144 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. im d’aller passer trois semaines à un mois aux -«aux de Cadeac. « La frontière est à couvert de toute insulte; -que dis-je, le drapeau tricolore flottera sans doute bientôt sur le territoire de nos ennemis. « Vive la Bépublique! Salut et fraternité. « Le représentant du peuple, « J. Feraud. « Au quartier général de Saint-Jean-Pied-de-Port, ce 26 brumaire de l’an II de la Répu-blique une et indivisible. « P. S. Nous avons repoussé hier l’Espagnol de Lucaire, où il voulait venir se rétablir. Je dois rendre publique une action de deux bra¬ ves chasseurs du 3e des Basses -Pyrénées. « Cernés par l’ennemi et sans aucune res¬ source pour fuir, ils se jettent dans l’eau, malgré sa froidure, ils se couvrent la tête d’une motte de terre, l’ennemi ne sait pas les apercevoir. L’ennemi se retire; les deux braves hommes sortent de la rivière et vont brûler un édifice qui lui avait servi de repaire, et où sans doute il serait revenu passer la nuit. Les deux chas¬ seurs sont rentrés sains et saufs, en criant : Vive la Bépublique! » Le même représentant [Feraud], par une autre lettre sans date, annonce que nos phalanges républicaines ont eonquis le pays de Val-Carlos et la Cayde; elles se sont illustrées à leur ordi¬ naire par des prodiges de valeur. Des canon¬ niers ont traîné une pièce de huit à bras sur une hauteur inaccessible aux chevaux, et une pièce de quatre étant tombée dans la rivière, ils s’y sont jetés nus, malgré le froid, et l’en ont retirée. « Ce succès, ajoute Feraud, sera suivi d’autres plus considérables. » Mention honorable et insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit le texte de cette lettre d'après le Bulletin de la Convention (2). Lettre du citoyen Feraud, représentcmt du peuple. « Relevé à peine des douleurs de quelques blessures reçues en combattant à la tête de mes camarades, mais ne pouvant plus tenir contre l’inaction des troupes de la République, à Saint-Jean-Pied-de-Port, depuis mon départ, je me suis fait traîner comme j’ai pu, de 50 lieues, (1] Procès-verbaux de la Convenlion, t. 26, p. 162. (2) Premier supplément au Bulletin de la Con¬ vention du 6® jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (mardi 26 novembre 1793); Moniteur uni¬ versel [n° 68 du 8 frimaire an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 276, col. 1]; Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 434, p. 92). par le plus gros temps, les pluies, les neiges-les plus abondantes. Tout est oublié, puisque je suis devant l’ennemi, puisque je puis remplir encore utilement les fonctions de représentant du peuple et de soldat français, et prouver à la République que je n’ai de sentiment que pour sa gloire et son bonheur. « Le lendemain de mon arrivée, nos troupes ont fait un premier mouvement sur le terri¬ toire ennemi, et j’ai marché, suivant mon usage, à la tête de l’avant-garde. Ce sera mon poste tant que la volonté de la Convention me retiendra près des armées. Le général de brigade Duprat fl), déjà connu par ses talents et son expérience, commandait. « Nous avons conquis pour la République le pays de Val-Carlos et Lucayde, apparte¬ nant au tyran espagnol. « La résistance a été, pour ainsi dire, nulle; l’ennemi n’a pas osé nous attendre. Nous n’avons eu qu’un grenadier blessé; l’Espagnol a perdu quelques hommes; il a été chassé également du poste de la Fonderie, par le général Armudac (2). « Toutes les troupes se sont comportées à leur ordinaire, c’est-à-dire avec ce courage et cette intrépidité qui caractérisent le soldat répu¬ blicain. Je dois dire que l’ardeur est ici à ui� point que les canonniers ont traîné une pièce de 8, à bras, sur une grande hauteur inacces¬ sible aux chevaux, et qu’une pièce de 4 étant tombée dans la rivière, ils s’y sont jetés nus, malgré la froideur des eaux, et l’en ont reti¬ rée (3). « L’importance de la prise du pays de Val-carlos et de Lucayde nous a déterminés à y lais¬ ser un détachement très fort avec du canon; nous espérons en retirer 2 à 3,000 quintaux de blé d’Inde, nourriture ordinaire dans ce pays, 3 à 4,000 quintaux de fourrage, qui nous est d’une nécessité absolue; le pays nous fournira encore tous les bois nécessaires pour le chauffage de l’armée pendant plus d’un an, une quantité suffisante de planches pour nos baraques ou établissements d’hiver, et pour tous nos ou¬ vrages de fortifications. « Ce succès est le prélude de succès plus considérables; le général de division Lalais, à qui mes collègues ont confié le commandement des troupes françaises, à Saint-Jean-Pied-de-Port, et qui le mérite, a bien promis de faire son devoir, il le fera. « Tout commence à reprendre son harmonie ordinaire, un peu relâchée pendant mon absence, Soyez sûrs que nous ne laisserons aucun repos à nos ennemis (si l’on veut exécuter ma pensée) qu’ils ne soient tous exterminés, et que le trône du tyran espagnol ne soit en poudre. « J’espère qu’ incessamment vous apprendrez quelques nouveaux avantages. Vive ta Bépu¬ blique une et indivisible! et ça ira! « Feraud. » (3) Le Journal des Débats et des Décrets écrit ce nom : « Duprin ». (4) Les divers journaux de l’époque écrivent CO nom : « Arnaudat ». (5) Applaudissements, d’après le Mercure uni¬ versel [7 frimaire an II (mercredi 27 novembre 1793), p. 105, col. 1].