ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 novembre 1789.] 720 [Assemblée nationale.] grands-maîtres des eaux et forêts, tous extraits de procès-verbaux qu’il jugera nécessaires, pour être ensuite sur le tout statué par l’Assemblée nationale ce qu’il appartiendra. 12° line pourra être à l’avenir fait aucun bail d’église, ni aucune vente de bois, même taillis, appartenant aux gens d’église, qu’après trois affiches et publications de quinzaine en quinzaine, à la chaleur des enchères, et en présence des officiers municipaux des lieux. 13° Tous les baux et ventes de bois, consentis par le possesseur d’un bénéfice en la forme ci-dessus prescrite, sont exécutoires contre les successeurs au même bénéfice. M. de Cazalès. M. l’évêque d’Autun vous propose une vraie prise de possession. Vous ne pouvez vous emparer des propriétés d’uri corps, par lequel elles sont possédées depuis quatorze siècles, que dans des moments pressants, quand les moyens ordinaires sont reconnus insuffisants pour les besoins du royaume. Je demande l’ajournement des cinq articles, et je propose de s’occupera fixer la masse de ces besoins. M. l’abbé Maury. Vous avez décrété, au commencement du mois dernier, que des renseignements sur les biens ecclésiastiques seraient demandés à toutes les provinces. Pourquoi ne Sas attendre qu’ils soient donnés ? La motion de !. l’évêque d’Autun a déjà été présentée et discutée dans le comité ecclésiastique, qui l’a rejetée. Il serait bien extraordinaire de mettre tous nos biens en interdit. De toutes les opérations de la justice, l’inventaire est la plus dispendieuse. 11 sera gratuit ou rétribué. S’il est gratuit, il ne se fera pas ; s’il est rétribué, c’est unedépense aussi considérable qu’inutile. Une considération peut déterminer votre sagesse à s’en abstenir. Cet inventaire pourrait occasionner une insurrection subite, qu’il faut prévenir, loin de l’accélérer. Si, par une voie de fait, vous vous emparez des titres, vous arrêtez notre jouissance.... Il y a plus, vous avez décrété que nos biens étaient à la disposition de la nation : il y a loin d’une disposition à une prise de possession. Si c’est un acte conservatoire que vous voulez faire, il est inutile; personne n’est plus intéressé à la conservation de nos biens que les titulaires dont le sort dépend aujourd’hui de vous. Je propose de réduire la motion au seul article qui déclare que nos biens sont sous la sauvegarde de la nation. M. de Coulmiers, abbé régulier d’Abbe-court (1). Messieurs, Vous avez décrété, le 2 de ce mois, que la disposition de tous les biens ecclésiastiques appartenait à la nation. La seule chose qui l'intéresse est donc de connaître tous les biens dont elle peut disposer. Les moyens pour y parvenir ne sauraient vous être indifférents. Il est néanmoins des égards auxquels les ministres d’une religion sainte ont droit de prétendre : tout ce qui tend à les avilir diminue nécessairement, parmi les peuples, le respect de la religion elle-même, et affaiblit ce lien sacré des sociétés. Il est dans vos principes, Messieurs, de protéger, de défendre, et de ne pas avilir ni dégrader des individus qui ne sont pas coupables. (1) L’opinion de M. de Coulmiers n’a pas été insérée au Moniteur. Appelés à régénérer la France, à protéger le faible contre l’homme puissant, vos attentions se sont étendues jusque sur le malheureux criminel ; tous vos décrets posent sur les bases de la liberté et de l’humanité. Pourquoi recourir à des moyens humiliants et de rigueur, à des moyens toujours employés contre la fraude, tantôt pour empêcher des successions d’être spoliées, tantôt pour conserver à des créanciers le gage qu’un débiteur de mauvaise foi voudrait leur enlever? Pourquoi sans motif réel, sans prétexte plausible, recourir à ces moyens flétrissants, lorsqu’il en existe d’honnêtes, qui vous feront bien mieux atteindre le but que vous vous proposez. Vous désirez, Messieurs, avec justice et raison, une connaissance exacte de tous les biens ecclésiastiques ; ordonnez que les titulaires des bénéfices, les chefs des maisons religieuses, fassent un déclaration certifiée de tous leurs biens, et qu’ils en deviennent personnellement responsables. Quel serait