334 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Perché.] nouveau; sans préjudicier toutefois aux rangs et distinctions dans chaque ordre, et que la délibération à prendre aux Etats généraux sur ces objets et sur toutes les autres affaires qui intéressent la nation en générai soient prises en commun par les trois ordres réunis, et les voix constatées par tête. Art. 2. Que les impôts et droits, de quelque nature qu’ils soient, qui ont été établis depuis les derniers Etats sans le concours de la nation assemblée, soient éteints et supprimés, et qu’il ne puisse en être accordé ni établi aucun que pour un temps limité qui ne pourra excéder celui de la tenue des prochains Etats généraux, et que l’époque du retour desdits Etats généraux soit déterminée et fixée. Art. 3. Que le droit de répartir les impôts soit rendu aux provinces, pour s’opérer d’abord entre les paroisses et communautés, sans pouvoir être confié ni à des commissaires du Roi ni à des pourvus d’offices ; que la répartition en soit aussi rendue à chaque paroisse, notamment celle de Loisail, pour s’opérer entre les divers habitants, propriétaires et contribuables. Art. 4. Qu’il soit accordé à la province du Perche des Etats particuliers pour régler et établir toute distinction d’impôts nécessaires au maintien du commerce, manufactures, chemins, travaux publics qui intéressent la province. Et, dans le cas où Sa Majesté ne jugerait pas à propos d’accorder des Etats particuliers à cette province, demander que la province du Perche, de laquelle cette paroisse fait partie, soit réunie à celle de Normandie, à laquelle elle a été jusqu’à cet instant liée sur tous ces objets. Art. 5. Se plaindre du fardeau des impôts de toute espèce dont cette paroisse est écrasée, de laquelle le sol est en partie inculte, le surplus d’une mauvaise nature. Art. 6. Qu’il soit procédé à la réformation de l’administration et l’abréviation de la justice; que les droits de formule, contrôle, greffe et autres de cette nature, qui la rendent infiniment coûteuse aux sujets du Roi, soient abrogés. Art. 7. Demander que le prix du sel soit diminué ou rendu marchand et égal dans tout le royaume, étant une denrée de première nécessité ainsi que le tabac. Art. 8. Demander que tous les impôts et droits du Roi soient abandonnés par province et par paroisse, en sorte qu’ils soient versés dans les coffres du Roi sans moyens intermédiaires qui en absorbent une partie. Art. 9. Demander la suppression des charges d’huissiers-priseurs créées depuis quelques années, comme onéreuses au public. CAHIER De la paroisse du Pas-Saint-Lomer (1). Les habitants de cette paroisse n’ont d’autres plaintes et doléances à faire que celles qui sont communes à des gens de leur état et condition, savoir qu’ils ne payaient déjà que trop d’impôts de différents genres ; qu’ils désiraient que le dérangement des finances ne fût pas la cause de nouvelles impositions sur eux, parce qu’ils n’étaient pas capables d’en supporter davantage, ayant bien de la peine à acquitter celles qui sont imposées, mais que c’était bien plutôt à ceux qui (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : le Gouvernement de Normandie , par M. Hippeau. sont riches à contribuer à rétablir les affaires du royaume. Quant aux remontrances, ils n’avaient d’autres vœux et d’autres désirs que la paix et la tranquillité publiques ; qu’ils souhaitent que l’assemblée des Etats généraux rétablisse l’ordre des finances et amène en France la joie et la prospérité de l’Etat ; qu’ils ne sont point assez versés dans les choses qui doivent se traiter en ladite assemblée pour donner leur avis, et s’en rapportent aux lumières et aux bonnes intentions de ceux qui y seront députés. Enfin, qu’ils ne connaissent de moyens de pourvoir aux besoins de l’Etat, qu’une grande économie dans les dépenses et un amour réciproque entre le Roi et ses sujets. DOLÉANCES Plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Longpont , élection de Mortagne , adressées le 4 mars 1789 (1). La longue absence de leur seigneur leur cause plus de perte que la cherté du sel et leur taille, dont ils sont surchargés, en ce qu’étant sujets à son moulin de Longpont, banal des plus mal entretenus, manquant du plus nécessaire , de courbes entre autres, ce qui fait perdre en pure perte quantité de farine, malgré la vigilance du meunier