flÉtats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Meaux.J 727 comme la capitale de la province. Le député appuiera cette demande sur la proportion inégale dans laquelle se trouve, avec les deux provinces auxquelles elle a été jusqu’à présent associée, tant par rapport à la fertilité de son sol et au nombre de ses habitants, que par rapport à la quoôté et à la nature de son imposition : quant à la formation du régime de cette assemblée provinciale de Brie, le député s’en rapportera aux lumières et au patriotisme des Etats généraux. Art. 16. Le député demandera que nul citoyen servant dans les armées de terre et de mer ne puisse être destitué irrévocablement de son emploi qu’après un jugement préalable, et suivant les ordonnances rendues sur cette matière. Art. 17. Le député demandera que le titre des monnaies ne puisse être changé, ni aucun papier-monnaie introduit sans le consentement national. DEMANDES GÉNÉRALES. La noblesse du bailliage de Meaux, bien convaincue que les objets importants de première nécessité, contenus dans les deux chapitres précédents, occuperont suffisamment la prochaine assemblée des Etats généraux ; considérant que, par leur permanence ou leur périodicité, les Etats généraux pourront successivement attaquer et détruire tous les abus existants, indiquer et mettre en usage toutes les ressources et moyens d’amélioration possibles, remet à son député les indications suivantes, en laissant entièrement à sa prudence le soin de déterminer l’usage qu’il en pourra faire, d’adopter les divers modes d’exécution qui pourraient être proposés. Art. 1er. Le député proposera aux Etats généraux de délibérer sur les pensions abusives ou exagérées, et sur le règlement à faire à ce sujet. Dans le cas où les Etats généraux jugeraient à propos d’ordonner une révision des pensions, la noblesse désire qu’ils laissent subsister celle de mille écus et au-dessous. Art. 2. Le député demandera que le régime actuel des intendants ou commissaires départis, que l’établissement des assemblées provinciales a déjà favorablement modifié, soit entièrement aboli, lorsque les Etats provinciaux seront constitués légalement. Art. 3. Le député demandera que les lois dérogatoires, tendantes à diminuer les ressources que des professions honnêtes et lucratives peuvent présenter à la noblesse, et à la priver ainsi d’un moyen de rétablir une fortune souvent ruinée par des sacrifices faits à la patrie, soient détruites. Art. 4. Le député proposera de réformer l’abus des anoblissements par charge et par aucun moyen de finance. Le Roi sera supplié de n’user du droit qu’il a d’anoblir, que pour récompenser des services réels, importants, et que tous les anoblissements soient proclamés par le Roi aux séances des Etats généraux. Art. 5. Le député proposera la suppression de tous les privilèges tendant à distraire les justiciables de leur justice ordinaire. Art. 6. Le député proposera de statuer sur l’abus résultant des lettres d’Etat ou de surséance. Art. 7. Le député proposera de revoir avec une scrupuleuse attention le tarif des droits connus sous le titre de droits du domaine incorporel. Art. 8. Le député proposera que les privilèges et exemptions dont se trouvent jouir quelques personnes du tiers, tels que les maîtres de poste et autres, soient abolis, leurs services paraissant devoir être récompensés autrement. Art. 9. Le député proposera de s’occuper de l’examen et de la réformation de la jurisprudence civile et criminelle, et cet objet paraît devoir être confié par les Etats à une commission formée par eux. Art. 10. Le député proposera d’assujettir la régie des domaines fonciers du Roi à des lois fixes et à un meilleur régime d’administration ; ce travail paraît devoir être confié par les Etats à une commission formée par eux. Art. 11. Le député proposera de détruire les péages existants dans le royaume, et de subvenir d’une autre manière aux dépenses qui les motivent, ou aux indemnités qui nécessiteraient leur suppression. Art. 12. Le député demandera que les barrières de l’intérieur du royaume soient reportées aux frontières; ces entraves multipliées causant un préjudice notable au commerce qu’elles grèvent partout d’une inquisition locale, portant le trouble et l’inquiétude dans le sein de la patrie, et tendant à séparer les provinces d’un empire, qui ne peut acquérir toute la force dont il est