754 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791.] Adresse de la garde nationale et de la commune de Cuxac, qui assure l’Assemblée de son entier dévouement pour l’exécution de ses décrets, et y joint la liste des volontaires qui se sont fait inscrire pour la défense de la patrie. Adresse des officiers de la garde nationale de Montfôrt-sur-Lile , district de Pont-Audemer, qui annoncent que M. Hébert, chevalier de Saint-Louis, leur commandant, après avoir prêté le sermeqt à la Constitution, a déposé un acte entre lès mains des officiers municipaux par lequel il s’est obligé, avec son épousé, de payer à perpétuité 200 livres de rente annuelle à l’homme marié dë èetté Commune qui se porterait aux frontières pour lp patrie et ÿ serait blessé; ét, en cas de mort, lâ rpri'tè Serait payée à Sà veuve et à sès 'enfants, iusqü’â extinction de là ligne, ou jusqu’à raiâbrtiSsëmènt dé là rente, moyennant 4,000 livres. (ii’Âssémbléè ordonne qü’il sera fait mention hdriorablé du don de M. Hëbèrt dans le procès-verbal.) Adresse des officiers municipaux de Poitièfs , qui réclament la sévérité de l’Assemblée contre les prêtres réfractaires . Adresse dé la commune dé la campagne de Saint-Désir de Lisièüx , qui offre frentretetiir 10 hommes sur les frontières et de prélever là Somme de 2,Ü00 livres, dont elle est redevable sur la rëti i-bUliôn produite par là vettte des biens nationaux pôür lesquels elle avait fait sà soumission. Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Pau, dans laquelle elle établit ses moyens justificatifs contre les inculpations faites contre elle par la municipalité de cette ville. Adresse des amis de la Constitution de la ville et canton de Montmorency , qui supplient instammen t l’Assemblée de ne point se sépàrer avant d’avoir consolidé là Constitution et qüe ia patrie soit hors de péril. Adresse des citoyennes de la ville d'Êvreux , qui ont fait Une confédération pour propager leurs sentiments civiques, et juré d’élever leurs enfants dans les principes de la Constitution, et fait don d’un drapeau au détachement de la garde nationale de cette ville pour aller servir sur les frontières; elles manifestent à l’Assemblée les sentiments patriotiques dont elles sont animées, et elles protestent de leur respect pour la loi. Adresses des amis de la Constitution des villes de Stenay et de Bar-le-Duc , chef-lieu du département de la Mëüèe; elles expriment les alarmes des citoyens sur là Situation des frontières, qu’ils soùtïénnéiit n’être pas ett état de défense en cette partie, et sur le défaut d’armes qu’ils demandent depuis longtemps. (L’Assémbiéé ordonné le renvoi dé Ces deux adresses au comité militaire et aù ministre de la guerre). M. Cittssit», ail nom du comité de Constitution , présente un projet de décret portant établissement dé tribunaux de commerce dans les villes dè Saint-Brieuc et de Quintin, et accordant 4 suppléants aux tribunaux de commercé de Caen, Amiens et Saumur. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète ce qui suit : * H sera établi des tribunaux de commerce dans là ville de Saint-Brieue, chef-lieu du département des Gôtes-dü-Nord, et à Quintin, lieu principal de l’établissement des manufactures dites des toiles de Bretagne. « Le ressort de chaeün de ces tribunaux est déterminé ainsi qu’il suit : Saint-Brieue. « Les ville et faubourgs de Sâint-Brieuc, la ville de Ghâtei-Aüdren, lés paroisses de Plêrin, Trémuson, Blouffragan, Trégëux, Langeux, Ces-son, Etables, Pordic, Saint-Quay , Tréveneiic, Plourhan, Lantic, Pléguien, Plélo, Tressignaux, Trégomepr, Tréguidel , Trémeloir , Yftigfliac, Hiliion, Pomeraie et de Qüessouais. Quintin. « Les ville et faubourgs de Quintin et les paroisses de Plainehautte, Saint-Brandant , le Foeil, le Leslay, le Vieux-Bourg, Saint-Cildas, Saint-Bihy, Seven-le-Hart, Saint-Careuc, PLin-tel, Pieuc, Lorges, Lenfains, le Bodéo, la Har-moie, Gohignac, Saint-Donnant, Plouvàra, Bo-quého, Plerneuf, Lameaugon, Plédran, Henon et de Saint-Julien-de-la-Gôte. « Il sera nommé 4 suppléants aux tribunaux de commerce établis â Caen, Amiens et Saumur. » (Ce projet de décret est adopté.) Une députation des dames de la halle, marchandes de marée et de morue, est admise à la barre 4 Une des dames, marchande de marée, s’exprime ainsi : Messieurs, Depuis que votre courage a brisé les fers honteux de l’esclavage, qui pesaient depuis tant de siècles sur le peuple français, et que votre sar-gesse a donné à ce grand peuple Une Constitution vraiment admirable, qui fera sa gloire et son bonheur, et que toutes les nations lui envieront, les citoyens de toutes les classes se sentent brûlés du feu sacré du patriotisme. L’idée de la liberté a agrandi les âmes,enflamipé les esprits, électrisé les cœurs. Pour l’acquérir, aucun sacrifice n’à coûté; pour la conserver, ia vie même ne sera comptée poür rien. Les habitants des halles, pour qui toute politique, tous raffinements sont étrangers, ne