(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1790. J 422 voulu remettre et faire remettre au roi cet écrit. Tous ces actes étaient d’autant plus blâmables, que les conseils renfermés dans l’écrit étaient donnés dans un temps de troubles, et à la veille de la grande fédération, lorsque tous ces anciens soldats, dont on parle dans récrit, devaient être rassemblés. . En deux mots, l’écrit contient un projet dangereux; l’intention est plus que suspecte, mais les moyens sont extravagants. Il faut pardonner à la folie, mais, en même temps, il faut se mettre en garde contre elle; la publicité, qui d’ailleurs est un devoir, en préviendra les écarts ou fera justice des imposteurs. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 29 JUILLET 1790. Adresse de la communauté de Villeneuve-lès-Avï-gnon au sujet des imputations dirigées contre elle, par M. Bouche , député de Provence , dans la séance du 17 juillet , à propos de l'affaire d'Avignon. Ce jourd’hui 25 juillet 1790, dans l’hôtel de la commune de Villeneuve-lès-Àvigoon, à 2 heures de relevée, Le conseil général de la commune, présidé par M. Antoine Ghabrel, maire, assemblé à son de cloche et par billets d’invitation, auquel ont été présents MM. Marie-Joseph Augustin de Roubin, Bertrand Lhermite, Antoine Valay, Joseph Barra-can, Claude Bonel, Gabriel Anestay et Jean Gar-uet, officiers municipaux; Jean-Baptiste Noël eigneuret, Antoine Lyon, Gabriel Aubert, François-Aubert Linsolas, Claude Rouvierre, Robert Ferrand, Joseph Lautier, Michel Gonet, André Laugier, Pierre-Paul Bouyer , Michel, Pascal Bouyer, Biaise Tardieu et Firmin Bremond, notables, en l’absence des autres, pour être malades ou en foire de Beaucaire. M. Pierre-Marie Palejay, procureur de la commune, présent. M. le maire a dit : que tous les papiers publics font mention d’une inculpation grave, à laquelle M. Bouche, député d’Aix à l’Assemblée nationale, s’est livré contre les citoyens de cette ville et la municipalité, dans la séance du 17 courant, en parlant sur les troubles d’Avignon ; voici un extrait du Journal des Débats, n° 348, imprimé avec le consentement de l’Assemblée nationale, par Baudouin, son imprimeur. « M. Bouche s’est dit l’organe de tous les départements du Midi.. . Il s’est aussi livré à toute son indignation contre la ville de Villeneuve-lès-Avignon, qui a seule entendu les cris des malheureux, et n’a pas volé à leur secours, dans le sein de laquelle il s’est fabriqué, à ce qu’on assure, dix-huit mille cartouches, et où l’on ourdit chaque jour de noirs et perfides complots. » Qu’il ne doit non plus laisser ignorer que la ville a trouvé dans un honorable membre (M. de Clermont-Lodève), un digne défenseur contre les noirceurs de M. Bouche; voici ce que porte le même journal : « M. de Clermont-Lodève s’est efforcé de défendre la ville de Villeneuve-lès-Avignon, inculpée par M. Bouche, et il a cherché de prouver qu’elle avait plus d’intérêt qu’aucune autre d’être attachée à la France. » Qu’enfin le sieur André, citoyen de cette ville, député du district à la fédération générale de Paris, a écrit au corps municipal, en date du 20 de ce mois, pour lui témoigner toute sa peine et sa sensibilité aux imputations faites à cette ville, par M. Bouche, à la même séance citée par le susdit journal, ce qui ne laisse aucun doute sur la vérité du fait, Que la garde nationale et à elle joint grand nombre de citoyens, se sont rendus ce matin à la maison commune et ont dénoncé à la municipalité la partie du discours de M. Bouche, concernant cette ville, comme tendant à faire naître des soupçons sur les principes et les sentiments de patriotisme dont nos concitoyens ne cessent de donner des marques depuis la Révolution, et ont demandé que la municipalité en poursuive la juste réparation; ce qu’il expose pour y être délibéré, remettant le susdit journal et lettre dudit sieur André, sur le bureau. M. le procureur de la commune ouï : Le conseil général de la commune, pénétré des sentiments de la plus vive reconnaissance pour M. de Clermont-Lodève, lui a voté par acclamation les remerciements les plus sincères. Et partageant avec tous les citoyens la juste indignation que leur ont inspiré les imputations odieuses que M. Bouche a osé se permettre contre cette ville, dans le sein de l’Assemblée nationale, s’empresse de déclarer et d’assurer à la France entière, que tout ce que ledit sieur Bouche a dit contre Villeneuve est un tissu d’impostures, de fausseté, et de calomnie la plus noire, et qu’il le défie d’en donner la moindre preuve. 