[Convention nationale.] nom du département de la Nièvre, les senti¬ ments de la plus tendre fraternité. Le Président lui donne l’accolade. Le conseil général arrête que le procureur général syndic écrira sur-le-champ au ministre de l’intérieur, pour avoir le décret rendu hier par la Convention nationale, portant que les citoyens ont la faculté d’adopter le culte qui leur convient, et de supprimer les cérémonies religieuses qui . leur déplaisent ; que ce décret sera consigné dans le procès-verbal de cette séance, et envoyé aussitôt à la municipalité de Paris et aux deux districts ruraux, avec invita¬ tion de le faire connaître aux citoyens, le plus promptement possible. Pour célébrer le triomphe que la raison a remporté, dans cette séance, sur les préjugés de dix -huit siècles, le conseil général arrête que les musiciens de l’Opéra sont invités à venir, décadi prochain, exécuter V Offrande à la liberté, devant l’image de cette divinité des Français, dans l’édifice ci-devant dit Yéglise métropoli¬ taine; que l’administration des travaux et éta¬ blissements publics de la municipalité fera toutes les dispositions convenables pour cette fête; qu’elle aura lieu, à dix heures du matin, qu’elle sera annoncée au bruit du tambour et du canon, et que la députation du département de la Nièvre est invitée à y assister. Et sur l’observation faite, que les musiciens de la garde nationale doivent se réunir, décadi prochain, au lycée des Arts, pour y exécuter les plus rares morceaux de musique, le conseil général arrête que ces citoyens seront invités à changer leur destination et à se réunir dans le lieu désigné pour la fête patriotique. Le conseil général nomme les citoyens Pey-rard et Lemit, deux de ses membres, commis¬ saires, pour rédiger un projet de fêtes civiques à célébrer en l’honneur de la liberté, dans le courant de chaque mois. Les artistes sont invi¬ tés à leur communiquer leurs vues sur cet objet. Le conseil général arrête l’impression du pro¬ cès-verbal de cette séance mémorable, l’envoi à la municipalité de Paris, aux districts et à toutes les communes, sections et assemblées populaires du département, et il la lève vers 2 heures et demie pour se rendre à �Conven¬ tion nationale. Signé: Momoro, président par intérim; Dupin, secrétaire. ANNEXE N» 4 A la séance de la Convention nationale du 13 bru¬ maire an IK. (Jeudis 3 novembre 1 903). Compte rendu, d’après le «Journal des Débats et des Décrets (1), de l'admis¬ sion à la barre de l’évéque de Paris, Gobet, et de ses vicaires, lesquels vien¬ nent déclarer à la Convention qu’ils re¬ noncent à leurs fonctions ecclésiastiques. Le Président annonce que les membres des autorités constituées du département de la commune de Paris accompagnent à la barre (1) Journal des Débals et des Décrets (brumaire an II, n° 415, p. 239). D’autre part, voy. ci-dessus, même séance, p. 554, le compte rendu de cette admission à la barre, d’après le Moniteur. 17 brumaire an II 569 7 novembre 1793 l’évêque Gobet, ses vicaires et plusieurs curés de Paris, et qu’ils demandent à être entendus. Ils sont introduits sur-le-champ. L’orateur. Le département de Paris, la muni¬ cipalité, des membres du conseil général de la commune, des citoyens des sociétés populaires et quelques administrateurs de la Nièvre qui ont demandé à se réunir à nous, accompagnent dans le sein de la Convention des citoyens qui demandent à se régénérer, à devenir hommes. Vous avez devant vous l’évêque de Paris, ses grands vicaires, le curé de Vaugirard et plu¬ sieurs autres curés dont la liste vous sera re¬ mise. Conduits par la raison, ils viennent se dépouiller du caractère que leur avait donné la superstition. C’est ainsi que dans peu, la Répu¬ blique française n’aura d’autre culte que celui de la liberté, de l’égalité et de l’éternelle vérité, culte puisé dans le sein de la nature et qui sera bientôt le culte universel. (Vifs applaudisse¬ ments.) r Gobet demande à faire sa