ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 février 1791.J 180 [Assemblée nationale.) noncer que dans le district d’Epernay, sur 70 ecclésiastiques, 60 ont prêté le serment ; que, dans le même district, des biens nationaux estimés 650,000 livres ont été vendus 1,160,000. ( Applaudissements.) Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des juges composant le tribunal du district de Saint-Yrieix. Adresse de M. Viochot, curé de Maligny, membre de l’Assemblée nationale, absent pour cause de maladie, qui fait hommage du discours patriotique qu’il a prononcé lors de la prestation de son serment civique. Il exprime le vœu de voir arriver le terme de ses douleurs, afin de reprendre ses fonctions de député. Adresse de M. Grignon, maire de Rougemont, département de la Côte-d’Or, qui fait hommage à l’Assemblée d’un manuscrit contenant des observations militaires, géographiques, d’histoire naturelle, sur les frontières du Dauphiné. Adresse des officiers municipaux de la commune de Fretigny, contenant un arrêté contre un ouvrage incendiaire. Discours patriotique qui a précédé le serment civique de M. Hollier, ci-devant chanoine de Saint-Emilion, et de M. Ducruzel, aumônier du régiment national de cette ville. Adresse du curé de Notre-Dame d’Eu, qui annonce que les ecclésiastiques fonctionnaires publics qui avaient refusé de prêter serment le 30 janvier, s’y sont soumis presque tous le 6 février. Adresse de M. Bruslon, chanoine du ci-devant chapitre de Langeuis-Touraine, qui prête entre les mains de l’Assemblée le serment civique. Adresses des officiers municipaux de Saint-Ouen, du Pont-Gheuil, d’Oussey, district de Mon-targis, d’Hengueville, district d’Andely, deSaint-Gybardeau, des villes de Chevreuse, de Mon-treuil-sur-Mer, de Louviers et deBagnères, enfin de la garde nationale d’Abrecheville, département de la Meurthe, qui annoncent que les curés et autres fonctionnaires publics des différentes paroisses de ces villes et communautés, ont prêté le serment civique selon les formes prescrites. La municipalité de Bagnères demande si les ci-devant prebendés et religieux qui exerçaient les fonctions publiques de la confession et prédication sans être salariés, peuvent à l’avenir exercer les mêmes fonctions sans avoir prêté le serment civique. Adresse des curés d’Epineuil, département du Cher, de Vezelay, département de l’Yonne, de Hesse, département de la Meurthe, et du vicaire de Cherac, département de la Charente-Inférieure, qui s’empressent de présenter à l’Assemblée les prestations de leur serment civique. Ils manifestent une admiration respectueuse pour-la constitution civile du clergé. M. le Président. Une députation des docteurs agrégés de la faculté de droit de l’Université de Paris demande à être admise à la barre. (La députation est introduite.) L'orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, les docteurs agrégés de la faculté de droit de Paris, que vous daignez admettre devant vous, viennent dénoncer à votre vigilance une loi qui depuis longtemps a paralysé l’enseignement de la jurisprudence et qui empêche qu’aujourd’hui nous n’expliquions vos décrets avec la solennité qui convient à la Constitution française. » Sans doute les docteurs, membres des facultés de droit, ne peuvent s'empêcher d’hono-rer ceux de leurs confrères qui, siégeant dans cette illustre Assemblée, ont signalé leur savoir pour le service de la patrie ; sans doute ifs se réjouissent d’un nouvel ordre de choses qui compense la diminution de leur fortune et la perte de leurs titres, par l’espérance qu’ils doivent concevoir que leurs talents auront à l’avenir un emploi plus utile. Mais ils n’ont point encore élevé la voix pour développer la philosophie de ce droit public qui adonné à la nation française la liberté que, jamais, jusqu’à nos jours, un grand peuple n’avait pu obtenir. Les élèves de l’université d’Angers ont les premiers sollicité publiquement cet honneur; ils ont montré que l’homme a été remis par vos mains, dans cet état de liberté qu’il tient de son Créateur. « Nous avons espéré que la Constitution étant près de s’achever nous pourrions entreprendre davantage. Notre qualité de docteurs agrégés nous fait partager toutes les fonctions des professeurs de droit; celle d’enseigner publiquement nous