[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mars 1791.] primes anciennes soient conservées, mais qu’elles soient augmentées de 3 livres par quintal pour les importations qui seront faites à l’étranger. M. Moreau de Saint-Méry. Ce n’est qu’avec une extrême surprise que j’ai entendu la nouvelle théoiie qui vous a été présentée par l’un des p éopinants sur la prime. Il vous a dit, par exemple, que c’était un moyen de favoriser l’intrigue, et des instruments visiblement indignes de la faveur d’une administration sage. Je soutiens, moi, que les primes sont des germes de prospérité publique; et, sans m’occuper de les considérer en général, je m’arrêterai à celle destinée à !’eocouragement des pêches. Les désavantages de la pêche nationale, comparée à celle des étrangers, sont produits par la nature, supérieure à toutes les institutions. En eft'e1, vous ne sauriez empêcher que l’Amérique septentrionale ne soit plus voisine que vous des lieux de pêche, et que l’Angleterre n’ait dans ces établissements maritimes une supériorité réelle. Dira-t-on : il n’y a qu’à abandonner la pêche; ce ne serait pas voir «m homme d’Etat, en homme qui a jeté des regards étendus sur l’ensemble d’un grand Empire. Je suppose que vous ayez abandonné la pêche pendant une longue paix, au moment de la guerre vous seriez privés de matelots, dont la pêche est l’école; et parce que cet’e école n’en aura pas produits, et par.- m que les anciens auraient porté leur industrie chez des nations riveles.. Comment réaliseriez-vous alors des opérations militaires ou commerciales, relatives. à la conservation de vos colonies? Si vos faibles convois sont enlevés, si vos armateurs sont ruinés, qui donnera lieu à la consommation des objets de votre agriculture et de vos manufactures? Ce n’est pas tout : vos colonies privées de secours, parce que votre marine sera faible et impuissante, se verront contraintes d’ouvrir leurs portes aux étrangers, et les denrées coloniales deviendront l’objet de leurs immenses projets; que de maux! Voilà ce qu’offre la renonciation aux primes. Quant aux 3 livres d’augmentation qui vous sont demandées par quintal de morue importée à l’étranger, il m’est facile d’en prouver la nécessité par ce qui s’est passé aux îles du Vent. Dans celle que je représente, la pêche nationale, malgré la prime, malgré le droit énorme et maladroit, il est vrai, mis sur les morues étrangères, n’a jamais pu soutenir la concurrence, et la Martinique n’a pas reçu d’elie le sixième de la consommation. Jugez du bénéfice de l’étranger. Hâtez-vous donc d’encourager notre pêche, que le commerce ne peut faire sans encouragement: et pour tout dire, si vous arrêtiez les armements, les fonds iraient se placer dans les spéculations de pêche chez l’étranger. Le profit serait perdu pour l’Etat, et vous auriez négligé sou véritable intérêt. D’après ces motifs, j’appuie de tout mon pouvoir la demande de la prime nationale et celle de l’augmentation de 3 livres par quintal de morue importée à l’étranger. ( Applaudissements .) M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Je demande que les comités réunis d’agriculture et de commerce et de marine présentent incessamment à l’Assemblée un règlement sur la distribution des primes, qui puisse obvier aux fraudés 715 qu’il serait possible de faire sur les morues achetées de l’étranger. M. Mougins de Roquefort s’oppose à l’augmentation des primes et demande leur continuation sur l’ancien pied. (La discussion est fermée.) L’Assemblée ajourne l’article premier du projet de décret et décrète les deux autres dans les termes suivants : Art. 1er (art. 2 du projet). « Les primes et encouragements dont jouissaient les pèches de la morue, tant pour les expéditions faites à la côte occidentale de fîle de Terre Neuve, que pour l’importation de la morne en Espagne, Portugal, Italie, au Levant et aux colonies fançaises de l’Amérique, seront continuées, en s-e conformant rigoureusement aux formalités qui étaient prescrites pour les obtenir et le payement en sera continué de l’époque où il a cessé. Il sera de plus payé, à l’avenir, une prime additionnelle de 3 livres” par chaque quintal de morne sè.'he qui sera portée en Espagne, en Portugal, en Italie et au Levant. Art. 2 (art. 3 du