318 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 30 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Merlino au nom de] son comité des Secours publics sur la pétition du citoyen Charles-Antoine-Alexandre Chevi-ron, qui, âgé de 15 ans et demi, est entré au service de la marine, où, après avoir été blessé et fait prisonnier, il s’est embarqué en qualité de timonier sur le vaisseau Le Jem-mappe, où il a eu le bras droit emporté d’un boulet de canon, à l’affaire du 10 prairial; Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Charles-Antoine-Alexandre Chevi-ron la somme de 500 livres à titre de secours provisoire, imputable sur la pension à laquelle il a droit. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (1). 31 Un membre du comité des Finances fait un rapport et présente un projet de décret sur la liquidation des offices des payeurs du ci-devant clergé de France. La Convention en ordonne l’ajournement et l’impression (2). 32 ROY (3) : La Convention a entendu à sa barre 35 patriotes d’Orléans lui faire le récit de l’oppression qu’ils ont éprouvée. Ils vous ont dénoncé en même temps un jugement que vous avez regardé comme atroce (4). Un porte-clefs de la maison de détention d’Orléans, le citoyen Larousse, compatissant pour les patriotes qu’elle renfermait, procura au citoyen Nicole, l’un d’eux, de l’encre et du papier pour écrire à ses amis. Larousse fut dénoncé au tribunal criminel du département du Loiret, qui le condamna à 5 années de fers, cinq heures d’exposition, et la confiscation de la moitié de sa fortune, en se fondant sur ce que la loi du 14 frimaire prononce ces peines contre tout fonctionnaire public qui prévarique dans ses fonctions. Ce jugement fut exécuté en partie; Larousse fut exposé sur la place publique, par un soleil ardent; et l’exécuteur, plus humain que les juges, lui mit son chapeau sur la tête, pour le garantir de la chaleur. On ordonna que ce malheureux fût découvert et supportât toute l’ardeur du jour. C’était cependant un patriote généralement reconnu et tellement estimé de (1) P.-V., XLIV, 31. Décret n° 10 472. Minute de la main de Merlino (C 317, pl. 1277, p. 22). Reproduit au 5", 4 fruct. (Ier suppl1). (2) P.-V., XLIX, 32. Décret, n° 10 476. Rapporteur Ramel. (3) Bar a signé la minute du décret. Aucune autre gazette que le Moniteur ne mentionne le nom de Roy. (4) Voir, ci-dessus, séance du 30 therm., n° 25. ses concitoyens que lorsqu’il était exposé à l’humiliation publique, ils lui prodiguaient les consolations et les témoignages d’intérêt et d’amitié. Vos comités de Sûreté générale et de Législation, à qui vous avez renvoyé l’examen de ce jugement, ont pensé qu’un porte-clefs de prison n’était pas un fonctionnaire public. Ils ont cru aussi que, quand on aurait pu le considérer comme tel, il faudrait qu’une loi eût qualifié de délit l’action de fournir du papier et de l’encre à un prisonnier. Or aucune n’a prévu ce cas; aucune par conséquent n’a infligé de peine. Voici le projet de décret que vos comités vous proposent (1) : Un membre [Bar] fait un rapport et propose au nom des comités de Sûreté générale et de Législation le décret suivant : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Sûreté générale et de Législation sur la pétition des patriotes d’Orléans, tendante à faire annul-ler le jugement du tribunal criminel du département du Loiret qui condamne le citoyen Etienne-François Larousse fils, porte-clefs de la maison de détention d’Orléans, à la peine de 5 années de fers, et prononce la confiscation de moitié de ses biens, pour avoir procuré du papier, de l’encre et des plumes au citoyen Nicole, alors détenu en ladite maison, et lui avoir facilité la correspondance au dehors; Considérant qu’aucune loi n’a qualifié de délit l’action imputée au citoyen Larousse, annulle ledit jugement, décrète que le citoyen Etienne François Larousse fils sera sur le champ mis en liberté. Le présent décret ne sera point imprimé, il sera envoyé manuscrit au tribunal criminel du département du Loiret. Ce projet de décret, mis aux voix, est adopté (2). 33 On fait lecture d’une pétition du citoyen Gagnebin, capitaine de la Ie compagnie des chasseurs sans-culottes, armée d’Italie, licencié par Robespierre jeune, tendante à être employé aux armées de la République; un membre [Couturier] observe à la Convention que ce citoyen soit admis de la manière la plus honorable au vu des attestations les plus authentiques de plusieurs actions héroïques, surtout de celle du 18 septembre 1793 (vieux style), où, seul, il monta à la redoute de Gillette qui étoit au pouvoir de (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 547; Débats, n° 699, 30-31; J. Fr., n° 695; Rép. , n° 244; Gazette fr� , n° 963; J. Paris, n° 598; J. Mont., n° 113; J. Perlet, n° 697; F. de la Rép. , n° 413; Ann. patr., n° DXCVII; Ann. R.F., n° 262; J. S.-Culottes , n°552; C. Eg. , n° 732. (2) P.