[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 janvier 1190. J 209 faires civiles les appelleront dans le chef-lieu de leur district, tandis que si ce chef-lieu avait été plus rapproché d’eux, ils auraient pu, en un même jour, aller, revenir, terminer leurs affaires; et l’on sait combien il est important que le chef d’une grande culture ne soit pas forcé à des absences qui l’éloignent pendant plusieurs jours de la surveillance de sa maison et de ses travaux. On bornera ici les observations qu’on s’est ermis de faire sur la demande de la province u Nivernais, de réunir à elle la ville de la Charité, et l’on est persuadé que cette demande n’aurait jamais été faite si l’on eût mieux connu les grands inconvénients qu’elle entraînerait, et sa nullité pour l’avantage du Nivernais. On veut encore éviter de parler des relations de commerce et d’industrie qui, depuis plus d'un siècle, lient les intérêts de la Charité à ceux du Berry, de cette habitude que contractent entre eux" des hommes rapprochés, dès l’enfance, par une communication continuelle. On ne fera pas même valoir un point qui cependant n’est pas à dédaigner, le vœu des peuples ; et lorsque la ville de la Charité manifeste le sien pour être conservée au Berry, lorsque cette province en manifeste un semblable pour appeler cette ville à elle, lorsque ce vœu ne nuit ni à la province du Nivernais, ni à un seul habitant du royaume, lorsqu’il tend, au contraire, à établir un équilibre plus parfait dans l’arrangement du tout, ce vœu ne peut pas être rejeté. Signé Butet, maire de la ville de la Charité-sur-Loire, et représentant de la commune de cette ville. M. Gossin ajoute : M. Sallé de Chou, député du Berry, a également remis au comité la notice suivante : La ville de la Charité-sur-Loire a toujours fait partie de la généralité du Berry. Le Nivernais la réclame, en ce moment, et la question est de savoir sieliedépendradu département de Bourges, ou de celui de Nevers. L’avis du comité est pour le Nivernais ; mais les hommes les plus sages ne peuvent-ils pas quelquefois se tromper? 1° Cette ville est nécessaire au Berry, pour faire un chef-lieu de district. Sans elle, tous les administrés dans cette partie de la province se trouveraient à huit et dix lieues de leur district, dans un pays affreux, où il n’existe aucune route, et où les chemins qui servent de communication sont impraticables pendant neuf mois de l’année. Dans le Nivernais, au contraire, les villes de Nevers, Gosne et Donzy, qui entourent la Charité, sont à telle distance les unes des autres, que par le partage du territoire, les contribuables ne seront pas à plus de quatre lieues du chef-lieu de leur district. 2° Toutes les paroisses du Berry, jusqu’à cinq lieues de la Charité, vont vendre lèurs blés dans cette ville et y acheter tout ce qui leur est nécessaire ; or, il convient de diviser les départements en telle manière qu’un citoyen, qui va dans une ville pour ses affaires domestiques, puisse, en même temps, régler toutes celles qu’il peut avoir relativement à la justice et à l’administration, sans être obligé à des déplacements multipliés (1). 3a Tous les biens patrimoniaux de la ville de (1) Le comité a reçu l’adresse d’un grand nombre de ces paroisses du Berry, qui se fondent, sur ces moyens pour faire partie du district dont la Charité sera le chef-lieu. lrc Série. T. XI. la Charité, presque toutes les propriétés de ses habitants sont en Berry. Elle passerait donc toute nue dans le Nivernais. Or, serait-il convenable de l’arracher à une administration dans le sein de laquelle tous ses intérêts sont déposés, pour la faire passer dans une étrangère ? 