projet). « Il sera accordé une prime de 6 livres par baril de harengs de pèche française, exportés en Suisse, en Portugal, en Espagne, en Italie, au Levant et dans les colonies françaises de l’Amérique, en se conformant aux formalités prescrites pour assurer la destination de la morue. « L’Assemblée nationale charge ses comités de lui présenter incessamment un projet de règlement sur les moyens de prévenir les fraudes que l’on pourrait faire sur les morues achetées chez l’étranger. » M. Moreau de Saint-Méry. Lorsque l’Assemblée nationale a jugé nécessaire d’établir un comité particulier d’agriculture et de commerce, elle a voulu qu’il lût composé d’un député par chacune des anciennes généralités du royaume. Saint-Domingue, la seule des colonies qui fut re-pré-entée alors dans l’Assemblée nationale, a donné un député comme une généralité. Les colonies du Vent de l’Amérique diffèrent de Saint-Domingue par leur culture, par la nature de leurs impôts, et même de leur commerce. Je supplie l’Assemblée d’autoriser lés députés de colonies à désigner entre eux celui qu’ils croiront devoir envoyer à ce comité et d’ordonner qu’il lui sera adjoint. M. Roussillon, au nom du comité d'agriculture et du commerce, appuie celte motion. (La motion de M. Moreau de Saint-Méry est dé-crétéé.) MM. Rivière et Camusat de Relowbré, demandent des congés. (Ces congés sont accordés.) M. le Président. Je vais donner connaissance à l’Assemblée d’une lettre de M. le ministre de l’intérieur relative au traitement à faire aux ci-devant préposés à la perception des droits d'aîdés, entrées des villes , tabac, etc. « Monsieur le Président, la suppression des impôts de la gabelle et du tabac, des droits des aides et d’entrées dans les villes, va livrer un grand nombre de familles aux horreurs de Hindi- 716 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 11 mars 1791.) gence etdes besoins. Les agents de quelques-unes de ces perceptions ont mis sous les yeux de l’Assemblée nationale le tableau de la situation pénible à laquelle ils sont réduits; mais je ne puis me dispenser de rappeler également à son intérêt la portion beaucoup plus nombreuse de ceux qui attendent sa décision dans le silence du respect et de la confiance. « Je supplie l’Assemblée nationale de considérer que la plupart de ces préposés se trouvent aujourd’hui, par la nature même des fonctions qu’ils remplissaient, écartés au moins pour quelque temps de toute autre ressource; que le traitement qui leur était attribué leur présentait généralement à peine le moyen de fournir à leurs plus pressants besoins. L’assurance d’un secours momentané qui puisse adoucir les privations qu’ils éprouvent, et dont l’Assemblée réglera la mesure suivant la nature et la durée de leur mission, est la seule grâre que je me permettrai de demander pour eux. Un grand nombre d’entre eux est dépositaire de renseignementsimpoi tants ; ils ont dans les mains les principaux éléments de la comptabilité, plusieurs ont des comptes à rendre, des fonds à remettre au Trésor royal ou à recouvrer sur les contribuables : ainsi la reconnaissance que leur inspireront les bienfaits de l’Assemblée, ne sera pas perdue pour la chose publique. « Je suis persuadé, Monsieur le Président, qu’elle trouvera dans sa sagesse et dans sa justice plus de motifs que je ne puis en présenter pour prévenir le désespoir, l’expatriation de près de 10,000 familles qui seraient en un instant privées de toute ressource. « Je suis, etc... « Signé : Delessart. » Un membre : Le comité des finances est déjà saisi de cette affaire ; il faut lui renvoyer cette lettre. (L’Assemblée décrète le renvoi de la lettre de M. Delessart au comité des finances.) L’ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur l'organisation du ministère. M. Démeunier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, avant de discuter l’organisation du Trésor public, dont le comité des finances a donné le projet, vous avez voulu connaître les vues du comité de Constitution sur l’organisation du ministère. Cetie question importante ayant des rapports intimes avec les décrets qui compléteront l’organisation des corps administratifs, nous faisons imprimer en même temps ces deux parties de travail, et vous y trouverez les lois