est attribuée, quand ils ne peuvent le faire; la liberté que vous avez rendue à chacun de répandre des opinions utiles, surtout celles qui sont d’un intérêt général, paraissait ajouter à nos pouvoirs particuliers. « Nous avons d’abord cru qu’il nous serait permis de suivre les mouvements de notre patriotisme. Nous nous préparions à donner des leçons publiques sur ces questions qui occupent tous les citoyens, et dont la solution est si importante pour le bonheur de la nation, savoir ; par exemple, quel est en France et quel doit être le souverain ; si le gouvernement en est distinct et lui est subordonné; ce qu’on doit entendre par cette idée de suprématie jointe à celle de chef, dans le pouvoir exécutif; si les pouvoirs partiels qui lui sont soumis peuvent agir les uns sur les autres; s’ils sont tenus de prendre les ordres, ou de la loi seule, ou de ce chef suprême; si, pour déployer la force publique, ils doivent consulter le chef, ou s’ils peuvent contrarier ses ordres. « Mais nous avons reconnu que notre zèle était dans l’impuissance de servir la chose publique. Il existe, Messieurs, une loi positive qui permet aux seuls professeurs d’élever la voix. Cette loi nous serait opposée et punirait avec sévérité de fidèles citoyens. Elle a été portée par le plus absolu de nos rois ; et probablement, Messieurs, l’intention de ce monarque était aussi de défendre aux docteurs agrégés d’enseigner publiquement rien de pareil à vos principes. « Louis XIV, dans un édit du mois d’avril 1679, article 5, s’exprime ainsi : « Défendons à toutes personnes autres que les-dits professeurs , d’enseigner et de faire leçon publiquement du droit civil et canonique, à peine de 3,000 livres d’amende, applicables, moitié aux professeurs, et l’autre moitié à notre profit, d’être déchus de tous les degrés qu’ils pourraient avoir obtenus et d’être déclarés incapables d’en obtenir aucuns à l’avenir ; ce que nous voulons avoir aussi lieu contre ceux qui prendroient les leçons desdits particuliers. » » De nos jours, un arrêt du parlement de Paris, du 23 mars 1765, a jugé conformément à cet édit. « Cette loi n’a absolument aucune proportion (Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 février 1791.] raisonnable avec ce prétendu délit, surtout quand on l’applique aux docteurs agrégés, dont elle reconnaît la capacité et l’expérience. « Un des premiers vices de cette loi, c’est d’éteindre l’émulation, qui, dans la concurrence aurait animé les professeurs. Par cette loi, dans la plupart de nos facultés de droit, les classes sont désertes; par cette loi, les docteurs agrégés gémissent d’être dans l’impossibilité d’expliquer aux citoyens la nouvelle Constitution, dont tous les bons Français, même avant la Révolution, avaient entrevu le principe, mais dont tous désirent qu’on leur explique la théorie : c’est par la liberté, dont nous réclamons l’exercice, que le public apprendra insensiblement à saisir l’ensemble de ce grand ouvrage, qui, Messieurs, vous assure un rang élevé parmi les législateurs. « Ainsi nous venons vous prier d’abroger l’article 5 de l’édit du mois d’avril 1679, portant règlement pour l’étude du droit canonique et civil, quant à la défense faite aux docteurs agrégés des facultés de droit, de donner, sur les lois, des leçons publiques. « Nous allons, si vous le permettez, remettre sur le bureau l’édit du roi et l’arrêt du parlement. « Pour ne point borner l’utilité de ces leçons, mais l’étendre de plus en plus dans tout le royaume, nous saisissons, Messieurs, l’instant où vous allez poser les bases des études publiques, pour avoir l’honneur de vous présenter un plan général d’enseignement de droit public et privé. Nous avons lieu d’espérer qu’il se liera aisément avec les idées qui dirigent le comité de Constitution : le droit public y tient le premier rang : son enseignement y est réparti graduellement, et pour les localités, et pour la manière de l’expliquer, à commencer par les villes des départements qui doivent l’inspecter, jusque dans ces divisions des campagnes, qui touchent aux premiers éléments de la représentation du peuple français. L’utilité des différentes espèces de droit privé y est aussi discutée, tant relativement aux matières dont il est composé, qu’aux diverses époques où elles doivent être