[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i brumaire 515 ' r ) 19 novembre 1/93 feraient un silence insouciant, la Justice seule de notre réclamation ne se suffirait -elle pas à elle-même? Oui, sans doute (et nous le dirons sans craindre d’être démentis, nous en pren¬ drions la ville de Caudebec elle-même à témoin) que l’on conserve le même nombre de districts, que le nombre augmente ou diminue, que de 7 il soit porté à 20 ou seulement à 5, à-4, même à 3, nous défions que l’on puisse marquer un autre point central qu’Yvetot. « Yvetot est, par le nord, à la distance des petits� bourgs de Fau ville et de DoudevUle de près de 3 lieues; à l’est, de Pavilly, Barentin et Duclair de près de 4 lieues ; au midi de Çau-debec environ 3 lieues; à l’ouest de Lillebonne et Bolbeç de 4 à 5 lieues. « Mais quels sont ces endroits? Ils sont sans population en considération d’Yvetot, et s’ap¬ provisionnent mereautilement à Yvetot. Voilà la situation actuelle du district. « Si l’on augmente le nombre des districts, Yvetot n’a plus de concurrent et vainement l’envie chercherait -elle une seule bourgade voisine où l’on puisse loger les administrateurs. « Cherche-t-on un plus grand rayon? Dimi¬ nue-t-on le nombre des administrations pour en créer de plus convenablement placées? Yvetot au centre du ci-devant pays de Caux, à 8 lieues de Rouen, 10 de Dieppe, 12 du Havre, paraît d’abord centre des trois points; il se trouve encore entre eux la rivière et la mer, puisqu’il est situé à 3 lieues de la rivière et à 5 lieues de la mer. « Déjà vous le voyez donc, centre géométrique dans tous les cas de conservation ou de nou¬ velle distribution; mais il est encore le centre politique de ce beau pays, et par rapport au passage habituel et nécessaire des administrés, par le commerce où sont obligées d’aboutir toutes les manufactures du pays, et par l’ ap¬ provisionnement en matières premières qu’il leur fournit. « Trois grandes routes sont percées : l’une de Rouen à Yvetot, une autre d’Yvetot au Havre où s’embranchent celles de Montivilliers et Fécamp, la dernière d’Yvetot à Caudebec, sans compter les chemins commodes qui se trouvent pour Cany, Doudeville et Dieppe qui, tous, se réunissent et s’embranchent à la ville d’Yvetot, où se trouve le bureau général des postes du pays, ce qui facilite infiniment la correspon¬ dance active que doivent avoir les adminis¬ trations. Donc Yvetot est un lieu fort commode aux administrés. « D’une autre part, les communes qui avoi¬ sinent les lieux mêmes de l’extrémité territo¬ riale du district ne trouvent de défaite à leurs marchandises, et par conséquent à l’aliment du fruit industrieux de leurs manufactures qu’à Yvetot, lieu où, et non ailleurs, ils peuvent trouver les matières premières qui leur sont in¬ dispensables pour l’entretien des ateliers nom¬ breux desquels gvi vent la majeure partie des habitants. Nous vous dirons plus, il n’est pres¬ que point de chef de famille, même célibataire, travaillant pour lui, qui ne soit obligé de venir toutes les semaines ou tous les mois au plus tard à Yvetot pour s’y pourvoir de matières premières, pour y vendre ses marchandises œuvrées. Yvetot seul a une halle foraine, Yvetot seul entrepose les matières nécessaires à l’ou¬ vrier, Yvetot est donc naturellement et essen-tiellement le point de ralliement de tous lés administrés, et, par conséquent, le centre poli¬ tique, comme il est le centre géométrique. « Représentants, vous le centre de toute jus¬ tice, vrais et seuls soutiens de nos droits, souffrirez-vous plus longtemps que la ville de Caudebec jouisse du fruit d’une administration qu’elle nous a frustrée, contre la lettre et l’es¬ prit de la loi, qu’elle conserve contre le vœu et au détriment des administrés? Non, et c’est avec l’espoir que nous permet notre bon droit que nous nous adressons à vous. « Fixez à Yvetot une administration de dis-trict lors de la nouvelle division du territoire; faites dès maintenant oesser le