[Convention nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { J décembre 1193 219 l’arsenal, est continuellement fréquentée par les ouvriers employés à la manufacture d’armes; la circulation de ces ouvriers dans la maison est un sujet de distraction pour le sourd-muet, et met un empêchement aux exercices et aux pro¬ menades qui leur sont nécessaires, parce que les lieux qui sont consacrés à ces amusements sont toujours occupés par ces ouvriers, ou par des matériaux nécessaires à leur genre d’occupation. D’ailleurs, ce terrain est d’une valeur inapprécia¬ ble, et est sans cesse désiré par le ministre de la guerre. Il peut lui être facilement cédé, en transportant l’institut des sourds-muets dans le ci-devant séminaire de Saint-Magloire. Ce lieu avait été autrefois destiné à ces malheureux; mais dans un temps où tout cédait à l’idée de faire des prêtres, l’évêque de Paris le choisit pour y établir un séminaire, et les sourds-muets furent jetés à l’extrémité de Paris. Maintenant que la raison s’est fait entendre, et qu’elle a rendu désormais inutile une pareille institution, que la Convention cède cette maison aux sourds-muets, et elle aura fait tout à la fois et leur bon¬ heur, et celui de la nation. C’est ainsi, mandataires du peuple, que vous compléterez tout ce qui est relatif aux enfants indigents. La monarchie les avaient condamnés à traîner leurs jours dans l’indigence, la République va leur donner tous les moyens d’en sortir, en se consacrant à des professions utiles et fruc¬ tueuses. Qu’une éternelle reconnaissance les lie d’une manière inébranlable au règne de la li¬ berté, qui leur assure un pareil bonheur. En adoptant, citoyens, le projet de décret que nous venons vous présenter, et que la discussion améliorera sans doute, vous aurez rempli votre devoir envers les sourds-muets nés sur le terri¬ toire de la République; mais en limitant ainsi vos bienfaits, vous ne vous seriez acquittés qu’à demi envers l’humanité. Votre comité s’est rappelé, avec un profond attendrissement, que le malheur resserre les liens qui unissent tous les hommes, que la philan¬ thropie embrasse dans ses douces étreintes tous les infortunés, qu’il n’y a ni temps ni motifs qui puissent lui rendre indifférents les cris de l’être souffrant. Il s’est dit que quand la nature a désigné un Français pour le rendre dépositaire de cet art précieux qui devait réparer ses propres erreurs, elle n’a voulu que nous assurer un nouveau moyen de devenir les bienfaiteurs du genre hu¬ main. Les gouvernements libres ne ressemblent en rien à ces tyrans qui faisaient étouffer le trop confiant auteur d’une découverte qu’ils jugeaient pouvoir leur être utile, pour en devenir les pro¬ priétaires exclusifs; la bienfaisance républicaine réclame de vastes domaines, elle n’aime pas à être qirconscrite elle n’est satisfaite qu’en fai¬ sant un grand nombre d’heureux. Vous l’avez vous-mêmes proclamée, citoyens, cette consolante vérité dans la déclaration des droits, lorsque vous avez dit, article 35 ; « Les hommes de tous les pays sont frères, et les diffé¬ rents peuples doivent s’entr’ aider suivant leurs pouvoirs, comme les citoyens du même Etat. » O vous ! dont tous les travaux tendent à rap¬ peler sans cesse aux hommes cette sainte fra¬ ternité qui doit les unir, hâtez-vous de resserrer ces liens d’une manière qui vous honore autant qu’elle soulagera vos cœurs ! Nous venons vous offrir un nouveau genre d'alliance à contrac¬ ter, alliance inconnue jusqu’à présent dans les fastes de l’histoire, mais qui n’en sera que plus chère à des républicains : c’est l’alliance de l’infortune. Vous voulez prouver aux peuples que vous ne faites la guerre qu’aux despotes; quelle plus grande preuve pouvez-vous leur en fournir qu’en accueillant au milieu de vous, en traitant comme vos propres concitoyens, ceux qui vou¬ dront se consacrer à l’instruction de leurs frères nés sourds-muets. Vous désirez voir tous les peuples recouvrer un jour leurs droits : accueillez tous les sourds-muets qui