[Assemblée nationale.] surveiller la fabrication des assignats, à commencer par les opérations préliminaires successivement jusqu’à leur parfaite confection, et leur remise dans la caisse de l’extraordinaire. « Art. 4. Les commissaires de l’Assemblée nationale et ceux du roi sont autorisés à arrêter toutes conventions nécessaires pour ladite fabrication, lesquelles seront signées seulement desdits commissaires du roi, et visées par le ministre des contributions publiques, pour, une copie, rester dans ses bureaux, et l’autre déposée aux archives nationales. « Art. 5. Le papier desdits assignats sera blanc. Ce papier et leur composition seront conformes au modèle, qui, après avoir été arrêté et signé par les commissaires de l’Assemblée nationale et du roi, sera déposé aux archives. « Art. 6. Les assignats seront signés par les mêmes personnes qui ont été précédemment commises pour signer les assignats de différente coupure. » M. Charles de Lameth. La discussion d’hier avait pour objet de fixer votre attention sur les besoins du moment, et sur les difficultés qui existent actuellement dans la circulation. Sur cela il a été fait, par M. de Grillon, une proposition qui a paru d’abord très bonne à plusieurs membres de cette Assemblée. ( Interruption .) On avait commencé à y faire des objections, qui avaient paru à l’Assemblée faciles à détruire, quand un membre du comité des finances, M. l’abbé Papin, nous a dit qu’il était possible de donner mardi au soir pour 1,800,000 livres d’assignats de 5 livres. ( Cela n'est pas possible!)... Il l’a dit. Cette proposition nous a tranquillisés, et M. de Grillon lui-même n’a pas insisté davantage. On nous dit maintenant que ce moyen provisoire est impossible. J’avoue, Messieurs, qu’il me paraît bien extraordinaire, sans vouloir inculper votre comité des finances, qu’on nous ait fait arriver à ce point extrême où la circulation est absolument tarie sans aucune espèce de prévoyance, et qu’on vienne nous dire aujourd’hui qu’il est impossible de vous donner avant 15 jours des moyens de faire vivre le peuple. On vous a parlé, Messieurs, de papier volontaire qui remplacerait les assignats et les escompterait. J’ai eu l’honneur de vous dire le 6 de ce mois qu’il arriverait un tel ordre de choses, que ces assignats deviendraient forcés par le fait; et c’est positivement sur la pénurie et sur la gêne du public que s’ouvrira le succès de cette banque volontaire; et cela porte l’atteinte la plus grave au crédit national, au crédit des assignats. J’ai dit et je soutiens encore jusqu’à aujourd’hui, mais pas passé aujourd’hui, que les assignats ne perdaient pas et n’avaient rien perdu. (Rires à droite.) Les assignats vont perdre vis-à-vis de l’argent, parce que l’Assemblée a fait une faute qu’elle continue, en émettant des pièces de papier de 5 livres, quand il y a des écus de 3 livres. On aurait dû faire cesser beaucoup plus tôt cette disproportion; je crois qu’il est très urgent, sous plus d’un rapport, qu’il soit décrété aujourd’hui une mesure quelconque de subvenir à l'embarras extrêmement effrayant de la circulation ; je demande que, puisque le comité des finances ne vous a pas tenu ce qu’il vous avait promis, on ouvre la discussion sur le projet de M. de Crillon ou sur toute autre proposition, lre Série. T. XXVI. 273 mais qu’on ne laisse pas les choses dans l’état dangereux et affligeant où elles sont. M. Populus. On nous a dit qu’il était possible d’avoir des assignats dans 15 jours ; si vous ne prenez pas le parti plus expéditif de M. de Grillon, il est impossible que vous en ayez avant un mois. (Murmures.) M. de Crillon, le jeune. Je crois qu’une mesure très importante serait de savoir s’il n’y a pas un moyen très prompt de multiplier la monnaie de cuivre, mesure qui, dans tous les cas, est indispensable, soit que vous adoptiez la fraction d’assignats de 5 livres, soit que vous attendiez, ce qui me paraît bien difficile, les assignats-monnaie dont le comité vous fait Ja proposition. Mon avis serait donc que le comité des monnaies nous indiquât les moyens qui pourraient accélérer leur fabrication. M. de Cernon, rapporteur. "Vos commissaires se sont transportés ce matin à la Monnaie ; ils ont donné des ordres pour réparer les