connaissent d’autres vertus que d’être utiles, et de servir pour leur patrie. Nos époux, nos fils sont enrôlés sous ses drapeaux ; nous, nous venons offrir sur l’autel de la liberté, dans le temple auguste de la nation et de ses lois, notre offrande. Nous sommes jalouses de contribuer, autant qu’il est en notre pouvoir, à l’entretien des généreux Français qui volent aux frontières pour les défendre contre les traîtres et les tyrans, qui voudraient nous redonner des chaînes. Nous formions autrefois une corporation, une confrérie dédiée à la Vierge, patronne de la France. Pour lui décerner un culte, nous avions [Assemblée nationale.) ARCHIVES f ARGUMENTAIRES. [27 ao$î 1791.1 75$ une caisse, des ornements, de l’argenterie déposés ëtfl’égliâë dü Sépulcre. Aûjôti tf’hûi nous n’avods d’autre CôrpOiattôh qu'è lès d'autre confrérie ûUe les patriotes, d’autre fcplie que celui de la UpeYté. (Av-plàMisséifiânh.) Ainsi, polis Consacrôfts à fa défense de là patrie le fonds d’üft cüütrat de fènte, l’argent que nous avons en cuisse, les ôfüêmènts et i’argôhteri.è. Là tiergé, étant là protectrice delà France, recevra eoftirfiè Un hommage agréable üôtfé déVouèaiêttt pour elle. L’objet dilè nous ôtfrtfoâ Ué fflohte gtjèrè que de 12 à J ,50b livres : mais, Messieurs, Ç’ë$t r offrande dû paüyré, lé denier qè là veuve, et ce deftier est prêdeux lorà-dii’il èst ôifort bar 16 tQôür. (ÀpplàUdUsétfièhtè.) yertuetti législateurs, Saveurs dp la patrie, daigna agréer le juste tribut dé ndtré respect, de poire reconnaissance et dè nôtre âtoôur. \Àp-plüüdiÈÈèfltêiiiÊ.) tfae dés diXpiêS, fïïàfchàndes dé mùruç, s’exprime âiqSl i Messieurs» Les marchandes de morue, à la halle» de la eonfrérie de SâinbLodis, ont l’hoUtieuï de représenter à l’Assemblée nationale que» le % novembre i?89, elles ont porté â la Monnaie lés effets de leur cohfrérie, ffiohtànt à là sumttïe de 3»00ff livres, dont elléd eu ©ut porté le récépissé à M. Uailly, pour que cette somme soit offerte èri pur don U la nation. iNous avons suivi avec attention les différents journaux à Cette époque» et neus'n’aVons pas vü que cette somme âit été insérée dans votre procès-verbal. Biles oseèt espérer» Monsieur le Président, que Voüs Vùtidr t bien permettre qu’elles profitent du moment où léüra consœurs font leur don, pour vous prier fiés humblement de vouloir bien insérer les dedx sommes, que leurs cœurs et le dévouement pouf la pétrie leur ont inspiré de faire. {Afpltmàisn* nimfs.) U, le Président répond i Mesdames, , . . Ce h’egt pas ud des moindres bienfaits de ia Côûsliiutiçn d’avoir détruit l’esprit des corporations particulières, pour ne former de tous fes Français qufone famille de frères étroitement unis par le lien indissoluble et sacré de l’amour de la patriè. En consacrant aujourd’hui à la Gause publique ce qui mayait été précédemment qu’un signe d’union entre quelques individus, vous donnez une nouvelle prêuve.du patriotisme qui vous a si avantageusement df tinguées depuis le commencement de fa Révolution. Recevez le témoignage de la satisfaction de l Âssemblée nationa e y elle vous invite 4 assister â sa �éwce.\dppiaudissements.) fL’Àssémolée ordonne l’impression des discours des dames de la halle et de la réponse du Président*) Vne députation d'une société habituée m Café Proçope est admise £ la barre* V orateur de la députation S’exprime ainsi : MéseiëÜïs, fine sopifté habituée au café Pfocope-�oppi, et amie de la cherté» vous prie d'envoyer aux habitants du département du Jure les fusils qu’elle vous pléseut©. Ce que nous faisons, les circonstances semblent l’exiger de tous les patriotes, et nous nous félicitons d’avoir été les premiers. Qui, Messieurs, nous aurons des inhibiteurs ; ce seront cêuX qui, côforaé nopsi, teTénüs loin (jpl frontières par.4(‘s engagements qqëjCdtiques, fô-ôômmanôertt l’obpissaqcë a la loi, et veillent, SÛf iios ennemis ijpjéfieljrs, plus dangereux quêtons les autres. Puissent-ils être bientôt dé Masqués ! Pulssèût tdus nos ffèrés sentir qüe‘ l’homfoe libre dôit soumettre tôuteà Ses Actions âux Idfo que VÔUs* ave? faites î puissept-Ug'ié' iqéûer toU-jô'ürs, èt des uomtnéÿ îftqpiès qu|, p .nqW d’qtt Qiëu de pàiX, dômàfjdént le sang et |à mort, et surtout ae� prétendus p|ti jotes âuj exagèrent lé§ maux inséparables dfouè g'qpdeUëyQlutiôii, peut que vôûs rëtoùrnièz fen arriéré? � Voüs déjôuére? lès projets criminels dé ces hommes ôdiédx j vous soutiendrez le§ fois que vous avez données à vos fyèrés�êt â vpusrmêmes, et la fontn'è� Assemblée cônslituaqtègiéïitera à jamais les hommages des vrjüà miicâis.' Unplàte-di)iemenU.) M-le Présl4eai repopd ; Messiepfs, � L’offrande que Vqus faites g )a patrie est un témoignage précieux des sentiments qui vous aoimënt, et de fiidée vraiment juste pt sublime que vous vous êtes fprmee des devoirs imposés au pitoyen. fje pouvant porter vouf-mémês les armes que vous consacrez au maintien de la Êoostittition, vous yqu§ empresse? defos rèipcUre ta dlautres mainsw Votre choix ne pouvait, sans bute, se fixer sur des représentants plus dignes de répondre à l’énergie de votre patriotisme que les habitants du jura, qui viegneut de donner encore une preuve récente du p jus généreux dé-youement, @q s’offrapt tous, avec uqe ardeur égale, à marcher à la défense des frontières. Les citoyens, à qui vous confiez voi armes, sauront en faire 1’usage que vous attendez d’eux. Ils les emploieront, n’eu doutez pas, à assurer l’exécution des lois, 4 repousser l’ennemi» Ils n’abandoaneront qu’avec la vie ce dépôt sacré» Telle est, Messieurs, la différence du règne de ia loi 4 celui du pouvoir arbitraire. Autant les armes sont dangereuses et nuisibles entre les mains de l’esclave, autant elles sont, entre .celles de l’homme libre, un instrument de sécurité, de bonheur et de gloire» C'est pour eux une propriété nécessaire que Ton ne saurait trop multiplier» c’est une puissance invincible contre les tyrans» et les hommes ne sont jamais plus égaux et plus libres que quand ils sont tons égale -œnt armés, pouf résister à l’oppression et maintenir leurs droits imprescriptibles. L’Assemblée nationale, interprète fidèle de la reconnaissance de \ a patrie, reçoit, Messieurs» ayec applaudigsemeot et satisfaction, votre offrande civique, et elle voue invite à assister à m séance. (Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de la députation et de }a réponse dp Président.) Deu& députations t l'une deç électeurs et gens de lettres 4e Paris, Vautre des citoyens de ia ville et du emiott de Montmorency, smt admises simultanément à la hune. l’orateur de ia députation dus électeurs et gms de lettres de Parte s’exprime ainsi : Messieurs, Par votre décret du 24 décembre 4790» vous avez ordonné qu’il serait élevé une statue à i’àu- 756 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 aoàt 1791.] teur du Contrat social et d’Emile , avec cette inscription :L a Nation française libre a J.-J. Rousseau. Nous venons réclamer l’exécution de ce décret, avec les additions que des événements postérieurs ont rendues nécessaires. Sans doute, Messieurs, vous voulûtes alors décerner à J.-J. Rousseau les honneurs dus aux grands hommes; mais vous n’aviez point encore fixé la forme de ces honneurs. A votre voix ne s’était point encore ouvert ce Panthéon français, chargé d’attester aux derniers âges la reconnaissance de la patrie. Vous y avez placé depuis l’orateur célèbre qui eut la gloire déposer avec vous, Messieurs, les fondements immortels de cette Constitution, qu’il ne vit point s’élever jusqu’au faîte ; cet homme extraordinaire, à qui il nefallaii rien moins que toute la Révolution française pour se montrer tout entier, qui cessa de vivre lorsqu’elle eut besoin de s’arrêter dans sa course, et qui, malgré sa mort prématurée, vécut assez pour sa gloire, assez pour la Constitution. Vous y avez placé ce génie universel à qui l’on a reproché d’envahir tous les genres, mais qui ne s'en rendit maître que pour attaquer, pour blesser plus souvent, et de plus de manières, le monstre qu’il avait formé la courageuse entreprise de terrasser, d’écraser sous les pieds de la philosophie, le monstre du fanatisme et de la superstition. Voltaire fut le précurseur nécessaire de vos travaux ; il abattit devant vous tout ce qui pouvait vous faire obstacle; il rasa, pour ainsi dire, la place où vous avez élevé l’édihce de notre liberté. Vous lui avez accordé les honneurs qui lui étaient dus. Vous êtes quittes envers sa mémoire : l’êtes-vous, Messieurs, envers celle de l’auteur du Contrat social ? Et parce que, le premier de tous, il reçut de vous des honneurs, les honneurs rendus à J.-J. Rousseau seront-ils moindres que ceux qu’ont obtenus Mirabeau et Voltaire? De quelle souveraineté fûtes-vous investis pour régénérer un grand Empire, pour lui donner une Constitution libre? De l’inaliénable et imprescriptible souveraineté du peuple. Sur quelle baœ avez-vous fondé cette Constitution, qui deviendra le modèle de toutes les Constitutions humaines? Sur l’égalité des droits. Or, Mes-ieurs, l’égalité des droits entre les hommes et la souveraineté du peuple, Rousseau fut le premier à les établir en système sous les yeux mêmes du despotisme. Ces deux idées mères ont germé dans les âmes françaises et dans les vôtrés par la méditation de ses écrits ; et si, comme on ne peut le contester, notre Constitution entière n’en est que le développement, malgré tout ce qu’on a pu dire de quelques opinions particulières de Rousseau, qui semblent moins conformes à quelques-uns de vos principes, Rousseau n’en est pas moins le premier fondateur de la Constitution française. Il ne l’est pas seulement à ces deux titres; il l’est encore par la force, la rectitude et l’éléva-tion d’idées qu’il a communiquées à notre nation, émancipée, en quelque sorte, par ses ouvrages, de cette futilité, de cette frivolité misérables, ui prolongeaient son