SÉANCE DU 16 VENDÉMIAIRE AN III (7 OCTOBRE 1794) - Nos 5-6 361 Représentants, On cherche à vous tromper sur la situation politique de la République. De toutes parts, dit-on, l’aristocratie lève une tête audacieuse, opprime le patriotisme et menace de s’élever sur ses ruines; on n’a pas craint d’avancer que la contre-révolution étoit faite dans les départe-mens de l’Ouest. Eh quoi! parce que nous nous sommes réjouis de la chute du plus lâche, du plus fourbe, du plus cruel et du plus scélérat des hommes; parce que nous avons annoncé d’avance l’espoir flatteur de voir le règne de la justice s’établir sur les débris sanglants de la plus affreuse tyrannie, parce que nous avons tous juré mieux aimer périr que de courber la tête sous le joug d’usurpateurs sanguinaires, on nous accuseroit de contre-révolution !... Représentants, vous nous ferez justice de cette calomnie ou de cette erreur. Le hazard nous a placé sur les frontières de la Vendée : mais un tel voisinage n’a point refroidi la chaleur de notre patriotisme. Exalté au contraire, par le tableau des horreurs commises par les ennemis de la révolution, par le sang de nos frères que nous avons vu couler en combattant les rebelles, il se fronce devant la tyrannie et menace de briser dans sa réaction le trône abominable sur lequel elle voudroit fonder sa puissance. Représentants, nous vous le répétons : on s’agite en tous sens pour égarer l’opinion publique. On fait de coupables efforts pour borner le nombre des patriotes à ces hommes que le remords accable et qu’effraye le retour de la justice. Ces hommes le fléau de leur patrie, les aristocrates les plus dangereux pour la République voudroient comprimer les élans sublimes de la vertu de la raison et de la vérité : ils voudroient qu’elle fut muette cette voix qui leur crie : Votre règne est passé parce qu’ils savent que bientôt, faisant connoître à tous, les maux qu’ils ont causé, la france épouvantée d’avoir produit de tels êtres se soulèveroit et les pré-cipiteroit dans les ombres de la mort. Représentants, vous ne souffrirez pas que la révolution du 9 au 10 thermidor tourne à l’avantage de ces vils suppôts de Robespierre. C’est le génie de la Liberté qui l’a enfantée, c’est à lui à la consolider. Aidés de ses inspirations fondez cette liberté sur des bases inébranlables. Il n’en est pas de plus fermes, ni de plus solides que celles de la justice. Une fois assise sur de pareils fondements, et confiée à la garde de tous les vrais amis de la République, ils auroient beau faire les despotes de l’intérieur, ces hommes souillés de tous les forfaits, leurs efforts criminels seront comme les vagues qui viennent se briser avec fracas contre des rochers indestructibles. Salut et fraternité. Delaroy, agent national et huit autres signatures. 5 La société populaire de Mailly-le-Vi-neux, district d'Auxerre [Yonne], témoigne sa reconnoissance à la Convention nationale sur la chûte du traître Robespierre et de ses infâmes complices; l’invite à rester à son poste pour consolider la souveraineté et le bonheur du peuple, et jure de lui être constamment attachée ; elle félicite en même-temps les braves Parisiens des nouvelles preuves d’amour pour la liberté et de dévouement à la représentation nationale, qu’ils ont données dans les journées mémorables des 9 et 10 thermidor. Cette société se plaint de ce que la loi du maximum est par-tout violée ; elle termine par donner connoissance qu'indépendam-ment de l’argenterie, cloches, linges et or-nemens d’églises que cette commune a fait passer au district, elle a aussi envoyé à titre d’offrande, pour les braves défenseurs, 19 draps, 39 chemises, 134 aunes de toile, une culotte de peau et 11 L en assignats. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi, pour le surplus, au comité de Commerce (8). 6 La société populaire de Lescar, département des Basses-Pyrénées, après avoir félicité la Convention nationale sur la chûte du dernier tyran, lui dit : Quel nouveau Robespierre voudroit encore élever sa tête audacieuse au-dessus de ses concitoyens? Aucun, sans doute, ne concevra un projet aussi insensé. Avons-nous chassé les Tarquins, pour souffrir des Caligula et des Néron? Non : périsse quiconque songeroit seulement à se frayer le chemin de la tyrannie à travers les cadavres de ses frères ! Périssent les accapareurs des places, les usurpateurs de la parole et de la tribune, les oppresseurs de l'opinion, et les dominateurs de toute espèce, déclarés ou hypocrites ! Mention honorable, insertion au bulletin (9). [La société montagnarde régénérée de Lescar à la Convention nationale, s. d.~\ (10) Citoyens représentans, Un nuage lugubre triste présage des tempêtes couvroit l’horizon politique de la france, (8) P.-V., XLVII, 2-3. Bull., 24 vend, (suppl.); Bull., 25 vend, (suppl.). (9) P.-V., XLVII, 3. Bull., 24 vend, (suppl.). (10) C 322, pl. 1352, p. 10.