220 [Assepiblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [11 juillet 1789.1 personne et de la capitale, que son intention n’est pas de gêner les suffrages de l’Assemblée nationale. Nous devons en croire la promesse de Sa Majesté. La parole d’un Roi honnête homme est une barrière insurmontable. Elle doit dissiper nos craintes et nos alarmes; le danger que nous croyions entrevoir s’éloigne de nous. Je le répète donc, Messieurs, restons auprès du Roi ; disons-lui qu’en lui demandant l’éloignement des troupes nous avons cédé à notre devoir, et qu’en restant auprès de sa personne, nous n’avons fait que céder à notre amour et à ses vertus. M. le comté de Mirabeau. Messieurs, sans doute la parole du Roi est digne de la plus grande confiance; nous en devons tous à la bonté connue du monarque, nous pouvons nous abandonner à ses vertus ; mais, Messieurs, la parole du Roi, toute rassurante qu’elle doit être, n’est pas moins un mauvais garant de la conduite d’un ministère qui n’a cessé de surprendre sa religion. Nous savons tous qu’avec plus de réserve nous aurions évité de grands désordres. Nous savons tous que la contiance habituelle des Français pour leur Roi est moins une vertu qu’un vice, si surtout elle s’étend dans les parties de l’administration. Qui de nous ignore en effet que c’est notre aveugle et mobile inconsidération qui nous a conduits de siècle en siècle et de fautes en fautes à la crise qui nous afflige aujourd’hui et qui doit enfin dessiller nos yeux, si nous n’avons pas résolu d’être jusqu’à la consommation des temps des enfants toujours mutins et toujours esclaves ? La réponse du Roi est un véritable refus; le ministère ne l’a regardée que comme une simple formule de rassurance et de bonté ; il a l’air de penser que nous avions fait notre demande sans attacher à son succès un grand intérêt et seulement pour paraître l’avoir faite. Il faut détromper le ministère. Sans doute, mon avis n’est pas de manquer à la confiance et au respect qu’on doit aux vertus du Roi; mais mon avis n’est pas non plus que nous soyons inconséquents, timides, incertains dans notre marche. Certes, il n’y a pas lieu dedélibérer sur la translation qu’on nous propose ; car enfin, même d’après la réponse du Roi, nous n’irons soit à Noyon, soitjà Soissons, que si nous le demandons, et nousne l’avonsjlpas demandé, etnousne le demanderons pas, pareeque probablement nous ne désirerons jamais de nous placer entre deux ou trois corps de troupes : celles qui investissent Paris et celles que pourraient, d’un moment à l’autre, �lancer la Flandre et l’Alsace. Nous avons demandé la retraite des troupes : voilà l’objet de notre adresse. Nous n’avons pas demandé à fuir les troupes, mais seulement que les troupes s’éloignassent de la capitale. Et ce n’est pas pour nous que nous avons fait cette demande; ce n’est certainement pas le sentiment de la peur qui nous conduit ; on le sait bien, c’est celui de l’intérêt général. Or, la présence des troupes contrarie l’ordre et la paix publique, et peut occasionner les plus grands malheurs. Ces malheurs, notre translation ne les éloignerait pas, elle les aggraverait au contraire. 11 faut donc amener la paix, en dépit des amis des troubles ; il faut être conséquents avec nous-mêmes, et pour cela nous n’avons qu’une conduite à tenir, c’est d’insister sans relâche sur le renvoi des troupes, seul moven infaillible de l’o tenir. Personne ne se lève pour appuyer l’opinion ( M. de Mirabeau. M. le Président observe qu’il faut prend une délibération. M. de Lubersac, evêque de Chartres. La lelt du Roi mérite d’être méditée; il convient doi d’en faire faire la distribution dans les bureaux demain on en délibérera. Cette opinion n’a pas de suite ; la discussh tombe • d’elle-même, et il n’y a pas de délib ration. M. Bouche rappelle à l’Assemblée la moti qu’il fit hier pour la formation de deux comil chargés de préparer les travaux relatifs aux divt ses parties des finances ; il pense que ces comil doivent être formés par les bureaux ; en cons quence, le premier bureau nommera un memb du clergé ; le second, un membre de la nobless le troisième, deux des