enfance, et qui, aux yeux es nations sensées de l’Europe, la condamnaient exclusivement aux grâces. Il l’est encore par cette habitude qu’il nous a donnée de pénétrer sous l’écorce des fausses conventions sociales, et de voir à nu les hommes et les choses; par ce mépris des vains titres et des illusions de la grandeur ou de la fortune; et surtout par cette préférence donnée aux goûts simples, aux affections naturelles, par cet élan passionné vers les hauteurs inaccessibles de la perfection morale, par cet enthousiasme de vertu et de liberté qui caractérisent toutes ses productions. Si la régénération des lois ne peut être durable que par celle des mœurs; si les idées saines, les sentiments nobles et purs, la considération pour les professions laborieuses et utiles, l’amour des occupations et des vertus domestiques doivent être, en même temps, et le fruit et la sauvegarde des lois que vous nous avez données, combien les écrits de Rousseau n’accéléreront-ils pas, n’ont-ils pas déjà préparé la perfection de votre ouvrage? Restaurateur des mœurs ainsi que des lois, quelles récompenses assez grandes pourrez-vous accorder à celui qui vous aplanit la route, qui seconda vos efforts, et assura vos succès dans cette double et honorable carrière? Nous venons, Messieurs, réclamer le seul prix qui soit digne de vous et de lui; nous venons vous prier d’ordonner que les resies de ce grand homme soient redemandés à M. Girardin, qui les a recueillis, qu’ils soient transférés à Paris comme ceux d j Voltaire, et admis dans le tempie destiné aux grands hommes. Le propriétaire d’Ermenonville, qui avait si généreusement soustrait les derniers jours de J.-J. Rousseau à l’abandon, aux persécutions, au malheur, est sans doute trop attaché à la gloire de son ami, pour s’opposer à cette juste demande. Il manquerait quelque chçse à sa générosité, s’il hésitait à sacrifier ce qui en fut la récompense, et les âmes géuérèuses ne le sont point à demi. Nous demandons aussi, Messieurs, que votre décret du mois de décembre soit enfin exécuté, ue vous veuilliez bien fixer le lieu où la statue e Rousseau sera placée. Cette pétition vous est présentée, Messieurs, par des citoyens de tous les états ; Rousseau apprit à les respecter tous, à se respecter dans tous ; par quelques-uns des électeurs de 1789, qui ont contribué au bonheur et à la liber té de la patrie, en plaçant plusieurs d’entre vous au nombre de ses représentants, et en donnant eux-mêmes, dans les circonstances les plus périlleuses, tant de preuves de patriotisme et de courage; par des gens de lettres qui s’honorent, les unsd’avoir été liés avec Rousseau pendant sa vie, les autres d’avoir, après sa mort, rendu hommage à sa mémoire, tous de le regarder comme leur maître, et de professer sa doctrine ; par des citoyens de Genève, domiciliés en France ou devenus Français, empressés de réparer ainsi les outrages dont se rendit coupable dans leur patrie un pouvoir ennemi de celui du peuple ; enfin par plusieurs membres de la société des amis de la Constitution établie à Montmorency, dans ce séjour champêtre qu’il a rendu célèbre en l’habitant, et où on conserve de lui de si honorables et de si touchants souvenirs. C’est à eux maintenant de se faire entendre; c’est à eux qu’il appartient de vous rappeler les verius dont ils furent les témoins. La mémoire de Rousseau habile encore au milieu d’eux : comment ne seraient-ils pas les fidèles amis d’une Constitution libre ? Montmorency sera regardé dans l’avenir comme la mère patrie de la liberté française, puisqu’il est la terre natale du Contrat social et d'Emile. Ses habitants ont le droit de paraîtie partout où il s’agit de rendre à J.-J. Rousseau ou des respects ou d’honorables témoignages. Ils ont le droit de se réunir dans une demande commune avec les citoyens et les gens de lettres de Paris, avec ceux de toute la France, avec ceux [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791.| 757 de l’Europe entière, et de solliciter comme nous, Messieurs, pour la mémoire de ce grand homme, des honneurs qui vengeront sa cendre, qui acquitteront la France, et qui ajouteront à voue gloire. (Cette pétition est signée de MM. Ginguené, rédacteur de la pétition; Mercier; Ducis ; leMierre; Chamfort; Berquin ; Boucher ; Guyetand, homme de l itres; Etienne Mejean; Collin d’Harleville, homme de lettres ; Dussau'x, de l’académie des inscriptions et belles-lettr;s; À.-L. Millin; de Fourcroy ; de Piis, homme de lettres; de Langle, homme de L tires, auteur de plusieurs ouvrages. et particulièrement d’en Essai sur les ouvrages et le caractère de J. -J. Rousseau, encore en manuscrit; Le Hodey, rédacteur du logographe ; A.-i. Gorsas ; Fiévée ; de Launay, professeur de musique ; Achille du Châtelet ; Resnier ; C. Panckouke ; Noël, professeur de l’Université de Paris ; Olivier deCoraneès ; Desfontaines, Maret ; Viotti ;Xhrouet ; Delarive ; Berihelot, docteur agrégé de la faculté de droit de Paris; Fanny Beauharnais ; d’Arnaud; A.