susceptible, que par le rapprochement et l’harmonie la plus parfaite entre ses parties intrégrantes. Art. 13. Le député proposera aux Etats généraux de supprimer les loteries, comme une source de désordres, et un impôt d’autant plus préjudiciable à la nation, qu’il offre aux citoyens un appât séducteur qui trouve des victimes dans tous les ordres, et surtout dans la classe la plus indigente. Signé Clermont - Tonnerre, Reilhac, Corduan, Montesquiou, Quatre-Solz de Marolles, de La Mar-liôre, commissaires. Approuvé : Du Coudray, de Sancy, de Chavigny, d’Ossy, de Sanois, de La Chastre,de LaMire-Mory, Ninjot, Des Courtiles, Le Noir, de Thomé, Decan, La Marlière, Quatre-Solz de la Haute, de Constant, de Mondollot, de Montfort,de Monferran’t, DuJay, Des Graviers de Berchiny, Houdan, Ménage, Ro-chard, Le Rahier, de l’Herbé, Ogier de Baulny, de Résy, de Bretot, Royer de Maulny, Royer de Belon, Huby, de Maistre, de Riconart, Boula de Savigny, de Chavigny, de La Marlière, de Montesquiou, d’Aguesseau de Fresne, président ; de Vernon, secrétaire . CAHIER De doléances , plaintes et remontrances de Vordre du tiers-état du bailliage de Meaux (1). Remontre l’ordre du tiers-état du bailliage de Meaux qu’il est accablé d’impôts. La taille, dont le capital et les accessoires sont excessifs, a une base injuste de répartition ; la perception s’en fait à grands frais, et le mode d’assiette est une véritable inquisition. Les vingtièmes sont rigoureusement exigés du pauvre, et réduits aux abonnements les plus médiocres pour les riches. La corvée est payée par les communautés, qui, privées de chemins, ne peuvent avoir de débouchés pour leurs denrées, à la décharge de celles à l’usage desquelles les communautés sont ouvertes. Les aides grèvent plus rigoureusement le vigneron et le pauvre. Le débiteur ne peut connaître la mesure de l’impôt; le citoyen est à la discrétion des commis; il est forcé de leur ouvrir les lieux les plus secrets de sa demeure ; il est (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. 728 [États gén. 1789. Cahiers.] ' ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Meaux.] en butte à ses vexations; il est taxé à des amendes arbitraires, ou traîné de tribunaux en tribunaux. Les lois sur la gabelle font exercer par le souverain un monopole sur une denrée de première nécessité ; elles mulctent de peines capitales, et envoient, par année, aux galères plus de trois cents citoyens, dont tout le crime a été de transporter ou de vendre du sel. Le contrôle et droits y joints est une imposition arbitraire; l’impôt a des bornes pour le riche, il n’en a pas pour le pauvre. Ce tarif est absurde et inintelligible ; il n’est compris et entendu que par les commis, qui l’interprètent toujours à l’avantage du fisc. L’habitant de la campagne appréhende de faire les conventions, par l’exorbitatice du droit; et il devient victime de cette interprétation par les procès auxquels l’expose le défaut de preuves de son contrat. Le droit de franc-fief est un impôt odieux, qui établit une différence entre les citoyens d’une même nation, et porte sur la supposition que la classe la plus nombreuse des sujets est incapable de posséder une partie des biens du royaume. L’administration de la justice est devenue un fléau; la jurisprudence est versatile; les lois et les coutumes obscurcies, le droit incertain ; le recours à la justice impraticable par la multiplicité des tribunaux et les frais immenses de procédure; le faible est victime de l’oppression du riche; et s’il résiste, sa raine est certaine, avant qu’il ait passé par les différents degrés de juridiction pour parvenir au tribunal souverain . Le Code criminel est encore plus injuste. Un citoyen est incarcéré et livré à toute la rigueur de la procédure criminelle par le témoignage et le jugement d’un seul homme; l’instruction est secrète, la défense est interdite à l’accusé, et la méprise ou la mauvaise foi des témoin s a souvent conduit l’innocent à l’échafaud. La police est, en quelque sorte, un impôt. Le citoyen ne peut être admis à exercer son état qu’après avoir épuisé ses soins et tous ses fonds pour obtenir des lettres de maîtrise. 