division des métropoles ecclésiastiques les. empereurs on t reconnu qu’elles doivent être décidées par les canons, et non par les lois. Il ne nous appartient pas, disait l’empereur Marcien, d’augmenter ou de diminuer les provinces ecclésiastiques. Une pragmatique, disait le concile de Chal-cédoine, ne vaut pas contre les règles établies par les pères. Des juges nommés par l’empereur conformèrent les maximes canoniques, et Justinien, confondant les limites de deux provinces, respecta les divisions des métropoles. Ün retrouve des dispositions des conciles pour opérer le démembrement d’une seule ville ou d’une seule paroisse; et soit que les conciles adoptent ou rejettent les divisions civiles, leur refus ou leur aveu devient également la preuve de l’autorité de l’Eglise. La plupart des métropoles furent établies dans les Gaules sous les empereurs païens, avant l’introduction des Francs et l’établissement delà monarchie. On compte dix sept provinces reconnues dans les conciles d’Aquilée et de Turin, dans le quatrième siècle : on peut suivre le long cours des discussions des archevêques d’Arles, de Narbonne et d’Aix, toujours terminées par les décisions de l’Eglise. Souvent on convoquait le concile d’une ou plusieurs provinces ; les conciles plus ou moins étendus exerçaient leur autorité dans leurs propres limites. On eut recours au chef de l’Eglise universelle au défaut des conciles. Charlemagne déclara par une constitution, qu’aucuns primats ne seraient reconnus, qu’ils ne fussent établis par l’autorité des conciles ou du Saint-Siège. Les vicariats apostoliques, les légations chargées de répandre la foi, formèrent des nouvelles métropoles. On érigea de nouveaux sièges, on créa des évêchés et des métropoles, au temps des croisades, dans les conquêtes des Latins. Ges érections, ces créations furent l’ouvrage des papes ou des conciles. L’autorité des conciles ne pouvaient être suppléée ni par les nouvelles métropoles qui ne pouvaient pas se créer elles-mêmes ni par les anciens métropolitains, intéressés à conserver leur juridiction. Les papes semblaient placés au sommet de la hiérarchie, et dans le centre d’unité pour exercer, dans l’intervalle des conciles, une autorité qu’on ne contestait pas à l’Eglise. Les conciles en avaient réglé l’exercice par leurs lois. Les papes avaient reconnu qu’ils ne pouvaient agir que selon les règles canoniques; et l’Eglise gallicane avait dirigé par des formes propres à ses ancien nés coutumes, ladélégation de leurs pouvoirs. L’Eglise gallicane, jalouse de retenir ses libertés qui sont les anciens droits mieux conservés de toutes les églises, a dirigé, par des formes plus exactes, l’exercice de l’autorité des papes, et des commissaires doivent être délégués par eux en France, pour procéder etjuger avec connaissance de cause, après l’audition ou le consentement de toutes parties intéressées. On ne voit pas par quelle raison les évêques et les métropolitains auraient été créés par la puissance civile, puisqu’ils n’exercent aucun pouvoir civil. Tous leurs droits sont renfermés ! dans l’ordre de la juridiction ecclésiastique. Les [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. m [19 mai 1790.] fonctions des évôques sont celles de la mission même que Jésus-Christ a donnée à ses apôtres. Les fonctions des métropolitains consistent dans la consécration des évêques de leurs provinces et dans le jugement par l’appel des sentences de h urs suffraganls, Ils entretiennent les liens de l’unité catholique; iladonnaient autrefois les lettres de communion; ils avaient la préséance dans les conciles. Ces droits purement ecclésiastiques ne pouvaient leur être transmis que par l’Eglise. Il n’en est pas moins utile et nécessaire que la puissance ecclésiastique agisse de concert avec la puissance civile; les mômes conciles qui réclament les droits de l’Eglise ont aussi respecté les dispositions des empereurs. Si les limites d'une ville sont changées par les lois de l’empire, il faut, dit un concile, subordonner aux divisions civiles, l’ordre des paroisses ecclésiastiques. Des contestations s’élèvent sur des métropoles nouvelles, établies par des rescrits des empereurs, Un concile ne veut rien décider sans leur consentement. On voit les princes, tantôt suivre et tantôt provoquer les lois de l’Eglise. Ce sont les mêmes expressions employées dans l’ordre ecclé-siastique et civil. Pépin et Garloman assemblent les conciles de Boissons et de Leptines. Us établissent, ils constituent les mêmes évêques et archevêques qu’on dit envoyés, confirmés, approuvés par le siège de Saint-Pierre et le pontife apostolique. C’est ainsi que Charlemagne érigea l’évêché de Brême et le Ht confirmer par le pape Adrien. C’est ainsi que Louis le Débonnaire lit ordonner, dans un concile national, le premier archevêque d’Hambaurg, et qu’il obtint du pape le pallium et les droits de métropolitain. U est dans l’esprit de l’Eglise de répondre au vœu de la puissance civile, qui lui donne la force et la protection dans un ordre de choses qui doit dépendre, sous différents rapports, des formes civiles et canoniques. On lit dans les actes des anciens conciles de Mayence, de Tours et de Châlons, que ce sont les évêques et les prêtres qui tiennent le gouvernail de l’Eglise, remis dans leurs mains par la divine concession, et qu’ils offrent au prince, ce qu’ils ont corrigé selon les règles canoniques. On lit, dans les mêmes actes, que les décrets sont présentés au prince pour les corriger, les juger et les confirmer. Ce n’est point une contradiction. Il s'agissait, comme il est dit dans