-P. Julienne de Bel-Air; Roussille Chamseru ; J. -B. Feydel ; L’Aft'ecteur; Cyrille Rigauci, électeur , A. Broussonet, de l’académie des sciences; Reybaz ; E. Clavière, citoyen de Genève ; veuve Duchesne; Romilly, citoyen de Genève ; de Les-sert ; Perlet, de Genève; Say père, de Genève; Say fils. Castanet; Bossange; Louis; La Chapelle, comme citoyen français; Boucher; Gharriot ; Colin; Henri Agasse ; Achard ; C.-L. Ronger; P.Go-dheu ; Cherin; Saliet; Boinet; Chaignet; Dufour; Shmidt; Chem card ; Fauré; G aruot tils; Phelippes ; Schmit; Matran ; Ducos ; Soulignac l’aîné; Tastet; Benjamin Dumez; François de Pau le; Viger fils; Jean-Louis de Balz fils; Gi-rardin le jeune, .citoyen de Metz; Girardin fils, citoyen de Metz; Caudry; Martin; Compan ; Duhamel ; Régnault ; Ghifflet; Mahéraut, professeur de l’Université de Paris; Boucheru ; J. Raffard ; Gilles; Hugonneus; N.-S. Régnault; Pelletier , ingénieur du roi d’Espagne ; de Gond ; Isaac Lemaistre, citoyen de Genève; Gas-card; Rousseau; Vuattier; Chambon, curé; Re-houlh; Brau, médecin; P.-F. Dumesnil; H. Desfossés; D.-S. Rousseau; Coust, homme de loi; Nadau ; J.-H. Lourmand; Antoine Giroust, peintre; M.-L. Giroust; deMitry; Masson; Boisseau; B. Le-fevre ; F.-A. Ferrère ; Marcotte ; Rogier fils, homme lie loi; Joachim Charto i; L.-T. Adam; LeNohle; Guizot, juge; Joubert; Bonhoinmet; Laloy ; Vatel; Joseph de la Vallée; Antide Janvier, et Sophie sa femme; M.-A. Guyot, ancien voisin de J.-J. Rousseau; Langlois, maître de pension; de Nuis; Dominique de Merville; Samuel, demeurant dans la maison de. J.-J. Rousseau; Lecain, rue et maison de J.-J*. Rousseau; de la Malmaison, homme de loi ; Gautherot ; B> rthaud ; Cellier; Pourcher; Beau-lieu; Vieillard; le Boucher; Dumas; Fontaine; Lefebure; Gombette; Pomarel; Maugraye; de la Boulloy; Mounier; deTrémouilles; Martin Choisy ; L. Gointreau; Aubin; Brunié; J.-P. Rousseau; J.-P. üuroveray, citoyen de Genève; G. Duchesne; Lambert; Lenoir; Sauvan; de Paris; Dumalle; Jean-Joseph Rousseau, électeur; Furet; Picard; Soucbet; Bruneau jeune; Cadet, électeur de 1789; Berlin; Urbain Jaume; Saiffert; Poirier; J. Mo-nier; Mangin; de Bains; de la Flèche; Am. Du-gas; J. Marsias; Touronde; Murer; Fourcade, homme de loi; Lalapi; Targe, professeur émérite de l’école militaire ; Vatar ; Thillaye ; Wartell; Marié fils; Louis Pis; N. Thierry, de la nation helvétique; Lequoy, homme de loi; Kochlin ; Belin ; Langlade ; Lebrun ; René-Pierre de Vaudichon, électeur et notable; Louis Bose; Chariet; J..-A. Spol ; Massé; Jean-Paul Soin; Augustin-Jacques-Philippe du Mesnil; Jubé Fre-mont, a resté chez lui pendant 2 ans, et en est sortie I rs de son départ de Paris pour Ermenonville; Magnelm, Nicolas -Agnès -François Nort; Gabriel Roisguyon ; J.-P. Thiebault; P. Fremont; Buard fils; Aubron; Levrier; Moutonnet; S. Dunant, citoyen de Genèv* ; C. Blois; Buisson; Moutard, électeur de 1789; Play; J.-M. Airey Dupré; Fougeret; Jean Briche; B. de Savoisy”; Ferrier; D.-M. Lanthenas; J.-M. Roland; Jaque-min; Lesieur ; Julien; C.-M. Ferrère; Duverger; L.-Alphonse Colbert; Taschereau; Roussel, homme de loi; Quesnel ; L. Million; Estienne, ingénieur; Pervot; Bertault; Louis; Gittet; F.-T. Dutaillis; Vigouraux; Varnier; Cliché; Leduc; Dugas; Raffard ; Legendre, homme de loi ; Vauchelet; Laurent; Moi el ; Millier; Chauffard, homme de loi; Tisserant; Caron; de Saint-Remy ; Vivier, homme de loi et avoué; Robin ; Levayer, professeur d’ar-chit< cture; Jaur; Bayle; Berthout; Jain; Chabhal; E.-F. Guyot; Gastinel, peintre; Sauneid; J. Coffin, 'le Saumur ; J.-M. Rapatel, étudiant en médecine; Delaruelle fils; Rey; Baudrais; L. -A. Vais Duvalz, avocat; Clau ie-Etienne Janvier, citoyen de Saint - Claude ; François Lorrain , maire de Saint-Claude; François-Louis Christophe, maire de Verdun; Roussel; Demeissen ; Villette, sculpteur; Sohier, sculpteur; Carrel ; René Legrand, homme de loi, électeur de 1789; Laquiante; Gamerin le jeune, physicien; Lucas deRochemont; D.-E. Laurent; Pierre, homme de loi; Menant; d’Oyon; Pezard, géomètre; Martial Bastagne; Bonn ais ; Soret; Mentelle, anciennement connu de J.-J. Rousseau ; Tranquet, licencié ès lois ; Martigny; F. Moreau; Guigal ; Brutus Fournier ; Poisson; Urbain Domergue, homme de lettres; Moreau; André Bailleul, comédien; Arnaud de Saint-Maurice; Ducray, homme de loi; Irénée Dupont; Armand, avocat; Leclerc; Marchand; Bouvé; P. Coffard ; P. Chalvet ; Lelièvre; Pelicié; Robert ; B. Kurner ; Pirrepatt ; A. Fournier ; Zoppi ; Royet; Ginot; Collier; Robin; Herouard ; Nom-met; D.