11 est sujet à des visites et perquisitions dont tout l’objet est l’honoraire des syndics; enfin, il estmulcté d’amendes, ou privé de sa liberté sans délit réel. L’agriculture est dans le découragement; la moisson du laboureur lui est enlevée par la multitude du gibier; toute réclamation est étouffée. Dans la capitainerie de Monceaux, qui embrasse quatre lieues carrées d’étendue, vingt-cinq gardes sont employés pour veiller au maintien de la loi injuste d’épiner, de celle qui empêche la fau-chaison; vexer les habitants par des amendes, des perquisitions, des emprisonnements; vingtr cinq gardes, en un mot, sont toujours en activité pour la conservation d’un ennemi qui rend la terre stérile. Quatre cavaliers de maréchaussée veillent seuls à la sûreté des citoyens. Le commerce est tombé dans un véritable dépérissement; la circulation est gênée par les droits de traite, douane; le monopole des capitalistes arrête les spéculations du négociant; la multiplicité et l’impunité des banqueroutes met le commerce dans le plus grand discrédit. L’ordre du tiers-étal attribue la grandeur dé ces maux à l’éloignement où il a été tenu de la présence du monarque. Les abus et les vexations dont il est victime prennent leur origine dans l’oubli des principes de la Constitution, de la privation où il a été de déposer, dans le sein de son Roi, ses justes plaintes. L’unique manière de couper racine à tant d’abus est de rappeler ces principes, de les sanctionner de nouveau, de rétablir la communication qui aurait dû toujours subsister entre la nation et le monarque. Le vœu du tiers-état du bailliage de Meaux est donc que les députés demandent une loi qui sanctionne les principes sacrés à l’abri desquels reposent la liberté, la propriété des citoyens, la gloire et la prospérité du royaume, et statue et déclare ce qui suit : CHAPITRE PREMIER. Constitution. Art. Ier. La France est un empire gouverné par un roi suivant les lois. Art. 2. Le trône est héréditaire de mâle en mâle, en ligne directe et collatérale, à l’exclusion des filles et de leurs descendants mâles, quelle que soit la proximité du degré. Art. 3. Au roi, et à la nation représentée par ses députés aux Etats généraux, appartient conjointement le pouvoir législatif. Art. 4. Au roi appartient la plénitude du pouvoir exécutif. Art. 5. La nation française est divisée en trois ordres, l’ordre du clergé, l’ordre de la noblesse, et l’ordre du tiers-état. Les Etats généraux de 1789 fixeront l’organisation des Etats généraux subséquents, et détermineront dans quelle classe chaque citoyen doit être placé, en observant que les députés de chaque ordre seront nécessairement pris dans les ordres. Ils détermineront pareillement le nombre des députés que chaque province, bailliage, ou arrondissement enverront aux Etats généraux; mais dans la fixation du nombre respectif des députés de chaque ordre, ceux du tiers seront toujours en nombre égal aux députés réunis des deux autres ordres. Art. 6. Les citoyens seront tous admissibles à tous les emplois, charges, offices et places dans le ministère, dans les armées, dans la marine, dans la magistrature et dans l’ordre ecclésiastique. Toute loi et tous règlements contraires au présent article seront, de ce moment, abrogés, et ne pourront, dans quelque circonstance et sous quelque prétexte que ce soit, être rétablis ou renouvelés. Art. 7. Les impôts n’étant que des dons gratuits, aucun impôt, direct ni indirect, sous quelque dénomination qu’il soit établi, assis ou perçu ; aucun emprunt portant constitution de rentes viagères ou perpétuelles , ou remboursable à époques, ne pourront être établis ou créés que du consentement de la nation représentée par ses députés aux Etats généraux. Art. 8. Tous les impôts et contributions pécuniaires, jugés indispensables, seront également supportés par tous les citoyens de tous les ordres, et répartis entre eux, sans distinction ni privilèges. Art. 9. Toutes les charges publiques, de quelque nature qu’elles soient, seront converties en prestations pécunaires, également supportées par tous les citoyens de tous les ordres, et pareillement réparties entre eux, sans distinction ni privilèges. Art. 10. Tous les impôts et contributions pécuniaires seront portés sur les rôles d’impositions communs à tous les citoyens de tous les ordres. Art. 11. Les Etats généraux du royaume seront assemblés à des époques fixes et périodiques, dont la plus prochaine ne pourra être que de trois ans, et la plus éloignée de cinq ans ; et les Etats 720 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Meaux.] généraux ne pourront jamais