la préface du concile de Mayence, d’affermir, par l’autorité du souverain, celle des décrets des évêques, Le souverain ne pouvait pas leur donner son autorité sans les juger, et pouvait la refuser à ceux qu’il n’aurait pas approuvés. C’était l’usage de confirmer, par des capitulaires, les décrets des conciles. C’est par là même qu’ils devenaient des lois de l’Etat et c’est par là même aussi qu’ils étaient soumis au jugement du souverain. L’Eglise pouvait enseigner et persuader ; elle ne pouvait pas faire exécuter ses décrets. Ses décrets ne devenaient des lois que par l’autorité du souverain. Ce sont toujours les décrets et les canons des conciles qui sont confirmés, ordonnés, statués par les capitulaires. Il n’y a pas un capitulaire concernant les choses ecclésiastiques qu’on ne puisse rapporter à quelque décret ou canon des conciles. Plus on relit les anciens monuments, plus on est persuadé que les dispositions relatives à la discipline ecclésiastique doivent résulter du concours des deux puissances; et tel est le sentiment même que la religion inspire aux ministres de l’Eglise, qu’ils doivent s’empresser à remplir le vœu de la puissance civile. Comment pourront-ils le remplir si la puissance civile ne leur laisse pas même le pouvoir d’y concourir? Nous devons réclamer les droits de l’Eglise, nous ne voulons pas combattre les droits de la nation, et nous sommes bien persuadés delà nécessité d’employer à la fois les formes canoniques et les [ormes civiles, pour établir, dans l’Eglise gallicane, une discipline également conforme aux principes de la Constitution de l’Eglise et de l'Etat. On vous propose de décréter qu’en aucune église ou paroisse de l’empire français, aucun citoyen ne pourra, en aucun cas, pour quelque cause et sous quelque prétexte que se soit, recourir à un évêque ou métropolitain, dont le siège serait établi sous une domination étrangère, non plus qu’à leursdélégués résidants en Franceou ailleurs-Vous ne pouvez pas plus détruire, par votre seule puissance, une partie des pouvoirs, de la juridiction et du territoire d’une métropole étrangère ou nationale, que vous ne pouvez unir, supprimer ou créer des évêchés et des métropoles ; mais les sages précautions que la puissance civile elle-même a prise en France, pour prévenir l'influence nuisible d’une domination étrangère, vous apprennent quelles sont les formes qui peuvent rompre les rapports encore subsistants entre quelques églises de France et celles des Etats voisins; et ces précautions, qui ne vous laissent rien à craindre, vous donnent le temps de prendre les moyens réguliers qui peuvent remplir vos intentions. On serait disposé, peut-être, à croire qu’on n’usurpe point la puissance de l’Eglise, qui donne aux évêques et aux pasteurs leur mission, quand on désigne seulement le territoire dans lequel leur mission doit s’exercer. Il faut penser qu’il n’y a point de justice sans justiciables. Il en est de l’étendue déterminée de la juridiction ecclésiastique, comme de celle de la justice civile. Les tribunaux ont leur ressort, et ne peuvent pas étendre leur compétence sur les citoyens d’un autre territoire. C’est sur les fidèles que l’Eglise donne la juridiction, elle la donne sur les fidèles dans les limites d’un territoire fixe et déterminé. L’Eglise, à laquelle seule appartient le gouvernement spirituel, peut ainsi, seule, former les liens de correspondance et de subordination qui doivent unir les pagteurs et les fidèles. Telle était la nécessité d’une juridiction épiscopale, fixe et déterminée, qu’on n’a pas voulu reconnaître pendant longtemps les droits des évêques qui n’avaient que le titre d’un diocèse. On disait : Comment un évêque peut-il être censeur ou témoin quand il n’a personne à surveiller? Son nom seul indique l’action et la vigilance. Il faut qu’il renonce à son nom même d’évêque s’il ne participe pas à cette hiérarchie sacerdotale qui lui donne la puissance sur ceux qui doivent eu faire la dispensation. Tel est le langage de Chalcédoine et d’Ephèse. Ces ordinations ne furent d’abord établies que pour des diocèses conquis par les infidèles, dans l’espérance de les recouvrer ou d’y remplir une partie de la mission évangélique. L’Eglise, dans la suite, a toléré les coadjuteurs pour aider les évêques que leur âge ou leurs infirmités rendaient moins propres aux soins du gouvernement. C’est une exception qui ne détruit pas la loi. Les principes de l’Eglise sont toujours les mômes et c’est la [As«emblée nationale.] ARCHIVES PA RIVEMENT AIRES, [29 mai 1790.] 727 juridiction épiscopale dans un territoire fixe et déterminé, qui forme les relations des pasteurs et des fidèles de chaque diocèse, Nul évêque ne peut exercer sa juridiction sur un autre diocèse, et si vous vouliez créer ou supprimer des évêchés et réunir des diocèses sans l’intervention des formes canoniques, une partie considérable des fidèles resterait sans évêques et l’administration de l’Eglise serait anéantie pour eux. On vous propose également d’unir et de supprimer des cures, sans parler des formes canoniques ; il est dit seulement que la désignation en sera fatto au Corps législatif, par les assemblées administratives, de concert avec les évêques. On sait qu’elle fut l’origine des paroisses; elles furent établies par l’envoi des prêtres tirés du sein des églises principales. L’vêque les envoyait à leur destination, et fixait leur résidence. L’évêque était le juge des besoins des lieux et cette mission que Jésus-Christ a donnée aux pasteurs des églises leur était transmis par la voie de l’ordination et de la collation épiscopale. Le titre des curés ne pouvait être conféré que par l’évêqua ; et ce titre inamovible, ainsi que celui des évêques, ne peut être détruit que par une démission volontaire ou par jugement, ou par décès. La juridiction était donnée aux pasteurs, comme aiix évêques, dans un territoire fixe et déterminé. 