poinçons, si quelques-uns ont besoin de l’être; de manière que les planches seront faites à l’instanf où le papier arrivera. Tout ce temps calculé nous donne la certitude que dans 15 jours ce papier sera prêt, et en quantité surabondante, pour fournir à l’impression. De là, il résulte que dans le mois il y aura pour 25 millions d’assignats préparés, prêts à être émis, c’est-à-dire >5 millions d’assignats. M. Barnave. Si le comité des finances établit que la situation actuelle de la circulation n’est pas pénible ni pressante, je n’ai plus rien à dire sur cela; mais s'il est vrai que nous sommes, à cet égard, dans des circonstances critiques et urgentes; s’il est incontestable qu’il est des moyens d’y pourvoir beaucoup plus expéditifs que ceux que le comité vous propose, il faut que le comité se détermine à les adopter. Hier la délibération a été renvoyée avec l’intention marquée de l’Assemblée, que le comité lui présentât, ce matin, un moyen provisoire de pourvoir aux besoins les plus instants, soit par des coupons d’assignats existants, soit par une fabrication nouvelle. M. de Crillon vous a proposé un plan contre lequel je pense intimement qu’on n’a pas fait une objection solide et victorieuse. Cependant votre comité des finances l’a rejeté; mais en même temps il vous a dit qu’il était entièrement facile d’émettre, en très peu de jours, de nouveaux assignats en circulation, d’employer le papier actuellement existant. Maintenant le comité des finances s’appuie pour justifier sa marche rétrograde sur ce que l’Assemblée nationale a précédemment décrété que l’émission des petits assignats se ferait simultanément avec la fabrication de la petite monnaie; mais il est aisé de répondre à cette première objection. En effet, si l’Assemblée nationale a cru qu’un acte de la puissance publique peut faire valoir les billets de la caisse d’escompte comme assignats, avec le caractère de promesses d’assignats, je demande pourquoi un signe quelconque établi par la volonté nationale, n’aurait pas même la solidité du moment qu’un acte de l’Assemblée nationale leur aurait donné, et le même caractère et la même hypothèque? (Applaudissements.) Le comité dira-t-il que vous ne pouvez pas émettre de petits assignats avant le moment où [ vous pourrez les accompagner par. une émission 18 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791. J n 4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.] de petite monnaie ? Mais c’est en vain qu’il s’appuie sur la forme dont il semble que l’Assemblée l’avait formellement dispensé, lorsque hier elle lui a renvoyé des projets tendant à une émission de petits assignats ou de signes représentatifs faits dès à présent. Un tel décret ne déroge point à un décret antérieur, puisqu’il est au contraire un moyen provisoire pour arriver au moment où le décret antérieur pourra être exécuté. Il suffit donc de comparer, en deux mots, les inconvénients résultant d’une émission de petits assignats sans monnaie, au danger qu’il y aurait de ne faire aucune émission. Or, je pose ainsi la question : Quel est actuellement l’inconvénient de la circulation? Il se partage en deux branches : difficulté de changer les assignats contre des écus de 6 livres; difficulté de changer les écus de 6 livres contre une moindre valeur. Or, lorsque vous aurez fait des assignats de 6 livres, au moins vous aurez évité un des inconvénients, car celui qui résultera de changer des assignats de 5 à 6 livres en monnaie, ne sera pas plus grand que celui de changer à présent des écus de 6 livres en monnaie. Je dis que si ces faits sont réels, on ne peut pas me contester que la création d’assignats qui représenteront identiquement les écus, qui auront la même valeur, peut sauver les extrêmes inconvénients de la circulation actuelle ; car de fait la nécessité de l’échange d’un écu de 6 livres contre une moindre valeur, est extrêmement rare, tandis que l’échange d’un assignat pour des valeurs de 6 livres est le besoin de chaque jour; c’est là qu’est la difficulté; je demande donc que le comité déclare s’il s’en est occupé. M. Rewbell propose d’établir une espèce de banque sous le nom de Caisse de secours, qui échangerait à 1 0/0 les assignats qui lui seraient présentés par les personnes