fondamentales, qui doivent assurer, diriger et contenir la marche du gouvernement. La personne du roi est inviolable et sacrée. Par une heureuse fiction, on suppose que le roi, agissant en qualité de chef de l’administration générale, veut toujours le bien, et il ne présente ainsi aucune garantie par lui-même. Mais, comme il faut asseoir les institutions politiques sur des fondements assurés, une loi constitutionnelle doit établir que le pouvoir exécutif n’agira, en matière d’administration, que par l’intermède de plusieurs agents, appelés ministres, qui répondront de tous les actes publics du roi. D’après ce principe, comment maintenir d’une part la dignité et la prérogative royales, nécessaires à la liberté et au bonheur d’un peuple nombreux; et de l’autre, comment concilier l’énergie et la rapidité d’administration, sans lesquelles une grande nation ne saurait exister, sous le même régime, avec le droit imprescriptible qu’a cette même nation de contenir dans les born s de la loi tous les actes du gouvernement? Tel est le problème qu’il s’agit de résoudre. Pour ne rien préjuger sur des questions délicates, nous devions soigneusement circonscrire nos idées, et nous renfermer dans un plan tracé avec précision; c’est ce que nous avons tâché de faire. Ainsi, par exemple, nous n’examinerons point si les ministres peuvent être membres du Corps législatif; si, durant les vacances de ce corps, vous accorderez au roi un vote de crédit pour les dépenses extraordinaires. Nous laissons également, dans son entier, la question de la nature des réparations ou des peines à prononcer contre les ministres manquant à leurs devoirs; s Ile est réservée pour le moment où l’on discutera les principes du code pénal et leur application. Le nombre des ministres est le premier point à examiner. Une seule difficulté se présente. Y aura-t-il un ministre des colonies? Et, en se décidant pour l’affirmative, doit-on déterminer ses fonctions, avant que la constitution des colonies ait été décrétée par l’Assemblée nationale ou le Corps législatif de la métropole? L’importance des colonies, la multitude d’affaires qu’elles apporteront au gouvernement, les modifications que vous avez promises, et qui sont nécessaires touchant leur régime et leurs lois, demandent un ministre occupé uniquement de cette administration. D’autres considérations relatives à la bonté du service, aux soins éclairés qu’on doit prendre d’une partie si précieuse de l’Empire, aux moyens les plus sûrs de lui rendre toujours justice, ne laissent aucun doute sur la question. Enfin, par l’établissement d’un ministre des colonies, la métropole aura non seulement plus de moyens de montrer sa constante affection pour les colons français, mais il en résultera des avantages sans nombre en faveur de l’agriculture et du commerce du royaume. Loin de différer cet utile établissement, des raisons, tirées de la nature même des choses, et ensuite des circonstances actuelles, prescrivent de l’accélérer. Vous êtes instruits des troubles qui affligent les colonies; ce moment d’erreur passera; vos dernières mesures y rétabliront sans doute la paix; mais, dans votre sollicitude pour leur bonheur, vous voulez, par un examen approfondi de leurs griefs, prévenir le retour de ces divisions, qu’on peut bien dire fondées sur des malentendus. 11 faudra prononcer sur des plaintes de tous les genres: de part et d’autre on formera des prétentions qui ne peuvent être réglées que par vous. Ce n’est pas tout encore, les troubles dont je viens de parler, affligeants sous plus d’un rapport, différeront inévitablement la constitution des colonies, et cependant vous désirez les faire jouir promptement de la liberté et de la prospérité qui en est la suite. Pour remplir ces vues, pour saisir la vérité, dans des discussions qui seront épineuses et même obscures, à raison de la distance des objets, vous aurez besoin des renseignements et des détails dont le gouvernement est dépositaire, et Ion peut assurer que le même ministre, surchargé tout à la fois par le travail relatif à la marine, et par celui qui regarderait les colonies, se trouverait dans l’impuissance de bien remplir des fonctions si multipliées. Le département de la marine offrant seul des détails infinis, tou3