11 était dans l’esprit de l’ancienne discipline de resserrer les liens des pasteurs et des fidèles. Un capitulaire, conforme aux caooos, défendait aux curés, de peur de détourner les fidèles de leurs propres pasteurs, de recevoir en signe de communion des paroissiens étrangers. Ce sont b s pasteurs ou leurs coopérateurs approuvés par l’évêque qui doivent administrer le sacrement de la pénitence, dans leur paroisse. C’est le propre pasteur ou celui qu’il délègue, dont la présence et les paroles doivent bénir les mariages. Ce sont les fidèles nés ou domiciliés dans chaque paroisse qui sont soumis à la juridiction de leurs pasteurs, et nul autre ne peut en suppléer les fonctions. A quoi servirait de resserrer les bornes des paroisses si les fidèles ne retrouvaient pas, dans Une nouvelledivision, des pasteurs qui leur enseignent la parole sainte, qui les reçoivent dans le tribunal de la pénitence et qui leur dispensent le sacrement de mariage? Le3 pasteurs „ne sont et ne peuvent être que ceux auxquels l’Eglise a donné la juridiction sur les fidèles, et c’est par cette raison même que la division des territoires ne peut point être établie, sans les formes et les procédures de la puissance ecclésiastique. Les évêques mêmes ne peuvent user de leur puissance qu'avec réserve et sagesse. Les conciles de Toulouse et de Meaux, dans le neuvième siècle, ne permettent aux évêques de créer de nouvelles paroisses, ou de diviser les anciennes qu’avec le conseil du chapitre , si les besoins du peuple l’exigent, et quand l’éloignement ou la difficulté des chemins eu interdit l’approche aux femmes et aux enfants. Telle est la disposition du concile de Trente, admise par les eoncils provinciaux de l’Église de France, sur la fin du seizième siècle, que les évêques auront soin pour le salut des âmes qui leur sont confiées de donner à chaque paroisse un pasteur propre et particulier qui puisse connaître ses paroissiens, et licitement leur administrer les sacrements. L’Église, en donnant des règles aux évêques, pour l’union et la suppression des cures, a consacré l’indispensable nécessité de recourir à leur ministère; et quand on sollicite le concours de la puissance civile par la voie des lettres patentes, quand on provoque les arrêts des cours par des appels comme d’abus, ces lettres pentes et ces arrêts ont pour objet de maintenir l’exécution des canons et non d’en anéantir l’autorité. Les ordonnances solennelles d’Orléans et de Blois, données sur le vœu des Etats généraux, l’ordonnance de Melun, celles de 1606 et de 1629, ont reconnu le pouvoir des évêques. Il ne suffit pas de leur demander leur avis comme ou demande celui des municipalités. C’est par devant eux que doit s’étahlir et se poursuivre la procédure en cause de suppression et d’union. Ce sont les commissaires délégués par eux qui doivent faire l’information. Ce sont eux qui doivent prononcer le décret, et c’est leur décret qui consomme l’union ou la suppression. Ce sont les formes, ce sont les pouvoirs de la puissance ecclésiastique qu’on vous propose de détruire par les suppressions et les unions ordonnées des évêchés, des métropoles et des cures. Ce sont les objets mêmes de ,1a discipline ecclésiastique et les intentions de l'Église sur lesquelles on veut étendre l’exercice de votre puissance, quand on vous propose de supprimer de votre seule autorité les églises cathédrales. Nous l’avouons : nous éprouvons le plus sensible étonnement quand nous vovons disparaître ces titres antiques des églises-mères, dont les églises de chaque diocèse ont tué leur origine. Telle est la constitution des chapitres des églises cathédrales, que leurs fonctions consistent dans l’exercice des offices divins et des prières publiques, dans la participation aux conseils des évêques et dans le gouvernement des diocèses pendant la vacance des sièges. On ne trouve nulle part, dit votre comité, dans les jours de l’ancienne Eglise, des ministres qui n’ont pas d’autres fonctions que de réciter des prières en publie, et cependant votre comité ne se dissimule pas que la prière est essentiellement le premier devoir de ceux qui sont chargés du soin des âmes. Ce n’est pas seulement le devoir des pasteurs, c’est celui de tous les fidèles. Comment peut-on faire un crime à des ministres de la religion, de donner l’exemple aux pasteurs et aux fidèles, du premier devoir que la religion leur impose? Qu’est-ce que la célébration des saints-mystères? Qu’est-ce que les offices qui sont une partie essentielle du culte divin? Qu’est-ce que l’administration des sacrements ? Qu’est-ce que la religion tout entière sans la prière qui sollicite le pardon, la grâce et la récompense? Lisez l’Evangile, parcourez tous les monuments de l’histoire ecclésiastique; c’est dans les premiers temps du christianisme, c’est dans les jours de la persécution que les prières communes étaient ordonnées. Saint Epiphane mentionne les offices du soir et du matin dans les églises comme dans les monastères. Saint Basile parla de l’empressement des fidèles pour les chants de l’Eglise, Saint Chrysoslôme établit les offices de tous les jours dans le clergé qui formait son presbytère. La principale fonction était l’exercice de la prière. Les prêtres de l’église principale se dévouaient à la