11 se réserve, en conséquence, dele poursuivre par-devant tous tribunaux compétents, jusquesà due réparation, lorsqu’il sera dépouillé du caractère sacré de représentant de la nation, dont il a abusé si ouvertement dans cette occasion. Cette calomnie est d’autant plus sensible aux citoyens et à la municipalité, qu’ils s’étaient jusqu’à ce jour glorifiés de l’harmoDie et de l’union üi régnent en cette ville parmi toutes les classes e citoyens. Que malgré les pertes incalculables que cette ville éprouve dans laRévolution par la destruction des corps religieux et l’abolition des privilèges, elle n’a jamais cessé de donner les préuves les plus évidentes de son patriotisme et de son attachement à la Constitution (1). Le conseil général donne pour preuve de ce patriotisme l 'adhésion (2) que cette ville a donnée, avant presque toutes les autres, aux décrets de l’Assemblée nationale, la renonciation à tous ses privilèges, l’empressement de la municipalité à ouvrir le registre de la contribution patriotique, dès qu’elle eut connaissance du décret rendu à ce sujet, même avant de l’avoir reçu officiellement, celui de tous les citoyens à y souscrire, au point qu’il en renferme pour environ 70 mille livres, et de les acquitter (3). (1) Les corps religieux qu’elle avait dans son sein jouissaient de plus de 200,000 livres de rente, dont la majeure partie était employée au soulagement des pauvres et à l’entretien de l’hôpital, qui n’a pas seulement un revenu fixe de 600 livres. La ville était indemne de taille. (2) Elle est consignée dans le procès-verbal de l’Assemblée nationale, à la séance du T septembre 1769. i,3) La municipalité n’a point été dans le cas de faire la déclaration pour aucun citoyen ; tous ont rempli ce devoir et plusieurs journaliers ont fait une offrande patriotique. 424 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Il donne encore en preuve le payement de tous les impôts directs et indirects de la dîme et des droits féodaux, qui n’a jamais souffert en cette ville le moindre refus ni retard, malgré les misères du temps; enfin les sentiments que tous les citoyens ont manifesté dans la journée à jamais mémorable du 14 du courant. Le conseil général, après avoir prouvé le patriotisme, le zèle et l’attachement des habitants pour la Constitution, doit encore justifier leur conduite à raison des griefs que M. Bouche leur impute, en disant : « qu’ils ont entendu les cris des malheureux et n’onl. pas volé à leur secours. » En conséquence, il déclare et affirme qu’aux premiers coups de fusil que l’on entendit de cette ville, le colonel et deux capitaines de la garde nationale s'empressèrent de passera Avignon pour en connaître les motifs; mais plusieurs patrons ui se trouvaient sur le port du Rhône, du côté el’îlede La Rarthalasse, vis-à-vis d’Avignon, leur ayant assuré qu’ils seraient insultés, s’ils y allaient, ils restèrent sur le port d’où ils envoyèrent des bateaux pour traverser et secourir une foule d’Avignonnais de tout âge, de tout sexe et profession qui s’expatriaient, fondant en larmes, et poussant les cris du plus affreux désespoir; que, dans le même moment, le corps municipal et plusieurs membres de la garde nationale s’occupaient dans la ville à procurer à ces malheureux infortunés (1) tous les secours et besoins que leur situation exigeait (2). Affirme encore que dans l’intervalle où l’on secourait ainsi tous ceux qui réclamaient asile et assistance, arrive sur le rocher d’Avignon qui domine le port, un piquet de douze à quinze hommes armés de fusils, qui, couchant en joue les patrons de Villeneuve, leur ordonnèrent de se retirer au plus vite avec leurs bateaux, leur firent défense de passer aucun Avignonnais, avec menace de faire feu sur le premier qui n’exécuterait pas cet ordre. Affirme qu’il fut tiré un coup de fusil à un citoyen de cette ville, résidant depuis quelque temps à Avignon, se trouvant sur le port du Rhône, qui le laissa sur le carreau. Il affirme de plus que le détachement des gardes nationales de France, qui se sont rendues à Avignon, n’y sont allées que d’après la réquisition de la municipalité d’Avignon, et qu’elle n’a requis ni la municipalité ni la garde nationale de cette