se présenteront dans vos hospices : ce sont les hommes de la nature. Visitez l’établissement qui contient ces malheureux, c’est là que vous trouverez des républicains : veillez seulement à ce que l’ins¬ truction qu’ils recevront ne gâte point l’ouvrage de la nature, et comptez que vos principes n’au¬ ront pas de plus chauds amis. La postérité avance à grands pas pour nous; quel vaste champ nous allons lui fournir; de quel étonnement ne sera-t-elle pas frappée quand elle verra la nation française, dans le moment où elle combat toutes les puissances de l’Europe, abattre d’une main hardie le trône où s’assit le dernier de ses tyrans, fonder la République au milieu de l’anarchie, terrasser l’hydre du fédéralisme, étouffer la guerre civile, que des hommes qu’elle avait appelés pour faire son bonheur avaient allumée dans différentes parties de son territoire, renverser les autels de la superstition, et ne se servir néanmoins de tous ces avantages que pour fonder le culte de l’humanité, pour appeler tous les hommes , de quelque nation qu’ils soient, au partage des bien¬ faits que la nature leur a assurés, aller les cher¬ cher, pour les associer à son bonheur, jusque dans les lieux les plus reculés, et même au milieu de ceux dont les tyrans se servent pour lui faire la guerre? Citoyens, c’est en honorant ainsi le malheur, en embrassant dans votre tendre sollicitude tous ceux qui auront recours aux bienfaits de la République, que vous répondrez à vos enne¬ mis, et que vous déciderez le grand procès qui s’est ouvert entre vous et les despotes, le jour que vous avez fait monter un des. leurs sur l’éhafaud. Projet de décret. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu son comité de secours publics, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Il sera établi, quant à présent et jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, dans la ville de Paris, une école centrale pour l’ins¬ truction des citoyens qui se consacreront à l’éducation des sourds-muets. Cette école sera formée dans l’enceinte de la maison où sera placé l’établissement créé pour l’arrondisse¬ ment. Art. 2. « Les citoyens qui voudront se consacrer à cette étude subiront, trois mois après leur entrée dans cette école, un examen sur les élé» 220 [Conrantion nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! nhôse an II ments de cette science. Ils paieront, pendant ledit temps, la pension qui sera fixée tous les deux ans par l’Administration du départe¬ ment. Art. 3. « Cet examen se fera publiquement et en présence de trois commissaires du conseil exé¬ cutif, qui prononceront concurremment avec les citoyens qui seront à la tête de l’école. Art. 4. « Si l’admission a lieu, ils seront nourris et entretenus dans l’école, aux frais de la Répu¬ blique. Art. 5. « Ils y demeureront pendant trois années, temps nécessaire pour le perfectionnement de leur instruction. Art. 6. « Il y aura dans cette école 20 places. Art. 7. « Cette école sera dirigée par un inspecteur principal et un inspecteur particulier. Art. 8. « L’un et l’autre seront occupés alternative¬ ment de l’instruction des citoyens qui se consa¬ creront à l’éducation des sourds-muets : leurs leçons seront publiques. Art. 9. « Ils auront en outre l’inspection et la surveil¬ lance, quant à la partie de l’instruction, sur tous les établissements qui seront créés dans l’étendue de la République. Art. 10. « Tous les ans, l’inspecteur principal et, en cas d’empêchement légitime, l’inspecteur parti¬ culier, se transporteront dans tous les établis¬ sements, pour y examiner les instituteurs et les élèves, et s’assurer si l’instruction s’y iait avec exactitude et avec fruit. Art. 11. « Les directeurs de chaque établissement entretiendront une correspondance exacte avec les inspecteurs de l’école centrale. Ils les ins¬ truiront des découvertes qui auront été faites dans leur établissement pour les progrès de l’instruction des sourds-muets. Art. 12. « Les inspecteurs seront tenus de rédiger, de concert avec le