les plus nécessiteuses, en observant certaines formalités qui seraient déterminées. (Murmures.) M. de Cernon, rapporteur. Le comité pense que la coupure des assignats, suivant le procédé proposé par M. de Grillon, ferait jeter dans la circulation beaucoup de faux assignats qu’il serait impossible de reconnaître. M. Leclerc. M. l’abbé Papin s’est trompé en avançant qu’on pourrait fabriquer d’ici à mardi pour 1,800,000 livres d’assignats avec l’ancien papier; il n’en existe dans les magasins que 42 rames et on ne peut tirer que 12 assignats par feuille. M. Camus. On pourrait, en attendant, employer ce peu de papier qui débarrasserait d’autant la circulation des entraves qui la gênent. M. de Montesquiou. Je rappelle à l’Assemblée sa propre décision du 6 mai ; elle a tellement senti que la mesure de la monnaie de cuivre était l’antidote des assignats de 5 livres, qu’elle a décidé par son décret que les assignats ne pourraient être émis dans la circulation que lorsqu’elle aurait la certitude qu’il y aurait une quantité assez considérable de cuivre pour les échanger, afin que la monnaie ne se vende pas comme les écus. Il s’agit donc actuellement de savoir si vous pouvez avoir dans huit jours une quantité de monnaie de cuivre correspondante à une émission d’assignats de 5 livres. Or, Messieurs, tous les calculs vous disent que vous ne pouvez pas espérer, dans une semaine à Paris, fabriquer plus de 70,000 livres de monnaie de cuivre. Je demande donc qu’on mette aux voix le projet du comité. M. Raband-Salnt-Etienne. Le problème que vous avez à résoudre, est de satisfaire aux besoins publics. Dans les 20 objets que vous avez décrété qui devaient paraître simultanément, il est évident que la monnaie était plus instante que les assignats ; on doit présenter au comité un moyen très prompt de précipiter la fabrication. Vous pouvez ordonner que l’on fabrique dans toutes les monnaies, de façon que le royaume se trouve en même temps couvert de sous. D’ailleurs, il résulte de la discussion que l’on vient de faire, que les assignats ne se fabriquent pas si promptement ; ainsi je conclus à l’admission du projet du comité. (L’Assemblée ferme la discussion, accorde la priorité au projet de décret du comité et ajourne la délibération à la séance de demain.) M. le Président indique l’ordre du jour de la séance de ce soir et lève la séance à quatre heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU SAMEDI 21 MAI 1791, AU MATIN. Opinion de M. Salle, député du département de la Meurthe à V Assemblée nationale , contre la division du Corps législatif en deux sections . Avertissement. A la séance du samedi 2J mai dernier, M. Buzot prononça un discours à la suite duquel il proposa un projet de décret en remplacement du mode constitutionnel de délibération du Corps législatif présenté par le comité. Ce projet qui tendait à diviser i’ Assemblée nationale en deux sections, m'alarma. Je préparai le lendemain cette opinion, dans le dessein de la prononcer à l’Assemblée le jour suivant, la discussion ayant été remise à cette séance. J’allai le soir même à la société des amis delà Constitution; j’y lus mon opinion telle que je l’avaispré-parée, et soit que mes raisons eussent convaincu mes adversaires, soit que l’instant ne leur eût plus paru favorable, le lendemain, à l’Assemblée nationale, la discussion n’eût pas lieu. Bien loin de là : le mode de délibération proposé par le comité fut décrété, et j’étais parfaitement tranquille sur celte division du Corps législatif, que je croyais dès lors définitivement écartée. Depuis cet instant, les amis des sections ont cherché à faire croire que la question avait été ajournée. Quelques-uns ont même avancé que le mode de délibération décrété serait revu lors du classement des décrets, et qu’on lui substituerait, sans doute, la délibération par sections. On a manœuvré pour obtenir à cet égard un vœu, vrai ou faux des Français de tout l’Empire. On est revenu à la charge lors de l’évasion du roi; on a ressuscité la question en demandant que l’Assemblée formât un comité pour pourvoir à l’exécution des lois. Tant d’indices des intentions de ceux qui veulent diviser le Corps législatif ne peuvent me laisser indifférent. Je dois au public de lui