octroyer aucun subside que pour un temps déterminé, qui n’excédera, dans aucun temps, l’intervalle fixé pour une tenue d’Etats à l’autre. Tous collecteurs préposés ou autres, qui perce-veraient l’impôt au delà de sa fixation, en quotité ou en durée, seront poursuivis sur la dénonciation de tout citoyen, et à la requête des procureurs généraux syndics des Etats particuliers, dont il sera ci-après fait mention. Art. 12. Sans préjudicier à la périodicité des Etats généraux, établie par l’article précédent, le Roi pourra les convoquer extraordinairement, mais alors les objets sur lesquels on devra délibérer seront énoncés dans les lettres de convocation ; et les députés auxdits Etats ne pourront traiter aucune autre matière. Art. 13. La nation ayant seule le droit de déférer la régence, le cas arrivant, le premier prince du sang royal, majeur de vingt-cinq ans, et à son défaut, le plus proche dans l’ordre de la succession au trône, et chacun des ordres successivement, seront tenus' de convoquer extraordinairement les Etats généraux dans le délai de quinze jours. Art. 14. Les Etats généraux périodiques pourront n’accorder les subsides qu’après avoir proposé toutes les lois relatives au redressement des griefs de la nation, et qu’après que lesdites lois proposées auront été revêtues de la sanction du Roi, et publiées, sans que le refus des cours souveraines de faire la publication desdites lois puisse en arrêter l’exécution. I Art. 15. Les Etats généraux n’accorderont au-i cun subside, que le compte de l’emploi des fonds ! octroyés par lesdits Etats généraux précédents n’ait été rendu, et que les dépenses de chaque département, y compris celles de la maison du Roi, n’aient été de nouveau fixées. Art. 16. Les Etats généraux pourront accorder, sous les conditions prescrites par l’article précédent, une somme quelconque pour les dépenses extraordinaires dont le ministre des finances sera spécialement chargé. Art. 17. Les pouvoirs des députés aux assemblées des Etats généraux périodiques ne pourront, durer plus d’une année à compter du jour de l’ouverture desdits Etats, passé lequel tous lesdits députés ne pourront dans aucune circonstance, et sous quelque prétexte que ce soit, continuer de rester assemblés. Art. 18. La liberté individuelle des citoyens étant sacrée et inviolable, elle ne pourra être attaquée que par les formes de la loi. En conséquence, aucun citoyen ne pourra être emprisonné en vertu d’aucun ordre du pouvoir exécutif, sans être remis entre les mains de ses juges naturels dans le délai qui sera fixé par la loi; il n’existera aucun lieu de déten tion autres que ceux qui seront soumis à l’inspection et à l’autorité de la juridiction ordinaire. Toute violation du présent article sera regardée par la nation comme un délit envers elle. Art. 19. En conséquence, tous contrevenants à l’article précédent seront destitués de leurs charges, offices ou emplois, déclarés incapables d’en posséder aucun à l’avenir, et condamnés à telle amende qui sera fixée par la loi. Art. 20. Il sera demandé que tout citoyen ait le droit de réclamer l’exécution de l’article 18, et de poursuivre celle de l’article précédent; et en cas de déni de justice, il aura le droit d’en André compte par la voie de l’impression ; et les juges, qui en seront coupables , seront dénoncés à la nation assemblée. Art. 21.11 ne sera établi aucune commission pour juger un citoyen et le soustraire à ses juges naturels; et tous ceux, qui accepteraient des places dans lesdites commissions seront destitués de leur emploi, déclarés incapables d’en posséder aucun à l’avenir; et la condamnation aux peines ci-dessus sera poursuivie de la manière indiquée par l’article précédent, par-devant les juges qui auraient dû connaître de l’affaire mise en commission. Art. 22. Il ne pourra être accordé de lettres de grâce qu’après jugement définitif en dernier ressort. Art. 23. Aucune affaire ne pourra être évoquée, même du consentement des parties, au conseil du roi, ou par les cours souveraines , sur les peines portées par l’article 21 ; et les droits de committimus et de gardes-gardiennes seront et demeureront supprimés. Art. 24. Nul magistrat ne pourra être destitué, si ce n’est pour forfaiture, préalablement instruite et jugée par les tribunaux compétents ; et nul tribunal ne pourra être supprimé en totalité ou en partie, si ce n’est de l’avis et