enseignées ou abandonnées. « Si vous daignez, Messieurs, l’admettre pour être examiné, votre amour pour le bien public agréera le sacrifice de nos intérêts particuliers, et la patrie reconnaîtra que les docteurs agrégés de la Faculté de droit de Paris sont au nombre de ses plus zélés défenseurs. » Signé : Berthelot, homme de loi, docteur agrégé de la Farulté de droit de Paris, au nom des docteurs agrégés de cette Faculté. M. le Président répond : « Messieurs, c’est parmi les maîtres éclairés de l’art, que les productions humaines trouvent leurs meilleurs juges; sous ce point de vue, notre nouvelle Constitution mérite une estime particulière de la part dosjurisconsultes, comme elle a des droits à votre attachement, en vous considérant seulement comme citoyens. L’Assemblée nationale reçoit avec intérêt l’expression de vos sentiments à ce double égard. « Nous approchons de l’instant où la plus grande partie du droit public et privé, qui nous a régis jusqu’à ce jour, sera mêlée dans ces vastes ruines dont nous nous voyons environnés. Il ne restera plus guère à notre usage, de l’ancienne jurisprudence, que ces vérités éternelles, qui, prises dans la nature de l’homme et de la société, voient tout changer autour d’elles, 181 sans jamais changer elles-mêmes, et qui sont le principe de toute régénération durable. « Le droit naturel a été le tronc primitif de toutes les tiges de cette science générale, qu’on appelle Droit : mais des branches parasites ont fini par étouffer l’arbre. Il a fallu les abattre; il faudra descendre jusqu’aux racines pour faire pousser partout des rejetons sains et vigoureux. (. Applaudissements .) « Beaucoup de choses sont faites sur cette matière; beaucoup soDt à faire. Notre droit particulier n’exige pas de moindres réformes, que notre droit public n’en a éprouvé. Nous avons déjà fourni une assez ample matière à l’enseignement général. Hommes de loi, vous êtes désignés, par votre état même, pour faire connaître et chérir nos lois. « La justice a toujours eu pour tous les peuples quelque chose de sacré. Nous venons d’élever partout de nouveaux temples à son honneur: vous êtes comme les prêtres de ces temples ; vous en enseignerez le culte, vous en écartirez les fausses doctrines, vous empêcherez que la religion de la justice ne se souille, avec le temps, par des coutumes insensées, par des interprétations infidèles. « Avant toutes les facultés du royaume, il existait une grande faculté, celle de la réunion de tous les citoyens qui, chaeun dans leurs divers genres, ont le droit de donner l’essor à leurs talents, et de se rendre utiles à lenr patrie. « Si l’esprit des corporations a été de tout resserrer, de tout arrêter, celui de la Constitution actuelle est de tout développer, de tout étendre : elle s’applique à rouvrir les canaux qui peuvent rendre libre et facile toute espèce d’utile com munication, et surtout celle de l’esprit et de la pensée. « Ne doutez point que cette Assemblée ne con sidère votre demande dans ses rapports avec les principes de liberté et de sagesse qui l’ont dirigée jusqu’à présent : elle accepte l’hommage que vous lui faites de votre projet d’enseignement du droit public et privé, en consentant à la remise sur son bureau des pièces que vous lui avez annoncées, et elle vous invite à assister à sa séance. » ( Applaudissements .) M. de Saint-Martin. Je demande l’impression du discours et surtout de la réponse. (L’Assemblée ordonne l’impression du discours des docteurs agrégés et de la réponse du Président et renvoie à l’examen du comité de Constitution la pétition concernant l’article 5 de l’édit de 1679 et le plan général d’enseignement de droit public et privé.) M. le Président. Messieurs, le résultat du scrutin pour la nomination du président et de trois secrétaires a donné le résultat suivant ; Pour la présidence, M. Duport a obtenu 230 voix et M. Tronchet 141 voix. Pour les fonctions de secrétaires, M. Pétion de Villeneuve a obtenu 224 voix; M. Voulland, 219 voix, et M. de Sillery, 204 voix. En conséquence, sont élus : président, M. Duport; secrétaires, MM. Pétion de Villeneuve, Voulland et de Sillery, en remplacement de MM.Voidel, Goudard et Jacquemart. L’ordre du jour es* un rapport du comité des domaines sur l'aliénation du domaine de Féné-tranges.