comité d’instruction publique, et d’adresser, à chaque établissement, une grammaire et antres livres élémentaires, rela¬ tifs à l’enseignement des sourds-muets. Art. 13. « Au retour de sa visite annuelle, l’inspec teur rendra, au corps législatif, un compte public de l’état où il aura trouvé les établisse¬ ments, et rédigera une instruction pour rendre communes à tous, les découvertes utiles qui pourraient avoir été faites dans quelques-uns, pendant le cours de l’année, Art. 14. « Si, dans le cours de sa visite, il a reçu des plaintes graves contre quelques directeurs, ins¬ pecteurs ou autres employés à l’établissement, ayant droit de concours, il en dressera procès-verbal, ainsi que des dires de ceux qui auront été dénoncés, et remettra le tout au conseil exécutif, qui prononcera la destitution, s’il y a lieu. Art. 15. « Les inspecteurs auront également la sur¬ veillance sur les élèves qui seront à l’école cen¬ trale; mais ils ne pourront prononcer le renvoi qu’ après en avoir conféré avec le ministre de l’intérieur. Art. 16. « Pour cette fois-ci seulement, les directeurs principal et secondaire de l’établissement qui existe dans cette ville, rempliront, suivant le rang établi parmi eux, ces deux places : ils seront en outre tenus de continuer les fonctions qu’ils remplissent actuellement, jusqu’à ce que le concours qui s’établira leur) ait donné des successeurs. Art. 17. « Ils présenteront de suite un projet de règle¬ ment pour l’organisation de l’intérieur de la maison, et un aperçu des dépenses nécessaires, pour que cette école puisse recevoir ceux qui s’y présenteront pour y entrer. Art. 18. « La Convention nationale examinera le tout et. après son approbation, mettra au pouvoir du conseil exécutif, les fonds qui seront jugés nécessaires pour cet établissement. Art. 19. « Quand les élèves seront jugés assez instruits pour qu’on puisse leur confier un établisse¬ ment, Û s’ouvrira entre eux un concours public, qui assignera à chacun les places qu’ils devront y occuper. Art. 20. « Pour éviter tonte préférence dans l’organi¬ sation de ces établissements, et attendu l’impossibilité de les ouvrir tous en même temps, par le défaut d’instituteurs, il sera fait un tirage [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! 3 nivàse *n 'L 221 1 23 decembre!793 au sort des établissements qui devront être organisés les premiers. Art. 21. « L’établissement existant à Paris et celui décrété pour Bordeaux resteront en activité et seront complétés, avant que l’on s’occupe des autres, dans le cas où, pour former l’école, on y prendrait des sujets, ou en cas de vacance, par tout autre événement. Art. 22. « La Convention nationale invite tous les citoyens qui se sont occupés de l’éducation des sourds-muets de se présenter dans le plus court délai à l’école centrale, pour y occuper les places qu’elle a décrétées, et y perfectionner leur ins¬ truction. Art. 23. « Quand la place d’inspecteur principal vien¬ dra à vaquer, elle sera remplie de droit par l’inspecteur particulier. Art. 24. « Dans ce cas, la place d’inspecteur particu¬ lier, qui demeurera vacante, sera au concours, mais seulement entre les directeurs des établis¬ sements. Art. 25. « Ils se rendront tous à l’école, dans le mois de la mort de l’inspecteur général. Le lendemain de l’expiration du mois, le concours s’ouvrira en présence de six commissaires du conseil exécu¬ tif et de l’inspecteur général. Art. 26. « Celui qui réunira la majorité des suffrages sera nommé inspecteur particulier. Art. 27. « La place de directeur, que l’inspecteur promu occupait, appartiendra de droit à l’adjoint principal de la maison; celle-ci, au premier adjoint secondaire, et ainsi de suite jusqu’à celle de répétiteur surveillant, de sorte qu’ü ne se trouvera de vacante que la seconde place de répétiteur. Art. 28. « Celle-ci sera donnée au concours qui s’ouvrira de suite entre les élèves qui se trouve¬ ront à l’école ou qui en seront sortis après avoir achevé leur cours, en présence de trois commis¬ saires du conseil exécutif et de deux inspecteurs. Tous les citoyens qui auront acquis des lumières sur cette science pourront également être reçus au concours. Art. 29. « Il en sera de même, s’il vaque une place d’adjoint; elle sera remplie dans chaque maison par celui des instituteurs qui occupera immé¬ diatement le grade inférieur, et ainsi successi¬ vement, jusquà ce que la dernière place vacante soit remplie par celui que désignera le concours. Art. 30. « Le chef d’atelier, le maître d’écriture et les deux maîtresses surveillantes seront à la nomi¬ nation de l’agence. Art. 31. « Ils n’auront aucun droit au concours, ni à l’avancement dans les grades supérieurs. Art. 32. « L’établissement, pour tout ce qui ne sera point relatif à l’enseignement, sera sous l’ins¬ pection immédiate de l’agence et sous la sur¬ veillance des corps administratifs qui pourront, toutes les fois qu’ils le jugeront à propos, s’y transporter et requérir l’ exhibition des comptes et demander tous autres renseignements dont ils auront besoin. Art. 33. « Ces comptes seront rendus à la fin de chaque année à l’agence qui les signera et les adressera à la municipalité. Art. 34. « La municipalité les examinera et les enverra, avec ses observations, au district qui les fera passer, avec son avis, au département qui les arrêtera et les transmettra au corps législatif. Un duplicata en sera également donné au conseil exécutif. Art. 35. « Si les corps administratifs ont à former des plaintes, soit contre tous les instituteurs de leur établissement, soit contre quelques-uns d’entre eux, il les 'adresseront au conseil exé¬ cutif qui prononcera. Art. 36. « Il sera créé six établissements, dont le placement et l’arrondissement sont fixés par le tableau annexé au présent décret. Art. 37. « Dans chaque établissement, il y aura un directeur, un adjoint principal, deux adjoints secondaires, deux répétiteurs surveillants, deux maîtresses surveillantes, un chef d’atelier qui remplira en même temps les fonctions d’éco¬ nome, et un maître d’écriture. Art. 38. « Ces fonctions attribuées aux uns et aux autres seront exactement déterminées par le règlement que les inspecteurs, établis à l’école, 222 [Convention national#.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES S J nivôse an n * L I 23 décembre 1793 seront tenus de présenter incessamment à la Convention. Art. 39. « Tous les enfants sourds-muets, qui seront secourus par la nation, auront un droit certain à cette nouvelle espèce de secours. Art. 40. « A huit ans accomplis, les premiers secours qu’ils auront reçus, conformément à la loi du 28 juin dernier, cesseront, et ils entreront dans cet établissement. Art. 41. « Ils y trouveront tout ce qui sera nécessaire pour leur éducation physique et morale. Art. 42. « Il sera formé, dans chaque établissement, différents ateliers où l’on rassemblera les diffé¬ rents arts et métiers qui sont les plus pratiqués dans l’étendue de l’arrondissement : en consé¬ quence, l’agence consultera les différentes admi¬ nistrations des départements qui formeront l’arrondissement. Art. 43. « Les instituteurs présenteront successive¬ ment leurs élèves dans ces différents ateliers; ils s’attacheront à bien saisir les goûts naissants et les dispositions de chacun de leurs élèves, pour une profession plutôt que pour l’autre. Ils saisiront cette indication de la nature, pour placer chacun d’eux au posté qui lui convien¬ dra le mieux. Art. 44. -- « Plusieurs fois dans la semaine, les institu¬ teurs conduiront leurs élèves dans les cam¬ pagnes, et leur montreront les différents tra¬ vaux des champs. Ils s’attacheront à rappeler sans cesse les avantages de cette première de toutes les professions. Art. 45. « Ils rendront à l’agriculture tous ceux de ces enfants qui auront montré pour elle, du goût et de la préférence; une fois qu’ils auront accompli leur douzième année. Art. 46. « Dans ce cas, ces enfants jouiront du secours des 200 livres accordées par l’article 24 du titre Ier, § 1er de la loi