-M. Roubaud; de la Cotte; Duverger de Villeneuve; Bénard; Basset; Turin; Chopuet; Cunt; Charité; Ghaumeix Duquesne, femme de lettres, de l’académie de Rome.) L'orateur de la députation des citoyens de la ville et du canton de Montmorency s’exprime ainsi : Messieurs, la ville de Montmorency a l’avantage d’avoir possédé dans sou sein l’immortel auteur du Contrat social et d'Emile. Dans ces lieux riches de tous les attraits de la nature, et où l’on trouve dans d’immenses tableaux, que l’œil peut à peine embrasser, les paysages les plus riants et le-î aspects les plus sauvages, Rousseau, fuyant les hommes qu’il aimait, mais dont lés vices affligeaient son cœur, s’était choisi une retraite paisible, du fond de laquelle il fit entendre, avec une éloquence jusqu’alors inconnue, la sainte voix de la vérité. C’est là que ce génie mâle et plein de force, prenant son essor sublime, se pénétrait de ces principes éternels de justice et de vertu, qui, négligés des mortels, semblaient s’être réfugiés dans l s cieux. C’est dans le silence des bois solitaires qui nous entourent, que cet ardent ami de la nature re1- cuei liait sa grande âme pour en étudier les lois, approfondir les causes de la dépravation des sociétés, et tracer ensuite les moyens sûrs de les 758 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [î7 août 1791.J rappeler ap véritable bp} de leur institution. C'est ai} milieu dp nous qüë ce philosophé yertuepX donna l’exemple du pliis grand ’ attachement aux maximes de modérati-h, tj‘p piloris des richesses, cje soumission aux lois, §t de zèle pppr rimtqa-iiité, qui placent avec rqispïi ges épritg au üh*r rpjer rang parjpiceux {J,e spn siècle . G’b§t (rlfïjp biitnble demeure, que $$1 n§ distipgiië de jg plus simple dps nôtres, qp’il appelait ga cpêj-p solitude, et oïl se dérobant à sà célébHtg et à toutes les jouissqndes de î’ûiUQÛr-prbtire, Il tlflr mqpdaità ses semblables, pour uniqup pris ap SOU zélé, de lp iqiSsèr riipurir en paix ; c’est ap cette pumble demeure que ce vengeur indomptable des droits dë l’hpmmè asseryi, ce lier ehr nemi des errëurg et des préjugés dopt ü s’in»- digqait de lp Voir |a victime, ce mge qui be respirait que doücepr, qu’humanité, qu’amoùi’ de l’ordre e| que bien pi}bliG, fût arra<:|ië; saps êgàfà wÿï ww ifidïgÇftëe, sçins pitfy p0ùr ses in-firrnitfo par ue arrês inique que l’esprii mi'ito-lérancë et d àristocr-4(e avajl dicté. ($£è}afpà* H01 1§ 4 4rpUÇ J applmd}ssemep,ts à gâuçhe.) Q’est de Cet asilë, objet de ses regrets,, "que , dans iq desgein d%bappey à l'oppression de §eg pèreéciR teurs, il fut contraint de fuir ; et pourquoi1?... Pour avoir décpiré, d’Une main ferme et courageuse, le yoile épais qui cachait au geüre humain la lumière 5 pour avoir démontré au despotisme le commencement et lé progrès de ses usurpations, et lui ën avoir prédit lç terme; pour avoir appris au peuple à briser des fers odieux, et à reprendre sa liberté primitive ; pour avoir défendu la cause de rÉtre suprême, désarmé |e fanatisme, confondu l’impiété, et rendu à la divinité je plus pur, lé plus bel Hommage qyi soit jamais sorti de la bouche d’un morte!, (4p-plaùâtiseirtfnts,) La mémoire de J.rj, Rousseau nous eBt chère» Messieurs, à plus d’un titre, et comme hommes libres, et comme citoyens français, et comme am>s Sélés d’unë Constitution dont ü unqs avait préparés à ressentir les bienfaits, et comme ha*- bilan ts d’un lieu qu’il a honoré par son séjour. Que de motifs puissants, Messieurs, pour jus-* tifier l'empressement que mettent aujourd’hui les citoyens de la villê et du canton de Montmorency à venir yous demander de décréter que L-J. Rousseau est digne des honneurs réservés aux. grands hommes; et qüë ses cendres Seront transférées au Panthéon français! Il est super.- flu, sans doute, de s’étendre sur l’importance de ses services envers l’humanité; vous y ayez déjà rendu un hommage solennel en décrétant, il y a 8 mois, qu’il lui serait érigé une statue ; radis alors vous n’aviez point consacré de temple au génie et à la vertu. Qeytes, l'auteur du Centrât social a bien droit d’y pçcuper ude plqqe! et il appartient aux fon-âatepfs de la liberté française idc la liii déférer, dfip, fl u’ësf pept-ètré pas indifférant, qiôfnf pour la gloire des homme? qui but-utijernept servi Ja patrie, que pqür J’epcouragement de3 citoyeps de rgtnpire, d’qccuner frfquepjuient leiifs yeux du spectacle dés triornpheg qui sont défiëniés àuv défenseur? du peuple, qt gurtoul à ceux dont les vertueux efforts ont été payés, pendant la yip, de perséçutious et d’injbrtühes. Nous he nous sommes ppint dissimulé, Mëg� sieurs, l’objection qu’on pourrait présëqter contrp l�Xé'Utipp du décret, que nPUS solljcitqps eu faveur dq l’illustre écriyain dont nous vous çp-tretenons : ne serait-cè pas, dira-t-on, manquer aq respect dû à sqs volontés dernières? 1} à voulu êlrp é i.seyéii, après sa mort, au mifieq oës Champs dont il préféra, pendant §a vie, le séjour solitaire à celui dés cités; l’homme de la pâture doit reposer dans ses bras ; qn se plaît encore à le voir, lpré ipêfjie qu’il ip’ést plus que cepdres, eptppré des i (pages de simplicité qu’bb suit Jjdi aÿplr été chêr1 .s, qt qtii rappellent lès principes dè modération et lè gpût de§ rqceqrà pniri§rcalëS qu’il s’efforça d�nspirei* â ses cpütëmpbraïns, Rn süppQsapt, Messieu�qUe ë' sèonsidôfafions vous touchassent, il ni?us resterait du moins à voqs demander, avec toute la franco, eu’èn laissant les reste! de J.