[Assemblée natiouale.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1791.] m commerce sera mieux placé dans les mains des particuliers qui savent mettre une économie dans les moyens de détail et une mesure dans les expéditions que les compagnies n’ont jamais connues. Le commerce particulier, toujours actif et souple, épie toutes les occaûons pour en profiler, se plie aux goûts et aux habitudes des peuples auxquels il a affaire ; tandis que l’esprit de domination qui caractérise les compagnies, incapable de ces égards et de ces ménagements nécessaires, fait fuir toutes les nations devant elles. Les Maures, rebutés par la compagnie du Sénégal, aiment mieux traverser un désert aride de 25 à 30 lieues pour porter leur gomme aux Anglais, à Àrguin et Portendic au nord du Sénégal, que de la vendre sans peine et sans fatigue à la comi agnie sur les bords du fleuve dont elle a pris le nom ; de sorte que le commerce de ce pays se trouve également perdu pour elle et pour la France. Avant de finir ce rapport et de vous proposer un projet de décret, je ne puis, Messieurs, sans manquer à la justice, passer sous silence les réclamations delà compagnie; elle demande des dédommagements pour les avances qu’elle a faites à la conquête du Sénégal, pour les pertes qu’elle a souffertes à la prise de Gorée, et autres indemnités qui pounaient lui être dues à raison de la non-jouissance d’un privilège qu’elle considère comme un bail à ferme. Quant aux pertes qu’elle a souffertes à Gorée, lorsque les Anglais s’en sont emparés, elle a, ainsi que l’observent les députés du commerce, eu le sort de tous les Fiançais dont les navires ont été pris par l’ennemi, soit à la mer, soit dans les ports, que les événements de la guerre lui ont soumis ; elle n’annonce pas en avoir éprouvé d’un g< me particulier qui puisse fonder des réclamations. A l’égard des avances qu’elle prétend avoir faites pour la conquête du Sénégal, elle n’articule rien ; et quoique le ministre de la marine (M. de La Luzerne) ait appuyé ses réclamations, votre comité ne peut, sur des demandes vagues et indéterminées, se livrera aucun examen. La compagnie a, comme tous les autres citoyens, druit à votre justice. Si elle vous présente des titres qui légitiment ses demandes d’indemnité, vous ne les repousserez pas; vous pèserez dans votre sagesse les droits qu’elle peut avoir à la reconnaissance publique, et quelque économes que vous deviez être du Trésor national, celte économie ne vous portera jamais à refuser à des citoyens le juste prix de leurs sacrifices. La colonie du Sénégal n’est pas assez connue de votre comité, pour qu’il vous propose un décret sur son organisation intérieure ; les connaissances qu’il a acquises jusqu’à ce moment ne la lui font considérer que comme un comptoir de commerce. Lorsque des notions plus précises et plus sûres, ainsi que le vœu de ses habitants, vous seront parvenus, vous chargerez sans doute votre comité colonial de s’entendre avec votre comité d’agriculture et de commerce, pour vous présenter le plan de cette organisation. Quant à présent, Messieurs, je me borne à vous présenter, au nom de votre comité d’agriculture et de commerce, le projet de décret suivant : Art. 1er. « Le commerce du Sénégal est libre pour tous les Français. (Adopté.) lrû Série. T. XXII. Art. 2. « La dépense civile et militaire du Sénégal sera renvoyée à l’examen des comités dus finances, de marine, de commerce, pour être réduite à sa plus juste mesure, sans affaiblir la sûreté et la protection dues au commerce national. » M. Malouet propose d’ajouter à l’article 2 ces mots : « Et ce, d’après la proposition du ministre du département de la marine. » (L’article 2 et l’amendement sont adoptés.) Art. 3. « Les administrateurs de ladite compagnie pourront présenter leurs titres d’indemnités au ministre du département de la marine, pour, sur son avis et sur lesdits titres, être décrété par l’Assemblée nationale ce qu’il appartiendra, d’après le compte qui lui en sera rendu par ses comités de marine, d’agriculture et de commerce, et des finances. » (Adopté.) (L’ensemble du projet de décret est adopté.) L’ordre du jour est un projet de décret des comités des finances et d'aliénation sur les dîmes inféodées. M. de F*lle