du 28 juin dernier. îi leur sera payé dans le temps et dans les formes établis par l’article 25 du même titre. Art. 47. « Les autres enfants sortiront à l’âge de 16 ans accomplis. Art. 48. « Si quelques-uns de ces enfants montrent du goût et de l’aptitude pour les arts supérieurs à ceux qui seront enseignés dans l’établisse¬ ment, l’inspecteur en instruira le conseil exé¬ cutif qui demeure chargé de les placer de manière à ce qu’ils puissent se perfectionner dans cet art. Art. 49. « Tous les enfants secourus par la nation emporteront en sortant, soit de ces établisse¬ ments, soit des autres hospices établis par la nation, les linges et hardes à leur usage. Art. 50. « Il sera créé dans ces établissements, pour le développement du corps et l’amusement des enfants, tous les exercices gymnastiques que le comité d’instruction publique établira dans les écoles nationales. Art. 51. « Il sera pris toutes les précautions néces¬ saires pour que les mœurs se maintiennent pures et austères dans ces différents établisse¬ ments. « Les enfants des deux sexes qui y seront éle¬ vés auront en conséquence leurs logements sépa¬ rés, et ne se réuniront qu’au moment de l’ins¬ truction. Art. 52. « Il sera formé dans chaque maison deux infirmeries, pour y traiter séparément les enfants de l’un et de l’autre sexe, qui devien¬ dront malades. Art. 53. « L'officier de santé attaché aux hospices qui se trouveront dans la commune où sera placé celui des sourds-muets sera tenu de don¬ ner ses soins au traitement des citoyens reçus dans cette maison. Art. 54. « L’hospice des sourds-muets aura le droit d’aller prendre dans le dépôt de pharmacie le plus voisin, sur l’ordonnance de l’offlcier de santé, les drogues et médicaments dont il aura besoin pour chaque malade. Art. 55. « Tous les enfants qui seront reçus dans ces établissements seront inoculés, s’ils ne l’ont déjà été avant d’y entrer, par Poffioier de santé, à l’âge et dans la saison qu’il croira les plus convenables : en conséquence, il sera indi¬ qué dans chaque établissement un local tota¬ lement séparé de l’habitation des autres en¬ fants. [Convection nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. 2| dlctmbre" 1793 Art. S6. « Tous les ans, avant la répartition des secours accordés aux indigents de toute la République, il sera prélevé, sur la niasse totale, les sommes qui seront jugées nécessaires pour fournir aux dépenses de l’école centrale. Art. 57. « Il en sera également distrait les sommes nécessaires au soutien des établissements par¬ ticuliers, créés pour les sourds-muets. Art. 58. « Le traitement de l’inspecteur principal est fixé à 6,000 livres, celui de l’inspecteur parti¬ culier à 4,000 livres. Ils auront, en outre, un logement dans la maison. Art. 59. « Le traitement des instituteurs de chaque établissement est fixé : celui des directeurs à 3,000 livres; celui de l’adjoint principal à 2,400 livres; celui de chaque adjoint secondaire à 2,000 livres, et celui du maître d’écriture à 1,500 livres. Ils auront également leur logement dans la maison. Art. 60. « Le traitement de chaque répétiteur surveil¬ lant, du chef d’atelier, et celui de chaque maî¬ tresse surveillante à 600 livres. « Les uns et les autres auront leur habitation dans la maison, et y seront nourris aux dépens de la République. Art. 61. « Tous vivront à la même table et des mêmes mets qui seront servis aux sourds-muets. Art. 62. « Outre le traitement, il sera passé pour frais dé Voyage une sommé de 6 livres, par poste â celui des inspecteurs qui fera la tournée annuelle. Pendant son séjour dans chaque établissement, il y sera nourri aux dépens de la République, à la même table et avec les mêmes mets qui seront servis aux sourds-muèts. Art. 63. « Les différents traitements seront payés par trimestre. Art. 64. « Le surplus des sommes assignées à chaque établissement, Sera versé dans la caisse de l’agence. Art. 65. « Il y aura auprès de chaque établissement une agence de secours, composée de quatre citoyens et de Quatre