-J. Rousseîm au lie!} of} ils rfer posent, vous 1 qi fassiez élèver un cénotaphe dqpà l’édîticé consacré à la sépulture des graqjl? hommes, afin qu’on n’y cherche point Vaipi mëip sa plu de Jdrsque topt runiyefs s’attendrait à l’V trpuVer; Législateur? de |a pation française, et qûi allé? devenir bientôt les modèles des instituteur! aè l’espèce humaine affranchie, hOnorek digpemepj: les sages çfu| ÿous dût précédés, et ypns ont oür vert la carrière qne vous avez parcourue avec pp si noble cpMrage, avec nu si admirable succèsf Ne dédaigne? point de faire hommà�e a leurs cendrçs des lapPiers dont la patrie reëqpnaissbnfë s’apnrê'e à toné Çëindre le front; le temps les respectera ; ils ne se HétrirQht point, Offrez de! récompenses glorieusës aux talents, au génie� aux bonnes moeurs, à la vertu : écartez ijè ceux qui donrmbt de grands éXeUiphs, les outrage�, l'ingratitude et l’publi ; montrez gotivent au pém pie ses bienfmteu'S, c’est lui apprendre à chétif éternellement votre mémoire. (Apvlau4issçmeni§<) ( Gettë pétition est sighéjg de MM, P.-jL Leptes-tre, juge dd tribunal ; Goussé; Roziër jeiine; Piefre Biizillë ; phojre ; Guenét; Ricard; Leg-quillief ; Làfftlë ; Michel ; Layrhêries ; Çarÿé, jfd-curepr la commune ; J. RéziHe, maire; P, -J, Legrand ; Làfôrge aj'*é ; Qouet le jeûné ; Glp T911 1 Vilain; J. Leblpn ; $émêbs ; Levasseur ; Relarüë ; Àfjpién Laurent ; Nicpliis §iqnnület: Pjerfé-Niqq-lâg Laurent ; H.-J-Plat; Quin; l�j.-j. Lâportèj juge dê Rai*-: RozLt, commi�àlreduroi; Ruhar. met; Rridanlt; bèl’oÿ; piurûs.) Përmëitel qü� nous vpuq présentions lès dëu§ Vieillards vénérables qu} ont y-épujopgtem ps avng J.-L Rousseau, àVee îëSqupU qe phjiosopbë ne dédaignait pas dé s’entretenir sauvent, et dans |a conyefsation dêsque s R admiNt lé hpn sens, là nature, et surtout Ja vérité. Yoict le Ron pèfe BcfsUé, et voici le bon Mtmt dont \\ parle que U qiiefois dans Je cours gë?eq ôqvrggesi {Appldmm-smmtl) M, le Président répond aux depx députations ; Messieurs, L'Assemblée nationale* èn dêtruiqânt tops le» titres de l’onaueil, n a U°uné qü’up plu? grand éclat ans vépitahles titres de gloire ; elle a voulu que les talents, là vertu, le génie fussent désormais les uniques sources de dlstinctiqu entrq leq citoyens d’qu même Empire, Gâtait mettre au premier rang celui qiif les rassemble toutes, c’était mettre L-J. Rousgëau à une place où }| ne peut avoir de supérieurs. Rn lu; décernant une statue, elle n’a pojnt pré" tendu-pog'-r le! bornes de la reconnaissance nationale. Touiq la glyire *de Rousseau est dans seg écrits, ét l’on ne peut y ajouter par auouqg honneurs, par aucune popaPé triomphale» mat� cette pompe, mais ces honneurs rendus acquittent [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [27 août 1791.] 759 la nation, et lui donnent de grands exemples. L.es français sentent tous les jours davantage ce qu’ils doivent à celui qui, dans son Contrat social, réduisit à sa juste valeur le prétendu droit du plus fort, rendit aux hommes l’égalité des droits, aux peuples leur souveraineté usurpée; celui qui, dans tous ses ouvrages, apprit non seulement à être vertueux, mais à aimer la vertu ; non seulement à secouer les chaînes du despotisme et de la superstition, mais aussi celles du vice; celui qui, nous rappelant sans cesse aux sentiments naturels, nous préparait si puissamment au sentiment de la liberté, le premier et le plus impérieux de tous. L’Assemblée nationale constituante, en remettant, comme elle l’a fait expressément, aux pères de famille, aux épouses et aux mères le dépôt de -la Constitution, a suffisamment exprimé ses dispositions en faveur de celui de tous les écrivains qui a redonné à ces titres sacrés, mais trop souvent mis en oubli, le plus de douceur et de force. L’Assemblée nationale voit avec satisfaction le vœu qui lui est présenté par une réunion de citoyens aussi dignes, parleurs talents que parleurs vertus civiques, d’être les organes de la reconnaissance publique envers j.-J. Rousseau ; ( lie prendra votre demande en considération, et vous invite à assister à sa séance. ( Applaudissements .) (L’Assemblée ordonne l’impression du discours des députations et de la réponse du Président.) M. d’Eymar. Il y a plus de 8 mois, Messieurs, que vous avez ordonné par un décret, d’après la motion que j’en ai faite à l’Assemblée, qu’il serait élevé, au nom de la nation française, une statue à l’auteur d’Émile et du Contrat social. Comment est-il arrivé que ce décret rendu d’une voix unanime, et il doit m’être permis de le dire pour l’honneur de Rousseau, ce décret a obtenu des applaudissements universels; comment, dis-je, votre décret est-dl resté jusqu’aujourd’hui sans exécution ? Vojlà ce que vous demandent avec inquiétude, et peutrêlre aussi