récitation journalière des offices; et tel était l’esprit de l’Eglise, qu’elle refusait les rétributions à ceux qui n’assistaient pas au chœur et ne remplissaient pas les devoirs de leurs charges. Les lettres de SiJoine Appollinaire nous apprennent que les évêques rassemblaient des ecclésiastiques pour réciter et 728 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] chanter tous les jours l’office divin dans l’église. La coutume en fut généralement établie dans un concile national qui comprenait les Espagnes et les Gaules. C’est la règle de Saint Ghrodégand, qui fut pendant longtemps celle de tous les chapitres des églises cathédrales. Les chapitres alors étaient séparés des églises paroissiales; les oratoires s’étaient multipliés; les paroisses étaient formées dans les campagnes; les villes étaient partagées en paroisses; les conciles approuvèrent la règle de Saint Ghrodégand, fixèrent l’ordre des heures canoniales et réglèrent les obligations des cnanoines. Les Capitulaires de Charlemagne rappellent les préceptes d,e l'Eglise. Charlemagne et Pépin pro-téaèrent les soins des évêques pour établir l’uniformité dans toutes les églises. La distinction des heures canoniales, récitées en public, est énoncée dans les instructions d Hincmar, archevêque de Reims. Ces heures étaient appelées canoniales parce qu’elles formaient la tâche propre des clercs compris dans la matricule ou le canon des églises cathédrales. Les plus anciens conciles imposent aux clers des églises l’obligation de réciter les offices journaliers, et prononcent les peines les plus graves pour punir la négligence. Les derniers conciles provinciaux, convoqués dans les provinces de France et d’Italie, après le concile de Trente, renouvellent les observations imposées aux églises cathédrales, et rappellent les peines établies pour en assurer l’observation. Nulle coutume n’est plus ancienne dans l’Eglise. Nulle obligation n’est plus constamment maintenue; et les lois civiles, en veillant à l’exécution des peines canoniques, ont confirmé les lois des conciles et les usages des églises. Sans doute, il est possible que l’Eglise elle-même, attentive aux changements des dispositions générales puissent rendre les chapitres encore plus utiles par des occupations actives et Jeur donner des obligations plus étendues. Mais il faut consulter l’Eglise, et il n’est pas possible que la puissance civile condamne et détruise ces établissements antiques et respectables, parce qu’ils se sont conformés à des règles prescrites par l’Eglise dans tous les temps et dans tous les lieux. Les chapitresdes églises principales n’avaient pas adopté, dans les cinq premiers siècles, la vie commune. Mais ils n’en étaient pas moins unis par la pratique commune des mêmes obligations. Ils formaient un corps, dont les évêques étaient les chefs ; ils partageaient avec les évêques les soins du gouvernement des diocèses; leur état conciliait la subordination, la concorde et l’autorité. Les chapitres étaient composés, dans les premiers temps, de prêtres et de diacres. Les papes avaient leur presbytère et leur conseil comme les évêques des autres sièges, et les papes Sirice et Félix ont prononcé des sentences de condamnation et de déposition par le suffrage des prêtres et des diacres de leur église. Les évêques consultaient le sénat ou presbytère qui les assistait dans les affaires et dans les cérémonies, et les conciles défendaient aux prêtres des églises de rien faire sans la connaissance et l’approbation de leurs évêques. Le troisième concile d’Orléans prive du titre de chanoine et des distributions du chapitre tous les ecclésiastiques qui ne rendraient pas l’obéissance à leurs évêques et l’assistance à leurs églises. Les prébendes des cathédrales étaient déjà divisées. Les noms des archiprêtres et des archidiacres étaient connus. Leurs devoirs ont été tracé par les conciles. Les conciles ont réglé la composition des chapitres comme leurs fonctions. Le concile de Trente a stipulé les cas dans lesquels les évêques ne peuvent point agir sans leur consentement. On cite le concile de Trente, quoi qu’il ne soit pas reçu en France, parce que les conciles provinciaux tenus en France à la fin du XVI siècle, ont renouvelé les articles qui concernent la juridiction des évêques et des chapitres. Ce sont aussi les plus anciens conciles qui réglèrent les pouvoirs exercés par les chapitres pendant la vacance des sièges. C’est aux chapitres, comme conseils des évêques, que l’Eglise a transmis l’administration des diocèses après leur décès, et l’Eglise a pris toutes les précautions les plus sages, pour prévenir les inconvénients d’une administration passagère. Ce sont tous ces pouvoirs transmis et tous ces devoirs imposés aux chapitres par la voix de l’Eglise universelle, que votre comité vous propose de leur enlever, par votre seule autorité. C’est leur constitution établie par les règles et les exemples des plus anciens évêques, par les canons des conciles depuis douze siècles, par les capitulaires, et par les lois et ordonnances de tous les temps, qu’on renverse comme inutile à la religion et comme contraire à l’esprit de l’Eglise. Sans doute, il faut réformer les abus; mais ce ne sont pas les règles et les institutions de l’Eglise qui sont les abus et qu’il faut réformer. Les législateurs peuvent les rappeler quand on les oublie, et non les détruire, et c’est le dernier état autorisé par l’Eglise qui doit servir provisoirement de loi. Si les règles mêmes ont des inconvénients par le changement des circonstances, il faut provoquer l’autorité de