citoyennes, pris dans la commune où l’établissement sera formé. Art. 66. « Les membres seront nommés et renouvelés dans les formes et dans le temps indiqués par la loi du 28 juin dernier. Art. 67. « Ils formeront, auprès de cet établissement, un conseil d’administration qui aura l’inspec¬ tion sur toutes les dépenses, et sur la ténue de la maison. Art. 68. « Ce sera cette agence qui ordonnera l’achat des matières premières nécessaires à l’entretien des ateliers qui seront ouverts dans ces maisons, et la vente des marchandises qui y seront ouvrées, et qui en recevra le prix. Art. 69. « Tous les sourds-muets, non indigents, qui voudront entrer dans ces établissements, seront reçus à l’âge indiqué pour les autres enfants, à la charge de payer la pension qui sera réglée tous les deux ans, par l’Administration du départe¬ ment; et alors le traitement, ainsi que l’habille¬ ment, sera le même pour tous. Art. 70. « L’établissement des soUrds-müets, actuel¬ lement existant dans la maison des ci-devant Célestins, sera incessamment transféré dans le ci-devant séminaire de Saint-Magloire, rue Saint-Jacques. « Le ministre de l’intérieur fera passer, dans le plus court délai, au comité des secours publics, l’état estimatif des dépenses nécessaires à ce changement, et la Convention mettra à sa dis¬ position, d’après le rapport qui lui. sera fait, les sommes qui seront jugées nécessaires. Art. 71. « Les corps administratifs des départements où seront placés les autres établissements feront également parvenir au comité des secours leurs projets, pour le choix d’un local commode et salubre, afin que la Convention puisse le leur assurer. Art. 72. « Les inspecteurs principal et particulier de l’école centrale ne jouiront que du traitement annexé à ces places, pendant tout le temps qu’ils exerceront des fonctions dans l’établis¬ sement de sourds-muets. Art. 73. « La Convention nationale déclare, au nom du peuple français, que voulant faire participer à ce géùie de secours tous les sourds-muets, 224 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 3 Sivô,®b1B JL de quelque nation qu’ils soient, elle fonde six places destinées aux citoyens de toutes les nations qui, voudront se consacrer, dans leur pays, à l’éducation de leurs concitoyens sourds-muets. Art. 74. x « Ces places seront données de manière que chacune d’elles soit occupée par des citoyens d’une nation différente, et qu’il n’y ait jamais en même temps deux citoyens d’un même pays. Tableau des communes où il sera établi des écoles pour l’éducation des sourds-muets, avec celui des départements compris dans l’arron¬ dissement de chacun de ces établissements. Paris : Nord, Ardennes, Aisne, Pas-de-Calais, Somme, Oise, Marne, Seine-et-Mame, Aube, Seine-et-Oise, Yonne, Loiret, Eure-et-Loir, Eure, Seine-Inférieure, Loir-et-Cher, Indre-et-Loire. Bordeaux ]: Bec-d’Ambès, Basses-Pyrénées, Hautes -Pyrénées, Ariège, Pyrénées-Orientales, Aude, Haute-Garonne, Tarn, Gers, Landes, Lot-et-Garonne, Dordogne, Charente, Charente-Inférieure, Vienne, Deux-Sèvres. Bennes : Ven¬ dée, Calvados, Orne, Sarthe, Maine-et-Loire, Mayenne, Manche. Clermont : Loire-Inférieure, Ille-et-Vüaine, Morbihan, Côtes-du-Nord, Finis¬ tère, Puy-de-Dôme, Indre, Cher, Nièvre, Saône-et-Loire, Allier, Creuse, Haute-Vienne, Corrèze, Rhône, Loire, Haute-Loire, Cantal, Lot, Avey¬ ron, Lozère, Isère. Grenoble : Ain, Mont-Blanc, Ardèche, Drôme, Hautes -Alpes, Alpes-Mari¬ times, Hérault, Gard, Hautes-Alpes, Var, Bou¬ ches-du-Rhône, Corse. Nancy : Meurthe, Meuse, Moselle, Bas-Rhin, Vosges, Haute-Saône, Haute-Marne, Côte-d’Or, Doubs, Jura, Mont-Terrible. AMEXE AU llAPPOltT DE MAIGNET Compte rendu à la Convention nationale, de ce qui s’est passé à l’établissement des sourds-muets, dans la séance tenue en présence des Membres du Comité de secours publics : présenté au nom de ce Comité, pour servir de suite au rapport de Mnignet sur les sourds-muets. (Im¬ primé par ordre de la Convention nationale (1). Le comité des secours publics, chargé de