communes, et ainsi suite. On annonce un nouveau député du Mans, M. L vrê, pour remplacer M. Iléliaud, mort dans 1 premiers jours de la session. Ce député lit une adresse envoyée à l’Àssembl nationale par la ville du Mans : elle contient d sentiments d’admiration, de reconnaissance po la conduite noble, courageuse et héroïque de VA semblée dans les moments de crise où des ci constances fâcheuses l’ont placée, et une adh sion de la part du bailliage à tous les arrêtés i l’Assemblée nationale. M Target, reprend la question que cette lectu avait interrompue : celle des deux comités. parle au nom du 24e bureau. M. Target. D’après l’examen qui a été fait hi sur l’établissement d’un comité pour prépar d’avance le travail de l’Assemblée, le bureau été d’avis que ce comité fût composé de soixar personnes; qu’il se subdiviserait ensuite auta qu’il serait nécessaire, selon que les matières nécessiteraient ; que l’on instruira le Roi de formation de ce comité ; qu’il sera prié de donn les ordres les plus prompts pour faire remett à ce comité les pièces nécessaires pour vérifie approfondir, étudier les finances ; que pour fo mer ce comité, chaque bureau nommera d’abo huit personnes, et que ce sera parmi toutes c personnes réunies que l’on choisira les 60 mei bres du comité par la voie du scrutin. L’orateur du 7e bureau parle ensuite. Il est ég lement d’avis de nommer 60 membres pour composer; que l’objet principal de ce comité se de constater les dépenses, la recette, les impôt tions, etc.; qu’il en sera pris un dans l’ordre c clergé et de la noblesse, et l’autre dans les coc munes . M. Camus porte la parole pour le 3e burea Ce bureau n’a pas adopté l’avis des deux pr miers sur le nombre des membres qui devront composer. 11 a cru que trente personnes seraie suffisantes pour s’acquitter du travail qui lui s rait destiné, non pas que ce travail ne soit d’ui très-grande importance, mais parce que l’ob du comité n’est pas de le faire, mais seuleme de le préparer. Le 30e bureau pense, de plus, que le comi peut appeler à son secours et recueillir toutes 1 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il juillet 1789,] m lumières que des personnes étrangères voudront bien lui communiquer. M. de Gouy d’Arcy, orateur de son bureau, présente un plan qui paraît approuvé. Toutes les parties de la finance seront indiquées sur différentes feuilles, et tous ceux qui sont plus versés dans la connaissance de tel chapitre que dans celle de tel autre, seront invités à inscrire leur nom sur le feuillet qui porte la matière qu’ils veulent traiter. L’Assemblée choisira parmi les personnes qui se seront présentées pour la composition du comité des finances. | M. le comte de Mirabeau expose que son bureau est d’avis d’établir sur-le-champ un comité des finances; que les obstacles que diffé-rèntes personnes présentent contre cet établissement ne sont d’aucune considération : l’on a pas à craindre qu’il empiète sur la constitution. Tandis que l’on travaillera â cette constitution, il préparera la matière qui occupera ensuite l’Assemblée. Le bureau a encore senti profondément le besoin et l’utilité des secours extérieurs. M. Populus, au nom de son bureau, dit qu’on re peut s’occuper de finances avant que la constitution ne soit achevée; que tout travail qui écarte de cet objet est prématuré; que la constitution doit précéder la législation financière. Ces réflexions ne produisent que fort peu d’ef-f 3t ; les esprits sont dans l’incertiude et l’indécision sur l’établissement du comité des finances. Les uns le désirent, les autres le refusent. M. Le Chapelier. Tous les détails qui viennent d’être présentés nécessitent des longueurs, des débats qui ne devraient naître que pour des objets d’une haute importance. L’établissement d’un comité de finance est à peine susceptible de discussion, et c’est aller contre le règlement que de perdre un temps précieux pour une si petite cause. Le comité ne fera que préparer les matières et ne décidera rien ; ce qu’il aura vu repassera sous vos yeux; vous jugerez son travail; il ne fera que faciliter le vôtre; car, bien entendu, les finances sont un objet trop important pour le confier sans réserve à 60 d’entre nous ; chacun de vous est venu ici pour prendre connaissance, et nous devons remplir notre mission. 