l’Eglise, pour leur substituer un ordre de choses plus convenable aux dispositions générales. II semble que les chapitres pourraient offrir dans leur sein un asile honorable, une retraite édifiante à des pasteurs courbés sous le joug du travail et du temps. Il est même possiblequel’Eglisecontieaux chapitres le desservice de l’église cathédrale, devenue paroissiale sous la direction de l’évêque, sans borner sa surveillance qui doit être la même pour toutes les paroisses de son diocèse. Ce ne sera pas l’évêque, surveillant universel de toutes les paroisses, qui sera le pasteur d’une seule paroisse. Ce ne seront point les vicaires d’une seule paroisse qui, formant le conseil de l’évêque, exerceront une autorité supérieure à celle de ses coopérateurs, dans l’ad-miuistralion de chaque église; ce n’est pas une autorité purement civile qui pourra distribuer les rangs dans l’Eglise, régler les fonctions purement spirituelles, donner ou retirer la juridiction ecclésiastique et s’attribuer enfin cette suprématie que ne comporte point l’Eglise catholique, et que ne peut point admettre la doctrine toujours saine et pure de l’Eglise gallicane. C’est avec cette même puissance absolue, indépendante, illimitée, que votre comité vous propose de supprimer les titres des collégiales et de tous les bénéfices simples. Nous comprenons quelle peut être la convenance et l’utilité des suppressions des bénéfices qui ne donnent point de devoirs à remplir ; mais il n’est pas possihle d’effectuer ces suppressions par la simple ordonnance de l’autorité civile, et nous pensons que la puissance ecclésiatique, instruite de vos vues, doit faire tout ce qui peut dépendre d’elle pour les concilier avec l’utilité de l’Eglise et le maintien de la religion. Il est un ordre de choses qui dépend également 729 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] de la sollicitude épiscopale, et que les évêques ne peuvent pas subordonner à la puissance civile. Nous reconnaissons que l’établissement des séminaires ne peut pas se faire d’une manière utile, stable, sans le concours etla protection de l’Etat. Mais telle est la dépendance et la relation que les lois de tous les conciles ont établies entre les ecclésiatiques promusaux ordres sacrés et leurs évêques de veiller sur leur vocation, leur conduite et leurs études, qu’il est impossible que les évêques ne conservent pas leur autorité sur les séminaires. Les anciens conciles de Nicée, de Lardique et de Carthage, dans te sixième siècle, ne permirent pas qu’un évêque pût admettre aux ordres sacrés, un clerc d’un diocèse étranger. Ce n’était que dans une pressante nécessité que l’Eglise permettait la translation d’un clerc ordonné par un évêque et l’ordination établissait une relation et une dépendance qui ne pouvait plus être rompue que par le consentement de l’évêque. Un prêtre contractait, par son ordination, le devoir de la résidence. Il devait l’obéissance à son évêque parce qu’il devait l’assistance à son église. On retrouve un concours unanime des conciles généraux et particuliers pour établir la résidence des clercs et l’obéissance à leurs évêques. Le premier concile de Narbonne les prive même de la communion en cas de désobéissance à leur évêque. Le premier concile de Mâcon les menace de leur déposition : la stabilité des ecclésiastiques dans leur diocèse fut établie comme une loi par les conciles d’Aix-la-Ghapelle, de Francfort et de Mayence, sous l’empire de Charlemagne, et fut regardée comme le fondement de l’administration des diocèses. Votre comité vous propose de pourvoir à la nomination des titres, oftices et emplois ecclésiastiques dans des formes purement civiles, qui ne furent usitées et connues dans aucun siècle de l’Eglise. Les apôtres furent appelés par une vocation immédiate de celui qui les avait prédestinés à la conversion du monde. Le premier disciple, admis à l’apostolat, fut élu par la voie du sort. Deux disciples avaient réuni les vœux des fidèles. Le sort marqua la préférence. Quand les apôtres ont établi les évêques, ils ont choisi ceux dont la renommée annonçait les vertus ; et Saint Paul, écrivant à Timothée, exige les bons témoignages des fidèles. Quand les sièges furent établis, quand les métropoles furent formées, des usages différents se sont successivement introduits dans l’Eglise. Les élections étaient proposées au peuple par les évêques de chaque province pendant les cinq premiers siècles, et la confirmation appartenait aux métropolitains. Le droit des fidèles s’exercait par le témoignage et par la récusation : c’est d*e là que vient la très ancienne formule encore usitée dans l’ordination des prêtres et la consécration des évêques pour provoquer la révélation des fautes et des irrégularités. C’était toujours en présence, c’était avec le suffrage du peuple qu’on procédait aux élections. Le peuple approuvait par ses acclamations ou réprouvrait par ses murmures. On demandait son approbation, on admettait ses refus. Saint Cyprien distingue, par des expressions exactes, le consentement des évêques et le suffrage du peuple. Les conciles ont quelquefois nommé des évêques avec le suffrage du clergé et du peuple. Quand les élections devinrent une cause de troubles et d’agitation dans les villes, l’Eglise elle-même invita les empereurs à déterminer ce choix, pour maintenir ou rétablir la paix. La surveillance des empereurs fut secondée par les conciles. Il y eut des églises dans lesquelles le clergé de la ville et le peuple élisaient trois sujets. Le métropolitain ou l’ancien évêque de la province décidait la préférence. En