déclaration. Elle porte sommairement que, né plébéien, il eut de bonne heure pour principes ceux de la liberté et. de l’égahté. Gobet rappelle ce qu’il fit du¬ rant l’Assemblée constituante pour seconder la Révolution française et accélérer sa marche. Appelé au siège de l’évêché de Paris, il vit un moyen plus sûr d’attaquer le fanatisme en se rapprochant de sa source et il accepta la ;place que lui donnait la confiance du peuple. Aujour¬ d’hui, la raison triomphant enfin de tous les préjugés religieux, il vient en proclamer le pre¬ mier la victoire. « Je déclare, dit-il, que je re¬ nonce à l’exercice de mes fonctions de ministre du culte oatholique. Les citoyens mes vicaires se réunissent à moi pour faire la même déclara¬ tion. En conséquence, nous vous remettons nos titres. Puisse cet exemple servir à consolider le règne de la liberté et de l’égalité ! Vive la Répu¬ blique ! » ( L’enthousiasme se manifeste par les plus joyeuses acclamations.) Chaumetts obtient la parole. Le jour où la raison reprend son empire, dit -il, mérite une place dans les brillantes époques de la Révolu¬ tion française. J’adresse en ce moment la péti¬ tion à la Convention de charger son comité d’instruction publique de donner dans le nou¬ veau calendrier une place au jour de la raison. (Applaudi.) Le curé de Vaugirard en déposant ses lettres de prêtrise se félicite de pouvoir enfin fouler aux pieds le privilège d’épouvanter les sots et de se faire respecter par les imbéciles. Le Président répond à tous ces discours avec beaucoup de présence d’esprit. Sa réponse prouve que la raison avait devancé en lui la destruction de tous les préjugés. Nous regret¬ tons de n’avoir pu la recueillir assez exactement pour la transmettre à nos lecteurs. Les citoyens qui sont à la barre reçoivent les honneurs de la séance. Les représentants du peuple quittent leurs places pour venir au de¬ vant d’eux. Ils les accueillent avec transports. Cette scène se prolonge au milieu des applaudis¬ sements du peuple. Chacun s’empresse de ser¬ rer dans ses bras des hommes qui, lassés de se partager entre une religion et la patrie, se dé¬ vouent entièrement à la République. De toutes parts on demande l’accolade fraternelle pour Gobet. Le Président la lui donne et les applau¬ dissements redoublent. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 570 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f |8 brumaire an H ■ 4 (8 novembre 1793 Plusieurs prêtres, membres de la Convention, s’ approchent de la tribune. Coupé (de l'Oise ) les y devance II fut curé de campagne. Il a renoncé depuis longtemps aux fonctions du mi¬ nistère qu’il remplissait aux autels du culte catholique. Un seul sacrifice lui restait à faire pour se séparer entièrement de la profession Sa’il avait exercée et il vient l’offrir à la patrie. fait à la République la remise du traitement conservé aux prêtres qui renoncent à leur état. (Applaudi.) Un membre. Depuis douze ans» je suis curé de campagne. J’ai toujours prêché les maximes de la saine morale et enseigné les principes de la philosophie. Aussi ai-je été, comme les citoyens qui m’avaient donné leur confiance, victime des brigands qui ont désolé pendant quelque temps le département que j’habite. Je déclare que j’ai toujours aimé ma patrie que je l’aimerai tou¬ jours, et que je renonce de bon cœur à une Î)lace où l’on pourrait me soupçonner d’enseigner 'erreur. (Applaudi.) Lindet. J’ai été nommé par mes concitoyens évêque du département de l’Eure. Je n’ai jamais enseigné le fanatisme ou le charlata¬ nisme. Selon mes lumières et mes moyens, la raison a toujours parlé par ma bouche. Lorsque j’ai accepté la place que j’occupe encore, je le fis parce qu’à cette époque le salut de ma patrie exigeait ce dévouement de ma part. Tout le monde sait avec quel zèle j’ai combattu les fanatiques et les superstitieux. Si je suis encore au poste où je crois avoir fait triompher la rai¬ son, c’est parce que j’ai voulu