ville, au nom de ces comités , propose le projet de décret suivant (1): Art. 1er. Les propriétaires laïques de dîmes inféodées qui ont affirmé ces dîmes par bail distinct, ayant une date certaine, antérieure à celle du décret du 14 avril 1790, portant suppression des dîmes inféodées, pourront, sur la représentation des baux, donner la valeur de leurs dîmes eu payement dans les acquisitions des domaines nationaux : elle y sera reçue jusqu’à concurrence de la moitié du capital de la redevance annuelle de leurs fermiers, déduction faite sur la totalité de ladite redevance des charges de toute espèce, ■i 'après l’état que lesdits propriétaires seront tenus d’en donner, certifié d’eux. Art. 2. Ces baux seront représentés aux directoires des districts de la situation des biens, et seront par eux certifiés véritables ; sur la représentation et sur la remise desdits baux ainsi certifiés, le commissaire du roi, préposé à la liquidation générale des offices, expédiera provisoirement une reconnaissance équivalente à la moitié de la valeur du bail, conformément au précédent article, et ladite reconnaissance sera reçue en payement à la caisse de l’extraordinaire, conformément aux précédents décrets. Art. 3. Ceux desdits propriétaires qui, à défaut de bail, pourraient produire un contrat d’acquisition fait depuis 1786, seront admis à présenter ledit contrat certifié de même ; et il sera reçu pour moitié de sa valeur en payement des domaines nationaux. Art. 4. Quant aux propriétaires laïques dont les dîmes inféodées sont en régie ou affermées confusément avec d’autres héritages, ou ceux qui en auront joui par eux-mêmes, ils requerront la munici|ialité dudit lieu, qui appellera même, si elle le juge à propos, les curés décima-teurs ou autres qui en auraient fait la perception, de leur donner une estimaiion certifiée de la valeur de ladite dîme, d’après la notoriété publique, déduction faite de toutes les charges. Art. 5. Gette estimatiou se fera dans une asti) Ce projet de décret n’a pas été inséré au Moniteur. “21 322 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES» semblée du conseil général de la commune, convoqué dans le délai de huit jours, où seront appelés, au besoin, les régisseurs ou fermiers pour y être consultés seulement. Art 6. Cette estimation sera visée, par les directoires de district et de département, dans l’arrondissement dans lequel seront situées les dîmes. Art. 7. Les biens nationaux , au payement desquels auront été admis, pour moitié, les baux, contrats d’acquisition ou estimation des dîmes inféodées, conformément aux articles ci-dessus, demeureront affectés par privilège spécial au payement du prix de l’adjudication jusqu’à la liquidation définitive, sans que cette hypothèque puisse être purgée par aucune espèce de formalité, ni laps de temps. Art. 8. Pour plus grande sûreté, ceux des propriétaires de dîmes inféodées, qui voudront donner en payement d’acquisition de biens nationaux la valeur de leurs dîmes, sur une estimation provisoire, suivant l’article 4, seront tenus de donner caution, qui sera reçue par le directoire du district, de fournir et faire valoir la somme pour laquelle la valeur desdites dîmes aura été comptée dans l’acquisition. Art. 9. Ceux qui auront fait liquider définitivement leurs dîmes pourront en donner la valeur entière en payement des domaines nationaux qu’ils acquerront, comme les autres créanciers de l’Etat, auxquels cette faculté a été accordée. Art. 10. Pour faciliter la liquidation définitive, ceux dont la dîme se percevrait sur un territoire circonscrit, qui ne rapporteraient pas des baux aux termes de l’article 5 de la loi du 5 novembre dernier, seront censés avoir satisfait à l’article 7 de la même loi, en donnant un état du territoire, contenant : 1° les limites ; 2° une désignation des terres en friche, et de celles qui ne produisent pas des fruits décimables dans le canton ; 3° un dénombrement des terres possédées par le propriétaire de la dîme qui en réclame l’indemnité. Art. 11. En donnant cet état, ou celui prescrit par l’article 5 de la loi susdite, les propriétaires de la dîme pourront, d’après l’évaluation qu’ils auront motivée, demander une somme fixe pour leur indemnité. Sur leur demande et