France, les évêques de chaque province, dans le sixième siècle, n’élisaient point sans la permission des rois. Souvent les rois prévenaient, par une recommandation, le choix des évêques ; souvent ils attendaient les élections. On voit par les actes des conciles de Leptines et de Soissons, que Carloman et Pépin avaient établi des églises épiscopales, par le conseil des évêques et des grandsdu royaume. Grégoire de Tours rapporte plusieurs nominations royales : tantôt les rois prenaient le conseil des évêques et des hommes puissants ; tantôt ils protégeaient eux-mêmes les libres élections du peuple et du clergé. Entin, on attribua l’élection des évêques aux chapitres des églises cathédrales. Telles sont les dispositions du testament de Philippe-Auguste, de la pragmatique sanction de St-Louis, et du quatrième concile de Latran. Telle fut la forme des élections, en France, depuis le douzième siècle jusqu’au concordat. Le concordat attribue la nomination ou présentation au roi et la collation au pape. On sait pendant combien de temps le clergé, les parlements, les universités ont réclamé la liberté des élections. Ce n’étaient pas les anciennes élections, c’étaient celles des chapitres dont on demandait le rétablissement. On citait la pragmatique de St-Louis ; on rappelait la loi de Charles VII : ainsi les formes des élections des évêques ont varié dans les différents siècles et nous ne pensons pas qu’on puisse retrouver en aucun temps et dans aucune église la forme qu’on vous propose. C’étaient les fidèles qu’on convoquait aux élec-tious ; c’étaient les évêques de la province et du clergé de la ville qui donnaient leur consentement etquidemandaientou recevaient le vœu du peuple. C’étaient pendant longtemps les rois dont la recommandation était sagement respectée par les églises. C’était aux rois enfin qu’appartenait la nomination. Dans le projet qu’on vous propose, ce sont les mêmes électeurs qui doivent nommer les évêques et les membres des assemblées de départements. Ces électeurs nommés eux-mêmes comme les représentants des citoyens dans l'ordre purement civil, et non de l’assemblée des fidèles. Les assemblées de départements peuvent se composer en tout ou en partie de non catholiques. Il n’y aura peut-être pas un membre du clergé un seul évêque, parmi les électeurs, et ce sont ces élections étrangères à l’Église qu’on présente comme conformes aux anciennes élections canoniques, faites par le peuple et le clergé. La nomination des cures avait formé, dans tous les temps, une charge principale de l’épiscopat. C’était une obligation bien plus qu’un privilège des évêques de donner aux églises des pasteurs capables et vertueux, et les canons prononcent qu’ils doivent être promus par le jugement des évêques ; on n’en recevait pas moins le vœu des citoyens et les témoignages du peuple. La sollicitude des évêques ne peut plus s’exercer sur les obligationsles plus importantes de leur ministère. C’est avec peine et regret que nous avons envisagé, dans toutes les dispositions du décret proposé le désir unique et dominant de faire disparaître tous ces pouvoirs de lajuridietion épiscopale. Que reste-t-il aux évêques, de cette juridiction qui leur fut transmise par la juridiction qui 730 [Assemblée national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790. leur fut transmise par la tradition de l'Église, par les décisions des conciles et par la succession des apôtres ? Ils ne peuvent rien ordonner et rien faire que par le consentement des prêtres ou vicaires attachés au service de l’église cathédrale. On appelle de leur sentence, non à leur supérieurdans l’ordre hiérarchique, mais au synode diocésain. C’est parle synode diocésain, et non par leur supérieur dans l’ordre hiérarchique, que leurs sentences doivent être confirmées ou réformées ; leur juridiction est enchaînée par le concours de tous ceux sur lesquels elle leur fut donnée. Les conciles, en associant le chapitre des églises cathédrales au conseil des évêques, avaient conservé leur juridiction et leur supériorité. L’ordre entier, établi par les apôtres, par les conciles et par les coutumes unanimes de toute les églises, éprouve une entière et fatale révolution. Les évêques sont privés de ieur autorité sur le clergé de leur diocèse; les métropolitains perdent leurs droits sur leurs suffraganls. La primatie est sans prééminenceet sans activité, Pt il ne peut y avoir de recours, en aucun cas, au chef de l’Église universelle, dont l’Église reconnaît la primauté de droit divin, et dont le siège est le centre de l’unité catholique, C’est pour conserver l’unité dans sa foi, dans sa morale et dans sa discipline que l’Église catholique a admis ces degrés de la hiérarchie, qui forment la communication successive de toutes les églises. G’està l’église principale de chaque diocèse que s’attache, par une constitution commune, chaque paroisse etchaque église. G’estaux grandes métropoles, qui se sont divisées pour se reproduire et se multiplier, que remontent les églises suffra-gantes sur lesquelles s’exercent leur juridiction, et c’est l’Église de Rome qui forme le centre de communion de toutes les églises. Voulez-vous savoir, dit Saint Gyprien, si vous êtes dans la communion et dans la foi ? regardez le centre de l’unité, l’église deRome, remontez, par une succession non interrompue jusqu’à Saint Pierre, le chef des apôtres ; recherchez l’orgine des églises ou de celles qui en sont émanées, et conservez, avec l’Église, mère de toutes les autres, les mêmes liens qui réunissaient les apôtres entre eux dans les travaux de la mission