240 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 122 avril 1791.] M. de Lachèze. On ne peut pas faire imprimer l’ouvrage sans le connaître; or l’Assemblée ne peut connaître le mérite de l’ouvrage que par le rapport d’un de ses comités. (L’Assemblée confirme le renvoi de la lettre de M. Noé au comité de salubrité.) Un de MM. les secrétaires annonce que M. Rousseau, citoyen français, fait hommage à l’assemblée d’une ode qu’il a composée en l’honneur de Mirabeau. M. de Vismes, au nom du comité des domaines. Messieurs, un délit très considérable a été commis dans la forêt nationale de Noyon : environ 5,000 pieds d’arbres ont été saccagés. Il est vérifié que le délit a été commis sur les ordres du garde-marteau de la maîtrise de Noyon. Aussitôt que les autres officiers de la maîtrise ont été instruits de ce fait par différentes municipalités voisines, ils se sont rendus sur les lieux et ont constaté le fait en présence des officiers de ces municipalités et du garde-marteau lui-même, qni a avoué que véritablement il avait donné les ordres pour faire abattre et qu’il avait été chargé de le faire par les administrateurs du district de Noyon. Il est vrai, cependant, Messieurs, que la presque totalité de ces arbres n’était point mauvaise, qu’au contraire ils sont de la plus belle venue, et que plusieurs même ont depuis 3 jusqu’à 7 pieds de tour. L’observation, Messieurs, en a été faite au garde-marteau, qui n’a pu se refuser de rendre hommage à la vérité. Il est très vraisemblable que les administrateurs du district de Noyon sont mal à propos accu.-és d’un fait qui ne serait, de leur part, qu’un abus très condamnable de leurs fonctions, car il est certain que s’ils ont un droit de surveillance sur les forêts, ils n’ont aucun droit d’administration sur les mêmes biens. Le comité des domaines, consulté à ce sujet par les officiers de la maîtrise de Noyon, a pensé qu’il était nécessaire de saisir sur-le-champ les bois coupés en délit, et de dénoncer à l’accusateur public un délit de cette importance. En conséquence, pour empêcher, Messieurs, que l’activité des poursuites, nécessaires dans une occasion aussi majeure, ne fût interceptée, votre comité des domaines vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité des domaines, d’un délit considérable commis dans des bois nationaux situés dans le district de Noyon, et ci-devant dépendant de l’évêché, du chapitre et de l’abbaye de cette ville ; « Décrète que son Président se retirera dans le jour par-devers le roi, à l’effet de le supplier de donner, sur-le-champ, à son commissaire près du tribunal de Noyon, les ordres nécessaires pour requérir l’exécution de la loi, et la condamnation des peines qu’elle prononce contre tous les auteurs ou complices du délit constaté par le procès-verbal des officiers de la maîtrise de Noyon, du 15 avril présent mois, même contre toutes personnes qui, sous prétexte d'administration ou autrement, auraient participé audit délit. » (Ce décret est adopté.) M. le Président fait lecture d’une lettre des membres du tribunal de district de Bastia, département delà Corse, qui assurent l’Assemblée de leur soumission et de leur amour pour la Constitution française. Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Appelés par le vœu de nos concitoyens aux « devoirs de l’administration de la justice, nous « ne pouvons mieux commencer nos travaux « qu’en vous adressant les hommages solennels « de notre parfaite adhésion à vos décrets. Pleins « d’admiration pour la sagesse des lois que vous « venez de donner à la France, après avoir assuré « la liberté par une Constitution qui fera à jamais « votre gloire, nous ne cesserons d’aimer, de « chérir, de respecter cette Constitution. Elle est « puisée dans la nature, elle fait révérer les droits « sacrés de l’homme ; mais en lui rappelant en « même temps ses devoirs envers la société, « elle lui fait sentir que, s’il n’y a pas de vrai « bonheur sans liberté, il n’y a point de vraie li-« berté sans lois. « Nous sommes, etc.. . M. Thouret, au nom du comité de Constitution. Messieurs, plusieurs personnes ont demandé avec empressement le relevé des articles décrétés sur la régence et sur la garde du roi mineur et sur la résidence des fonctionnaires