du consentement de la nation assemblée. Art. 25. Nul citoyen, servant dans l’armée de terre ou de mer, ne pourra être irrévocablement destitué de son emploi, qu’après un jugement préalable, et suivant les ordonnances rendues sur cette matière. Art. 26. Le titre des monnaies ne pourra être changé ni altéré ; et le cours d’aucun papier-monnaie ne pourra être introduit dans le royaume sans le consentemeut de la nation représentée par ses députés aux Etats généraux ; et toutes pièces de monnaie seront reçues aux hôtels des Monnaies pour leur valeur originaire ; et en cas de refonte et de rechange, la perte en sera supportée par l’Etat. ; Art. 27. Les subsides consentis par les Etats généraux seront répartis par eux seuls entre les différentes provinces. Art. 28. Il sera établi, dans toutes les provinces, des Etats particuliers qui s’assembleront tous les ans, et qui seront chargés d’asseoir, de répartir, conformément aux articles 8, 9 et 10 ci-aes-sus, et de percevoir tous les impôts et contributions pécuniaires. Art. 29. Lesdits Etats particuliers seront composés conformément à ce qui est prescrit par l’article 5 ci-dessus, relativement au nombre des représentants du tiers-état; et, dans lesdits Etats particuliers, les trois ordres délibéreront en commun et les suffrages seront comptés par tête. Art. 30. Les commissaires du Roi, départis et délégués, n’auront aucune juridiction ni attribution, même provisoires. ..... Art. 31. La liberté de la presse sera indéfinie sous la responsabilité de l’imprimeur, qui se fera toujours connaître, et ne sera déchargé des poursuites à faire contre lui qu’en justifiant, en vertu d’injonction du juge, des noms et qualités, et domicile de l’auteur. Art. 32. Les ministres seront personnellement responsables de toutes atteintes qu’ils auront portées directement ou indirectement à la constitution. CHAPITRE II. Justice . Art. 1er. Les députés demanderont que les ressorts des parlements trop étendus soient réduits de justes limites ; que, pour les lieux retranchés 730 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Meaux.l du ressort desdits parlements, il soit créé des cours souveraines ; que les juridictions royales soient arrondies et circonscrites, et qu’il en soit érigé de nouvelles dans les lieux nécessaires. Art. 2. Que les pouvoirs de présidiaux seront amplifiés à 6,000 livres, sans exception de matières ni de personnes, et sans qu’il soit besoin de faire juger préalablement la compétence. En conséquence, que le nombre des officiers sera augmenté dans la proportion de cette amplification. Art. 3. Que l’administration de la justice étant un apanage de la souveraineté, le droit de la faire rendre par des officiers seigneuriaux sera retiré aux seigneurs. Art. 4. Et, au cas où le respect pour la possession actuelle des seigneurs empêcherait ladite suppression, que les juges seigneuriaux seront gradués et résidents ; et ne seront, non plus que les procureurs, sergents et tabellions seigneuriaux, destitués que pour les mêmes causes et en la même forme que les officiers royaux. Art. 5. Que les tribunaux d’exception seront et demeureront supprimés conformément à l’édit du 8 mai 1788, ensemble le grand conseil, les cours des aides et monnaies, et les juridictions des maréchaussées, et encore les attributions de juridictions accordées à certains scels, et le droit de suite. Art. 6. Qu’en toute matière, tant civile que criminelle, il ne pourra y avoir que deux degrés de juridiction, aussi en conformité de l’édit du 8 mai 1788. Art. 7. Qu’à l’avenir, nul office de judicature ne sera acquis à prix d’argeni, ni possédé à titre de propriété héréditaire. En conséquence, lesdits offices seront remboursés sur le prix de l’évaluation de 1771, au fur et à mesure du décès des titulaires actuels ; et les nouveaux offices à pourvoir, choisis par les cours et sièges, savoir, les dignitaires parmi les conseillers, et ceux-ci dans le corps des gradués exerçant. Art. 8. Que nul ne pourra être reçu dans les cours souveraines, ni présider dans les sièges royaux, avant l’âge de trente ans accomplis, sans qu’il puisse être obtenu à cet égard aucune dispense. Art. 9. Qu’il ne sera permis à tel juge que ce puisse être, soit souverain, soit inférieur, soit seigneurial, de se taxer, ni percevoir, en aucun cas, épices ni évocations, au moyen de quoi, il sera fixé une augmentation de