évangélique. Ainsi, les fidèles de tous les lieux, sont unis, dans leur régime, comme dans leur foi, par une correspondance que le temps confirme et ne peut pas détruire, Chaque église peut compter cette succession d’églises de sièges et de pasteurs, qui remonte aux temps apostoliques. C’est par ces rapports toujours subsistants, de toutes les églises, dans les campagnes et dans les villes, que chaque évêque devient le témoin, de la foi de son diocèse, et c’est le concours de tous ces témoins établis par Jésus-Christ lui-même, qui maintient te règne de l’Evangile par la foi de la tradition et qui forme, dans les conciles, le jugement infaillible de l’Église universelle. Si vous brisez ces liens antiques de la hiérarchie de l’Église; si vous ne recourez point à l’autorité de l’Église pour entretenir les rapports des églises entre elles, nous ne reconnaissons plus cette unité catholique qui forme l’pra pire de Jésus-Christ et la constitution de son Église. Nous ne pensons pas, sans doute, qu’on ne puisse apporter aucun changement dans les relations de l’Eglise gallicane avec toutes les autres Eglises, mais il ne faut pas confondre ce qui doit être dans la disposition de la puissance civile, avec ce qui ne dépend que de la puissance ecclésiastique, et nous croirions manquer aux devoirs les plus respectables pour nous, si nous pouvions, insensibles aux vœux de la puissance civile, laisser subsister des règles sans convenance ou des usages dégénérés. On vous propose de tout détruire sans règles et sans formes. Pouvons-nous abandonner tous les droits de la puissance ecclésiastique ? Pouvons-nous renoncer sans aucune intervention de l’autorité de l’Eglise, aux lois établies par les conciles? Pouvons-nous concourir à vos décrets sans employer les formes qui peuvent en rendre l’exécution régulière ? Nous voulons remplir, autant qu’il est en notre pouvoir, le vœu de l’Assemblée nationale pour la réformation des abus. Nous vous avons proposé ; nous vous proposons encore de consulter l’Église gallicane dans un concile national. C’est là que peuvent se réunir ceux qui doivent veiller au dépôt de la foi, et maintenir ou rétablir la discipline de l’Eglise gallicane. G’est là qu’instruits de vos désirs et de vos vues, éclairés par les connaissances qui s’accroissent avec le temps, attentifs aux besoins de l'Eglise, et soigneux d’étudier les dispositions des peuples, nous chercherons à concilier les intérêts de la religion, dont nous sommes les dépositaires, avec ceux de l’Etat dont vous êtes les arbitres et les juges, Il ne faut pas croire que la convocation d’un concile national soit nécessaire pour tous les objets proposés à la délibération de 1 Assemblée, On peut discuter et terminer, dans des conciles provinciaux, ou dans des conciles de deux ou de plusieurs provinces, ou par l’intervention du chef de l’Eglise, avec délégation sur les lieux, selon les formes usitées dans l’Eglise gallicane, de concert avec la puissance civile, les questions relatives à la division, augmentation et démembrement des évêchés et des métropoles. Il est seulement nécessaire que les décisions des conciles provinciaux n’excèdent point les limites des diocèses dont ils sont les représentants. On peut renvoyer les divisions à faire des cures et des paroisses, ainsi que les suppressions des bénéfices simples et fondations en titre, par devant les évêques et archevêques diocésains. Il est une grande partie d< s objets du gouvernement intérieur proposé à chaque diocèse, qui peut être réglée dans des synodes ; c’est par des ordonnances synodales qu’on peut diriger l’autorité épiscopale, et prévenir tous les inconvénients des décisions arbitraires et variables. Mais dous avons peine à concevoir par quelle voie canonique ou peut établir une forme nouvelle de nomination et d’élection des évêchés, et par quelle voie encore on peut changer les formes de la nomination et de la collation des cures, sans recourir à l’intervention d’un concile national ou du chef de l’Eglise universelle. On sent à quel point l’interversion des appels qui suivent et qui forment même les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, serait inadmissible dans une église unie à toutes les églises par le même régime et la même communion, puisqu’il on résulterait la dissolution meme de cet ordre hiérarchique sur lequel l’Église fonde son gouvernement, et la séparation entière de l’Eglise de France avec le chef de l’Eglise universelle, Gomment chaque évêque isolé dans son diocèse, pourrait-il changer ou détruire les rapports des communions de juridiction et de correspondance, établis avec les autres églises et l’Eglise de Rome, dont le siège est le centre de l’unité catholique ? Il appartient à la sagesse de vos décrets de prévenir ces fâcheuses discussions en respectant les 731 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] justes limites marquées par la religion et par la loi. C’est au concile national, revêtu de tous les pouvoirs, c’est au chef de l’Eglise universelle à concourir avec les désirs et les vues de la puissance civile, pour établir dans toutes les églises de France une discipline uniforme sans altérer les principes fondamentaux de la discipline de l’Eglise ; pour entretenir l’accord des formes civiles et des formes canoniques, et pour conserver, de concert avec le roi et les représentants de la nation, les rapports utiles et légitimes qui doivent unir l’Eglise de France avec l’Eglise universelle. Nous sommes loin de nous opposer à vos désirs, quand nous vous proposons les seules formes qui puissent les