avec un peu d'impatience, les nombreux admirateurs de Rousseau, qui sont aussi les plus vrais amis de la Constitution, les plus zélés défenseurs de la liberté. Pourquoi, disent-ils-, le nom du modeste Rousseau reste-t-il sans honneurs,, tandis que l’Assemblép nationale, organe et interprète des sentiments d’admiration et de reconnaissance de la patrie, s’est empressée de déclarer dignes de recevoir les honneurs décernés aux grands hommes et de faire porter en triomphé au Panthéon français les cendres de Voltaire et de MR rabeau? Quoique l’Assemblée nationale ne puisse être accusée d’indifférence pour l’auteur immortel du Contrat social , elle se doit peut-être à elle-même de répondre à cette question; et c’est ce que je vais faire en très peu de mots. Peu de jours après votre décret du 21 décembre, quelques jeunes artistes vinrent se présenter à la barre de l’Assemblée pour demander que la statue de Rousseau fût mise au concours. L’Assemblée ordonna que cette pétition serait renvoyée à son comité des pensions. En conséquence, le comité s’est adressé à l’Académie de sculpture pour qu’elle eût à lui proposer un mode de concours. Moi-même, autorisé par le comité, je me suis transporté plusieurs fois chez différents artistes; toutes ces démarches ont été inutiles. L’organisation actuelle de l’AcaRémie, son administration concentrée dans un petit nombre d’individus s’est toujours opposée à ce que l’on pût obtenir un résultat satisfaisant, fit même à ce que tous les artistes intéressés puissent prendre part à cette délibération ; le comité lui-même, malgré le zèle des membres qui le composent, n’a pu vous proposer un mode de concours* parée qu'il aurait craint de préjuger ce que vous aurfiz à décider sur l’objet très important des concours, lorsqu’il s’agira de donner une organisation nouvelle aux académies. D’ailleurs, un concours ordonné par l’Assemblée nationale aurait jeté la nation dans une dépense considérable, parce qu’il eût fallu donner des dédommagements aux artistes dont les modèles n’auraient pas été préférés; Toutes ces . raisons réunies empêchent que votre comité ne puisse vous faire un rapport, et c’est aujourd’hui, de l’aveu même des membres du comité, que j’ai cru devoir en prévenir, que je porte directement devant vous cette même affaire. Voilà où en sont les choses, dans le moment où un grand nombre de citoyens de toutes lés classes viennent vous demander l’exécution de votre décret; Vous venez d’entendrè lès habitants de Montmorency; ils conservent un tendre et respectueux souvenir de Rousseau, ainsi que des exemples de vertu qu’il leur a donnés lorsque, fuyant le bruit et la corruption de Paris, il méditait, il composait au milieu d’eux ses sublimes ouvrages : les électeurs de Paris, ils furent les premiers défenseurs de la liberté dans un temps de péril et d’alarme. A ce titre, ils honorent et chérissent la mémoire de celui qui fut la victime du despotisme* parce qu’il avait été l’apôtre de la liberté et le précurseur de la Révolution : les gens de lettres, tous honorablement distingués par leurs talents, ils ont connu, ils ont aimé Rousseau, ils ont dignement parlé de lui dans leurs ouvrages, ils viennent expier le crime de ceux. qui l’ont calomnié pendant sa vie, qui l’ont poursuivi jusque dans son tombeau; ils vengent aujourd’hui la mémoire d’un grand homme des persécutions de l’envie et de la médiocrité. Tous ces citoyens ne sont que les interprètes d’un væü qui vous parviendrait de toutes les parties de l’Empire, si elles étaient à portée de se faire entendre dans ce moment. Sans doute, il s’est acquis une assez gràndè gloire, celui qui nous a tracé, avec une si profonde connaissance du cœur humain, ce beaq plan d’éducation qui deviendra de jour en jour d’une application plus certaine et plus facile* d’après les changements que va nécessairement opérer, dans les hommes et dans les choses, la grande commotion que nous venons d’éprouver; celui qui dans les ouvrages politiques, et surtout dans le Contrat social, a réclaméavec tant d’énergie les droits des nations ; qui a établi avec tant de de force la souveraineté imprescriptible et. inaliénable des peuples, qui a posé les principes immuables et éternels qui sont les fondements de cette Constitution contré laquelle viendront se briser les vains efforts de touseetix qui auraient pu former le projet insensé de la renverser ; celui enfin dont l’autorité, si souvent invoquée dans cette tribune, balançait aujourd’hui même vos suffrages, lorsqu’il s’agissait de prononcer sur une loi à laquelle ou opposait que si elle était portée, J. -J. Rousseau se trouverait exclu du Corps législatif. Cet bomme, dis-je s’est couvert d’une * gloire immortelle à laquelle il est difficile de rien ajouter; mais il faut que cette gloire Soit encore utile à la nation. Tandis que vous anéantissez sans retour des distinctions accordées pat* ta faveur et si souvent mendiées par la bassesse,