gages, savoir, pour les juges royaux sur le domaine du roi, et pour les seigneuriaux sur celui des seigneurs. Art. 10. Qu’en toutes causes' et procès, les dépens adjugés seront tarifés à une somme déterminée en proportion de la nature et de l’intérêt des causes, les déboursés non compris, et suivant le genre de juridiction. Art. 11. Que les minutes et expéditions des greffes seront tarifées dans les mêmes proportions, sans qu’en aucun cas il soit nécessaire de faire expédier les arrêts et jugements plutôt en parchemin qu’en papier. Art. 12. Que les droits des greffes, présentation, défaut, vérification de défaut, sous pour livres des dépens, dommages et intérêts, seront et demeureront supprimés. Art. 13. Qu’en nul lieu du royaume, les actes ne puissent être affranchis de la formalité du contrôle ; que le tarif dudit contrôle, de 1722, ensemble celui des insinuations, seront réformés et modérés ; toutes les contestations sur la perception. réglées par les juges ordinaires , et l’exercice du contrôle déclaré incompatible avec les fonctions des notaires et tous les autres offices publics. Art. 14. Qu’en toute matière, tant civile que criminelle, les instances et procès ne puissent, en telle juridiction que ce soit, durer plus d’un an, sous les peines qui seront prononcées par la loi, tant contre les juges que contre les officiers ministériels du fait desquels procéderait le retard. Art. 15. Qu’il sera procédé à la rédaction d’un nouveau code criminel, qui permette aux accusés d’avoir des défenseurs, ordonne que l’instruction sera publique, exige la réunion de plusieurs officiers pour décerner décret ou la confirmation des décrets par trois gradués, dans les vingt-quatre heures ; supprime la formule du serment des accusés, celle de l’interrogatoire sur la sellette, le supplice de la roue, toute espèce de question propre ; proportionne les peines au délit ; abroge la peine de mort pour tout vol sans violence ni effusion de sang ; et inflige les mêmes peines pour la même espèce de délit, abstraction faite de la qualité des coupables. Art. 16. Que les offices de police seront et demeureront supprimés, et l’exercice de cette juridiction rendu au corps des municipalités, dont les membres seront toujours électifs. Art. 17. Que l’ancien régime des communautés d’arts et métiers sera rétablf�et le nouveau supprimé; les maîtres reçus sans finance au Roi ni aux communautés, sur le simple consentement des communautés , chefs-d’œuvre pour les arts, et brevets d'apprentissage. Art. 18. Qu’à l’avenir, nul ne pourra être reçu au tabellionage seigneurial, sans avoir préalablement subi examen en la communauté des notaires du chef-lieu, et avoir été par elle certifié capable. Art. 19. Que tous huissiers résidant dans l’étendue d’un siège royal seront tenus de comparaître aux assises, pour défendre aux plaintes qui pourraient être faites contre eux. CHAPITRE III. Clergé. Art. 1er. Que les portions congrues des villes et campagnes seront fixées, savoir : celles des villes à 3,000 livres par réunion de bénéfices, et celles des campagnes à 2,000 livres aux frais des décimateurs, et les pensions des vicaires à moitié. Art. 2. Qu’au moyen de la fixation desdites portions congrues et pensions, les droits casuels des curés et vicaires des villes et campagnes seront et demeureront supprimés. Art. 3. Que les successeurs des bénéficiers seront tenus des baux de leurs prédécesseurs ; en conséquence, aviser aux moyens à prendre pour empêcher les titulaires, lors de la passation des baux, de faire leur profit personnel au détriment du bénéficier successeur. Art. 4. Que les bâtiments, dépendants desdits bénéfices, seront vus et visités à la requête des procureurs du Roi, tous les cinq ans, à l’effet de constater leurs réparations urgentes, pour sûreté de la confection desquelles le temporel desdits bénéfices sera saisi, à la requête desdits procureurs du Roi, qui demeureront responsables du défaut de diligence à cet égard. Art. 5. Quetous fournisseurs et ouvriers qui, au décès des bénéficiers consistoriaux , se trouveront leurs créanciers, seront admis en concurrence avec les successeurs auxdits bénéfices, sans égard aux privilèges exclusifs desdits successeurs, qui seront réduits à ladite concurrence. {États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES . [Bailliage de Meaux.] 