préjudice que nous n’avons que trop longtemps souffert; transférez à Yvetot l’administration du district de Caudebec : ce sera la placer au sein des Mon¬ tagnards, et vous aurez fait disparaître l’in¬ justice que nous fit l’Assemblée législative. » (Suivent 7 signatures.) D. Pétition de la Société montagnarde des Sans-Culottes $ Yvetot, de la municipalité et du comité de surveillance de la même ville (1). « Citoyens représentants, « La Société montagnarde des Sans-Culottes d’Yvetot, la municipalité et le comité de sur¬ veillance de la même ville nous ont députés pour vous présenter les réclamations qui sont d’intérêt majeur à leur pays, notamment pour solliciter le prompt rapport du comité de division pour que le district de Caudebec soit placé à Yvetot, et que les greniers d’abondance accom¬ pagnent le district. Déjà ces deux sollicitudes sont renvoyées au comité de division, nous pensons qu’il serait bien superflu de donner plus de détail à la demande qui concerne les magasins d’abondance, car les lois s’opposent à ce qu’ils soient placés dans aucun port mari¬ time, ni au bord de la Seine. « Pour remplir le vœu de nos concitoyens qui est aussi celui de différentes sociétés popu¬ laires dont le patriotisme peut être assuré par la société des Jacobins, nous nous permettrons les observations suivantes : « Il vous suffira, citoyens représentants, de jeter un coup d’œil sur la carte de notre dépar¬ tement, pour que vous soyiez bien convaincus que le chef-lieu du district de Caudebec, fixé par l’Assemblée constituante à Caudebec, ne peut rester plus longtemps en cette ville de robinocratie, mais qu’il doit être fixé à Yvetot, comme étant le point vraiment central. « Conserver plus longtemps cette adminis¬ tration à Caudebec ce serait préjudicier singu-fièrement tous les administrés. « Lorsqu’il fut question de remplacement du district, Caudebec ne put l’obtenir que parce qu’il était le siège d’un baillage, rempli de juges, conseillers, élus, avocats et procu¬ reurs, etc. Encore cela ne fut -il accordé que par la protection de M. Thouret. « Ce n’a pu être, sans doute, par rapport à la population puisqu’il n’y a au plus que (1) Archives nationales , carton Piv bis 74 (Seine-Inférieure). 516 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j fg b™bfeT793 3,000 âmes à Caudebec, tandis qu’Yvetot en compte plus de 10,000. « Ce ne fut pas pourtant par la proximité, puisque Caudebec est placé à l’extrémité et sur le bord de la Seine, pendant qu’Yvetot est placé dans le centre où. aboutissent toutes les grandes routes du pays. « Ce ne fut pas encore pour la commodité des administrés, puisque plus de la moitié sont obligés de passer par Yvetot pour aller à Cau¬ debec, et que plus des trois quarts ont un che¬ min beaucoup plus court à se rendre à Yvetot que d’aller à Caudebec. « Ce n’a donc été que pour alimenter cette classe de robinocratie dangereuse dans notre révolution. , Aujourd’hui que la Convention nationale ma* nifeste la plus ferme résolution de rejeter toutes considérations particulières, qu’elle veut em¬ brasser l’intérêt général et qu’ü s’agit de décré¬ ter que les greniers d’abondance doivent être à Yvetot plutôt qu’à Caudebec, elle doit se pénétrer qu’il est intéressant aussi que le district soit placé à la Montagne d’ Yvetot, où il y a des établissements commodes, puisque déjà le tribunal de commerce et une maison d’arrêt y ont trouvé leur place. « Vous remarquerez, citoyens représentants, par la carte, que la grande route de Paris pour le Havre passe par Yvetot, que la grande route de Rouen à Caudebec et à Fécamp, passe également par Yvetot. « Tous les grains sortant du Havre pour l’ap¬ provisionnement de Paris passent nécessaire¬ ment par Yvetot, et toujours ont été protégés par notre commune, au point qu’en 1789 les citoyens d’ Yvetot accompagnaient les voitures plusieurs fois jusqu’à Paris. « La poste aux chevaux et aux lettres se trou¬ vent à Yvetot, au lieu qu’il n’y a qu’une petite