ensuite des observations de la municipalité, le directoire de département, en prenant l’avis de celui du district, pourra leur faire une offre. En cas de contestation sur l’offre, il sera procédé à une estimation par experts, conformement à l’article 9 de la loi du 5 novembre dernier, aux frais de relui qui succombera, lesquels frais seront, en tout cas, alloués au directoire du district, dans la dépense de son compte. Art. 12. Dans le cas où les propriétaires, en donnant l’un des états dont il vient d’être parlé, ne formeraient pas une demande d’une somme fixe pour leur indemnité, il sera procédé à l’estimation prescrite par l’article 9 de la loi du 5 novembre dernier ; et les frais en seront supportés, par moitié, entre les propriétaires et le directoire du district qui portera la sienne dans la dépense de son compte. Art. 13. Les propriétaires des dîmes inféodées, qui, sur leurs autres propriétés, seraient grevés de renies ou redevances quelconques envers le domaine, ou autres biens nationaux, pourront s’en affranchir en compensant le capital avec la totalité ou partie du prix de l’indemnité qui leur sera due pour la valeur de leurs dîmes. La discussion est ouverte sur l’article premier. [18 janvier 1791.] Un membre demande que les précautions indi quées dans le projet de décret pour connaître les héritages ci-devant assujettis aux dîmes inféodées ne s’étendent pas aux dîmeries de cette nature, qui se trouvent tellement circonscrites, qu’il ne peut point y avoir d’erreur sur leur contenance. Un autre membre demande que les dispositions de ce décret, relatives à la facilité de donner, en payement des biens nationaux, la moitié de la valeur de l’évaluation de ces dîmes, s’appliquent à tous les autres droits supprimés avec indemnité. M. Chasset demande le renvoi du projet de décret, et des propositions auxquelles il a donné lieu, au comité des domaines. M. de Yismes observe qu’en renvoyaat à ce comité le projet de décret, il est un objet relatif au taux du remboursement des dîmes inféodées, possédées à titre d’engagement, sur lequel il est instant que l’Assemblée veuille bien statuer ; il demande que ces dîmes ne puissent être remboursées que sur le pied de la finance d’engagement, et que toutes les demandes en liquidation d’indemnité, pour suppression de dîmes inféodées, soient communiquées par les corps administratifs à l’administration des domaines. M le Président. Je mets aux voix le renvoi du projet de decret, et des propositions auxquelles ii a donné lieu, au comité des domaines. (L'Assemblée, consultée, ordonne ce renvoi et charge son comité des domaines de lui faire son rapport d’ici au 15 février.) La discussion est ouverte sur la motion relative au taux du remboursement des dîmes inféodées. Un membre propose, par amendement, d’avoir égard, lors de ce remboursement, à la différence de la valeur intrinsèque des espèces d’or ou d’argent, à l’époque du payement de la finance d’engagement, d’avec celle qu’elles ont aujourd’hui. La question préalable est demandée sur cet amendement. L’Assemblée nationale décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer et adopte, comme suit, la motion de M. de Vismes : « Les possesseurs des dîmes inféodées, à titre d’engagement, ne pourront être indemnisés et remboursés que sur le pied de la finance d’engagement ; et à l’effet de distinguer si les possesseurs de dîmes inféodées sont propriétaires in-commutables ou engagistes, toutes les demandes en liquidation d’indemnité pour suppression de dîmes inféodées seront communiquées, par les corps administratifs, à l’administration des domaines, pour avoir sou avis. » Un membre propose un article additionnel tendant à fixer le délai dans lequel les administrateurs seront tenus de donner leur avis et à les autoriser à se faire représenter, par tous dépositaires publics, les titres et pièces qui peuvent être relatifs à la propriété de ces dîmes. Cet article additionnel est décrété comme suit : « L’Assemblée nationale décrète que les membres de l’administration des domaines seront tenus de s’expliquer, au plus tard, dans le délai de deux mois, sur ces demandes; que leur avis sera visé dans l’arrêté de liquidation des corps administratifs, et que les greffiers des chambres