731 Art. 6. Que nulle coupe de bois dépendants desdits bénéfices ne sera accordée au titulaire, par anticipation des temps limités par l’ordonnance des eaux et forêts. Art. 7. Que le clergé sera autorisé à aliéner à perpétuité les bâtiments et lieux qui lui appartiennent dans les villes, à la charge du remploi. Art. 8. Que tous les ecclésiastiques, possédant bénéfice de valeur de 3,000 livres, n’en pourront posséder un second, et que chaque titulaire sera tenu de résider dans le chef-lieu de son bénéfice, sous les peines qui seront déterminées par la loi. Art. 9. Qu’il sera fait un nouveau code des dîmes, qui en fixe et règle la perception d’une ma-nièreàla rendre moins nuisible etgênanteà l’agriculture ; et les dîmes vertes et grasses supprimées. Finances et impôts. Art. 10. Que la taille réelle et personnelle, la capitation, l’industrie , l’ustensile, la corvée, les vingtièmes, les droits d’aides, ceux réservés, droits de traites-foraines et domaniales, et des douanes, ceux de marque aux cuirs, or, argent, cuivre et autres métaux, seront et demeureront supprimés et convertis en un impôt territorial en argent qui portera sur toutes les propriétés indistinctement, en un autre sur les consommations et objets de luxe ; lesquels nouveaux impôts seront supportés ainsi et de la manière qu’il est indiquée par un des articles précédents; et en une retenue proportionnelle sur les rentes. Art. 11. Que la milice, le logement des gens de uerre, le guet et garde, et autres charges pu-liques et personnelles seront pareillement éteints et supprimés, et convertis en une contribution pécuniaire, indistinctement supportée et répartie comme dessus. Art. 12. Que les fermes des gabelles et du tabac seront pareillement éteintes et supprimées ; le sel et le tabac rendus marchands, et la culture du tabac permise dans toute l’étendue du royaume. Art. 13. Que les droits de franc-fief, échanges contre - échanges seront et demeureront supprimés. Art. 14. Que les attributions données aux offices de jurés-priseurs seront réduites à de justes limites ; et les 4 deniers pour livre sur le prix des ventes de meubles supprimés. CHAPITRE IV. Administration. Art. 1er. Que les domaines de la couronne, qui sont engagés, seront rachetés; qu’il sera fait examen des échanges faits d’aucuns desdits domaines , et qu’après la rentrée du Roi dans lesdits domaines engagés, ils seront aliénés à perpétuité au profit du plus offrant et dernier enchérisseur, i Art. 2. Qu’il sera pareillement fait examen de ! toutes les pensions accordées sur l’Etat, pour j être, lesdites pensions, conservées, éteintes ou ! réduites, selon qu’il sera jugé convenable. j Art. 3. Que les étapes et la régie des fourrages j seront supprimés, ou qu’au moins il sera avisé j aux moyens de réformer les abus qui sont multi-| pliés en cette partie. j Art. 4. Qu’il n’y aura, à l’avenir, dans tout le ; royaume, qu’un seul aunage, qu’un seul poids, qu’une seule mesure. Commerce et agriculture. Art. 5. Que les lois contre les banqueroutiers frauduleux seront renouvelées et mises en vigueur. Art. 6. Que le colportage sera interdit. Art. 7. Que, pour prévenir les accaparements de grains et pourvoir à la disette, il sera, sous la direction des Etats provinciaux demandés par un des articles précédents, formé des magasins dans les années d’abondance, pour être ouverts et distribués aux habitants de chaque province, à un prix moyen, dans les années de disette. Art. 8. Que tout droit de banalité, ensemble ceux de minage, mesurage, hallage, pontage, pontonage, péage, et généralement tous les droits de route et rivière, nuisibles à la circulation et liberté du commerce, seront abolis et supprimés. Art. 9. Que tous privilèges exclusifs, et notamment ceux accordésaux messageries, seront éteints et supprimés. Art. 10. Que toutes loteries et monts-de-piété seront pareillement éteints et supprimés. Art. 11. Que l’intérêt stipulé pour prêt d’argent sans aliénation du capital sera déclaré licite, lorsqu’il n’excédera pas le taux fixé par les lois. Art. 12. Que tout propriétaire et cultivateur pourra, par tout autre moyen que les armes à feu, tuer sur ses terres le gibier destructeur de ses fruits et récoltes. Art. 13. Que toutes remises à gibier, garennes ouvertes, seront ruinées. Art. 14. Que les capitaineries, les lois qui y sont relatives, et le code des chasses, seront et demeureront supprimés. Art. 15. Que les habitants