l’effet de l’apposition des scellés suivis d’un inventaire? De garantir ce qui se trouverait compromis sous les scellés : de produire contre le titulaire la responsabilité des biens légalement constatés. Eh bien ! Messieurs, sa déclaration au contraire aurait un effet rétroactif, et le rendrait même responsable des divertissements qui l’auraient précédée; la fausseté de sa déclaration, tôt ou tard reconnue, présenterait un véritable corps de délit, auquel serait toujours applicable la peine déjà décrétée contre les coupables de divertissement. Il est donc vrai de dire que la déclaration exigée du titulaire lui impose des obligations infiniment plus étendues et plus strictes qu’un acte conservatoire qui lui est étranger. D’ailleurs, comment cette déclaration pourrait-elle être suspecte? Quelle est l’espèce de propriété sur laquelle le titulaire pourrait espérer de faire illusion ? Ce n’est pas sur les propriétés foncières et immobilières reconnues par tout un canton pour faire partie de tel ou tel bénéfice, surtout après le décret qui met à la disposition de la nation les propriétés ecclésiastiques sous la surveillance des pravinces ; ce ne peut pas être sur les propriétés mobilières destinées au culte : un grand nombre de témoins découvriraient cette infidélité grossière ; Depuis surtout que vous avez excité la vigilance des fabriques, des municipalités, des peuples mêmes, en invitant à porter aux hôtels des monnaies les objets d’orvet d’argent superflus à la décence du culte. Serait-ce sur le mobilier à l’usage des personnes des religieux ou religieuses? Mais ces, objets ne sont vraisemblablement pas entrés dans vos vastes combinaisons. Us sont trop au-dessous de la dignité de l’Assemblce, qui ne voudra pas s’occuper d’objets si minutieux, et dépouiller les titulaires, même les plus inutiles , en les réduisant au dénûment le plus absolu. De plus, ceux qui ont le plus à craindre les suppressions semblent encore avoir un intérêt plus particulier à ne rien omettre dans leurs déclarations, puisque le tiers du revenu du bénéfice applicable à l’entretien et à la subsistance du titulaire doit, au moins, dans tous les cas, lui être conservé, et que ce tiers ne peut être déterminé que proportionnellement à la masse totale du revenu. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. L Ainsi donc, Messieurs, puisqu’il est démontré que les déclarations des titulaires doivent donner une connaissance plus parfaite et plus exacte des biens du clergé, que celle de l’apposition des scellés suivis de l’inventaire, je conclus que, pour empêcher le divertissement des titres, et l’enlèvement des effets appartenant aux églises et sacristies, les titulaires des bénéfices, chefs de communauté et tous autres possédant biens ecclésiastiques, seront tenus de faire dans le plus bref délai leurs déclarations de toutes leurs possessions et effets dépendant des sacristies et églises de leurs bénéfices, ou maisons d’ordre, dont ils seront personnellement garants et responsables envers la nation. M. Target. 11 n’est pas question d’une prise de possession, mais d’un acte d’administration, d’inspection et de conservation. La motion de M. l’évêque d’Àutun n’est donc pas susceptible d’ajournement. M. l’abbé de Montesquiou. L’Assemblée a le droit d’ordonner l’apposition du scellé sur les chartriers et de faire faire l'inventaire du mobilier ; mais je pense que, si ces dispositions pouvaient être utiles, elles seraient déjà tardives, et qu’en montrant de la confiance, on empêcherait plus sûrement le divertissement que l’on paraît redouter. Ondemande l’ajournement de toutes les motions présentées dans le cours delà séance. M. Barnave.On vient de reconnaître que vous avez droit et intérêt à délibérer sur la conservation des biens ecclésiastiques ; on a dit qu’on avait eu le temps d’emporter des titres, c’est un fait qu’il faut empêcher au plus tôt de se reproduire, aussi je demande qu’on délibère sur-le-champ sur la motion de M. l’évêque d’Autun et qu’on ajourne les autres. La motion de M. Martineau est ajournée. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide qu’elle délibérera immédiatement article par article sur la motion de l’évêque d’Autun. Les suffrages ont été pris sur l’ajournement du premier article de la motion ; l’Assemblée l’a ajourné. Sur le second article de la même motion, l’Assemblée a rejeté l’ajournement, et elle a décrété ce second article dans les termes suivants : « Les biens ecclesiastiques, les produits et récoltes, et notamment les bois, sont placés sous la * sauvegarde du Roi, des tribunaux, assemblées administratives, municipalités, communes et gardes nationales, que l’Assemblée déclare conservateurs de ces objets, sans préjudicier aux jouissances des titulaires ; et tous pillages, dégâts et vols, particulièrement dans les bois, seront poursuivis contre les prévenus, et punis sur les coupables, des peines portées par l’ordonnance JL des eaux et forêts, et autres lois du royaume ». Sur le troisième article, l’Assemblée a rejeté l’ajournement, et a décrété ce troisième article en ces termes: « Les personnes de toute qualité, o coupables de divertissement, soit d’effets, soit de titres attachés aux établissements ecclésiastiques, seront punies des peines établies par les ordonnances contre le vol, suivant la nature des circon-\ stances et l’exigence des cas. » ° Sur le quatrième article, l’Assemblée a de même rejeté l’ajournement, et a décrété ce quatrième article dans les termes suivants : ir* Série, T. IX. 1 r [9 novembre 1789.] 721 « Sans préjudice des poursuites qui seront faites par les officiers des maîtrises, dans les matières de leur compétence, les juges ordinaires sont tenus de poursuivre, par prévention avec les maîtrises, les personnes prévenues de ces délits, et donneront, ainsi que les procureurs du Roi des maîtrises, dans les matières de leur connaissance à l’Assemblée nationale, des dénonciations qui leur seront apportées, et des poursuites qu’ils feront à cet égard. » Sur le cinquième article, l’Assemblée a encore rejeté l’ajournement, et a décrété ce cinquième et dernier article de la première motion, ainsi qu’il suit : « Il sera particulièrement veillé par les officiers des maîtrises à ce qu’il ne soit fait aucune coupe de bois contraire aux règlements, à peine d’être responsables à la nation de leur négligence. L’Assemblée a ensuite été aux voix sur la proposition d’ajourner la motion de M. Treilhard relative à la suspension de la disposition des bénéfices autres que les archevêchés, évêchés, dignités et canonicats des églises cathédrales ; et elle a rejeté l’ajournement. Ensuite plusieurs amendements qui ont été successivement proposés ayant paru de nature à prolonger la discussion, il a été proposé d’ajourner la continuation de l’examen de la matière à lundi prochain à deux heures ; ce qui a été adopté. M. le Président a représenté que le règlement prescrivait à l’Assemblée de procéder aujourd’hui à la nomination d’un nouveau président et de trois secrétaires, dont le temps est expiré; mais l’Assemblée, ayant éprouvé l’embarras de faire des élections dans le local où elle se trouve maintenant, et l’heure étant d’ailleurs trop avancée, a arrêté qu’elle y procédera lundi, lorsqu’elle sera séante aux Tuileries. M. le Président lève la séance. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS. Séance du lundi 9 novembre 1789 (1). (Dans la salle du Manège aux Tuileries.) M. le Président a rendu compte de l’acceptation et de la sanction royale apposées aux décrets de l’Assemblée nationale. Il a été arrêté que, dans la formule des lois, les décrets de l’Assemblée seraient copiés sans intitulé ; qu’elles seraient envoyées au nom du pouvoir exécutif à tous les tribunaux et à toutes les municipalités, par les voies que le gouvernement jugerait à propos d’employer; qu’enfin le pouvoir exécutif se fera certifier l’envoi des lois, et qu’il en justifiera à la réquisition de l’Assemblée. Il a été pareillement arrêté qu’il serait délivré à chaque député une carte signée des secrétaires et destinée à constater sa qualité. 11 en sera remis d’autres pour faire reconnaîire les suppléants, les députés du commerce et ceux de la commune de Paris. Les billets d’entrée pour les personnes étrangères à l’Assemblée seront remis au secrétariat chaque jour, et délivrés sans distinction à (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 46