4° La Charité est la seule sortie du Berry pour communiquer avec la Champagne, la Bourgogne, le Lyonnais, etc. ; la reconstruction (1) du pont sur la Loire et son entretien intéressent donc essentiellement le Berry. Le Nivernais, au contraire, à qui cette considération est presque étrangère, porterait nécessairement ses forces et son attention à des moyens de communication d’une utilité plus particulière pour lui. 5° Enfin, la ville de la Charité, qui connaît mieux que personne ses véritables intérêts, demande expressément à n’être point séparée du Berry. Ce vœu, formé depuis cent ans peut-être, a été renouvelé en 1787, en mars 1789, en novembre et décembre derniers, et tout à l’heure encore son maire vient d’être député à l’Assemblée nationale pour solliciter sa justice à cet égard. Qu’oppose-t-on à tant de moyens? que la Charité est sur la rive de la Loire opposée au Berry, et que cette position géographique la donne au Nivernais. Si la formation des départements a eu pour premier objet de réunir des maisons et des cio chers; si, pour y parvenir, on doit fouler aux pieds l’intérêt des peuples et leur vœu, ce moyen du Nivernais est décisif ; mais si l’ Assemblée, dans sa sagesse, a voulu qu’on ménageât les habitudes et les usages de chaque pays, qu’on respectât les rapports du commerce, que le cri des peuples fût écouté, qu’enfin l’intérêt public présidât à cette opération, le sort de cette cause est décidé, et la Charité ne peut être séparée du Berry. Signé : sallé de chou. M. Gossin. Vous venez d’entendre les motifs qu’on fait valoir pour que la ville de la Gharité-sur-Loire soit annexée au département du Berry. Le pont qui reliait les deux rives n’existe plus et il ne sera pas reconstruit si la Charité demeure au Nivernais, ce qui aura l’avantage de ne pas entraver la navigation. Le Nivernais oppose à Bourges que le vœu de la ville de la Charité n’est ni décisif, ni général ; il fait valoir que la Charité est à cinq lieues de Nevers et à dix de Bourges ; que la Loire est une limite naturelle et que les rapports commerciaux eutre Bourges et la Charité n’en subsisteront pas moins, parce qu’ils sont fondés sur des intérêts réciproques. Le comité pense que la ville de la Charité doit appartenir au département du Nivernais. M. Bengy de Puyvallée combat les conclusions du comité de Constitution et propose un décret favorable à la province du Berry. M. le comte de Sérent fait valoir en faveur du Nivernais des raisons tirées de la positiou même de la ville et dit que la Loire est une démarcation naturelle entre les deux départements. M. le Président met aux voix l’avis du comité de Constitution, qui est a dopté. (1) Il est tombé depuis un au, mais ou s’occupe d’un pont en bois, en attendant la reconstruction de celui en pierre. U 210 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 janvier 1790. En conséquence, la ville de la Charité fera partie du département du Nivernais. M. Gossin fait ensuite un rapport concernant la ville de Montauban. Messieurs, la ville de Mon-tauban, importante par son commerce et ses manufactures, se trouve située à l’extrême frontière du Quercy, du côté de Toulouse. L’esprit de rivalité qui a régné depuis longtemps entre Cahors et Montauban a porté les députés extraordinaires de cette ville à demander qu’elle soit détachée du Quercy pour être unie à Toulouse. L’affaire paraissait arrêtée lorsque la ville de Montauban, dans une assemblée générale du 26 décembre dernier, a désapprouvé la désunion du Quercy et enjoint à ses députés de rompre tout traité contraire. Toutes les convenances morales et naturelles donnent Montaubau à Toulouse, et cette considération était entrée pour beaucoup dans les motifs du comité pour proposer la formation de sept départements dans la province du Languedoc. Le comité pense que, malgré la fraternité qui anime les villes de Montauban et de Toulouse, il faut attendre du temps le calme dans les opinions ou dans les délibérations ; dans ce moment de secousses, les véritables intérêts ne sont pas sentis; les opinions opposées s’exagèrent ou s’exaltent ; les municipalités vont se former ; des corps représentatifs bien organisés sauront faire connaître le véritable vœu de Montauban et cette ville aura le temps de mieux combiner ses intérêts et de délibérer sagement sur son sort. Le comité propose en conséquence de décréter que la ville de Montauban sera provisoirement du département du Quercy, sauf, à la prochaine convocation pour la formation des assemblées municipales, de juger, à la pluralité des électeurs, si Montauban et son territoire au-dessous de l’Aveyron doivent s’unir au département de Toulouse. M. figuier. 