delà campagne pourront, après la moisson entièrement finie, faire les chaumes au jour par eux indiqué dans une assemblée de paroisse, sans être obligés de recourir à la juridiction du seigneur, et qu’il en sera usé de même pour le ban des vendanges. Art. 16. Que tous les colombiers et volets à pigeons seront fermés à la réquisition des cultivateurs, toutes les fois que les blés seront versés. Art. 17. Que les propriétaires d’héritages contigus aux chemins vicinaux seront admis à les planter de préférence aux seigneurs, à l’instar des grandes routes ; de laquelle préférence lesdits propriétaires ne pourront être déchus que par un procès-verbal de sommation publique en forme ordinaire dans la paroisse. Art. 18. Que les seigneurs ne pourront planter sur les chemins qu’à 6 pieds de distance de l’héritage commun, et qu’il ne pourra être fait de plantations en arbres fruitiers que sur les chemins qui auront 36 pieds de large. Art. 19. Que la déclaration de 1766, concernant les défrichements et le partage des communes, sera abrogée. Art. 20. Que les seigneurs soient tenus de faire faire, tous les trente ans, terriers et bornages de leurs seigneuries , et que les droits fixés par le dernier tarif pour les déclarations à terrier soient modérés. Art. 21. Qu’il soit permis à tous cultivateurs de faire tirer de la marne dans toutes les marniêres ouvertes, en payant aux propriétaires 20 sous par mille. Art. 22. Qu’il soit formé un code rural, et que, pour son exécution, il soit créé des consuls ruraux qui seront choisis parmi les anciens cultivateurs. Art. 23. Qu’il soit fixé un jour auquel les meuniers travaillant pour l’approvisionnement de Paris seront tenus de moudre pour les habitants du lieu. Art. 24. Que, pour l’assiette des impôts, la mesure du roi sera généralement adoptée dans l’arpentage des terres. 732 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Meaux. ] Art. 25. Que la quantité d’arpents que pourra faire valoir un fermier sera fixée. Art. 26. Que les biens ruraux pourront même, par les gens de mainmorte, être affermés pour plus de neuf années, sans que les baux qui excéderaient ce terme soient défendus ni assujettis à aucun droit extraordinaire. CHAPITRE CINQUIÈME ET DERNIER. Instructions et pouvoirs que l'ordre du tiers-état du bailliage de Meaux donne à ses députés aux Etats généraux du royaume. Le vœu de l’ordre du tiers-état du bailliage de Meaux est que l’on vote par tête aux Etats généraux. Pour arrêter ce premier point de discussion, on délibérera par ordre et par tête , à défaut d’unanimité. Les députés du tiers-état du bailliage de Meaux ne s’occuperont de l’octroi des impôts qu’après qu’il aura été statué sur les bases constitutionnelles. Ils insisteront pour la périodicité des Etats généraux, aux termes de l’article 11 du chapitre premier, et ne voteront jamais pour la permanence. Les députés du tiers-état du bailliage de Meaux demanderont qu’il leur soit communiqué les détails et instructions nécessaires pour connaître la source, les progrès et le montant de la dette du Roi. Ils insisteront pour que lesdits détails et instructions soient imprimés ; et après les avoir examinés, et en avoir constaté la vérité, ils déclareront que ladite dette est nationale; et sur les sommes qu’ils accorderont, en forme de dons gratuits, ils auront soin d’affecter spécialement un impôt pour le payement des arrérages et le remboursement des capitaux, laquelle somme sera payable annuellement jusqu’à l’extinction définitive de la dette nationale , laquelle extinction sera préalablement calculée, et les sommes qui seront destinées à cet objet ne pourront être détournées et employées à un autre usage, sous quelque prétexte que ce soit. Et à chaque tenue d’Etats, il sera rendu un compte exact de l’emploi desdits fonds et des rentes viagères qui se seront éteintes dans l’intervalle d’une tenue d’Etats à l’autre. Au surplus, le tiers-état du bailliage de Meaux s’en rapporte à ce qui sera avisé par les Etats généraux pour le bien et l’amélioration du royaume, et à la prudence de ses députés, auxquels le tiers donne pouvoir de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, le bien de tous en général et de chacun en particulier. Le tout fait et arrêté cejourd’hui, 17 mars 1789 , et ont MM. les commissaires signé avec nous et le secrétaire greffier. Ainsi signé : Houdet, Hattingais, et Michel,