11 est donc nécessaire d’établir ce comité, non pas pour nous présenter des projets de subsides, mais pour vous faire un rapport de la recette, pour vérifier les états, pour faire en un mot ce que vous ferez après lui. ‘i La seule difficile qui ait paru exister, c’est sur la formation de ce comité. ] Sans doute tous les membres de l’Assemblée ne sont pas également instruits sur les finances, et if serait à propos que chaque bureau nommât quatre personnes, et c’est dans ce nombre réuni que l’Assemblée prendra, par la voie dn scrutin, 40 députés qui composeront le comité des finances. Les principes de M. Le Chapelier paraissent déterminer l’Assemblée. ! M. le Président prie ceux qui s’opposent à l’établissement du comité de se lever; personne ne se lève. Il y a, un second débat, presque aussi vif que le premier. Les uns veulent former le comité par généralités, d’autres le nommer par provinces, ou le former des gens les plus instruits, sans distinction de baillage. On veut enfin le former par bureaux. M. de ILally-Tollendal. Toujours les Etats généraux, dont on avait espéré tant de bien, qui projetèrent des lois si sages, si utiles, devinrent infructueux par les divisions qui s’établirent, surtout lorsqu’on voulut délibérer par province. Je me range du côté de M. Barnaye qui a voté pour le mélange des provinces. Les uns veulent la nomination par généralités, les autres par bureaux; on prend un parti mitoyen, qui est d’en choisir 32 dans les généralités, et 30 dans les bureaux. Ainsi, le comité des finances est composé de 62 personnes. Ce dernier accommodement ayant été adopté, M. de Lafayetle demande et obtient la parole, M. le marquis de ILafayette. Quoique mes pouvoirs m’ôtent la faculté de voter encore parmi vous, je crois cependant devoir vous offrir le tribut de mes pensées. On vous a déjà présenté un projet de travail sur la constitution. Ce plan, si justement applaudi, présente la nécessité d’une déclaration des droits comme le premier objet de votre attention. En effet, soit que vous offriez sur-le-champ à la nation cette énonciation de vérités incontestables, soit que vbus pensiez que ce premier chapitre de votre grand ouvrage ne doive pas en être isolé, il est constant que vos idées doivent d’abord se fixer sur une déclaration qui renferme les premiers principes de toute constitution, les premiers éléments de toute législation. Quelque simples, quelque communs même que soient ces principes, il sera souvent utile d’y rapporter les discussions de l’Assemblée. M. de Lafayette présente ensuite deux objets d’utilité d’une déclaration des droits. Le premier est de rappeler les sentiments que la nature a gravés dans le coeur de chaque individu ; d’en faciliter le développement, qui est d’autant plus intéressant que, pour qu’une nation aime la liberté, il suffit qu’elle la connaisse, et que, pour qu’elle soit libre, il suffit qu’elle le veuille. Le second objet d’utilité est d’exprimer ces vérités éternelles d’où doivent découler toutes les institutions, et devenir, dans les travaux des représentants de la nation, un guide fidèle qui les ramène toujours à la source du droit naturel et social. Il considère cette déclaration comme devant s’arrêter au moment où le gouvernement prend une modification certaine et déterminée, telle qu’est en France la monarchie ; et, renvoyant à un autreordre de travail, d’après le plan proposé, ['organisation du corps législatif, la sanction royale qui en fait partie, etc., etc., il a cru devoir désigner d’avance le principe de la division des pouvoirs. Ensuite il a ajouté : Le mérite d’une déclaration des droits consiste dans la vérité et la précision ; elle doit dire ce que tout le monde sait, ce que tout le monde sent. G’est cette idée, Messieurs, qui seule a pu m’engager à tracer une esquisse que j’ai l’honneur de vous présenter. Je suis bien loin de demander qu’on l'adopte; je demande seulement que l’Assemblée en fasse faire des copies pour être distribuées dans les dif-