pré¬ senter à la Convention nationale l’organisation des établissements qu’elle se proposait de créer en faveur des �ourds-muets, a voulu s’assurer par lui-même jusqu’à quel point cette nouvelle espèce de secours pourrait être utile à celui à qui on allait l’offrir, et quels avantages la Répu¬ blique, qui allait en faire les fonds, pourrait en retirer. Plus la renommée élevait les procédés qui sont employés avec le sourd-muet pour le porter dans le sein de la société, plus le comité crut devoir se tenir en garde contre elle, afin de ne céder qu’au sentiment de la conviction. Il (1) Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l'Oise), in-4°, t. 33, n° 50. arrêta qu’il se transporterait dans l’établisse¬ ment qui est sous la direction du citoyen Sicard; son premier soin fut de laisser ignorer, et aux instituteurs et aux élèves, sa délibération, ainsi que le jour où' elle serait exécutée. En prenant ainsi à l’imprévu toute l’école, il fut assuré que ce qui allait se passer dans la séance ne pourrait être que le résultat du bon ou mauvais enseignement, et non le fruit d’une bonne ou mauvaise mémoire : mais il ne tarda pas à se convaincre que cette précaution était parfaitement inutile dans un établissement où, pour réussir, le nom même de charlatanisme doit être méconnu; où le grand art de l’institu¬ teur doit être d’étudier la nature auprès de son élève, de bien saisir les procédés qu’elle emploie pour lui faire parvenir le genre d’instruction qu’elle lui destinait, et d’employer fidèlement ces mêmes procédés pour lui transmettre l’édu¬ cation qui doit le civiliser, en mettant son élève à portée de rendre sensible et d’expliquer aux autres ce qu’il voit, ce qu’il sent. Il a bientôt réfléchi que là l’instruction n’est point le fruit de la mémoire, mais celui de la réflexion, du sentiment, et que conséquemment l’élève doit être également prêt à répondre à quiconque l’interroge, pourvu qu’il parvienne à se faire entendre, puisque sa réponse doit être toujours l’explication de ce qui se passe en lui. Aussi toutes les réponses que nous firent ces élèves étaient-elles le fruit de la méditation la plus réfléchie. Que n’étiez-vous tous présents, citoyens, à cette séance, pour partager la satisfaction que nous éprouvions à mesure que les développe¬ ments acquéraient plus d’intérêt ! Nulle de¬ mande n’arrêtait le citoyen Massieu, un des élèves du citoyen Sicard. Les réponses les plus ingénieuses et les plus justes étaient autant d’images qui peignaient au naturel la chose qu’il présentait; certes, les amis de la monar¬ chie auraient eu à rougir eux-mêmes du rôle qu’ils jouent sous un roi s’ils avaient lu la défini¬ tion que Massieu donna à cette question : Qu’était un roi f Votre comité a cru, citoyens, qu’il devait vous faire partager sa satisfaction, et qu’au moment où vous alliez vous occuper de la formation de ces établissements, il était de son devoir de vous présenter tout ce qui pourrait vous faire sentir de plus en plus la nécessité de soutenir, d’encou¬ rager, de propager cette découverte, l’une des plus étonnantes et des plus utiles qui aient été faites; le comité a engagé le citoyen Massieu de transcrire lui-même et de vous présenter le tableau d’une partie de cette séance. Il suffira pour vous faire connaître combien, en vous acquittant envers le sourd-muet, vous aurez encore travaillé pour toutes les autres classes des citoyens. Vous verrez, dans les quatre tableaux que le citoyen Massieu nous a remis, et que nous fai¬ sons imprimer à la suite de ce compte, le langage simple de l’homme de la nature, qui saisit le premier outil qui tombe sous sa main, qui se sert du premier mot qui s’offre pour exprimer sa pensée, sans se mettre en peine s’il l’emploie dans l’acception que l’usage lui a donnée; vous y remarquerez des qualités actives à la place de ce que nous appelons verbes, parce que dans le système de Sicard, qui est celui de l’homme sauvage, il n’y a d’autre verbe que le verbe être, et qu’ainsi le sourd-muet doit dire,