suivre la marche de l’opinion qui m’y avait placé. J’abdique au¬ jourd’hui, parce que le moment de le faire est arrivé, parce que les esprits sont mûrs. (Ap¬ plaudi.) Julien, (de Toulouse). Je n’eus jamais d’autre ambition que de voir régner la raison et la phi¬ losophie : je' m’attachai toujours comme citoyen et comme ministre d’un culte qui fut longtemps proscrit, à resserrer entre les hommes les liens de la fraternité, et à les exciter à remplir entre eux les devoirs de l’humanité : j’ai prêché hau¬ tement les maximes de la tolérance, et je m’ho¬ nore d’avoir exercé, dans toute son étendue, cette vertu vraiment sociale; j’en appellerais s’il le fallait à des preuves. Les prêtres du départe¬ ment de la Haute-Garonne, les catholiques ro¬ mains de ce même département, ceux du dépar¬ tement de l’Hérault, j’oserais presque dire ceux de tout le Midi, attesteraient que je professai toujours le tolérantisme le plus absolu; que j’ai vu dans tous les cultes une même destinée pour l’homme, quelque dieu qu’il eût encensé. Je me félicite d’avoir vu arriver le jour où la raison ne fera de tous les hommes qu’un peuple de frères. Gobet vient de professer, au sein des législa¬ teurs d’un grand peuple, des principes dont la publicité était depuis longtemps attendue, et qui, mis en pratique aujourd’hui, ne laisseront plus aucune ressource au fanatisme et à la superstition. Peut-être serait-ce le moment de reconnaître que les ministres protestants ne furent jamais que des officiers de morale; mais, il faut en convenir, dans tous les cultes, il y a eu plus ou moins un peu de charlatanisme. (Vifs applaudissements.) Il est beau de pouvoir faire cette déclaration sous les auspices de la raison, de la philosophie et d’une Constitution sublime qui prépare la chute de tous les tyrans, comme elle a enseveli les anciens abus et les vieilles erreurs. J’ai exercé pendant vingt ans les fonctions de mi¬ nistre protestant; je déclare que je ne les exer¬ cerai plus et que je n’aurai désormais d’autre temple que celui de la loi, d’autre dieu que la patrie, d’autre évangile que la Constitution ré¬ publicaine. Voilà une profession de foi politique et mo¬ rale; pour cesser d’être ministre protestant, je ne cesserai pas d’être homme et d’être citoyen, je ne m’en croirai pas moins tenu de prêcher la morale et la vertu partout où les hommes pourront recevoir de l’instruction, dans les So¬ ciétés populaires, dans les places publiques, j’irai leur inspirer l’amour de la liberté, de r éga¬ lité, le respect dû aux personnes et aux pro¬ priétés et la soumission aux lois. J’avais, comme Gobet, des lettres qui m’im¬ primaient un caractère prétendu sacre, elles ne sont pas ici; je les appellerai, je les déposerai sur l’autel de la patrie, et j’espère que mes col¬ lègues en feront un autodafé (Applaudi.). Un membre. J’étais prêtre; mais je déclare que je n’ai jamais été que citoyen. Lorsque j’acceptai les fonctions de curé, j’y fus forcé. Aujourd’hui, je dépose mes lettres et mon titre. (Applaudissements.) Un autre membre. J’avais renoncé avant la Révolution au sacerdoce dont j’étais revêtu. Je l’avais repris depuis la Révolution pour dé¬ truire le fanatisme. Le fanatisme est abattu; je renonce de nouveau au sacerdoce. (Applaudis¬ sements.) Sur la motion de Fabre-d’Ëglantine, la Con¬ vention décrète que le procès-verbal de oette séance sera imprimé avec tous les discours qu’on y a prononcés. Chénier fera incessamment un rapport, au nom du comité d’instruction publique, pour remplacer les fêtes religieuses par des fêtes ci¬ viques afin de seconder le passage de la supers¬ tition à la raison. CONVENTION NATIONALE Séance du 18 brumaire, l’an II de la République française, une et indivisible. (Vendredi, 8 novembre 1793.) Un secrétaire donne lecture de la correspon¬ dance (1). Le procès-verbal de la séance dernière est lu et approuvé par l’Assemblée (2). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 59. (2) Ibid.