-V., XLIV, 32. Décret n° 10 464. Minute signée de Bar (C 317, pl. 1277, p. 23). Voir n° 22 ci-dessus. SÉANCE DU 3 FRUCTIDOR AN II (20 AOÛT 1794) - N09 34-35 319 l’ennemi, et fit prisonniers 30 grenadiers autrichiens avec un capitaine piémontais. La Convention nationale accueille honorablement le citoyen Gagnebin, charge son comité de salut public de lui donner de l’emploi et de l’avancement dans les armées de la République, et renvoie la pétition et les pièces justificatives au comité d’instruction publique pour recueillir les faits héroïques du citoyen Gagnebin (1). [ Vifs applaudissements ] 34 Un membre, inspecteur aux procès-verbaux [S. E. MONNEL] observe qu’il s’est glissé une erreur dans le nom d’un des juges du tribunal révolutionnaire; ce citoyen est désigné sous le nom de Goujeaux, tandis qu’il s’appelle Gourmeaux; il demande à être autorisé à faire cette rectification tant sur la minute que sur les expéditions envoyées à l’agence des lois. Cette proposition est décrétée (2). 35 Un membre [GOUPILLEAU (de Fontenay)] fait un rapport au nom des comités de Salut public et de Sûreté générale, et présente un projet de décret sur l’organisation des comités révolutionnaires de la République. La discussion s’ouvre, et elle est continuée aux séances suivantes (3). Il lit l’article I er, qui est décrété en ces termes : ARTICLE Ier. Il y aura un comité révolutionnaire dans chaque chef-lieu de district. BOUSSION : Je demande que les comités révolutionnaires puissent être pris indistinctement dans les différents cantons. GOUPILLEAU : C’est de droit; mais la Convention n’en doit pas faire un article de décret, parce qu’il tendrait à ressusciter le fédéralisme. La proposition de BOUSSION n’est pas appuyée. Le rapporteur lit l’article II qui est ainsi décrété : ARTICLE II. Il y en aura un également dans chaque commune qui, sans être chef-lieu de (1) P.-V., XLIV, 32-33. Décret n° 10 466. Minute de la main de Couturier (C 317, pl. 1277, p. 24). Moniteur (réimp.), XXI, 548; Débats, n° 699,29; J. Paris, n° 598; F. de la Républ. , n° 413 (selon la gazette Gagnebin serait un volontaire de Meulan); Ann. R.F., n°261; J. Fr., n°695; J. Perlet, n°697; Gazette fr(se , n° 963. (2) P.-V. , XLIV, 33. Décret n° 10 478, sans nom de rapporteur dans C*II 20, p. 259. Minute de la main de S.E. Monnel (C 317, pl. 1277, p. 25). (3) P.-V., XLIV, 33. district, contiendra une population de 8 000 individus et au-dessus. Les articles III et IV sont adoptés, sans discussion, ainsi qu’il suit : ARTICLE III. La surveillance des comités révolutionnaires établis par l’article Ier du présent décret s’étendra sur tout l’arrondissement de chaque district. ARTICLE IV. Celle des comités établis par l’article II est bornée à l’arrondissement de la commune. Le rapporteur lit l’article V. *** ; Je demande qu’au lieu des agents nationaux, ce soit les municipalités qui tiennent la correspondance avec les comités révolutionnaires. GOUPILLEAU : En divisant ainsi la responsabilité, vous la rendez illusoire. Il est constant qu’un agent national qui saura qu’il est responsable remplira infiniment mieux son devoir que toute une municipalité sur qui cette responsabilité se trouverait répandue. *** : J’appuie la proposition du préopinant. On remarque qu’on a attribué aux agents nationaux des pouvoirs vraiment effrayants. C’était l’idée de Robespierre, qui en avait fait ses créatures. Je demande que la correspondance soit attribuée à la municipalité ou chef-lieu de canton. DELMAS : Citoyens, la Convention est évidemment le centre du gouvernement. Elle doit surveiller les mesures de sûreté générale; les agents nationaux sont les hommes du gouvernement; les municipalités sont les magistrats des citoyens qui résident dans les communes. Il serait donc inconséquent de leur attribuer des fonctions de gouvernement. En vain on vous dit : les agents nationaux sont mauvais ! Eh bien, il faut les changer; mais il ne faut pas violer les principes. J’appuie donc l’article. L’article V est ainsi décrété : ARTICLE V. Les agents nationaux des communes sont spécialement chargés d’entretenir une correspondance active avec le comité révolutionnaire établi dans le chef-lieu de district de leur arrondissement. Les articles VI, VII, VIII et IX sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion en ces termes : ARTICLE VI. Ils sont tenus de leur adresser tous les indices, tous les renseignements sur les faits qui tendront à troubler l’ordre public ou à retarder la marche de la révolution. Ils dénonceront de même à ces comités tous les individus déclarés suspects par la loi du 17 septembre; néanmoins ils pourront, lorsqu’ils le croiront utile, s’adresser directement au comité de Sûreté générale. ARTICLE VII. Il y aura dans la commune de Paris 12 comités révolutionnaires; l’arrondissement de chacun de ces comités comprendra 4 sections. ARTICLE VIII. Tous les comités révolutionnaires, autres que ceux existants dans les lieux