actuel ; banalité qu’ils sont forcés de suivre, pour éviter la perte ruineuse des procès Cette même absence les prive encore d’édit de suppression du péage, qu’avait ce seigneur, pour entretenir les ponts dudit lieu, que le Roi se chargea d’entretenir par la suite : ponts aujourd’hui en bois, tout ruinés, qu’un chacun racom-mode pour passer , en risquant sa vie et voiture, sans pouvoir se plaindre à personne, faute de cet édit qui doit être au chartrier du seigneur. Si ledit seigneur eût été présent , lors de la dernière récolte, un homme de la paroisse de Saint-Aubin-d’Apnay, nommé Pierre Jarry, accompagné de onze associés décidés à se battre et tuer, n’aurait pas enlevé, avant maturité, en sept ou huit voitures, toute la récolte de blé, mars et filasse du nommé Claude Morel, habitant de cette paroisse, lequel eut recours (inutilement) au juge de police de la haute justice dudit Longpont et agent du seigneur, ce qui a réduit ce malheureux habitant à la dernière extrémité, sans pain, sans argent et exposé au désespoir ; et étant encore menacé de la même cérémonie par la suite, il a été nécessité de laisser son terrain inculte. Enfin, si le seigneur était présent, tant lesdits ponts que les deux bras de la rivière de Sarthe, qui devraient séparer les provinces, seraient réparés, l’eau n’ayant plus son cours libre , ce qui cause la perte entière des foins des belles prairies que ces rivières arrosent. Il aurait sûrement aussi continué de demander la réparation du grand pont de pierre , dont les voûtes tombées ont fait changer le lit de cette rivière : demande que poursuivait au conseil feu M. le marquis de la Coudrelle, son père, pour pouvoir profiter les uns et les autres des belles prairies qui sont presque chaque année vasées et ne donnant aucun profit, puisqu’on a peine à trouver qui veuille ôter gratis les foins de ces prés. Comment donc, d’après tout cela, ces habitants peuvent-ils vivre, subsister et payer? Y en a-t-il (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des A rchives de l’Empire. [États gén. 1789. Cahiers, J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Perche.] 33g d’aussi affligés dans tout le royaume, surtout ledit Morel ? Signé G. Morel. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du chapitre de Carrouge, diocèse de Séez, élection de Falaise (1). 1° Que n’étant pas juste qu’une foule d’excellents sujets dans l’Eglise n’aient aucun bénéfice, pendant que d’autres les accumulent sur leurs têtes, il serait avantageux de réformer un si grand abus, d’interdire impérieusement et efficacement la pluralité de toute sorte de bénéfices, lorsqu’un serait suffisant pour une honnête subsistance; les Etats généraux tenus à Blois défendirent de tenir deux cures, deux évêchés ; Charles IX fit demander au concile de Trente, par ses ambassadeurs, qu’on ne donnât qu'un bénéfice à chaque ecclésiastique. Tel était l’esprit de saint Louis, tel est celui des saints canons , auxquels sont conformes les décisions de la Sorbonne ; 2° Que, pour mettre un frein à l’ambition et à la cupidité, il serait nécessaire de fixer la suffisance dont parle le concile de Trente : pour les seigneurs évêques, à 15,000 liv. ; pour les abbés, à 6,000 liv., parce que, dans le cas où il plairait à Sa Majesté de les nommer à de plus riches abbayes, ils lui remettraient celles dont ils seraient pourvus ; 3° Qu’en considération des déclarations, édits de nos rois, des anciens canons, par lesquels tous bénéficiers sont tenus à la résidence à peine de perte des fruits, il serait arrêté par les Etats généraux, sous les mêmes peines ou autres, que les évêques résideraient dans leurs diocèses, sans qu’ils pussent s’absenter plus de trois mois dans l’année, à moins que l’utilité évidente de l'Eglise ou de l’Etat ne l’exigeât; que, pour prévenir les abus auxquels la non-résidence donne lieu, il serait nécessaire que les Etats généraux suppliassent le Roi, la Reine, Monsieur, les princes et princesses du sang de ne point appeler pour leurs aumôniers les évêques, qui, de droit divin, doivent vivre au milieu de leur troupeau ; 4° Qu’il serait avantageux à la religion que , dans chaque diocèse, il n’y eût qu’une abbaye ou communauté régulière du même ordre, dans laquelle il y aurait au moins quinze religieux profès; alors les règles de l’institut seraient exactement observées, l’office