remplir. Nous supplions avec les plu9 respectueuses instances, le roi et les représentants de la nation de vouloir bien permettre la convocation d’un concile national, pour, en présence et sous les yeux des commissaires nommés par Sa Majesté, travailler eftieacement à la réformation des abus qui se sont glissés dans le clergé, et au rétablissement de la discipline ecclésiastique, et aviser aux moyens de concilier l’intérêt de la religion et le bien spirituel des peuples avec les intérêts civils et politiques de la nation. Déclarant ne pouvoir participer en rien, par rapport à l’adoption du plan proposé, à des délibérations émanées d’une puissance purement civile, qui ne peut s’étendre sur la juridiction spirituelle de l’Eglise, et notamment à celles qui tiendraient à supprimer, transférer, unir et démembrer, par la seule autorité de la puissance civile, des archevêchés et évêchés, à étendre ou resserrer les limites des diocèses, et par là même ôter aux diocésains leurs véritables pasteurs • à changer les provinces ecclésiastiques du royaume, en ôtant aux métropolitains tout ou partie de leurs anciens suffragantset leur en attribuant que l’Eglise ne leur a pas donnés : attendu que ces changements ne pourraient être valablement opérés que par la puissance ecclésiastique de concert avec l’autorité temporelle; A toute nouvelle circonscription des cures et paroisses du royaume, tout changement dans leurs limites anciennes, et toute suppression et union de bénéfices à charge d’âmes qui seraient effectués par la seule autorité de la puissance civile, en demandant simplement l’avis de l’évêque, ainsi que des assemblées administratives, au lieu de renvoyer les objets à l’archevêque ou évêque diocésain pour y procéder dans les formes canoniques, et en appelant toutes les parties intéressées de concert avec l’autorité civile ; A toutes dispositions faites sans aucune intervention de l’autorité ecclésastique, portant extinction et suppression de tous les chapitres, dignités, canonicats, prébendes, demi-prébendes, chapelles, chapelleries, tant des églises cathédrales que des églises collégiales, ainsi que des abbayes et prieurés en règle et eu commende,et de tous bénéfices et fondations en titres ayant pour objet des offices et prières publiques, selon les vœux de l'Eglise, qui a toujours rgardé les établissements consacrés à la prière publique, comme précieux à la religion, et comme un des moyens efficaces pour attirer sur les empires les faveurs et les bénédictions du ciel, ainsi qu’à celles qui tendent à priver les chapitres des églises cathédrales et métropolitaines, de la juridiction épiscopale qu’ils exercent de toute ancienneté, pendant la vacance des sièges, pourcréerdans l’Eglise de nouveaux corps que l’Eglise n’a point établis et leur attribuer cette juridiction spirituelle qu’il8 ne peuvent tenir que de la puissance de l’Eglise; A toutes dispositions tendant, soit à dépouiller, sans aucun concours de lu puissance ecclésiastique, les évêques du droit de conférer les cures de leur diocèse, qu’ils ont exercé de tonte antiquité et qui forme une des charges principales de l’épiscopat; soit à introduire, à l’égard dus archevêchés et évêchés, une forme d’élection es* sentiellement différente de celle qui avait lieu dans les premiers siècles du christianisme, et à laquelle ne participeraient ni les évêques de la province, ni le clergé du diocèse, ni Je corps même des fidèles, qu’on ne saurait regarder comme représentés dans l’ordre de la religion, par des assemblées purement civiles, bien moins encore par des assemblées qui peuvent être composées de non catholiques en tout ou en partie; A toute disposition qui priverait les archevêques et évêques, juges essentiels et nécessaires de la vocation des sujet qui aspirent aux ordres sacrés, du choix et de la révocation des supérieurs et directeurs des séminaires de leurs diocèses ? A toute disposition qui, anéantissant les degrés d’appel établis dans l’Eglise, et renversant les principes fondamentaux de la juridiction ecclésiastique, constituerait le synode diocésain juge d’appel et en dernier ressort, de son évêque et Te synode métropolitain juge d’appel et en dernier ressort, de son archevêque ; A toute limitation qui ne serait pas établie par l'autorité de l’Eglise, de la juridiction purement spirituelle que les archevêques et évêques ont reçue de l’Eglise et dont la puissance civile ne peut les dépouiller en tout ou en partie ; A toute disposition tendant à détruire les rapports de l’Eglise gallicane avec le Saint-Siège, comme centre de l’uni'é catholique, et généralement à toutes dispositions qui teudraieut à dénaturer le gouvernement do l’Eglise, à détruire sa hiérarchie, et à porter atteinte aux droits essentiels de ses pasteurs; En demandant, pour tous les objets spirituels, le recours aux formes canoniques, et pour les objets mixtes, le concours de la puissance ecclésiastique et de la puissance civile. M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GOUTTES. Séance du samedi 29 mai 1790, au soir (i). La séance est ouverte à six heures du soir par M. l’abbé Gouttes, ex-président. Un de Messieurs les secrétaires fait part à l’Assemblée des différentes adresses du jour, dont le détail suit ; Adresses des assemblées primaires des cantons de LaRochelle, d’Hérisson, département d’Aliier ; delà ville de Saint-Mihiel, de celle de Gannat, de Florensac, département del’Hérant ; de Vandœu-vre, département de l’Aube ; de Faix, département de l’Ariège ; de Garhuix, département de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.