11 serait injuste qu’une ville placée à une petite distance de Toulouse et qui a toutes ses relations avec elle n’y fût pas réunie et qu’elle fût rattachée à une ville moins importante et plus éloignée. Ce sont les procureurs et gens d’affaires de Montauban qui ont formé tous ces obstacles. Dans le moment présent le ressort de la sénéchaussée de Toulouse s’étend jusqu’aux portes de Montauban et celui de cette ville s’étend dans le Quercy ; ainsi la réunion fera perdre aux procureurs leur ancienne clien telle. Les députés extraordinaires de la ville étaient des négociants considérables et connaissaient les véritables intérêts de leur localité. M. Poncet d’Elpech. La délibération de Montauban est revêtue de la signature de trois procureurs-consuls, mais elle est signée également par tous les habitants de la ville. Il n’est pas naturel que Montauban qui avait une intendance et des cours supérieures, perde tous ses avantages. La province du Quercy n’entend pas d’ailleurs que sa capitale se détache d’elle. M. Hegel*. Je dois faire remarquer à l’Assemblée nationale qu’un projet a été concerté entre les villes de Toulouse et de Montauban dans lequel cette dernière devait faire partie du département de Toulouse ; c’est sur la foi de ce traité et pour conserver ses relations avec Montauban que les pays de Comminges et de Nébouzan ont consenti à s’unir au département de Toulouse. Je réclame donc l’exécution des conventions primitivement arrêtées de part et d’autre. Plusieurs membres réclament l’ajournement. L’ajournement mis aux voix est rejeté. Le projet du comité de Constitution est ensuite adopté. M. le Président. L’Assemblée reprend la suite de la discussion de L'affaire de Toulon. M. de Liancourt a la parole. M. le duc de Liancourt. Dans les circonstances actuelles, on ne peut trop répéter qu’une aussi grande révolution que celle qui change les lois, les usages, les habitudes de tant de siècles, ne peut s’opérer sans de grandes secousses ; que les malheurs passagers qu’entraînent ces grandes commotions, effets d’actions souvent répréhensibles, sont souvent aussi l’effet d’intentions pures, qu’une politique saine et éclairée ne doit pas condamner sans les examiner dans le rapport des circonstances qui les ont fait naître. M. d’Albert a toujours eu le désir constant de préserver le port et l’arsenal de Toulon des désordres qui auraient entraîné une perte irréparable pour la France. C’est dans cet esprit que M. d’Albert s’est constamment concerté avec les magistrats de la ville pour en prévenir le désordre ; qu'il a le premier manifesté le désir de voir lever à Toulon une milice nationale, composée de citoyens intéressés à maintenir l’ordre public, ainsi quesa correspondance en fait foi; que c’est dans cet esprit que, craignant des troubles peut-être malicieusement annoncés par les ennemis du bien, on a cherché à prévenir les événements qu’on lui faisait redouter, et préparer les moyens d’opposer une forte résistance aux entreprises qu’on lui disait être machinées contre le précieux dépôt qu’il devait conserver. On ne peut, avec l’envie d’être juste, donner à la conduite de M. d’Albert une autre interprétation. Si l’habitude d’un commandement sans opposition, d’une autorité sans bornes, tel que le service de la mer rend nécessaire, lui a paru quelquefois faire oublier, en 1789, que la révolution, désirée par toute la nation, et dont chaque jour augmentait l’influence, exigeait d’autres formes; si quelques expressions peu modérées pour les circonstances, fruit de l’impatience et d’un amour ardent du bien, sont sorties de sa bouche, paroles qu'il a eu le lendemain la prudence et le courage de détruire par des paroles contraires, ce tort léger esL le seul dont l’envie puisse le charger, et dont peu de personnes peut-être pourraient se flatter de n’être pas coupables. Je ne vois, dans la conduite du comité permanent de la ville de Toulon, que cette méfiance si naturelle, inhérente même à des temps de révolution, et qui, quoique injuste quelquefois dans son application, est cependant, dans certaines circonstances, le moyen le plus certain de prévenir une révolution contraire. Quant à l’espèce de préférence donnée par le comité de Toulon aune simple proclamation pour inviter les citoyens à la paix sur la loi martiale, ce n’est que la crainte de l’inexécution de cette loi et la possibilité de ne plus maintenir l’ordre. Dans l’espèce de silence du comité et de la milice nationale, après l’emprisonnement des officiers de la marine, on ne doit voir que l’impossi-