divin y serait fait avec décence et édification; , 5° Que la quote morte des réguliers qui ont des bénéfices-cures attachés à leur ordre fût, à la diligence des fabricants, employée aux réfections et réparations des presbytères et bâtiments en dépendant, des églises paroissiales, et que le surplus du prix des meubles que se procurent les prieurs-curés, à même les fruits des paroisses, fût consacré à l’eutretien d’un maître ou maîtresse d’école gratuite, ou d’un bureau de charité, ou enfin distribué par la municipalité aux pauvres de la paroisse. On ne peut voir sans douleur et sensibilité le procureur d’une riche maison conventuelle y faire transporter une abondante succession, qui est véritablement celle des pauvres qui sont frustrés de leur héritage ; 6° Qu’il serait avantageux au public que les réfections etréparalions de toute espèce de béné-(1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : le Gouvernement de Normandie , par M. Hippeau. fices-cures fussent à la charge des titulaires et de luers héritiers, sans que, dans aucun cas, les paroissiens pussent en être inquiétés; 7° Que les communautés régulières de l’un et de l’autre sexe ayant, par leur profession, renoncé aux honneurs du siècle, il serait avantageux à la prospérité du royaume de mettre dans le commerce tous droits honorifiques et seigneuriaux, des marquisats, comtés, baronnies et tous autres fiefs qui sont entre leurs mains, en ce compris les patronages des cures attachés aux fiefs ; 8° Que le prix qui en reviendrait fût employé à payer tout ou partie des dettes du clergé ; 9° Que les autres patronages des. cures séculières, dont jouissent lesdites abbayes, soit par aumône, donation ou autrement, sans avoir les fiefs, fussent vendus aux seigneurs propriétaires desdits fiefs sur lesquels les églises paroissiales ont été édifiées et fondées. Des religieux séparés par état du reste du monde, n’ayant aucune part dans le gouvernement des paroisses, ne doivent pas en choisir les pasteurs ; 10° Que les seigneurs évêques ne puissent être prévenus en cour de Rome , à raison des cures et canonicats, à leur présentation, sauf le droit des gradués et des indultaires ; 11° Qu’il fût fait défense aux archidiacres d’exiger aucuns droits des curés et fabriciens pour les visites annuelles qu’ils font eux-mêmes ou qu’ils font faire par les doyens dans les paroi ses de leur archidiaconat , vu qu’elles sont dispendieuses aux curés et qu’il n’en résulte aucun avantage aux paroisses ; 12° Qu’après le décès des titulaires, les revenus des prestimonies , fondations non décrétées, à l’exception de celles qui ont pour vœu l’instruction de la jeunesse ou les fonctions de vicaire, fussent employés à l’établissement d’un bureau de charité ou d’une école de filature ou dentelle pour les enfants de l’un et de l’autre sexe des paroisses où lesdites prestimonies sont fondées. Les messes seraient acquittées par les curés ou vicaires ; 13° Que les chanoines séculiers, collectivement curés primitifs des paroisses dans lesquelles ils sont établis et domiciliés, fussent réintégrés dans les droits curiaux ; que leurs églises séparées de l’église paroissiale fussent érigées en église matrice pour la commodité des seigneurs et des bourgs qui en sont voisins et fort éloignés de leur église paroissiale, qui deviendrait succursale ; qu’un des chanoines, au choix du patron, soit laïque , soit ecclésiastique , serait nommé curé, serait aidé dans ses fonctions curiales par les autres chanoines et un vicaire amovible résidant à la succursale; 14° Que, pour ne point ôter aux prieurs, chanoines et autres bénéficiers, l’honnête suffisance qui leur est due et que leur procuraient leurs titres, dont les fonds sont ou des dîmes ecclésiastiques ou inféodées , Sa Majesté fût suppliée que les revenus de quelques abbayes fussent employés au payement de toutes les portions congrues du royaume ou qu’il fût satisfait à la subsistance des congruistes par l’union gratuite des bénéfices simples; 15° Qu’en conformité d’un arrêt du parlement de Normandie , il fût fait défense à tous curés d’exiger aucuns droits pour les baptêmes, mariages et sépultures, et qu’il fût seulement permis de prendre ce qui serait offert; 16° Que, pour faire cesser les plaintes occasionnées par Ja distribution des biens aumônés aux pauvres dans grand nombre de paroisses, il serait