publics. S’il ne s’agissait que de relire les articles décrétés, parce qu’il n’aurait été question que de quelques rédactionsou de raccorder quelques amendements, il y a longtemps, Messieurs, que cette partie de travail vous aurait été présentée, mais l’Assemblée se rappellera parfaitement que les décrets sont restés incomplets quant à leur fond même. Plusieurs dispositions ont été renvoyées au comité, notamment six articles relatifs à la formation d’un mode de composition du corps électoral, dans le cas de la régence élective. Ainsi ce n’était pas la relue des articles, comme définitivement décrétés, qu’il s’agissait de demander ; mais que l’Assemblée remit à l’ordre du jour la matière pour décréter les articles nouveaux. Le comité n’a pas pressé la reprise de cette matière, parce qu’au moment où elle a été décrétée, elle ne présentait aucun intérêt instant, et que c’était seulement une partie de décrets constitutionnels à arrêter pour composer le code de la Constitution : et, comme il l’a pratiqué plusieurs fois avec l’agrément de l’Assemblée, et un grand succès pour le travail, il avait suspendu cet achèvement ultérieur pour s’occuper de plusieurs autres parties importantes à l’accélération du travail des séances. Véritablement, Messieurs, pour entrer dans votre juste désir d’accélérer la fin de la Constitution, et pour préparer à la suite de vos séances un fond certain de matières, il s’est livré exclusivement à mettre la dernière main aux deux seules parties importantes de travaux qui vous restent à faire : l’organisation complète et détaillée des corps administratifs et du Code pénal. Une de ces parties de la rédaction de laquelle j'ai été particulièrement chargée est à l’impression, quant aux articles ; et je m’occupe maintenant du rapport sur l’autre partie : Le tout mis à l’impression va vous être distribué. Mais pendant que vos délibérations se pressent sur des objets constitutionnels, pendant que nous prenons plaisir à redoubler d’efforts pour suivre la célérité de votre marche, nous éprouvons que notre zèle, trompé par l’épuisement de nos forces physiques ne suffit pas pour faire dans le même espace de trmp ; !a même somme de travail que nous au- [22 avril 1791.] 241 [Assemblée ualionaie.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. rions fait il y a un an, il y a seulement six mois. Cependant, je dirai avec satisl'action personnelle, et je crois que l’Assemblée t’entendra avec le même sentiment, que la carrière de nos travaux préparatoires est à peu prés terminée, si l’on en excepte le triage, le choix des dispositions vraiment constitutionnelles pour lesquelles vous avez nommé un comité de révision dont nous sommes membres. Quant à l’objet qui a été poursuivi, voici, Mes-sieuis, les articles qui, dès le second jour qui a suivi vos délibérations, ont été mis définitivement en état de vous être lus; je les lirai, si l’Assemblée le veut ; mais j’ai l’honneur de lui observer qu’elle n’en sera pas plus avancée, parce que le decret restera incomplet tant qu’il n’aura pas été fait de décret ultérieur sur une des principales parties renvoyées au comité. Voici déjà les articles projetés par moi définitivement; mais ils ne sont pas connus, ils n’ont pas été distribués, la matière n’est pas même à l’ordre du jour. Sous ce rapport nouveau de décret à faire, j’a-jouierai, et je le dois, que le comité n’a pas délibéré sur le projet qui m’est personnel. [Si l’Assemblée veut permettre que nous ne suspendions pas notre travail, je crois que la semaine ne se passera pas sans que nous soyons en état de le soumettre à la délibération, et de lui rapporter aussi les nouveaux articles. ( Applaudissements .) Je prie, en conséquence, l’Assemblée de passer en ce moment à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, décrète l’ordre du jour.) M. de Cernon, au nom du comité de Constitution, fait un rapport sur les contestations qui se sont élevées dans le département de l’Hérault, sur le ressort des 3 tribunaux de commerce établis dans le district de Béziers, et a présenté le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution, décrète : « Que le tribunal de commerce de Béziers aura pour ressort les cantons de Béziers, Capestan, Cazouls, Murvieil, Magalas et Servian; « Que le territoire du tribunal de commerce de Pézenas s’étendra sur les cantons de Pézenas, Montagnac, Fontez, Boujan, le Poujot et Béda-rieux; « Que les cantons d’Agde, Mèze et Fiorensac, ressortiront au tribunal qui doit être établi dans la ville d’Agde, en remplacement du siège de l’amirauté ; « Que l’alternat, convenu par les députés du département entre les villes de Béziers et Pézenas, n’aura pas lieu. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. Je dois faire part à l'Assemblée d’une lettre qui vient de m’être remise; elle est signée Beaumont, citoyen d’Avignon. La voici : « Monsieur le Président, « Je viens d’apprendre, par les papiers publics, que, dans la dénonciation faite hier soir à l’Assemblée nationale des malheurs arrivés dans la ville de Vaison, on y a représenté mon frère, évêque de cette ville, comme les ayant exciiés par sa présence. Il m’est impossible de ne pas repousser une inculpation aussi calomnieuse. La prudeuce que mon frère a montrée depuis les troubles de ce malheureux pays, et son caractère me sont un sùr garant (Murmures .) qu’il ne peut lro Seiue. I. \XV. s’être rendu coupable d’un fanatisme aussi airoce. J’ai la certitude qu’il est depuis un mois, à Borcas, asile que sa sûreté personnelle ne lui a pas permis de quitter, et où il a été appelé par le vœu unanime des habitants. »> « Je vous prie, Monsieur le Président, de communiquer cette lettre à l’Assemblée. « Je suis avec respect, etc... « Signé : BEAUMONT. » L’ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur les moyens d’ appliquer au corps actuel de la marine les décrets relatifs à l'organisation de ce corps. M. de Sillery, au nom du comité de la ma-rine( 1). Messieurs, l’Assemblée nationale vient de prononcer le décret qui fixe l’organisation de la marine française. Dans sa sagesse, elle a combiné l’impérieuse nécessité d’entretenir sur les mers une force publique redoutable et le plus saint de ses devoirs en abolissant les démarcations qui depuis si longtemps affligeaient la marine commerçante. Vous devez maintenant terminer votre ouvrage, en faisant l’application du décret d’organisation au corps actuel de la marine; et votre comité vient vous proposer son travail relativement à cet objet. Il ne vous cachera point, Messieurs, combien il est douloureusement affecté d’être obligé de vous proposer quelques mesures, sans doute rigoureuses pour ceux qui seront compris dans les réformes, mais indispensables pour l’exécution des lois que vous avez décrétées. Au moment de la régénération d’un grand Empire, les citoyens de tous les états doivent concourir également à ce grand travail ; les uns trouveront enfin le terme des injustices qu’ils ont éprouvées, les autres oublieront leurs prétentions pour rétablir l’harmonie; quelques individus auront des sacrifices pénibles à faire; mais tous ensemble seconderont vos travaux; et les législateurs, impassibles comme les lois, doivent écarter les obstacles et terminer leur ouvrage. Si vous jetez les yeux sur la liste des officiers généraux de la marine, vous y verrez une longue suite de citoyens vertueux, qui tous ont mérité la reconnaissance de la patrie par leurs longs et pénibles services. Mais, dans ce nombre, il eu est plusieurs qui ont payé leurs dettes à la patrie, et que leur grand âge et leurs infirmités mettent dans l’impossibilité d’être encore employés. C’est à ces braves vétérans, qui, pendant tant d’années, ont été les défenseurs et les exemples de la marine, que l’Etat doit à présent une retraite honorable et digne de la nation qui l’accorde. Mais, dans un Etat bien constitué, tous les officiers employés doivent être en état de servir; et c’est particulièrement dans le service pénible de la mer, que l’on a besoin d’officiers dans la force de leur âge, et en état d’en supporter les fatigues. Votre comité croit de son devoir, en ce moment, de rappeler aux fonctionnaires publics qui peuvent, par leurs conseils, avoir quelque influence sur l’opinion du roi, que la nation ne veut dorénavant entretenir en activité que des officiers en état de la servir. Cependant, Messieurs, malgré ce principe que nous venons d’établir, et qui doit dorénavant (1) Co document n est pas inséré in extenso au Moniteur. 16