SÉNÉCHAUSSÉE DE SAINT-BRIEÜC. DÉCLARATION ET PROTESTATION jDe Tordre de l’Eglise de Bretagne , assemblé à Saint-Brieuc (1). L’ordre de l’Eglise, convoqué par le Roi dans la ville de Saint-Brieuc pour nommer des députés aux États généraux, considérant que ses députés ne peuvent être nommés légalement que dans les Etats de Bretagne, déclare ne pouvoir procéder à cette nomination dans la présente assemblée, et supplie en conséquence Sa Majesté de convoquer les Etats de la province, afin qu’ils puissent députer aux Etats généraux suivant leurs formes anciennes, et toujours observées depuis l’union de la Bretagne à la France. Ledit ordre déclare désavouer formellement tous ceux qui, n’ayant pas été nommés par les Etats de Bretagne, prétendraient représenter aux Etats généraux la province ou quelqu’un des ordres qui la composent. L’ordre de l’Eglise déclare, de plus, protester contre les dispositions du règlement du 16 mars dernier, qui opère daosle clergé une division sans exemple, aussi funeste à la religion qu’au bien de la province. L’ordre de l’Eglise a arrêté de prier Monseigneur l’évêque de Rennes, son président, de remettre une expédition de la présente déclaration à M. le garde des sceaux et à MM. les présidents des trois ordres des Etats généraux. A Saint-Brieuc , le 20 avril 1789. Signé f François, évêque de Rennes. DÉCLARATION ET PROTESTATION DE LA NOBLESSE (2). Les gentilhommes de Bretagne, assemblés dans la ville de Saint-Brieuc le 16 mars 1789 en vertu des lettres de convocation adressées par Sa Majesté à chacun des membres de la noblesse, délibérant sur les ordres qui leur ont été notifiés le 17 du même mois par M. le comte de Thiard delà part du Roi, de procéder sans délai à l’élection de députés pour assister à l’assemblée des Etats généraux du royaume dont l’ouverture est indiquée à Versailles le 27 du même mois, se trouvent dans la position affligeante de ne pouvoir élire de députés aux Etats généraux sans violer un de leurs devoirs les plus sacrés. Liés par le droit de leur naissance à la constitution bretonne, c’est dans l’assemblée des trois ordres des Etats qu’ils portent le caractère essentiel d’administrateurs de la province. Les Etats de Bretagne sont composés des trois ordres de la nation; leur concours dans les délibérations est le lien qui unit tous les intérêts publics; cette union est la force de la nation, la règle de sa liberté, le gage de son bonheur. Le droit des États d’être le corps représentatif (i) Nous publions cette pièce d’après un manuscrit des Archives de V Empire. (2) Ibidem. de la province fut reconnu par François Ier, d’heureuse mémoire, dans l’acte le plus important poulies monarques français, celui de l’union de la Bretagne àla monarchie. Ce furent les gens des trois Etats qui seuls clans ce contrat représentèrent la nation ; l’union légalement prononcée à leur requête a été depuis cette époque le garant du zèle des Bretons, de leur fidélité et de leur amour pour leur Roi. Les Etats de Bretagne, composés des trois ordres, ont, depuis ces temps reculés, continué d’exercer sous la protection royale l’administration générale de la Bretagne; c’est dans leur assemblée que les intérêts politiques et civils de la nation reposent sous la sauvegarde de la constitution. Toutes les provinces du royaume, loin de voir dans ces formes précieuses une cause d’oppression, soupiraient après le moment où elles seraient assimilées à la Bretagne; un vœu général réclamait le rétablissement de Etats généraux de France, dont les assemblées étaient suspendues depuis 1614. Les Bretons ont uni leurs sollicitations à celles de tous les corps du royaume, pour obtenir ce rétablissement; le Roi l’a accordé; la France est réintégrée dans la plénitude de ses droits, et les Etats généraux vont s’occuper des moyens de préparer son bonheur. Par quelle fatalité le moment où le souverain croit devoir rendre cette justice à ses peuples, serait-il celui où la Bretagne se trouverait dépouillée de ces mêmes droits et cesserait d’en avoir l’exercice ? Depuis l’union de la province à la couronne, les Etats de Bretagne ont toujours porté aux Etats généraux du royaume les vœux et les intérêts de la Bretagne par 'des députés librement choisis dans le sein de leur assemblée. Le règlement donné par Sa Majesté le 16 mars dernier renverse ces formes antiques consacrées par une possession immémoriale, sur le fondement que Sa Majesté a pensé qu’elle ne pouvait priver ses sujets de Bretagne du juste droit qu’ils ont tous ensemble ou séparément d’être représentés aux Etats généraux. Les rois prédécesseurs de Sa Majesté formèrent un semblable vœu ; il fut accompli sans détruire les anciens droits et usages de la Bretagne. Les archives des Etats apprennent que, lors des convocations d’Etats généraux indiqués pour les années 1576, 1588, 1614 et 1651, les cahiers des Etats furent composés non-seulement des remontrances dressées et mises par écrit par chacun des trois Etats, mais aussi des requêtes et mémoires des autres pariiculiers et habitants du pays, villes, communautés et autres plaintifs et intéressés. Ce sont les expressions mêmes des délibérations des ‘ Etats. Ainsi tous les habitants de la Bretagne sans distinction ont, dans tous les temps, le droit de faire parvenir leurs doléances à l’assemblée des Etats généraux : mais loin de s’élever contre les formes essentielles de la constitution bretonne, ce fut en leur rendant préalablement hommage,