poste de récart (sic) à Caudebec. « Les troupes, et particulièrement les nom¬ breux bataillons destinés pour le Havre, passent aussi par Yvetot. « Si des considérations de patriotisme suffi¬ saient pour que la Convention nationale se décidât à l’avantage d’ Yvetot, nous réclame¬ rions le témoignage de la Société des Jacobins de Paris. Les privilèges d’ Yvetot détruits et brûlés dès 1789 prouvent bien que le patrio¬ tisme des citoyens de cette ville n’est pas dou¬ teux. On peut dire plus : la Constitution répu¬ blicaine y a été acceptée avant le temps, sur le Bulletin de la Convention, et, par une adresse répandue avec profusion, les citoyens d’ Yvetot ont éclairé leurs concitoyens, et ont même demandé le décret d’accusation contre les traîtres sans qu’il en fût question à la Con¬ vention nationale. Enfin on peut avancer que le département, où a régné un esprit de fédé¬ ralisme, n’a accepté la Constitution qu’après avoir envisagé les bonnes dispositions du haut pays qui est Yvetot. « Caudebec, assis sur le bord de la rivière de Seine, ne peut avoir les magasins d’abon¬ dance; le comité de Salut public a reconnu cette justice, et la Convention nationale a renvoyé cette demande au comité de division (Voir la pétition delà Société populaire d’ Yve¬ tot, elle renferme les moyens les plus péremp¬ toires par rapport au soulèvement qui a été oe-cassionné à Belleville). « Nous observerons à la Convention nationale que, lors de la derpière assemblée électorale du département, Caudebec ne put suffire à don¬ ner des logements aux électeurs; il a fallu, dans les différents rassemblements des gardes nationaux du district, soit pour la fédération ou pour la première levée, que les citoyens viennent prendre leurs repas et coucher à Yvetot. « Nous dirons que cette ville de robinocratie est infectée de l’esprit de modérantisme, feuillantisme, et même de fédéralisme; c’est un marais qui ne peut produire de patriotisme. La Société populaire que le corps électoral insti¬ tua, a dédaigné fraterniser avec les Jacobins de Paris; elle a fait plus, c’est qu’elle a correspondu et entendu complaisamment les propositions de fédéralisme qui lui ont été faites par les dépu¬ tés qu’elle a reçus dans son sein. « Enfin, la commune d’Yvetot est une Monta¬ gne où l’on peut marcher à pied sec. C’est donc elle qui doit avoir les avantages. Au surplus elle ne réclame point de tribunal, ce n’est point un avantage pour une ville patriote. « La sollicitude de la Société montagnarde de Yerville, exprime le vœu le plus favorable aux citoyens d’Yvetot, il lui répugne, comme à beaucoup d’autres, de se voir administrée par une petite ville qui ne renferme qu’un très petit nombre de patriotes. « Citoyens représentants, nous demandons en conséquence que la Convention nationale décrète le plus tôt possible que le grenier d’a¬ bondance et le chef-lieu du district soient transférés à Yvetot, et nous vous assurons, au nom de notre pays, le triomphe de la Mon¬ tagne. « Gueval fils, extraordinairement député à la Convention nationale ; Lenud, procu¬ reur de la commune d' Yvetot, député extraordinaire à la Convention ; Se¬ riaux, député extraordinaire; F. Ville-roy, député extraordinaire. » E. Le président de la Société populaire de Caudebec, au Président de la Convention nationale (1). « Caudebec, le 26 brumaire, l’an II de la République française, une et indivisible. « Citoyen représentant, « La Société populaire de Caudebec, qui vient de s’épurer au creuset du plus pur républica¬ nisme, te fait passer un mémoire dont l’objet intéressant mérite d’être mis sous les yeux de la Convention nationale et la mettre en garde contre les intrigues qu’on met en usage pour priver cette commune de l’établissement des corps administratifs. Je te prie, citoyen Président, de présenter ce mémoire à la Con¬ vention, afin qu’elle en ordonne le renvoi au comité de division. « Larré, président. » (1) Archives nationales , carton Div bis 74 (Seine-Intérieure).