ville de lui prêter secours, quoique plus à portée qu’aucune autre (3). Il affirme enfin que les menaces d’incursion en cette ville, que le peuple d’Avignon faisait journellement, mit la municipalité dans le cas de demander des troupes de ligne, attendu le défaut d’armes de la garde nationale, qui lui furent accordées; mais ces menaces ayant été vaines elle ne les a point requises de venir. Et considérant que l’assertion d’un homme revêtu d’un caractère aussi respectable que celui de représentant de la nation, donnée en présence du sénat le plus auguste et dans un temple où la vérité devrait seule percer, doit nécessairement (1) Parmi leur nombre considérable, il ne s’y trouvait pa* un seul gentilhomme. (2) Ce sentiment est tellement inné dans le cœur des habitants de Villeneuve, que M. Peyre, officier municipal d’Avignon, et M. Audiffret, frère d’un autre officier municipal et beau-frère de M. Bouche, étant venus se réfugier en cette ville, dans un temps de proscription pour eux, ils y furent bien reçus. (3) Ce fait est consigné dans une letre écrite par la municipalité d’Avignon à celle de Villeneuve, le 15 juin. [29 juillet 1790.] faire l’impression la plus défavorable contre les citoyens de cette ville. Le conseil général a unanimement délibéré et arrêté de dénoncer à l’Assemblée nationale, M. Bouche, député d’Àix en Provence; comme calomniateur, jusqu’à ce qu’il ait prouvé ce qu’il a eu la témérité d’avancer et de lui en demander la juste réparation. Charge à cet effet le corps municipal de présentera l’Assemblée nationale toute adresse et pétition nécessaires, portant l’expression de la vive douleur où les imputations de M. Bouche ont jeté les habitants, et l’assurance des sentiments les plus sincères et les plus respectueux à son égard ; rotestant que, malgré tout ce qu’a pu dire M. ouche, ils sont et seront toujours les plus fidèles observateurs des lois qu’elle jugera à propos de donner, et qu’ils resteront toujours inviolable-ment attachés à la Constitution et au roi. Arrête enfin que la présente délibération sera imprimée et qu’extrait d’icelle sera envoyé, avec l'adresse et pétition ci-dessus, à l’Assemblée nationale, au miniftre de département, en l’assurant de la fidélité et de l’amour inaltérable et respectueux des habitants pour la personne sacrée du roi, aux directoires du département et et du district, et à toutes les municipalités du royaume. Que pareil extrait sera aussi envoyé à M. de Clermont-Lodève, avec prière de l’agréer comme un faible hommage que la commune rend à son xèle, pour l’intérêt qu’il a bien voulu prendre à son égard, l’assurant de la sensibilité et de la reconnaissance de tous les citoyens. Et ont les délibérants, sachant écrire, signé : Chabrel, maire, — Roubin; — Lhermite; — Va-lay; — Barracan; — Bonel; — Anestay; — Gar-guet; officiers municipaux ; Seigneuret; — Lyon; — Aubert; — Aubert Linsolas; — Rouvierre; — Ferrand; — Laugier; — Bouyer; — Tardieu; — * Bremond; — Gonet, notables; — Pallejay, procureur de la commune; — Gleise, secrétaire-greffier, — Collationné: GLEISE, secrétaire greffier . ADRESSE à l'Assemblée nationale de France. Tandis que toute la nation livrée encore à cette allégresse générale de la liberté régénérée à la suite de ce jour mémorable dans les fastes des nations ; tandis que cette ivresse patriotique était si vivement partagée par une cité toujours fidèle, toujours soumise, toujours religieuse observatrice d’un serment si souvent répété et renouvelé pompeusement dans ce jour soleanel: faut-il, Messieurs, qu’un membre du Corps législatif, respectant assez peu un caractère sacré, soit devenu l’organe de l’imposture, dans l’enceinte et en présence du sénat auguste, qui donne des lois au plus florissant empire de l’univers? Justement indignés, profondément affectés des imputations les plus criminelles, les citoyens de Yilleneuve-lès-Avignon s’honoreront sans doute de déposer leur vive sensibilité et l’amertume de leur douleur dans le sein des pères de la patrie. La délibération du conseil général de la commune justifie toute l’étendue de leur patriotisme, de leur dévouement à la chose publique, de leur soumission sans bornes à vos décrets et dont l’exécution s’est maintenue au milieu de l’ordre, de la paix jamais altérée par le plus léger murmure, et à l’abri des orages qui ont agité la France et les contrées voisines.